Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Août 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Stéphane ST-PIERRE, François-Albert Angers et la nation confessionnelle (1937-1960), Mémoire de M.A. (histoire), Université de Montréal, 2006, 181p.

 

Chapitre trois

La nation confessionnelle et l’économie

 

Comme nous l’avons vu précédemment, la pensée d’Angers est humaniste, il accorde une priorité à la personne humaine, à la liberté personnelle, à la responsabilité individuelle ainsi qu’à la solidarité nationale selon les principes catholiques. Malgré qu’elle soit reléguée au dernier échelon dans sa hiérarchie des valeurs, l’économie constitue une des composantes structurantes de son projet de nation confessionnelle.Conçue comme une finalité chrétienne, l’économie doit s’inspirer de la doctrine sociale de l’Église pour satisfaire les exigences de la personne et du bien commun. L’économie sert la personne en faisant la promotion du travail et d’une juste répartition des biens. Elle doit contribuer à la réalisation de la vie matérielle sans s’attaquer à la dignité de la personne et à son perfectionnement spirituel. Elle doit respecter l’obligation naturelle de travailler pour vivre; ne pas utiliser à des fins étrangères les entreprises économiques dont le développement participe à stimuler l’activité de la personne; et ne pas distribuer de gratuités sauf à titre exceptionnel (1).

 

La nation confessionnelle est liée à la propriété privée et au coopératisme. Ces deux composantes visent à assurer la libération économique des Canadiens français aux dépens des capitaux américains et anglais (2). En effet, l’accession à la propriété privée est perçue par Angers comme le principal outil économique d’épanouissement de la personne humaine puisqu’elle implique le respect du principe de responsabilité. Les Canadiens français doivent instaurer un modèle économique fidèle à leur caractère catholique et français. L’objectif de la nation confessionnelle est d’empêcher l’aliénation des Canadiens français par l’absorption d’une pensée économique étrangère. Son projet vise une réappropriation de l’économie, le bien commun temporel et l’épanouissement de la personne humaine.

 

Dans ce chapitre, nous analyserons dans un premier temps la valeur pour les Canadiens français de la doctrine sociale catholique et les critiques d’Angers à l’égard du libéralisme et du socialisme. Par la suite, nous orienterons notre étude vers l’analyse des notions-clés de sa pensée économique soit sa conception du travail, du salaire, de la propriété privée et de l’agriculture. Nous terminerons en exposant les éléments nécessaires au redressement et à la libération économique des Canadiens français. Nous observerons que la pensée d’Angers est teintée d’un nationalisme économique qui oriente ses politiques économiques. 

 

1. À la recherche d’une doctrine

 

Le projet de nation confessionnelle vise, entre autres buts, une réappropriation de la vie économique par les Canadiens français. Toutefois, celle-ci s’effectuera exclusivement par l’intermédiaire d’une doctrine s’accordant avec les intérêts, les besoins et le caractère des Canadiens français. Pour ce faire, Angers consacre une partie de son oeuvre à l’étude des forces et des faiblesses des différentes idéologies. De manière générale, son projet est la recherche d’un modèle pouvant se substituer au libéralisme économique et empêcher l’implantation au Québec d’un système de type socialiste. Sa pensée économique et sociale s’inscrit en continuité avec la doctrine sociale catholique.

 

a) Libéralisme économique (3)

 

Pour Angers, le libéralisme nuit considérablement à l’épanouissement de la personne humaine dans son oubli de la famille comme pivot de la société; dans la tendance à la monopolisation des moyens de production; dans les trop grandes inégalités de la répartition des biens engendrées par le manque d’organisation ouvrière; par les prix des monopoles; dans l’insécurité économique; et par l’absence de travail suffisant permettant aux hommes d’assumer leurs responsabilités (4). Le libéralisme économique a mené le régime patriarcal et familial vers un régime individualiste et antifamilial. L’amélioration des conditions de vie et la satisfaction des besoins matériels de la personne ne doivent pas entraver ou détruire l’esprit spirituel et familial.

 

La famille cessant d’être la cellule fondamentale de l’activité économique, le capitalisme ayant de plus en plus été porté sur les fonts baptismaux par une époque à l’esprit matérialiste et jouisseur, le nouveau système, qui économiquement n’avait plus besoin de la famille l’a oublié, puis rejeté […]. Or, la famille étant moralement et socialement le pivot de toute société, c’est dans et par la famille d’abord que la personne humaine peut le mieux se réaliser, non plus économiquement, mais spirituellement (5). 

 

D’autre part, le libéralisme exalte les surhommes et écrase un trop grand nombre d’hommes moyens. Il répartit inéquitablement les fruits du progrès(6). Le régime économique doit servir la personne humaine en proposant un régime dans lequel chaque personne qui est appelée à faire vivre un foyer soit en mesure d’assurer le minimum de bien-être nécessaire. Le régime économique ne doit en aucun temps négliger les intérêts de la personne. Angers critique le néo-libéralisme puisqu’il privilégie un rôle actif au niveau de l’intervention de l’État. À ce propos, il cite André Marchal: «Le néo-libéralisme se rapproche du dirigisme puisque loin de repousser toute intervention de l’État, il la sollicite (7).» Dans le néo-libéralisme, le devoir de l’État est de faire cesser la misère, de recueillir, de réhabiliter et de reclasser les chômeurs involontaires, les incapables et les vaincus de la vie (8). Cette organisation méprise les solidarités sociales naturelles en aboutissant à l’étatisme (9).

 

La fonction économique de l’État comporte surtout la surveillance de l’activité des industries monopolisées ou hautement concentrées, le redressement des abus qui s’y sont développés. Un bon gouvernement n’a pas besoin de verser dans le socialisme ou d’étatiser les trusts pour réprimer les abus. Si le gouvernement n’est pas bon, il est nécessaire de le réformer. Selon Angers, étatiser c’est fournir au gouvernement plus d’occasions d’exercer sa malfaisance. L’État doit seulement donner une impulsion au mouvement de réforme. Une intervention directe de la part de l’État n’est pas la formule la plus rentable pour le redressement économique des Canadiens français. L’exemple de l’étatisation des compagnies d’électricité est significatif de la position d’Angers à l’égard de l’État et de son nationalisme économique. L’intervention de l’État doit s’orienter vers l’expropriation des intérêts étrangers. Cette expropriation doit par la suite engager le secteur hydro-électrique sur la voie coopérative. La nationalisation de l’électricité ne correspond pas à une diffusion réelle de la richesse, car elle n’est pas une «propriété populaire» au sens chrétien (10). Il ne s’oppose pas à l’appropriation de cette ressource par les Canadiens français, mais au fait que l’État va endetter les générations futures et que l’hydro-électricité sera gérée par des technocrates plutôt que par le  peuple. On note que l’un des objectifs du projet d’Angers est d’impliquer le peuple dans la vie économique. Toutefois, les changements proposés risquent de ne pas recevoir l’assentiment populaire étant donné qu’ils se réalisent lentement. Son projet est à caractère «étapiste», c’est-à-dire qu’il propose des réformes qui sont conçues pour mener progressivement à la réalisation de ses objectifs. Il s’agit de ne pas changer brusquement le cours des choses, mais davantage d’adapter progressivement l’environnement afin d’arriver à des résultats durables.

