Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Décembre 2004

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Jacques Cartier

Troisième voyage au Canada

 

 

[Ce texte a été rédigé par Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.; il fut publié dans son Dictionnaire en 1931. Pour la citation exacte, voir la fin du texte. Pour une courte biographie du Père Le Jeune et une discussion de la valeur de son Dictionnaire, voir ce texte.]

 

V. Troisième voyage (mai 1541-fin août 1542). - Le 10 mai 1537, le roi chevalier enthousiasmé faisait don à Cartier de son vaisseau royal la Grande Hermine. Le 22 septembre 1538, il donne ordre de lui verser 50 écus pour l'entretien des Sauvages amenés à Saint-Malo. A Roberval et à Cartier, il fait remettre par le Trésor (17 octobre 1540) une subvention de 45,000 livres : le second devenait aussi propriétaire de l'Emerillon. Avant de prendre la mer, Cartier rédige son testament en faveur de son épouse.

 

Cartier d'un côté, le sieur de Roberval de l'autre, organisent les préparatifs. Le premier en bon connaisseur charge ses deux bâtiments pour deux ans de vivres et de munitions, ainsi que le Saint-Briac, le Georges et un galion : les maîtres sont encore une fois ses deux beaux-frères, Macé Jalobert et Guyon des Granches, sieur de Beaupré, et son neveu Etienne Noël. Il fait embarquer 120 marins, 40 arquebusiers, 30 charpentiers de marine, 10 maîtres maçons, 12 couvreurs, un couple de maréchaux, serruriers, forgerons, barbiers, apothicaires, médecins, lapidaires, chaussetiers, cordiers, des vignerons et des laboureurs : en tout 376 hommes (V. La Roncière, t. IV). Seul il se trouvait prêt à faire voile, quand vint un ordre de la Cour, mandant de partir incontinent, à peine d'encourir le mécontentement du roi. M. de Roberval passe en revue les équipages, gentilshommes, soldats, matelots et laisse prendre à Cartier les devants, le 23 mai 1541.

 

Le Récit du voyage a été conservé dans le troisième volume des oeuvres de Richard Hackluyt qui le publia en 1600, en anglais : la traduction française a paru à Québec, en 1843, dans Voy. et Découv. au Canada par la Société littéraire et historique.

 

La traversée, en raison de la saison avancée, est si orageuse que, en trois mois, il n'y eut que 30 heures de bon vent; les cinq vaisseaux se perdent de vue, excepté deux, celui de Cartier et de maître Guyon : le ralliement se fit, en un mois, à Carpont (Terre-Neuve). Faute d'eau à bord, il fallut dans le trajet abreuver de cidre chèvres et porcs. - Août : le 23, à Sainte-Croix de Canada : affluence des Sauvages qui manifestent leur allégresse, surtout le chef Agona; on l'informe de la mort de Donnacona - et non des autres, la fillette étant seule survivante - sans qu'il eut l'air de s'en montrer fâché, puisqu'il lui succédait; le chef dépose sa couronne en cuir jaune sur la tête de Cartier et lui met aux bras ses amulettes : mais le capitaine lui restaura aussitôt son diadème avec force présents, à lui et à son entourage, les faisant aussi boire et manger; le 24, Cartier remonta le fleuve de 4 lieues jusqu'à une rivière (Cap-Rouge), site qui lui parut plus commode : il y fait décharger les navires (26 août-2 septembre). - Septembre : le 2, il renvoie en France Macé Jalobert et Etienne Noël, bons pilotes, avec des lettres au roi le pressant de faire partir le sieur de Roberval, si la tempête l'avait contraint de rentrer au port. Description du site, de la petite rivière, des terres avoisinantes, des arbres de la forêt, des arbrisseaux à fruits; essais de semailles et succès complet; hauteurs environnantes. Construction de deux forts, l'un en bas et l'autre en haut du cap; travail de 20 hommes à la culture du sol pour avoir des navets et des panais. Carrière de pierres au sommet avec une source et des diamants, croit-on; mine de fer excellent, montrant certaines feuilles d'or (pyrite de fer), épaisses comme l'ongle; le 7, l'habitation étant commencée, le capitaine fait équiper deux barques pour se rendre à Hochelaga, accompagné de Martin de Paimpont, de gentilshommes et de matelots, laissant le commandement de Charlesbourg-Royal au vicomte de Beaupré.

 

Le capitaine visite en route le chef d'Achelay (Portneuf), père de la fillette emmenée en France : il lui confie deux adolescents français pour apprendre la langue sauvage : ce qui explique le vocabulaire de mots recueillis par Cartier; puis il le comble de présents; le 11, on arrive à un saut (rapides de Sainte-Marie), non loin du village de Tutonagny ; et continuant avec une barque, on vient à un autre infranchissable (rapides de Lachine) : on le franchit par terre. Non loin de là, on rencontre une bourgade, où l'on reçut un accueil amical; on nous fit accompagner de quatre guides vers d'autres sauts dans la direction du Saguenay : ce troisième saut (Carillon ou Long-Saut) était suivi d'autres en amont. Là, à l'aide de bâtonnets formant figure, les guides les indiquent à distance. On résolut alors de retourner sur ses pas vers les barques, où étaient accourus environ 400 personnes, auxquelles on accorde de menus présents. Redescendant le cours du fleuve, il s'arrête à Achelay, dont le chef était absent depuis deux jours, étant allé en visite à Stadaconé voir Agona, sans doute pour comploter contre nous. Arrivé au fort Charlesbourg-Royal, nous connûmes par nos gens que les Sauvages n'y venaient plus comme auparavant, nous soupçonnant et nous redoutant beaucoup. Notre capitaine apprit de quelques-uns des nôtres que, lors de leur récente excursion à Stadaconé, un grand nombre de peuples y était assemblé : ce qui le décide à mettre le fort en bon ordre... - Le récit se termine brusquement.

 

Vers la fin de mai 1542, Cartier mit à la voile et aborda au havre Saint-Jean de Terre-Neuve. Il y rencontrait M. de Roberval qui fit éprouver la poussière d'or de Cartier : le résultat fut en sa faveur. Aussitôt, impatient de mander au roi sa trouvaille, le Malouin lève secrètement l'ancre, durant la nuit, et abordait à Saint-Malo, au mois d'août ou au commencement de septembre.

 

Le résultat de l'expédition était que le capitaine avait agrandi le cercle de ses reconnaissances. Mais son or, éprouvé en France, se changea en cuivre et les diamants n'étaient que du schiste riche en mica : « Faux comme l'or et le diamant du Canada  » devint un proverbe. Le Trésor et les actionnaires ne recueillirent aucune compensation directe. Nouvelles guerres avec l'Empereur : 1541-44; avec Henri VIII : 1545-47.

 

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[On pourra consulter l'excellente biographie de Jacques Cartier au site du Dictionnaire biographique du Canada pour compléter et mettre à jour la biographie du père Le Jeune. On trouvera aussi des informations pertinentes au site de l'Encyclopédie du Canada. Les lecteurs ayant une bonne connaissance de l'anglais pourront consulter la biographie rédigée par Narcisse-Eutrope Dionne au site de la Catholic Encyclopedia.]

Source  : LE JEUNE, L., « Jacques Cartier », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 319-320.

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College