Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Novembre 2013

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Chronologie de la controverse sur

l'Appel de la Race

 

Claude Bélanger

 

 

 

Date

Description de l'événement

 

 

1910

Fondation de l'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (ACFEO).

 

 

1911

Le recensement de l'année dévoile que les Franco-Ontariens forment près de 10 % de la population de la province.

 

 

7 mars 1912

Le Report on the Condition of the English-French Schools in the Province of Ontario par W. W. Merchant est rendu public. Selon le rapport, les écoles bilingues de l'Ontario ne seraient pas  « efficaces ».

 

 

25 juin 1912

Publication par le gouvernement conservateur ontarien  du Règlement XVII qui limite l'utilisation du français comme langue d'enseignement dans les écoles de la province aux deux premières années de l'école primaire. Avec l'appui des Québécois, les Franco-Ontariens s'opposeront vigoureusement à ce règlement.

 

 

Juillet 1912

La Commission des écoles séparées d'Ottawa – en majorité constituée de francophones catholiques et présidée par Samuel Genest – refuse d'appliquer le règlement. Elle sera suivie par une cinquantaine d'autres commissions scolaires de la zone française de l'Ontario. Les héros de la résistance franco-ontarienne seront les sénateurs Philippe Landry et Napoléon-L. Belcourt, Samuel Genest et le père Charles Charlebois, O.M.I qui dirigea Le Droit à partir de 1913. Soulignons aussi le rôle des institutrices Jeanne Lavoie, Diane et Béatrice Desloges.

 

 

1914-1917

Les tribunaux sont saisis de la question des écoles ontariennes. On fera également appel au Pape.

 

 

1914 à 1918

Période de la Première Guerre mondiale. Cette question domine les discussions au Canada. Néanmoins, elle est complètement absente du roman de l'Appel de la Race dont la chronologie chevauche pourtant une partie de la période de la Grande Guerre.

 

 

1915

Lionel Groulx est nommé professeur d'histoire à l'Université Laval de Montréal. Il donne chaque année des conférences publiques qui seront ensuite réunies en brochures ou livres. C'est ainsi que paraîtront Nos luttes constitutionnelles (Volume 1, Volume 2, Volume 3, Volume 4, Volume 5) (1915), La Confédération canadienne : ses origines (1917-18), La naissance d'une race (1919), Lendemains de conquête (1919-20), Vers l'émancipation (1920-21). Durant cette période, Groulx s'est imposé comme le chef de file des historiens nationalistes du Québec. On le contraste ouvertement à Thomas Chapais qui avait déjà publié deux biographies substantielles (Jean Talon en 1904 et Le Marquis de Montcalm en 1911) et qui donne, à partir de 1919, des Cours d'histoire du Canada à l'Université Laval de Québec. Ces Cours seront publiés en huit volumes entre 1919 et 1934. Thomas Chapais sera actif pour défendre la cause de la minorité franco-ontarienne.

 

 

Début  de 1916

Les sénateurs Belcourt et Landry, ainsi que Samuel Genest, réclament que le gouvernement fédéral désavoue le Règlement XVII qui avait reçu une forme législative l'année précédente. Du Québec, une pétition contenant un million de signatures fut soumise en appui au désaveu. Cette mesure était aussi appuyée par 21 évêques de la province.

 

 

9 mai 1916

Ernest Lapointe introduit à la Chambre des Communes la motion suivante : « ... Que cette chambre, principalement en ce temps de sacrifices et d'anxiété universelle, alors que toutes les énergies devraient être concentrées vers la victoire, tout en reconnaissant le principe des droits provinciaux et la nécessité de faire donner à chaque enfant une connaissance complète de la langue anglaise, suggère respectueusement à l'Assemblée législative de la province d'Ontario qu'il serait sage de laisser aux enfants de langue française le privilège de recevoir l'instruction dans leur langue maternelle. »

 

Dans son discours pour appuyer sa motion, Ernest Lapointe – le futur bras droit de Mackenzie King – déclare : « Mon plus grand désir est que cette résolution et cette discussion, au lieu de diviser plus profondément les deux races de ce pays, les rapprochent davantage et cimentent leur union pour la défense de la liberté, basée sur la loi. Je demande à mes compatriotes de proclamer avec Gladstone l'égalité du faible et du fort. Nous devons tenter d'imprégner l'esprit public canadien de sentiments élevés et généreux; nous devons protéger les droits de tous les citoyens, et par-dessus tout, ériger sur cette terre canadienne un mur solide contre les coups de la violence et des préjugés. Pour arriver à ce but, nous devons demander à nos concitoyens de faire des concessions, de respecter les opinions d'autrui. Et j'espère que, de cette façon, nous réussirons à créer l'harmonie si nécessaire au bien-être de la nation et des individus qui la composent. »