 

Également, le machinisme et la concentration sont des problèmes du libéralisme économique puisqu’ils ont détruit partiellement l’hypothèse fondamentale de la libre concurrence. En fait, la division du travail et le machinisme ont fait reculer progressivement la petite entreprise. Cet élément marque une évolution dangereuse dans la situation économique au Canada français. La petite et la moyenne entreprise demeurent supérieures à la grande entreprise en termes d’épanouissement de la personne humaine. Elles permettent de revitaliser économiquement les régions contrairement à la grande entreprise qui épuise les régions en prélevant ses ressources humaines et naturelles. La petite et moyenne entreprise favorise la création de centres d’activités commerciales dans les régions éloignées et stimule ainsi l’activité économique par le maintien sur place de la main d’œuvre. Cette volonté de structurer l’économie régionale est un thème récurrent dans les écrits d’Angers. La section consacrée à l’agriculture cernera l’importance des régions dans l’édification de son projet de nation confessionnelle.

 

La domination économique des grands propriétaires étrangers aux dépens des Canadiens français mène Angers à adopter une attitude favorable à l’égard de la petite et moyenne entreprise. Les Canadiens français sont incapables de concurrencer les grands capitalistes étant donné la faiblesse de leurs capitaux. D’ailleurs, la grande entreprise présente aussi un danger pour les Canadiens français puisqu’elle limite le sens de la responsabilité individuelle. Dans la grande entreprise, la responsabilité des individus est transférée aux propriétaires puisque les hommes se retrouvent groupés sous la direction d’un chef ou d’un groupe restreint d’individus. Cet aspect soulève le problème à savoir comment les petites et moyennes entreprises parviennent à concurrencer les grandes entreprises et les trusts. Malgré qu’Angers demeure évasif sur cette question, il est possible de conclure à partir de ses écrits que la petite et moyenne entreprise est davantage rurale et doit essentiellement orienter sa production vers les produits artisanaux ou les secteurs de petite production. De plus, le vaste territoire québécois permet à ses entreprises d’obtenir un coût de production concurrentiel avec les grandes entreprises étant donné qu’elles se situent à proximité du marché qu’elles approvisionnent. La capacité d’adaptation aux besoins du marché des petites et moyennes entreprises est également supérieure. Comme nous l’observerons dans la section consacrée à l’agriculture, Angers cherche à créer une stabilité des marchés ruraux par la création d’une économique diversifiée. L’instabilité de ces marchés représente une menace pour la viabilité des petites et moyennes entreprises. Toutefois, le meilleur moyen d’assurer une concurrence demeure le développement du mouvement coopératif. Ce mouvement est en mesure de fixer les prix des produits selon leur véritable valeur et ainsi concurrencer la grande entreprise. Nous observerons en détail la pensée coopérative d’Angers dans la dernière section de ce chapitre.

b) Socialisme

 

Comme nous l’avons vu dans le chapitre traitant de l’État, Angers s’oppose aux politiques socialistes puisqu’elles impliquent une prise en charge de l’organisation économique par la collectivité et placent l’individu sous le contrôle d’un pouvoir délégué. Ces principes créent une mentalité collectiviste qui menace l’individu au niveau des principes de responsabilité et de liberté. Dans le socialisme, la société devient le principe initiateur du bonheur de l’homme. Les exigences du service commun s’imposent aux dépens de la lutte pour la propriété privée. Selon la norme du service commun, la propriété nationalisée devient plus importante que la propriété privée. De sorte que la propriété privée des moyens de production est tolérée si elle se conforme au bien commun (11). Concrètement, l’autoritarisme socialiste se traduit par une planification gouvernementale. La propriété perd les caractéristiques qui la distinguent de la simple possession et devient une propriété commune qui doit être utilisée selon les indications du plan gouvernemental (12). Cette planification intégrale se substitue à la libre initiative dans le domaine économique. Pour bien comprendre l’idéologie socialiste, il est nécessaire de comprendre la différence entre la liberté des libéraux et celle des socialistes:

 

Libéraux et socialistes ne parlent pas du tout le même langage quand ils se portent également à la défense de la liberté. La liberté socialiste n’est pas celle de la Révolution française: possibilité de faire tout ce que l’on veut à la seule condition de ne pas entraver directement la liberté des autres. L’homme libre socialiste est celui qui trouve tout grâce à l’organisation de la société et, naturellement, à sa collaboration à l’œuvre de la société selon un plan préétabli. Ce n’est plus la société qui collabore avec l’individu pour lui permettre d’agir selon son initiative propre; c’est l’individu qui collabore avec la société pour que celle-ci puisse lui donner ce dont il a besoin. La chose est assez évidente, de telles différences de points de vue impliquent de toute nécessité des institutions comportant des différences nettement caractérisées (13).

 

D’ailleurs, l’individualisme libéral implique une volonté de correspondre aux goûts et aux désirs de chaque individu pris dans sa subjectivité et cherche à réaliser la satisfaction du consommateur dans la plus complète liberté individuelle d’action. Quant à lui, l’individualisme socialiste préfère le bien-être et l’intégration de l’individu dans la collectivité, à la liberté ou à son individualité propre (14). Le libéralisme et le socialisme sont deux idéologies qui présentent des limites et des faiblesses qui empêchent de satisfaire les exigences des Canadiens français. 

 

c) Doctrine sociale catholique

La doctrine sociale catholique est considérée comme une autre option aux dépens des conceptions anarchisantes du libéralisme ou totalitaristes du socialisme (15). Malgré certaines similitudes entre les idéologies du libéralisme, du socialisme et de la doctrine sociale catholique, cette dernière n’est pas simplement une position intermédiaire, elle est une position différente adaptée aux besoins des catholiques (16). Par cette doctrine, le catholicisme propose à l’homme la vraie liberté en détenant le plein exercice de ses responsabilités, avec les risques qui en découlent, mais aussi avec la perspective de recevoir l’aide et la protection d’une société organisée pour faciliter la poursuite de ses objectifs. Cette conception diffère de la position libérale qui propose un idéal de l’homme qui renonce à toute protection sociale préférant se débattre avec les forces sociales pour atteindre une liberté illusoire. Elle diffère également de la position socialiste où l’homme s’insère dans un cadre social qui l’aide à atteindre la liberté par l’abdication de sa personnalité individuelle au profit d’une personnalité collective ordonnée au bien-être matériel (17). Dans la doctrine sociale catholique, la liberté est un fait personnel, bien qu’il ne se réalise pleinement que par la satisfaction du bien commun.

