Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

Séminaire Saint-Joseph

Mont-Laurier, P.Q.

 

[Cet article a été rédigé en 1952. La source est indiquée à la fin du texte]

 

Bien avant que la région du nord fut assez développée pour exiger un évêché et toute l'organisation que cela comporte, dans le coeur et l'esprit de Mgr Labelle lui-même, l'oeuvre d'aujourd'hui était née. En effet, sa correspondance avec Mgr Duhamel révèle qu'il voulait établir un collège à la Chûte-aux-Iroquois (aujourd'hui Labelle). Le projet n'eut pas de suite. En 1879, le curé de Saint-Jérôme présente à la Société de Jésus, avec l'approbation de Mgr Fabre et l'appui de la Société de Colonisation de Montréal, un long mémoire. Il invitait les Jésuites à se fixer à Nominingue pour y promouvoir la colonisation et y établir une maison d'enseignement et d'éducation. Le projet aboutit. En 1882, à la suite d'une requête où l'on trouve le nom du Curé Labelle, ceux de trois Pères Hudon, Henri, Hyacinthe et Victor, des Pères François Cazeau, Adrien Turgeon, Ludger Arpin, François-Xavier Renault, tous Jésuites, l'Assemblée Législative accordait une charte à une nouvelle société au nom significatif : «Corporation du Collège de Nominingue ».

 

Les Révérends Pères Jésuites s'occupèrent des intérêts de la Corporation jusqu'en décembre 1891. Après Mgr Labelle, les Pères Pierre Hamel et Léon Dunoyer en furent les présidents. En 1891, quand les Chanoines Réguliers de l'Immaculée-Conception succédèrent aux Jésuites, on n'avait pas cru devoir encore fonder le collège prévu. Ce n'est qu'en 1910 que Dom Chalumeau, le supérieur du temps, voyant les progrès rapides de la région, en raison du prolongement du chemin de fer, décida de donner d'abord un cours commercial.

 

Il est à remarquer que ce cours, dans l'intention de Dom Chalumeau, devait être suivi d'un cours classique.

 

Un séminariste de Saint-Jean d'Iberville connut Nominingue par un de ses amis. Il y vint au cours de l'été 1912; l'oeuvre l'intéressa, le pays, un peu moins. Il consentit toutefois à y venir, sur les instances de Dom Chalumeau. On lui demandait, en même temps, de recruter dans son milieu de nouveaux élèves. Le sept septembre 1912, l'abbé Rodolphe Mercure amenait avec lui à Nominingue, vingt-huit élèves, anciens de Monnoir. Un jeune avait su le départ du séminariste. Aussitôt il avait dit à ses parents : je vais à Nominingue. Et le recrutement s'était fait d'élève à élève sans aucune intervention de leurs maîtres. Une semaine plus tard, ils étaient soixante-cinq. Les cadres débordaient; il fallait des professeurs, il fallait construire.

 

C'est alors que les élèves eux-mêmes proposèrent à leur Supérieur, Dom Chalumeau, de demander à leurs anciens maîtres s'ils ne consentiraient pas à se sacrifier encore pour eux. Quatre d'entre eux acceptèrent de venir une année prêter main forte aux Chanoines Réguliers. C'étaient les abbés Geoffrion, Chabot, Labonté et Desmarais. Les abbés Ethier et Alix devaient les rejoindre plus tard. D'autres élèves, dispersés dans diverses institutions, montèrent à Nominingue au cours de l'année, de sorte qu'on eut un jour cent trente-cinq élèves dans les six classes qu'il avait fallu organiser. Le cours commercial, orienté vers le classique, comprenait les classes d'Eléments, de Syntaxe et de Méthode; le cours classique, celles de Versification, de Belles-Lettres et de Rhétorique. On eut peu après, à l'arrivée d'un nouveau contingent une classe de Philosophie. Dès cette année on s'affilia à l'Université Laval de Québec.