 

 

 

 

11 mai 1916

Mise au vote à la Chambre des Communes, la Motion Lapointe est défaite par 107 voix contre 60. Laurier a eu du mal à rallier les anglophones de son parti – même au prix de sa menace de démissionner de son poste de leader du Parti libéral du Canada – et fut abandonné par ses députés de l'Ouest canadien. Par ailleurs, huit conservateurs canadiens-français ont appuyé la Motion Lapointe et rejeté la ligne de parti établie par Robert Borden, Premier Ministre du Canada.

 

C'est la Motion Lapointe qui est au coeur  du drame de l'Appel de la Race. Jules de Lantagnac l'appuiera-t-elle de sa parole et de son vote au prix d'une rupture avec sa femme et du déchirement de sa famille ?

 

 

 

Janvier 1917

Fondation de l'Action française par la Ligue des droits du français. Elle utilise des moyens variés pour faire de la propagande et propager sa « doctrine »; par sa revue, son almanach, sa librairie, sa maison d'édition, ses pèlerinages, ses conférences, ses épinglettes, etc. la Ligue et l'Action française s'imposent rapidement comme les points de ralliement des nationalistes canadiens-français.

 

 

1920

Lionel Groulx devient le directeur de l'Action française.

 

 

15 décembre 1920

Gustave Lanctôt publie un compte-rendu très négatif des Lendemains de conquête de Lionel Groulx dans la Revue moderne. Selon Lanctôt, Groulx montre beaucoup de partialité dans ce livre et s'y révèle piètre historien. Lors de la controverse sur l'Appel de la Race, René du Roure y fera allusion, alléguant que l'Appel n'est pas le premier « roman » de Groulx.

 

 

Été 1921

Au cours de ses vacances, Groulx entreprend la rédaction de l'Appel de la Race. Originellement, le livre devait s'intituler Le Coin de fer. Selon l'auteur, la rédaction du livre répondait à « un besoin d'évasion ». Mais il ne fait nul doute que, sous le couvert d'un roman, Groulx fait de la propagande pour quelques-unes de ses idées les plus chères: le culte des ancêtres, l'importance de l'élite, les dangers de l'anglomanie et, surtout, des mariages mixtes et la fidélité à « la race ». Dans ses Mémoires, Groulx déclare : « Le roman s'attaque au mariage mixte selon la race. C'est analyser, stigmatiser l'un des pires travers de la bourgeoisie canadienne-française. »

 

 

Juillet 1922

Discutant la date de parution de l'Appel de la Race, Groulx écrit – sous le pseudonyme de Jacques Brassier – que ce « grand roman canadien » analysera « l'un des cas les plus dramatiques que posent beaucoup trop de foyers de chez nous ».

 

 

Août 1922

L'Action française annonce la parution du roman pour le début de septembre.

 

 

Début septembre 1922

Le roman de Groulx est mis en vente sous le pseudonyme d'Alonié de Lestres. Il s'agit du nom d'un des compagnons de Dollard. Selon Groulx, le livre a été publié sous un pseudonyme « pour ne pas compromettre [sa ] gravité d'historien ». Maurice Lémire souligne (Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, Vol II - 1900-1939, p. 52) que l'utilisation d'un pseudonyme donnait à Groulx « la possibilité d'exprimer le fond de sa pensée sans avoir à craindre les censeurs ». Notons que l'identité de l'auteur fut rapidement connue.

 

 

Septembre 1922

Jacques Brassier (Groulx) recommande dans l'Action française la lecture du roman, particulièrement aux francophones hors Québec, « à ceux qui ont besoin de se protéger contre le mariage mixte ».

 

 

Octobre 1922

Brassier (Groulx) annonce que la première édition du roman s'est envolée et qu'une deuxième, corrigée, paraîtra bientôt. Il souligne qu'on n'a « qu'à feuilleter les chroniques mondaines, pour se rendre compte que le mal dénoncé par Alonié de Lestres fait toujours ses ravages parmi nous. »

 

 

Novembre 1922

Le tirage aurait atteint 3,300 exemplaires. Groulx reçoit des échos favorables particulièrement des milieux minoritaires francophones.

 

 

Septembre à fin novembre 1922

Les critiques de l'ouvrage qui paraissent durant cette période sont toutes favorables au roman. C'est le cas de l'analyse de Jean Bruchesi dans la Revue nationale et de Georges Simard dans l'Action française.