 

La première caractéristique de la doctrine sociale catholique qui la distingue du libéralisme et du socialisme est sa préoccupation pour l’au-delà. Elle est construite autour de l’idée que les réalisations humaines temporelles doivent aider le destin surnaturel de l’homme. Aucun substitut ne peut suppléer la personne sur le plan de l’éternel. Ce sont les actes temporels de chacun qui par «les mérites et les démérites assurent le destin éternel (18)». D’ailleurs, la société n’est pas conçue comme un simple contrat social, son rôle n’est pas purement accessoire. Le fait social est intégré à la personne humaine. La société est un fait de nature et la personne tend par nature à la vie sociale. L’homme est un être libre destiné à des réalisations surnaturelles, mais obligé de compter sur la société pour atteindre sa perfection.

 

La compréhension de la doctrine sociale de l’Église exige de s’attarder aux distinctions entre les notions de bien commun et de liberté. Le bien commun catholique «n’est pas un ensemble de valeurs matérielles produites et aménagées selon un ordre propre à favoriser l’essor spirituel de la personne humaine (19)». Il ne se définit pas non plus comme un «ensemble d’avantages qui doivent revenir à tous et dont personne ne saurait être légitimement privé (20)». Le bien commun catholique est préexistant à l’État et celui-ci en est seulement le gardien. Le bien commun ne relève ni des caprices personnels (bien commun libéral), ni des décisions étatiques autoritaires (bien commun socialiste). Il se détermine rationnellement en fonction de la nature de l’homme et de sa fin (21). La hiérarchie catholique des biens forme le bien commun (22). La doctrine sociale catholique est donc avant tout spirituelle, contrairement à la liberté socialiste et libérale qui est matérialiste. La liberté résulte d’un désengagement et d’une actualisation des ressources intérieures virtuelles de l’homme en lien avec la dignité de l’homme, c’est-à-dire son destin surnaturel (23). La doctrine de la liberté catholique est unique.

 

On est en mesure de constater que l’économie pour Angers n’est pas une fin en soi, elle est une recherche de bien-être. À ce titre, sa conception de l’économie se rapproche du socialisme, mais en diffère quant aux moyens. Il fait la promotion d’un bien-être individuel et collectif ayant pour fin le destin surnaturel de l’homme.

2. Une vie économique d’inspiration catholique

 

Le projet de nation confessionnelle vise à promouvoir une vie économique répondant au caractère des Canadiens français puisque comme le mentionne Saint Paul «quand on ne vit pas comme l’on pense, on finit par penser comme l’on vit (24)». L’organisation économique et sociale devrait donc constituer un outil empêchant l’aliénation des Canadiens français par l’absorption d’une culture étrangère. Le non-respect de la conception d’Angers du travail, de la propriété privée et de l’agriculture rend inapplicable le projet de nation confessionnelle et met en péril la survie de cette dernière.

 

a) Travail et salaire

 

Le régime de travail et de propriété assure la dignité de la personne humaine par son respect de l’autonomie sur le plan de l’initiative et de la responsabilité personnelle. Le travail, comme activité sociale, possède une valeur humanisante, il amène au développement de la personnalité de l’individu. Pour appuyer sa conception Angers se réfère à Pie XI:

 

Ceci est conforme à l’ordre naturel établi par Dieu; c’est la vraie conception catholique du travail. Il unit les hommes dans un service commun pour les besoins du peuple, dans un même effort pour leur perfectionnement personnel, à la gloire de leur Créateur et Rédempteur. De toute façon persévérez à considérer votre travail suivant sa valeur profonde, comme votre contribution personnelle et celle de vos familles à l’économie politique. Grâce à lui s’établit votre droit légitime à un revenu suffisant pour assurer le maintien de votre dignité d’homme et aussi pour satisfaire vos besoins culturels, mais il importe que vous reconnaissiez la nécessité de votre union avec tous les autres groupes professionnels qui travaillent pour les divers besoins du peuple; il importe que vous apportiez ainsi votre adhésion au principe de la paix sociale (25).

 

Dans la question du travail, l’État ne doit pas appliquer au Québec une neutralité idéologique, celui-ci doit s’inspirer de la doctrine morale de l’Église catholique. Pour Angers, la neutralité n’existe pas, l’État va nécessairement adhérer à une morale qu’elle soit religieuse ou civique. Aucune raison ne mène à privilégier une morale civique au Québec alors que la majorité de la population est catholique. Le rôle de l’État est de pourvoir aux exigences morales de la majorité canadienne-française. Nous développerons davantage la question de la neutralité de l’État dans le chapitre traitant de l’éducation. La doctrine morale catholique s’appuie sur le fait que le travail est naturel pour l’homme et qu’il doit absolument travailler pour assurer son existence (26).

 

Pour ce qui regarde le travail en particulier, l’homme, dans l’état même d’innocence, n’était pas destiné à vivre dans l’oisiveté; mais ce que la volonté eût embrassé librement comme un exercice agréable, la nécessité y a ajouté, après le péché, le sentiment de la douleur et l’a imposé comme une expiation. La terre sera maudite à cause de toi; c’est par le travail que tu en tireras de quoi te nourrir tous les jours de ta vie. Il en est de même de toutes les autres calamités qui ont fondu sur l’homme; ici-bas, elles n’auront pas de fin ni de trêve, parce que les funestes fruits du péché sont amers, âpres, acerbes, et qu’ils accompagnent nécessairement l’homme jusqu’à son dernier soupir. Oui, la douleur et la souffrance sont l’apanage de l’humanité, et les hommes auront beau tout essayer, tout tenter pour les bannir, ils n’y réussiront jamais, quelques ressources qu’ils déploient et quelques forces qu’ils mettent en jeu. S’il en est qui promettent au pauvre une vie exempte de souffrances et de peines, tout au repos et à de perpétuelles jouissances, ceux-là certainement trompent le peuple et lui dressent des embûches, où se cachent pour l’avenir de plus terribles calamités que celles du présent. Le meilleur parti consiste à voir les choses telles qu’elles sont et, comme nous l’avons dit, à chercher ailleurs un remède capable de soulager nos maux (27). 

 

Angers s’appuie sur ce constat, profondément ancré dans la nature de l’homme, pour rejeter les gratuités. Celles-ci mènent à une destruction du sens de la responsabilité de la personne. Cet élément s’inscrit en continuité avec sa conception de la sécurité sociale. La principale responsabilité de la société est donc de fournir à la personne les moyens nécessaires pour faire vivre convenablement le foyer dont elle est responsable. Elle doit être « […] capable de trouver, par un honnête labeur, le moyen de s’assurer, par ses propres moyens, au moins le minimum de bien-être nécessaire à son existence terrestre (28)». Il s’agit d’adopter une attitude à l’égard de la vie matérielle qui assure le respect de la dignité de l’homme.