 

Il fallut aussi construire. Le nouveau local, assez considérable, fut bénit par Mgr Gauthier d'Ottawa, en novembre 1912. Il fut la proie des flammes au début de l'hiver 1913. A cette date, la résidence des Chanoinesses des Cinq Plaies devenant libre, on l'occupa ainsi qu'une allonge modeste faite au monastère primitif.

 

C'est à cette époque, 1913, que se place un évènement capital pour l'oeuvre, la formation du nouveau diocèse de Mont-Laurier, avec comme premier titulaire Mgr François-Xavier Brunet, jusque-là secrétaire à Ottawa. Le Collège de Nominingue tombait sous la juridiction du nouvel évêque; au printemps suivant Mgr Brunet devenait président de la Corporation.

 

Autre fait important en 1914 les Chanoines Réguliers sont appelés sous les armes. L'abbé Geoffrion fut nommé supérieur et curé de Nominingue, un seul chanoine, Dom Mallet, restant pour les missions.

 

Mont-Laurier, autrefois Rapide-de-l'Orignal, était devenu le siège épiscopal. Déjà le chef-lieu judiciaire y avait été fixé. Il était tout naturel qu'on songeât à y installer une oeuvre d'enseignement, spécialement pour répondre au désir de l'Église : « Unaquaeque dioecesis seminarium habeat »; voilà pourquoi il fut décidé de transporter dans la ville épiscopale l'oeuvre de Nominingue.

 

Les premières années furent modestes. C'était du reste, dans les goûts du pieux Mgr Brunet. La maison était tout auprès de l'évêché. Dès la première année, le local, pourtant neuf, put à peine contenir les élèves accourus de tous les côtés. Le problème du logement a toujours été à l'ordre du jour, jusqu'à ces dernières années. N'a-t-on pas vu même le paternel Mgr Brunet donner l'hospitalité pendant quelques jours, sous son propre toit aux élèves que l'on n'avait pu caser ailleurs ? Après cinq ans, on ajouta, aux deux étages primitifs, un troisième qui donnait à l'ensemble un air tout à fait original. On utilisait en plus une autre maison voisine que les anciens appelaient pompeusement « Hôtel du Nord ».

 

La sympathie dont l'oeuvre fut entourée de toute part lui permit de traverser les heures pénibles du début, heures pénibles qui n'empêchaient pas d'ailleurs de vivre joyeusement, allègrement, et dans quelle atmosphère d'intimité !

 

Mgr Brunet fut vraiment un père pour son séminaire. Ceux de la première heure n'oublieront jamais l'accueil qu'il fit aux élèves le 1er septembre 1915, ni la conférence qu'il donna aux professeurs le lendemain.

 

Nous ne pouvons taire le rôle important joué par le premier supérieur, monsieur l'abbé R. Mercure, maintenant curé de St. Jovite et chanoine du chapitre diocésain. Chacun sait le zèle et la sagesse qu'il a mis à diriger l'oeuvre de 1915 à 1923.

 

Née, grandie dans l'humilité et la pauvreté, devant Dieu et devant les hommes, l'oeuvre, après une décade, reçut des mains de Mgr Limoges, véritable réalisateur, le complément nécessaire. Depuis trente ans qu'il est chef de l'Église de Mont-Laurier, il n'a jamais rien négligé pour faire du Sémipaire Saint-Joseph l'oeuvre capitale de sa vie. A peine promu au siège de Mont-Laurier, il fit les démarches nécessaires pour obtenir du Gouvernement une nouvelle charte constituant en corporation « Le Séminaire Saint-Joseph de Mont-Laurier ». Son Excellence voulut rédiger elle-même et doter la maison d'une constitution et de règlements propres aux Séminaires, petit et grand. Au séminaire tout l'intéresse : il y enseignait assidûment l'Écriture Sainte et la Pastorale au temps des séminaristes-auxiliaires; il y connaît le personnel jusqu'à l'intime, se réjouit des succès des élèves, en soutient plusieurs de son propre argent.