 

 

Mi-décembre 1922

René du Roure lance la controverse en faisant une critique très dure du roman dans la Revue moderne dirigée par Madeleine.

 

 

16 décembre 1922

Dans l'Événement de Québec, Arthur D'Amours, sous le pseudonyme d'Henri de Beaupré accuse l'auteur de l'Appel de la race d'aviver les querelles de race au Canada. Pour lui, le roman est invraisemblable. Il s'en prend à plusieurs autres aspects du livre.

 

 

Décembre 1922

Dans le Canada français, Camille Roy, seul critique littéraire attitré du Québec de l'époque, après quelques louanges, critique en termes posés certains aspects du roman : le rôle des collèges classiques, la responsabilité de Lantagnac dans la rupture du mariage, le « volontaire direct », etc.

 

 

21 décembre 1922

Dans le Devoir, Léo-Paul Desrosiers se porte à la défense de Groulx attaqué par du Roure.

 

 

26 décembre 1922

Dans le Devoir, Jean Bruchesi fait une critique très dure de l'article de Du Roure. Il l'accuse de n'avoir pas compris le roman.

 

 

Fin (?) décembre 1922

Dans l'Action française, Jacques Brassier (Groulx) souligne que « L'Appel de la Race dérange trop d'opinions et trop d'habitudes rentières pour que certaine critique ne réagisse pas avec violence. »

 

 

6 janvier 1923

Sous le pseudonyme de Valdombre, Claude-Henri Grignon fait une critique défavorable au roman dans le Matin.

 

 

Mi-janvier 1923

Louvigny de Montigny se porte à la défense de du Roure dans la Revue moderne. Selon lui, l'Appel de la Race est un mauvais livre.

 

 

23 janvier 1923

Ferdinand Bélanger défend Groulx dans l'Action catholique et s'acharne sur Louvigny de Montigny.

 

 

27 janvier 1923

Dans le Devoir, Antonio Perrault accuse du Roure et de Montigny « de malveillance » et « de méchanceté ». Les deux n'ont que de la haine pour l'abbé Groulx selon Perrault.

 

 

Fin janvier 1923

Dans l'Action française, Jacques Brassier (Groulx) discute brièvement des arguments des critiques, en particulier ceux de Roy et de du Roure.

 

 

1 février 1923

Albert Lévesque publie dans le Quartier latin le premier de ses deux articles (la suite est publiée le 8 février) sur le roman. Il est le premier à s'en prendre à la critique de Camille Roy. Le ton est ici généralement respectueux.

 

 

Mi-février 1923

Dans la Revue moderne, Madeleine, directrice de la revue, accuse Antonio Perrault de n'avoir qu'injurié et invectivé les critiques qui ont publié dans la Revue moderne. Elle s'insurge particulièrement contre la qualification « d'importé » que Perrault a attaché à du Roure. Dans le même numéro, un lecteur, sous le pseudonyme de Monsieur X, attaque l'utilisation que fait Groulx des théories du Docteur Le Bon sur le « désordre mental » qui résulterait des mélanges de races. Sur ce point, il trouve dans le roman des contradictions.

 

 

15 février 1923

Olivar Asselin, dans une conférence faite à la salle Saint-Sulpice de Montréal, sous les auspices du Cercle d'Action française des étudiants de l'Université de Montréal, se lance dans la mêlée. Avec son talent, sa verve et son mordant habituels, il examine L'oeuvre de l'abbé Groulx, et pourfend ses critiques, particulièrement ceux qui s'en sont pris à l'Appel de la Race – avant tout roman de propagande selon Asselin – , dont du Roure, de Montigny, et Mgr Roy; mais, étrangement, il ignore Valdombre – « ce garçon de génie » – qui « s'attrapera lui-même un jour ou l'autre ».

 

Asselin voit l'essence du livre dans la « grande crise morale » de Lantagnac, pris entre son devoir de père et de mari d'une part, et celui dû à sa race d'autre part. 

 

Le texte de la conférence d'Asselin sera rapidement publié par l'Action française en 1923.

 

 

24 février 1923

Dans un article publié par l'Action catholique, René Chaloult se réjouit des « coups bien assénés et décisifs portés aux détracteurs  » du roman de Groulx et encourage les membres de l'A.C.J.C. à répandre le livre.