 

Une théorie du travail qui n’est pas complétée par une théorie du salaire est incomplète et sans véritable valeur puisque l’individu possédant un salaire insuffisant est incapable d’assumer pleinement ses responsabilités auprès de sa famille. Le salaire doit assurer à la famille une existence convenable et fournir un résidu garantissant l’avenir de celle-ci (29). Le salaire doit «répandre une suffisante abondance parmi les ouvriers [...] pour qu’ils accroissent par l’épargne un patrimoine qui, sagement administré, permettra de faire face plus aisément à leur charge de famille (30)». Cette politique de salaire raisonnable est complétée pour les salaires les plus bas d’un système d’allocations familiales payées par l’industrie et administrée par un conseil industriel (31). Il ne s’agit pas d’un régime universel. De plus, il est nécessaire de procéder à une «amélioration de la législation relative à la détermination du revenu des salariés en vue de tenir compte entre autres des besoins d’assurance par l’introduction prudente et progressive de principes en fonction desquels devront se déterminer les décisions arbitrales en matière de salaire (32)». Notons que le système d’assurance défendu par Angers est privé et non étatique.

 

D’autre part, il favorise l’établissement d’une politique de revenu familial appropriée à la condition de chaque groupe de producteurs: pour l’agriculteur une garantie d’un niveau de prix minimum pour sa production, et pour l’ouvrier (seulement ceux dont le revenu est insuffisant) l’établissement d’allocations familiales, c’est-à-dire un réaménagement du régime des salaires afin de donner le salaire familial sous la forme d’un salaire direct égal pour tous les ouvriers d’une même catégorie et d’un salaire indirect ou sur-salaire familial payé par la caisse de compensation familiale industrielle. Également, il est nécessaire d’assurer un revenu familial minimal garanti comme contribution à la solution du chômage saisonnier et «d’établir un fonctionnement de travaux publics comme élément de compensation pour les déficiences de l’industrie en matière de travailet un renvoi à la saison morte de tous les travaux d’État qui sont techniquement réalisables aux périodes habituellement de chômage saisonnier (33)». L’objectif de ces politiques économiques est d’enrayer l’insécurité en assurant un travail justement rémunéré à tous les individus. Ces mesures favoriseront le respect de la responsabilité individuelle et de la notion de dignité.

 

Les efforts mis par Angers pour satisfaire les besoins de la famille montrent l’importance qu’il lui confère dans l’édification de son projet de nation confessionnelle. Elle constitue la base sur laquelle la nation doit s’appuyer pour prospérer. Une théorie du salaire juste permet de préserver le bien commun au sein de la nation canadienne-française. Cette théorie va à l’encontre de la conception protestante qui dit «à travail égal, salaire égal» et où l’individu constitue le point central de la société au détriment de la famille (34). Toutefois, signalons que les salaires exagérément élevés sont aussi condamnables que les salaires exagérément bas puisqu’ils engendrent du chômage. L’objectif de la politique sociale n’est pas de comprimer ou de hausser les salaires à des fins d’intérêt personnel. Abuser de la force d’organisation est aussi dangereux que d’abuser de la force du capital privé. Le salaire juste constitue un élément indispensable afin d’édifier l’idéal social d’Angers.

 

b) La propriété privée

 

L’accession à la propriété privée est un moyen pour chaque homme d’exercer ses responsabilités, sa personnalité intelligente et raisonnable et de jouir de la liberté à laquelle il a droit (35). Sans le respect de la propriété la liberté de l’homme disparaît (36). Le désir de propriété fait partie intégrante du fond social chrétien. La principale fonction de la propriété est de veiller à la subsistance de la personne et de ses proches et de protéger l’individu dans son rôle personnel et social. Pour l’Église, la propriété est seulement condamnée si elle amène une exploitation de l’homme par l’homme. Elle doit servir à l’épanouissement de la personne humaine. Malgré qu’elle relève du droit privé plutôt que public, son usage doit se faire en vue de satisfaire le bien commun.

 

i) Capitalisme

 

Pour Angers, le capitalisme n’existe pas, il existe seulement des capitalistes, c’est-à-dire des hommes qui se servent de techniques pour assurer leur existence. L’entreprise capitaliste est naturelle et légitime, elle est une application du droit sacré de propriété. Le mal s’incarne dans l’esprit matérialiste engendré à partir du libéralisme et qui favorise la naissance du socialisme et du communisme. L’objectif est de rechercher une humanisation de l’entreprise par l’intermédiaire du catholicisme pour la rendre socialement rentable. Cette réforme du capitalisme doit se réaliser par l’éducation:

 

C’est convertir les capitalistes, de l’athéisme au déisme chrétien pour ceux qui sont athées; du matérialisme à plus de spiritualisme, pour ceux qui sont matérialistes; d’une conscience trop large à une conscience plus rigoureuse, pour les capitalistes chrétiens qui ont pris l’habitude de faire comme les autres sans engager leur conscience; du sentiment de la faute au repentir et au ferme propos, pour ceux des capitalistes chrétiens encore, qui se sentent coupables mais persévèrent dans leurs fautes. Le capitaliste peut revenir à un sens mieux équilibré de son rôle et de son devoir (37).

 

Le problème du système capitaliste réside dans le fait que le progrès technique a remplacé l’idée de satisfaire les besoins des individus par une volonté de domination. Il s’est développé graduellement un esprit de conquête économique (38).L’aménagement de la vie économique doit donc se réaliser par le développement des coopératives et par une modération du contrat de travail (39). Il s’agit d’organiser la société afin d’assurer une protection du pauvre contre le riche. Les défenseurs de l’entreprise privée doivent purifier celle-ci des abus des capitalistes (40). D’ailleurs, les entreprises privées ne doivent pas entraver le développement des coopératives. L’émancipation du prolétariat se réalisera seulement par l’accession à la propriété personnelle, individuelle, commerciale, industrielle ainsi que par la prise en charge des moyens de production (41). Il est nécessaire de favoriser la libre initiative d’un grand nombre de petits coopérateurs associés plutôt que la grande entreprise capitaliste.

 

Malgré ses défauts, l’entreprise privée demeure indispensable au Québec pour assurer un travail et un pouvoir d’achat à une partie de la population. Le problème de la survie de l’entreprise privée ne peut pas se dissocier de celui de la survie de l’entreprise capitaliste (42).L’entreprise privée n’a rien d’immoral. D’ailleurs, si l’on condamne l’entreprise privée, on doit également condamner toutes les formes de propriétés capitalistes et coopératives. Cette condamnation signifierait l’effondrement du capitalisme et l’avènement du socialisme dans sa forme tyrannique (43). Pour éviter cet effondrement, il faut procéder à une réforme de l’entreprise privée. Comme nous l’observerons dans la section suivante, la position défendue par Angers oscille entre celle des catholiques sociaux et celle des patrons catholiques. Essentiellement, le maintien de l’entreprise capitaliste passe par une prise en charge des risques sociaux à même les profits de l’entreprise. Angers propose un système d’assurance-chômage obligatoire pour toutes les industries avec une cotisation à la charge de l’employeur et calculée en fonction du risque de chômage que l’entreprise représente (44).

