Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Décembre 2004

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Les Acadiens

La déportation des Acadiens

 

[Ce texte a été rédigé par Louis-Marie Le Jeune, o.m.i.; il fut publié dans son Dictionnaire en 1931. Pour la citation exacte, voir la fin du texte. Pour une courte biographie du Père Le Jeune et une discussion de la valeur de son Dictionnaire, voir ce texte.]

5. Déportation . - Les exécuteurs de la dispersion avaient fait des simulacres de préparatifs pour la réception des exilés dans les Colonies: britanniques. Ils dirigent le plus grand nombre aux Colonies américaines. Un premier groupe est destiné au gouvernement de Massachusetts; six bâtiments abordent à Boston le 5 novembre 1755, pour s'abriter contre la furieuse tempête qui les a assaillis en sortant de la baie des Mines : le Three Friends, ayant à bord 160 personnes à destination de Philadelphie; le Dolphin, 227, pour le Maryland; l'Endeavaur [sic], 125, pour la Caroline; le Sarah, 151, pour la Virginie; une goélette, 209, pour la même province, et une corvette 225, pour le Maryland; total de 1,077 âmes. A Boston, chaque capitaine a la liberté de ne garder à son bord que deux têtes par tonne et de décharger au quai la différence; en 1763, le Massachusetts compte 1,043 expulsés; le Connecticut, 666; la Nouvelle-York, 249; le Maryland, 810; la Pennsylvanie, 383 : c'était le groupe du Centre. Celui du Sud en comprenait 185 en Géorgie et 280 en Caroline, 230 à Saint-Domingue : les uns et les autres finirent par arriver en Louisiane, sur la rive gauche du Mississipi, cédée à l'Angleterre en 1763; ils y furent accueillis en 1765 par M. Foucault et par M. Aubry. Pour toute fortune, ils portaient pour 47.000 livres de billets de carte du Canada; on les établit aux Apalanchas et aux Atakapas, au prix de 15.500 livres. De ces groupes réunis, formant environ 4,400 exilés, aux Colonies, environ 1,500 purent regagner l'Acadie, ou le Canada, ou la France.

Le personnage tragique d'Évangéline que Longfellow

a tant contribué à faire connaître et aimer.

(Texte du poème en anglais)

 

Le Canada reçut un fort contingent : les uns s'y rendant par le chemin de New-York-Albany, les autres par la voie du lac Champlain; ils y ont formé la paroisse de L'Acadie. D'autres vinrent en caravanes à travers les forêts et les rivières, jusqu'aux environs de Lévis, en 1756-58; par malheur, la vérole en tua presque 400. Des groupes se portèrent vers Nicolet, Bécancour, Saint-Jacques, Saint-Grégoire, les Trois-Rivières, Sainte-Angèle la plupart réduits à la misère.

 

Un nombre assez considérable réussit à gagner le littoral de la baie des Chaleurs et de la Gaspésie : aujourd'hui, le comté de Bonaventure est à peu près exclusivement peuplé de purs descendants des Acadiens. En 1763, environ 90 réfugiés s'établirent sur le cours de la rivière Saint-Jean (N: B.), tandis que d'autres remontaient ses tributaires dans les comtés de Témiscouata et de Kamouraska. Ainsi les villes de Québec, des Trois-Rivières, de Montréal, comptent encore les noms acadiens les plus respectables dans les rangs du clergé et même de l'épiscopat et parmi les hommes de professions libérales.

 

Un troisième contingent rejoint les compatriotes sur les îles, du golfe. Ni l'île Saint-Jean, ni l'Ile-Royale ne les purent sauver de l'exil : l'amiral Boscawen et John Rollo, assoiffés d'un riche butin, opérèrent sur ce théâtre d'odieuses proscriptions. Seuls les rochers de la Madeleine et de Saint-Pierre et Miquelon offraient un asile plus sûr. Un quatrième contingent est dirigé par eux en Angleterre (1758). Un bâtiment périt en mer avec toute sa cargaison humaine : 300 proscrits, excepté l'abbé Girard et quatre compagnons. Environ 96 sont échangés contre un égal nombre de matelots anglais détenus en France. Les transports en déposent 484 à Bristol, 224 à Liverpool, 159 à Peryn, 219 à Southampton; sur 1,500 déportés qui séjournent sept années dans ces ports, 866 languissent encore en 1762 et, avec eux, 92 marins français capturés en mer. Ils ne sont libérés qu'à la signature du traité de Paris, faisant partie du contingent interné en France. Cherbourg voit débarquer les Acadiens de Pobomcou et du cap Sable, au nombre de 70 à 75; Boulogne-sur-Mer, 179 venant de l'île Saint-Jean, et d'autres atterrissent à Granville, à Saint-Malo et à Morlaix, environ 77 familles; à Rochefort et à La Rochelle, un groupe de 700 à 800. En 1772, le marquis de Peyrusse d'Escars établit une centaine de familles dans les landes d'Archigny, où vivent aujourd'hui leurs descendants. Le ministre des Colonies en expédia à peu près 500 aux Antilles, à Saint-Domingue et à la Guyane, d'où on les ramena dans la suite. L'oeuvre néfaste visait l'extermination de cette vermine; la Providence réservait la race acadienne à une destinée plus glorieuse et plus féconde; en vertu de ses malheurs mêmes.

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Source  : LE JEUNE, L., « Les Acadiens », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 14-15.

 

 
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