 

 

Fin février 1923

Rodrigue Villeneuve – le futur cardinal et l'ami de Groulx – défend la théologie du Père Fabien contre celle de Camille Roy dans un article important de l'Action française. Dans le même numéro de la revue, Groulx ridiculise les critiques de la « Revue anémique » de Montréal. Il discute longuement de l'éducation nationale que la génération de Lantagnac aurait reçue dans les collèges classiques des années 1880-1890. Il utilise des textes de Camille Roy pour démontrer qu'il a raison contre le critique de Québec.

 

 

Mi-mars 1923

Dans la Revue moderne, Henriette Tassé, avec moult exemples, démolit les thèses du Docteur Le Bon.

 

 

Fin mars 1923

Retour de Groulx, dans l'Action française, sur la question de l'éducation patriotique que la génération de Lantagnac n'aurait pas reçue dans les collèges classiques de la période de 1880 à 1890.

 

 

Avril 1923

Camille Roy revient à la charge de manière forte et posée dans un article publié par Canada français. Il ne retire rien des commentaires qu'il a faits, sous divers aspects, du roman de Groulx dans son article du mois de décembre. Il rappelle qu'il cherche à être sincère et bienveillant dans ses critiques. Cependant, il réitère que Groulx, en blâmant l'éducation patriotique reçue par Lantagnac, a exagéré de façon inacceptable et qu'il s'est montré « plus violent que soucieux d'exactitude ». Il rejette la démonstration de Groulx; elle est indigne d'un historien sérieux. Selon Roy, le débat que Groulx lui fait est sorti de son imagination et ne correspond pas à la position qu'il a prise dans son article de décembre. Surtout, il lui reproche de projeter les préoccupations présentes dans le passé et d'enfreindre « un principe élémentaire de critique historique ».

 

Le même numéro de Canada français contenait aussi un article de l'abbé Maheux. Une partie de l'argumentation de Mgr Roy était basée sur la recherche de Maheux. Sa conclusion est claire : les maîtres du passé «ont bien mérité de la Patrie ».

 

 

Fin avril 1923

Dans l'Action française, Brassier (Groulx) cite des commentaires élogieux que l'auteur de l'Appel de la Race a reçus.

 

 

Fin mai 1923

Sous le titre « Un dernier mot », Brassier (Groulx) ferme la controverse avec Camille Roy. Il soutient que Roy a déplacé la question, que Groulx n'a pas pointé vers les maîtres pour expliquer la situation et que ce sont les politiciens qui sont responsables du lamentable état de choses dans laquelle se trouve la génération de Lantagnac. Groulx demande à Roy comment « un critique de sa qualité » peut se permettre « de lire aussi distraitement.»

   
1924 Parution d'un compte rendu du roman en langue anglaise, dans le Canadian Forum. L'auteur ne semble être renseigné ni sur la controverse, ni sur l'identité de l'auteur de l'Appel de la Race.

 

 

1926

À tête reposée, puisque la controverse est maintenant chose du passé, Jean-Charles Harvey examine le roman. Il trouve qu'il manque franchement d'humanité. Il se porte à la défense de l'épouse de Lantagnac et accable ce dernier. En somme, il trouve le roman invraisemblable et inhumain.

   
1927 Le règlement XVII est aboli.

 

 

1943

Le roman de Groulx en est à sa quatrième édition. Près de 20,000 copies  auraient été vendues. C'est sans nul doute l'un des grands succès littéraires québécois de l'époque.

 

 

1956

Réédition du roman par Fides dans la prestigieuse collection du Nénuphar. C'est la première édition qui est publiée sous le nom de Groulx. L'édition contient une longue introduction par Bruno Lafleur qui discute de la valeur du roman et de la querelle qu'il a soulevée.

 

De façon générale, la critique des années cinquante est plutôt favorable au roman de Groulx, bien qu'il est évident qu'on est loin des panégyriques du passé. Voir les critiques d'Élie Goulet et de Jean Blain.

 

 

3 mars 1956

Dans un article du Devoir, Pierre de Granpré apporte des nuances qui rejoignent, d'une certaine façon, la critique de Harvey. Il soutient qu' « au moment où le nationalisme est pris à partie par les jeunes intellectuels justement à cause de son caractère trop abstrait, de son irréalisme, de sa méconnaissance de l'humain et du concret, ce roman leur est jeté en pâture comme un symbole propre à confirmer tous leurs griefs. ».

 

 

1986

Traduction du roman de Groulx en langue anglaise, sous le titre The Iron Wedge. L'édition contient une longue introduction par Michel Gaulin.

 

 

1968 à 2003

Plus d'une douzaine d'études savantes sont faites sur le roman de Groulx et sur la controverse qu'il a soulevée.

 

 

 

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