 

ii) La réforme de l’entreprise

 

Interprété par les historiens comme un moment déterminant de l’histoire sociale du Québec (45), la grève de l’amiante constitue un temps fort de la remise en cause de l’entreprise privée. Après avoir réussi à surmonter les problèmes techniques au cours du 19e siècle, l’entreprise privée doit surmonter les problèmes sociaux. Il importe de purger l’entreprise des abus pour pouvoir continuer à l’utiliser efficacement. Cette réorganisation de l’entreprise exige un programme de réformes de l’ordre social.

 

Premièrement, Angers estime nécessaire d’instaurer une réforme de l’État par l’esprit de solidarité, par opposition à l’individualisme économique, et par le respect du principe de subsidiarité et de suppléance. Deuxièmement, il s’agit d’organiser les collectivités pour satisfaire leurs exigences (46). Par le corporatisme, il est nécessaire de reconstituer les corps professionnelsafin de mettre un terme au conflit qui divise les classes et encourager une collaboration des professions (47). Finalement, il faut substituer le principe de justice à celui de libre concurrence comme norme directrice de la vie économique (48). Du point de vue chrétien, la concurrence n’est pas condamnable, ce qui l’est c’est d’employer celle-ci comme un principe directeur de l’économie. La concurrence est un moyen et non une fin. L’objectif de la libre concurrence est de satisfaire les besoins tels qu’ils se manifestent. Bref, il importe de contrôler la concurrence et non pas de l’abolir.

 

Troisièmement, il est indispensable de procéder à une réforme des mœurs selon l’ordre chrétien (49). La réforme des mœurs de l’entreprise et des mœurs patronales est une des principales sources d’harmonisation et d’humanisation des relations entre les ouvriers et les patrons. La première étape dans l’harmonisation des relations est la réduction des réclamations de certains réformateurs autant au niveau patronal qu'ouvrier. Par leur réclamation exagérée, ils créent des tensions dans les relations nuisant à la recherche de compromis valables pour le développement de l’entreprise. Or, la structure idéologique de certains chefs d’entreprises et de certains syndicalistes est à la base des difficultés dans les relations de travail. Il faut assurer une réorganisation des interactions sociales selon un modèle privilégiant la dignité humaine. Les patrons ont la responsabilité de montrer aux travailleurs que le sens de la dignité ne réside pas dans la destruction, mais dans la construction (50). Ils possèdent également le devoir de contribuer à l’établissement de la paix sociale en vertu des devoirs proportionnels aux droits et à l’importance des fonctions. Les patrons ne doivent pas seulement accorder le minimum nécessaire dans le but d’éviter les conflits. Ils ont la responsabilité de prendre l’initiative du progrès social pour assurer une pleine satisfaction à tous ceux qui participent à la vie économique (51). Le patron capitaliste reste le propriétaire et le maître incontesté de la politique de son entreprise avec les droits que la propriété lui confère, mais sous la réserve d’assumer ses devoirs (52).

 

D’autre part, il faut réfuter l’idée que les ouvriers sont égaux aux patrons dans la gestion de l’entreprise (53) puisque c’est exclusivement le propriétaire qui encourt les risques quant à la création d’une entreprise : «les ouvriers prenant toujours tout quand ça va bien et n’apportent rien quand ça va mal. Le propriétaire est toujours perdant (54).» La question sociale n’est pas seulement une question d’injustice patronale à l’égard des ouvriers, mais elle est aussi une question d’injustice ouvrière à l’égard du patron. Ces injustices résultent de l’envie et d’excès d’esprit égalitariste qui se traduisent sous deux formes : les réclamations exagérées de salaire et l’abus de la force syndicale (55). Si les ouvriers exigent un contrat de réciprocité, ils doivent accepter les risques autant que les avantages que cette participation implique (56). Ni la nature du contrat de travail, ni la nature de l’entreprise ne comportent un droit de cogestion économique (57). Par son rejet du droit de cogestion, Angers se positionne en faveur de l’Association professionnelle des industriels, qui regroupe les patrons catholiques. En fait, le capitaliste, tout comme l’ouvrier, l’artisan et l’agriculteur, est un homme qui cherche à travers « […]des difficultés réelles,même si elles sont d’un autre ordre que les difficultés ouvrières ou agricoles familiales, à mettre sur sa table chaque jour ce qui lui est nécessaire pour satisfaire ses besoins et ceux de sa famille: le capitaliste n’est pas un ogre ou un demi-Dieu, mais un homme comme les autres (58)». Le problème des relations entre ouvriers et patrons réside davantage dans le fait que la technique est devenue une fin à l’intérieur de l’entreprise. Pour ces raisons, les travailleurs doivent exercer leur droit à la libre entreprise par le coopératisme ou le syndicalisme. Cette liberté d’entreprise s’incarne par une volonté de la part de l’ouvrier de s’organiser pour discuter collectivement du contrat de travail. Les ouvriers et les patrons doivent régler ensemble les problèmes sociaux.

 

L’objectif des réformes proposées par Angers est de développer au sein de l’entreprise une solidarité, un esprit d’équipe et de travail communautaire. Pour ce faire, il est nécessaire de stimuler l’organisation professionnelle et les syndicats qui sont «[…] des auxiliaires provisoires, des formes transitoires. Leur fin est l’union et la solidarité des employeurs et des travailleurs, en vue de pourvoir au bien commun et aux besoins de la communauté entière (59)». Les structures qu’elles préparent s’incarnent dans le corporatisme et le coopératisme. Selon Angers, s’opposer au syndicalisme ou l’entraver signifie pour le patronat capitaliste violer la liberté d’activité économique à la portée des ouvriers et saper le principe même sur lequel il prétend s’appuyer pour défendre ses propres droits (60). La recherche de collaboration entre les classes garantie une paix sociale et une juste répartition des richesses. Le syndicalisme empêche les patrons d’accroître leurs profits aux dépens du salaire. Le syndicat est donc un organe qui régularise l’ordre économique et cherche à réaliser un perfectionnement matériel et moral. Il doit défendre les intérêts des défavorisés.

 

L’organisation professionnelle de la vie économique est nécessaire afin que l’activité industrielle devienne organique, c’est-à-dire où les différents acteurs interagissent pour surmonter les difficultés techniques liées à la production et les difficultés sociales liées aux relations de travail. D’ailleurs, c’est par l’entremise de l’organisation professionnelle que les syndicats obtiennent une place permanente dans la vie économique. Toutefois, le syndicalisme doit défendre autant les intérêts de ses membres que ceux de l’entreprise. Une action syndicale qui demande continuellement le possible et l’impossible sans tenir compte de la situation de l’entreprise s’intéresse seulement à la lutte des classes. Celle-ci ralentit la production, diminue la quantité de biens à répartir et les chances d’une grande prospérité générale de la nation. Bref, pour Angers, l’action syndicale ne doit pas tendre vers le socialisme, ni prôner la lutte des classes.

