Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Histoire de la Louisiane française

Chapitre VII

La Compagnie des Indes

(1719-21)

 

La modicité de son capital social rendait impuissante la Compagnie d'Occident : elle ne le vit souscrit à 4 millions qu'en juillet 1718. En mai 1719, le roi lui accorda 300.000 liv. annuelles pour l'entretien des troupes et des forts. Puis elle obtint de porter son fonds commercial à 9 millions. Un édit du même mois lui réunit la Compagnie des Indes et de la Chine, qui sera désormais son nom : le 4 juin, celle d'Afrique ; le 10 sept. 1720, celle de Saint-Domingue : elle serait ainsi maîtresse sur toutes les mers d'un monopole absolu; elle pourrait disposer de capitaux considérables, gratifiés du port de Lorient (Bretagne) en toute propriété, et ayant des conseillers compétents, entre autres M. Diron d'Artaguette.

 

Le Conseil supérieur se composait ainsi : M. de Bienville, président, M. Hubert, premier conseiller et gardien du sceau royal, les directeurs, M. de Villardeau, M. de Larcebault et M. Le Gac, les lieutenants de Boisbriand et de Châteauguay, un procureur et un greffier. M. Law se détermina alors à prendre une concession sur l'Arkansas, faisant recruter en Allemagne ses laboureurs et ses artisans (mai 1719). Venu de si haut, l'exemple entraîne le secrétaire d'Etat Le Blanc, le duc de Guiche, les marquis d'Ashfeld, d'Ancenis et de Mézières, les comtes d'Artagnan et de Belle-Isle. Hélas! les colons se heurtaient à la malveillance des employés à Lorient et à Port-Louis. A partir de juillet 1719, les agents de recrutement arrêtaient à Paris et ailleurs tous les individus les plus tarés de vice : l'excès fut tel qu'ils se saisirent d'honnêtes gens, les premiers venus. Il fallut un arrêt du 9 mai 1720 pour suspendre ces procédés abominables : on cessa l'envoi des déportés. Il était impossible de répartir les arrivants dans la colonie, faute de transport à la Mobile.

 

La Compagnie avait résolu de faire de l'Ile-aux-Vaisseaux et du Vieux-Biloxi le centre maritime et terrestre de la Louisiane. En vain M. de Bienville s'efforça-t-il d'empêcher cette mesure néfaste. Les émigrés, « dépourvus de tout », périrent par centaines sur ces plages sablonneuses. Et ils se virent à la veille d'une famine. Le 1er octobre 1720, un incendie consumait les baraques où gisaient concessionnaires et forçats : ils ne vécurent plus que de quelques herbes et de coquillages, « avec des eaux puantes et bourbeuses » comme seule boisson. Les directeurs affolés maltraitaient tout le monde, « bandits bons à rien » comme les familles les plus honorables. Après semblable accueil et devant l'inanité des promesses antérieures, il n'est pas surprenant qu'on se plaignît « de la mauvaise administration du Conseil colonial », de son président qui n'en pouvait rien. A tout prix, il était urgent de choisir un autre emplacement.

 

En décembre 1720, le Conseil décida de transporter l'entrepôt général au Nouveau- Biloxi, site élevé, avec l'air salubre, l'eau potable, à peine éloigné de 3 lieues de l'Ile-aux-Vaisseaux. M. Hubert opinait plutôt pour la Nouvelle-Orléans contre l'avis des directeurs et des commis intéressés à leurs affaires. Avec une poignée d'hommes résolus, l'ingénieur en second de Boispinel fit l'installation du Biloxi. Il y fit loger, fin de janvier 1721, 1,250 habitants. Et 900 autres étaient annoncés. Chose incompréhensible : la Compagnie ne se souciait point, une fois les arrivants débarqués, de leur assurer des transports vers leurs concessions. Il n'y avait en tout que quatre chaloupes et une vingtaine de bateaux plats : on comptait quatre charpentiers à Biloxi. Les vivres étant très chers en France, les émigrés ne s'en étaient pas munis. Les magasins de la Compagnie étaient vides de marchandises. En mars 1721, la récolte de maïs ayant manqué chez les Indiens, la misère et la famine allaient sévir de nouveau. C'est le 27 du même mois que fut signé le traité de paix qui restituait Pensacola aux Espagnols (V. Bienville, pour la guerre franco-espagnole). La Compagnie, couvrant l'honneur et l'équité de M. de Bienville, défendit ce dernier contre les mesures de rigueur et les menaces du Régent; elle rejetait sur les membres civils du Conseil colonial l'entière responsabilité du désordre. En septembre 1720, elle nomma commissaire ordonnateur M. Duvergier qui devait contrôler toutes les dépenses.

 

Par malheur, pour réaliser le mandat fort étendu de ses instructions, elle négligea de lui fournir les ressources indispensables. En dépit de toutes les combinaisons de Law, la Compagnie, qui avait trop embrassé de colonies, allait être entraînée dans la chute de sa Banque. Le 7 avril 1721, elle vit ses privilèges annulés, ses pouvoirs suspendus, ses affaires mises aux mains de quatre commissaires du roi : la Louisiane changeait encore de maîtres. Il convient de reconnaître les médiocres résultats de ses efforts si dispendieux : elle a transporté (1717-20) 7,020 blancs et noirs : officiers 122, soldats 977, commis et employés 43, ouvriers 302, chefs de concessions 119, engagés 2,452, faux-sauniers, fraudeurs, déportés 1,278, femmes 1,215, enfants 502. Le recensement, au 1er janvier 1726, accuse la présence de 2,228 âmes. Au rapport de M. d'Artaguette (mars 1722), « plus de la moitié avait péri durant le séjour sur la plage aride et malsaine du Biloxi ». D'autres étaient retournés en France. A Mobile (28 juin 1721), la population ne comptait que 66 hommes, 70 femmes, 63 enfants, 15 domestiques, 160 nègres et 74 esclaves sauvages.

 

En mars 1721, il y avait au Nouveau-Biloxi sept concessions, dont celle de Law avec ses engagés allemands si cruellement décimés par la mort, et celle du duc de Guiche. La Nouvelle-Orléans, selon le rapport de l'ingénieur Le Blond de La Tour, n'avait qu'une quarantaine de maisons et 200 âmes (9 déc. 1721). Mais en amont du fleuve jusqu'aux Natchez, les colons prospéraient dans leurs cultures. Les Illinois étaient encore plus prospères, par suite de l'élevage et de l'agriculture. Au printemps de 1721, le financier et banquier parisien, Philippe Renault, vint exploiter les mines de ces contrées. Ainsi les résultats étaient devenus appréciables, au bout de vingt années. Les Caroliniens réussirent bien mieux sur leurs concessions de meilleur terrain.

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Source  : Louis LE JEUNE, "Histoire de la Louisiane française : la Compagnie des Indes", dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 2, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 829p., pp. 183-184.

 

 

 
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