 

C'est encore sous son impulsion et celle de Mgr Robert Jutras, P.D., second supérieur, devenu vicaire général, que le Séminaire a pu réaliser depuis 20 ans, des progrès plus considérables encore, et quels progrès ! Ces deux hommes ont élevé, dans ce petit coin de pays, à la gloire de l'éducation chrétienne et canadienne-française, une oeuvre gigantesque que les nécessités nouvelles réclamaient. Dès 1922, les autorités avaient jeté les yeux sur un vaste terrain à l'opposé de Mont-Laurier, au Rapide-de-l'Orignal, en vue d'une construction plus moderne, plus spacieuse, qui devenait chaque année plus urgente. Ce n'est pourtant qu'en 1930-31 que le nouveau séminaire devait dresser ses lignes, d'un sobre modernisme, dans un décor de verdure et de lumière qu'on ne se lasse pas d'admirer. Entièrement à l'épreuve du feu, il offre aux élèves un confort raisonnable et, par son site exceptionnel, sous un climat d'une incontestable salubrité, il est pour les enfants faibles de santé le lieu tout choisi pour entreprendre un cours d'études.

 

C'est Son Excellence Mgr Cassulo, délégué apostolique, qui le bénit le sept octobre 1931, en présence de sept évêques. Le Séminaire Saint-Joseph de Mont-Laurier est affilié à l'Université Laval de Québec. Une vingtaine de prêtres, aidés des Frères de Ste-Croix et de professeurs laïques, sous le contrôle du Séminaire, travaillent avec zèle et compétence à l'instruction et à l'éducation de trois cents élèves. On y donne le cours classique complet, six classes de lettres, deux de philosophie-sciences, auxquelles s'ajoute, au besoin, une année préclassique. On vient de supprimer le cours commercial, la plupart des paroisses ayant maintenant les classes équivalentes.

 

A ces deux cours, on a ajouté en 1933, avec l'aide du Gouvernement Provincial, un cours moyen d'agriculture. Dès la première année à Mont-Laurier, il fut question de cet enseignement agricole. Le projet est aujourd'hui réalisé, grâce surtout à Mgr Limoges. Deux agronomes compétents donnent chaque année, à une quarantaine d'élèves, sous la direction du Séminaire, des cours théoriques. Une ferme modèle, propriété de l'École d'Agriculture, permet d'ajouter l'exemple à la leçon. Le Gouvernement Provincial vient d'autoriser la construction d'un immeuble séparé qui logera les élèves et l'administration de ce cours d'agriculture.

 

En 1942, un premier cours de menuiserie, sous la direction de M. l'abbé Lionel Normand, aboutit à la création d'un Centre d'Initiation Artisanale. Déjà il a produit d'excellents résultats, à ce point que, pour répondre à de nombreuses demandes, on a jugé bon d'ajouter au cours de menuiserie ceux de mécanique d'ajustage et d'électricité. Pour le moment, faute de mieux, ces cours se donnent au séminaire même, qui loge aussi les élèves pensionnaires de ce groupe. Des techniciens compétents assurent les cours théoriques et pratiques, sous la direction de l'abbé E. Genest. L'oeuvre du Séminaire Saint-Joseph de Mont-Laurier est donc, pour l'heure, suffisamment complète. Elle répond, dans une région encore pleine de développements, aux besoins immédiats. Sous la direction actuelle de Mgr Maurice Leclerc, P.D., qui a succédé à Mgr A. Joyal, P.D., le Séminaire Saint-Joseph est plus qu'un bel espoir, c'est un champ magnifique qui doit réjouir le coeur de Dieu comme, autrefois les moissons neuves, le coeur du patriarche, « sicut odor agri pleni ».

 

Supérieur: Mgr Maurice Leclerc, P.D., Séminaire Saint-Joseph, Mont-Laurier, P.Q.

 

Source : Vedette, 1952. Le fait français au Canada . Première édition, Montréal, Société nouvelle de publicité, 1953, 717p., pp. 556-558. Quelques erreurs typographiques mineures ont été corrigées.

 

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College