 

L’inégalité des effectifs entre les syndicats ouvriers catholiques et les associations patronales catholiques constitue l’un des principaux problèmes dans l’édification d’un modèle de consultation efficace. En augmentant le nombre de ses membres, l’Association professionnelle des Industriels sera mieux disposée pour discuter avec les autres associations patronales catholiques et les syndicats ouvriers. En outre, l’Association professionnelle des Industriels doit assurer une formation doctrinale à tous les patrons catholiques. Ceux-ci ont la responsabilité de reprendre l’initiative et de se donner une forme d’organisation pour sauver l’entreprise privée. Les patrons et les ouvriers doivent concentrer leurs efforts dans leur sphère respective et harmoniser le système. Ces propositions visent la création d’une communauté de travail; le dépassement du capitalisme et du salariat pour faire cesser la domination du capital sur le travail; une collaboration entre égaux (61). Cette communauté de travail est assise sur l’organisation corporative (62).

 

Ces éléments doivent être combinés avec une campagne d’information dans tous les milieux patronaux catholiques et non catholiques pour démontrer que les réponses aux difficultés de l’économie se situent dans la doctrine sociale de l’Église (63). Par l’entremise de la réforme de l’entreprise, Angers cherche à instaurer une véritable démocratie économique en assurant à chacun des groupes une juste représentation au sein de la vie économique. La vraie promotion ouvrière réside principalement dans la coopération et non pas dans la dépossession du patron de ses droits et de ses responsabilités. Dans Quadragesimo Anno, Pie XI admet un ordre où le contrat de société corrigerait le contrat de travail. Ce contrat de société s’incarne dans le corporatisme. Par leurs aptitudes à organiser et à diriger les corporations, les ouvriers vont démontrer, leur sens de l’initiative et de la responsabilité. De sorte que les Canadiens français seront mieux disposés à assurer la promotion à laquelle ils aspirent (64). Signalons qu’en 1950 la réforme de l’entreprise est abandonnée par Pie XII étant donné le glissement vers une mentalité socialiste. Elle est alors abandonnée par les clercs et par les syndicats catholiques (65). 

 

Toutefois, Angers constate rapidement l’impossibilité d’instaurer un État corporatif au Québec étant donné le refus du gouvernement d’adhérer à cette formule. En fait, les corporations exigeaient une loi organique, c’est-à-dire une loi du gouvernement  permettant la création d’organes entre l’individu et l’État. Cette loi permet aux corps sociaux de s’organiser en corporation. À partir des années soixante, Angers abandonne progressivement l’idée de la corporation et concentre ses énergies sur le mouvement coopératif, qui lui exigeait seulement l’adhésion de la population.

 

c) L’agriculture

 

En comparaison avec les masses ouvrières qui sont instables, l’agriculture s’avère un agent stabilisateur de la nation (66). L’exploitation agricole familiale favorise l’accès à la propriété pour un grand nombre d’individus (67). Il faut maintenir l’exploitation familiale sur de petites fermes plutôt que de chercher une évolution vers la grande propriété agricole et l’exploitation capitaliste mécanisée (68). La conception de l’agriculture d’Angers n’est pas un refus d’opter pour certaines formes de modernisation. À l’image de l’ouvrier, l’agriculture a le droit d’adopter les commodités des sociétés modernes. À ce titre, il souligne la nécessité de procéder à l’électrification des zones rurales; d’effectuer un meilleur choix des terres; et d’utiliser des procédés de colonisation plus modernes (assainissement et drainage des terres, chaux et engrais chimiques, meilleure organisation du crédit à long et court terme pour faciliter l’existence aux individus). L’objectif de ces commodités est «d’améliorer les revenus pour pouvoir mécaniser et rendre la vie de la ferme moins dure, plus attrayante (69)». L’amélioration des revenus passe par un meilleur soin du sol. Angers s’oppose aux principes de division du travail, de mécanisation à fond et de production spécialisée. Ces principes ne sont ni complètement possibles, ni recommandables, car ils causent une destruction de la petite exploitation familiale (70). L’agriculteur ne doit pas subordonner l’exploitation agricole à la machine.

 

D’autre part, l’agriculteur ne doit pas exclusivement orienter sa production vers l’autosuffisance ou une spécialisation accrue. Si la surspécialisation présente des avantages considérables au niveau économique, elle cause également de graves inconvénients à la nation (71). La surspécialisation de l’agriculture engendre une instabilité économique et sociale qui rend l’adaptation de la production des agriculteurs aux besoins de la société plus difficile. Les producteurs surspécialisés deviennent incapables de se nourrir eux-mêmes et dépendent entièrement de la conjoncture économique, c’est-à-dire de la possibilité d’écouler leur production (72). Or, il est nécessaire de maintenir un équilibre entre une forme de spécialisation suffisante et une capacité pour l’agriculteur de demeurer indépendant de la conjoncture économique. L’agriculteur doit assurer lui-même son existence. Par conséquent, la production des biens directement consommables doit rester la base de l’économie agricole (73).

 

Selon Angers, par la force des choses, l’agriculteur devient progressivement un industriel. Il devient le ravitailleur alimentaire des centres urbains. Par contre, comparativement aux industriels, l’agriculteur possède comme capital de base non pas de l’outillage, mais la terre. C’est à la terre que revient le rôle de produire. Le principal problème de l’agriculture au Québec n’est donc pas lié aux facteurs techniques, mais aux facteurs économiques. Pour donner à l’agriculture une rentabilité comparable à celle des autres formes d’activité économique, il faut la soumettre au régime du marché (74). Toutefois, l’agriculture souffre de la surproduction des produits agricole liée aux politiques de colonisation et à l’amélioration des rendements agricoles. Ces deux éléments s’opposent puisque à mesure que les Canadiens français tentent d’installer des familles sur de nouvelles terres, la politique des hauts rendements, en accroissant la production pousse au contraire à l’exode rural ou à une aggravation de la baisse des revenus agricoles et l’activité urbaine est incapable d’absorber les travailleurs. Bien que nécessaire, la colonisation n’est certes pas un moyen d’alléger les pressions à la baisse qui s’exerce sur le marché (75). Il est difficile de concilier l’amélioration des revenus agricoles, l’évolution des rendements et la pratique de la colonisation agricole (76). Comme nous le verrons dans la section suivante le projet d’Angers vise néanmoins à assurer un maintien des Canadiens français dans les campagnes.

