Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Histoire de la Louisiane française

Chapitre VI

La Compagnie d'Occident

(1717-19)

 

Cette Compagnie était le couronnement naturel de la Banque de Law, qui multipliait le crédit en multipliant le numéraire : elle utilisait l'argent confié à la Banque par presque « tout le royaume ». Au mois d'août 1717, elle se voyait accorder, pour 25 ans, le monopole du commerce louisianais et de la traite du castor au Canada, la propriété des terres et des mines. Le pays des Illinois fut aussi incorporé à la colonie. Le capital était de 100 millions, divisés en 200,000 actions de 500 livres, payables en billets d'Etat; or, ceux-ci avaient alors perdu 75 % de leur valeur : ce qui ramenait le capital à 25 millions à peine. Cette somme était réduite à 4 millions, le Trésor convertissant les billets rentrés en rentes de 4 %. La Compagnie eut recours à une réclame effrénée pour remplir ses caisses. Elle rappela M. de l'Espinay (20 sept. 1717) nommant M. de Bienville au commandement général, lui donnant comme collaborateurs M. de Boisbriand, premier lieutenant de roi, M. de Châteauguay, second lieutenant. En avril 1718, le Conseil supérieur comprenait : le gouverneur, président, les deux précédents, les directeurs généraux Hubert et Larcebault, Le Gac, directeur de l'île Dauphine, des commis en chef de chaque comptoir.

 

A ce Conseil la Compagnie délégua tous ses pouvoirs, ainsi morcelés aux mains de l'autorité qui appelle l'unité de direction. Ce fut au détriment de la colonie et de ses mandataires. Bientôt commença en France et en Europe le recrutement le plus rapide par une campagne de presse. On fit les plus séduisantes promesses et l'on assura les avantages les plus captivants. Le financier Paris Duperney envoya le premier un groupe de personnes (1717). En mai 1718, partait de La Rochelle un convoi de 300 concessionnaires et engagés, parmi lesquels Bénard de La Harpe et Le Page du Pratz, premier historien de la colonie; en novembre, le vaisseau le Comte-de-Toulouse embarquait une centaine d'autres colons. Ainsi l'émigration libre resta infime et médiocre. Law et ses associés se virent contraints d'y suppléer par la déportation des condamnés, comme les troupes se recrutaient bien avec des déserteurs de la milice.

 

Le 10 novembre, une ordonnance royale prescrivit « une perquisition exacte » des vagabonds et des libertins et autres de même espèce. En janvier 1719, un nouvel arrêt autorise la justice à prononcer la peine de la relégation en Louisiane. Seuls les faux-sauniers et les contrebandiers valaient mieux que tous ces gens sans aveu. Peuplement rapide, mais dangereux. Cet afflux de colons amena la Compagnie, en avril 1718, à prescrire à l'ingénieur Perrier de forcer les passes du delta le Port-Dauphin avait eu la sienne obstruée par les sables (1717). Elle avait désigné, dès le 1er octobre 1717, des employés pour la Nouvelle-Orléans - du nom et en l'honneur du Régent - que Perrier devait établir « dans l'endroit le plus commode pour la communication avec la Mobile, soit par mer, soit par le lac Pontchartrain ». Elle ne se doutait pas que M. de Bienville était occupé à en jeter les assises, à l'entrée du bayou Saint-Jean, durant l'hiver de 1718, dans un endroit qu'il avait discerné à 30 lieues en amont de l'embouchure du fleuve, à la hauteur du lac Pontchartrain : 80 faux-sauniers s'y employaient avec une équipe de charpentiers. Au début, une baraque couverte de feuilles de latanier abritait M. de Bienville, et ainsi d'un directeur de la Compagnie, d'un garde-magasin, de deux commis, et de trois familles canadiennes, en 1719. En 1727, la ville dénombrait 3,000 âmes, avec une église, 2 casernes, des magasins.

 

Ainsi les concessions allaient se distribuer les rives du fleuve; celle des frères de La Houssaye se fixait aux Yazous, et celles des frères Delaire, Bénard de La Harpe et Bressard, comptant 150 engagés sur la Rivière-Rouge. En 1718, adjudicataire de la ferme des tabacs, la Compagnie projeta en Louisiane l'habitation propre à la culture intense de la précieuse plante; ayant absorbé la Compagnie du Sénégal, elle compta importer quantité de nègres pour la main-d'oeuvre. Mais ce vigoureux effort fut mal dirigé. Les colons durent débarquer à l'île Dauphine et se rendre sur les sables de Mobile, où il leur fallait camper : la Compagnie n'avait pas songé à envoyer des bateaux, ni à en faire construire, afin de les conduire sur leurs terrains : maladies, fièvres, manque d'aliments sains et de remèdes, tout contribua au découragement, au mécontentement, à la mort d'un grand nombre de personnes. Nul vaisseau ne vint dans l'hiver de 1718. Le 17 mars 1719, le Comte-de-Toulouse apporta des soldats et des engagés, mais peu de vivres et de marchandises. En avril, la Nouvelle-Orléans comptait quatre maisons. Au lieu de la culture, les habitants traitaient avec les sauvages : d'où leur pauvreté et leur misère. Et la guerre franco-espagnole éclata sur ces entrefaites. Un malheur inattendu résultait encore de l'inconcevable hostilité des agents de la Compagnie envers les nouveaux venus. Quand, en mai 1719, elle devint la Compagnie des Indes, les médiocres progrès obtenus menaçaient d'être compromis sans retour. Seul le pays des Illinois avait bien prospéré, grâce aux Jésuites missionnaires et à M. de Boisbriand.

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Source  : Louis LE JEUNE, "Histoire de la Louisiane française : la Compagnie d'Occident", dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada , Vol. 2, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 829p., pp. 182-183.

 

 
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