 

i) L’agriculture et le facteur national

 

L’agriculture est une des activités à la base de l’organisation économique et sociale de la nation canadienne-française. Elle assure une stabilité économique et empêche la nation de s’aliéner. Comme nous l’avons vu précédemment, la nation est le cadre naturel dans lequel s’élaborent les grandes œuvres humaines. Elle est le symbole et le reflet d’une mission civilisatrice. Pour Angers, le facteur national exige des Canadiens français de ne pas sacrifier l’agriculture aux autres champs de l’activité économique (77). Pour appuyer ces propos, Angers cite Édouard Montpetit:

 

C’est l’agriculture qui résiste aux envahisseurs par sa fidélité. Romier cite l’exemple des Égyptiens ou celui, plus familier, du retour au sol, après 1918, des populations dépouillées du nord et de l’est de la France. Que n’a-t-il pas mentionné les Canadiens français littéralement agrippés à la terre sous la tourmente et l’immortelle ténacité des Acadiens. (…) Le sol est donc le signe de la fidélité; il est aussi la raison initiale de l’unité qui n’est pas plus une question de race ni de sang, c’est-à-dire d’invasion, mais bien la conséquence de cristallisation successives sur le territoire (78).

 

L’attachement au sol, pour un peuple conquis, est un gage de la fidélité envers lui-même: «j’estime que c’est parce que nous avons su rester quand même fixés au sol que nous avons survécu. En est une preuve, la dénationalisation profonde dont souffre le prolétariat urbain (79).» L’agriculture possède donc un rôle prédominant dans le maintien de la nation canadienne-française. Elle fixe le Canadien français à la substance charnelle du pays, en permettant à celui-ci de garder contact avec la patrie (80). Elle façonne les hommes et leur permet de rester fidèles à leurs valeurs. De plus, l’agriculture assure une protection contre l’absorption par les Canadiens français des valeurs protestantes. Pour Angers, le protestantisme est orienté vers l’exaltation des principes de rentabilité et de productivité. À ce titre, il considère les valeurs morales protestantes et catholiques comme fortement opposées:

 

Et il me paraît fort significatif que ce monde nous ait été en quelque sorte imposé du dehors, qu’il se soit bâti sans nous, en tant que sa structure et son inspiration sont concernés. Sans doute, eut-il été capitaliste même si nous l’avions construit nous-mêmes, seuls, libres de nos mouvements, car les données philosophiques fondamentales du catholicisme social – propriété privée, liberté personnelle – postulent le capitalisme dans un monde technique comme le nôtre; mais nous persistons à croire qu’il eût été animé d’un esprit tout différent, moins avide, plus humain, plus conformes aux exigences du bien commun, justement parce que ces mêmes postulats fondamentaux y sont moins individualistes que dans la philosophie sociale anglo-prostestante (81).

 

D’autre part, presque partout sauf dans l’agriculture, le Canadien français est au service de l’Anglais, de l’Américain, du Juif ou du Canadien anglais. La survie des Canadiens français passe par l’exploitation agricole et, plus précisément, par les coopératives agricoles. Ces coopératives assurent à l’agriculteur un meilleur prix pour ses produits tout en lui permettant d’épargner. On note une possibilité d’accélérer la formation de nouveaux capitaux canadiens-français pouvant être réinvestis dans la réhabilitation économique des Canadiens français. Par ce processus, on constate une mobilisation de la capacité d’achat du consommateur canadien-français et la création de nouvelles entreprises. Il faut mobiliser les capitaux des Canadiens français pour les investir dans de nouvelles entreprises canadienne-françaises (82). La réappropriation de l’économie se réalisera seulement par l’intermédiaire du secteur agricole. Nous développerons davantage le fonctionnement des coopératives dans la section suivante.

 

La position d’Angers à l’égard de l’agriculture pose un dilemme entre, d’une part, encourager la colonisation et rendre plus difficile l’amélioration des revenus des agriculteurs ou, d’autre part, rationaliser l’organisation agricole et y sacrifier les intérêts nationaux par la dépopulation des campagnes. En regard de ce problème, il prend clairement position en faveur de la défense de l’intérêt national et ce, même si celle-ci implique une classe agricole moins riche. (83) Il faut concilier la colonisation, l’amélioration technique et une rémunération juste. Pour parvenir à réaliser ce projet, Angers propose deux mesures. Premièrement, une éducation rurale basée sur l’idéal de vie simple. Cette politique ne signifie pas que les individus doivent vivre misérablement, car la misère déprécie les peuples physiquement et moralement. Les agriculteurs doivent obtenir de leur travail un revenu suffisant pour assurer la dignité humaine puisqu’il est indispensable que les individus adhèrent à ce mode de vie par conviction et non par esprit de sacrifice (84).

 

Il n’y a pas si longtemps, le catholique social faisait volontiers fi du progrès matériel, il recherchait avant tout la justice sans trop tenir compte des résultats pratiques matériels. Il pouvait alors logiquement rejeter en bloc toute série d’institutions et de techniques, comme les manifestations modernes du capitalisme et de la technique de production mécanique, préférer la vie rurale et l’artisanat comme mode général d’organisation économique. Peut-être était-ce d’ailleurs alors qu’on était spirituellement le plus près de la vérité chrétienne la plus intégrale (85)?

 

Deuxièmement, il faut instaurer une politique familiale permettant de maintenir l’institution familiale et la forme familiale d’exploitation économique du sol. Pour faciliter l’établissement des enfants sur de nouvelles terres, Angers accepte l’intervention de l’État. Par contre, cette intervention de l’État ne doit pas se réaliser au détriment des responsabilités du père. Il s’agit de mettre le père en position d’agir et de remplir lui-même sa fonction (86). Cette mesure est essentielle à la survie de la nation canadienne-française. Les interventions de l’État sont donc limitées au soutien du revenu, à l’établissement des enfants sur les terres et à la colonisation. 

 

Le facteur national implique que les productions doivent être au dessus des demandes du marché. L’homme doit être nourri à satiété (87). Émile Savoy écrit que l’organisation économique d’un pays «doit être telle que la classe paysanne puisse se développer normalement en raison des grands avantages sociaux et économique qui découlent d’une forte production agricole et de l’importance sociale que présente, pour un pays, une classe paysanne prospère. L’état de sécurité économique et social de la classe paysanne n’est assuré que si le propriétaire qui cultive sa terre peut retirer une juste rémunération de son travail (88).» Angers suggère une réglementation du «marché agricole ou une suppression directe ou indirecte du libre mécanisme des prix des produits agricoles (89) ». Le contrôle des prix est essentiel afin de conserver une stabilité dans les campagnes. Il autorise l’intervention de l’État pour imposer une taxe sur les produits alimentaires. Cette taxe serait distribuée par la suite aux cultivateurs afin de  maintenir les ruraux à la campagne en assurant des conditions financières convenables (90). 

 

Finalement, d’autres considérations favorisent l’amélioration des conditions dans les campagnes et le développement des économies régionales. À ce titre, Angers encourage la diversification de l’économie régionale par l’instauration d’autres occupations que l’agriculture (91). L’agriculture doit être un moyen de subsistance personnelle et non pas seulement une activité commerciale. Angers s’inspire de l’idée de Minville de développer une organisation à base forestière ou de pêche (92) et la mise en place de cultures de type industriel telle la betterave à sucre, le lin, le chanvre et le tabac. De plus, l’artisanat peut devenir l’occupation principale de certains individus et l’agriculture l’occupation secondaire. La diversification de l’économie permet de diminuer la production agricole et de conserver un juste prix en réduisant la pression à la baisse sur les prix et en permettant aux producteurs agricoles de vivre convenablement. D’ailleurs, en maintenant comme occupation secondaire l’agriculture, les individus peuvent se replier sur eux-mêmes en cas de crise pour assurer leur subsistance. L’objectif de ces mesures est de diminuer l’exode rural et de construire des économies régionales. Bref, pour Angers, il ne fait aucun doute que l’agriculture demeure une priorité nationale et ce, même si elle n’est pas l’activité économique la plus avantageuse financièrement. La survie de la nation passe par son emprise sur le sol. 

3. La reconquête économique

 

Pour Angers, la situation d’infériorité économique des Canadiens français est liée à la conquête de 1760. Celle-ci a procédé à une «décapitation» de l’élite française et a mené à l’occupation des principaux postes économiques par le conquérant (93). Il réfute la thèse de la domination du sentiment agriculturiste et de l’absence d’une pensée économique scientifique pour expliquer le retard économique des Canadiens français. L’un des événements les plus révélateurs de l’histoire économique canadienne-française survient en 1897 alors que Uldéric Carignan et Navigius Malhiot tentent d’obtenir les droits sur l’exploitation des chutes de Shawinigan. Ceux-ci échoueront dans leur tentative, le gouvernement préférant accorder le droit d’exploitation au groupe anglais Holt-Russell étant donné les garanties qu’il offre. Cet événement témoigne de l’absence d’une pensée nationale. Une pensée nationale aurait favorisé un appui de la part du gouvernement aux hommes d’affaires canadiens-français (94). Essentiellement, l’infériorité économique des Canadiens français est donc liée à trois raisons: l’absence d’une pensée économique nationale; l’invasion de capitaux américains et anglais; et le manque de capitaux canadiens-français. Selon Angers, les Canadiens français ne détiennent ni les capitaux, ni les institutions, ni les traditions pour reconquérir la grande industrie à court ou à moyen terme (95). En fait, la réappropriation de la grande industrie exige un processus à long terme qui demande de s’appuyer sur le développement de la petite et moyenne entreprise.

 

Par conséquent, Angers estime que les Canadiens français doivent réaliser leur propre conquête économique et politique. Il défend un capitalisme national, c’est-à-dire une économie nationale, sous le contrôle du peuple Canadien français et répondant à ses intérêts. D’ailleurs, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, la création d’une véritable démocratie exige la présence d’une démocratie politique, mais également d’une démocratie économique. Son projet cherche à permettre aux Canadiens français de se substituer progressivement à l’aristocratie financière étrangère présente au Québec. Cette reconquête est d’autant plus nécessaire que cette aristocratie cherche à imposer sa vision pour le développement économique du Québec. Les intérêts de celle-ci ne peuvent correspondre à ceux des Canadiens français. Elle est indifférente ou hostile au projet de nation confessionnelle. Ces éléments amènent Angers à opter pour le coopératisme comme agent libérateur du peuple. Il cherche à instaurer un capitalisme national et à privilégier un nationalisme économique. D’ailleurs, la promotion d’une campagne d’achats des biens Canadiens français témoigne de son nationalisme économique. 

 

a) Coopératisme

 

Le coopératisme est l’un des thèmes les plus présents dans les écrits d’Angers. Selon lui, le Canadien français n’occupe pas la place qui lui revient dans l’économie: «sa vie économique lui échappe; de ce point de vue le Québec a tout à fait l’air de ce qu’il est: un pays conquis, où le vainqueur s’est installé en maître et occupe, par la suite, toutes les positions clefs, la population indigène travaillant au service de son élite (96)». Son projet est une réponse à  «l’esprit colonial» des Canadiens anglais et des Américains aux dépens des Canadiens français. Il est ainsi impossible que la libération économique des Canadiens français provienne des capitaux étrangers. Cette libération se réalisera seulement par les Canadiens français eux-mêmes.

 

Le coopératisme apparaît donc comme la solution la plus adaptée au caractère ainsi qu’à la situation économique des Canadiens français. Il amène le peuple à participer à la vie économique en collaborant et en devenant le possesseur des richesses nationales, le producteur, le fabricant et le distributeur et finalement le consommateur. Le coopératisme pallie l’absence de capitaux, d’institution et de traditions économiques au Canada français. D’ailleurs, le coopératisme, combiné au corporatisme, est le principal moyen pour les Canadiens français d’assurer leur libération économique (97). En développant un modèle économique conforme à leur caractère, les Canadiens français empêchent leur culture de s’aliéner par l’absorption d’une culture étrangère. Un des avantages du coopératisme est qu’il exige l’adhésion des seuls individus constituant la collectivité. Il libère des représailles sournoises, de la mauvaise volonté, de l’incompréhension et de l’indifférence des étrangers (98). Il procure une autonomie d’action et de décision. Pour Angers, les Canadiens français possèdent une mission particulière sur ce continent, ils doivent être des bâtisseurs et non seulement des réalisateurs ou des imitateurs. Ils doivent prendre les risques nécessaires pour leur survie. Refuser de «s’engager dans sa propre voie résulte à se nourrir de la substance des autres et progressivement s’assimiler (99)». Le coopératisme et le corporatisme protègent les Canadiens français contre les formes d’aliénation provenant de l’application d’un modèle économique étranger. Ils favorisent une prise en charge de l’économie en s’accordant avec la doctrine sociale de l’Église.

 

Le coopératisme n’est pas seulement un secteur de l’économie, il est un système économique. Angers cherche à transformer un peuple capitaliste en un peuple coopératiste afin qu’il puisse réaliser lui-même sa libération: «Soyez maître chez vous, non seulement individuellement et sur le bien paternel; soyez aussi maître chez vous, comme classe, tous les cultivateurs ensemble, en contrôlant vos produits sur le marché et la production de vos outils de travail, pratiquez la coopération (100).» Plus précisément, le coopératisme correspond à une philosophie de vie qui fait la promotion des valeurs d’autonomie et de liberté. Il constitue pour la personne humaine le système économique le plus juste et le plus rentable. Le coopératisme est une réponse aux faiblesses du capitalisme. Selon Angers, il n’est pas logique d’accorder seulement aux détenteurs de capitaux les bénéfices de l’entreprise alors que ceux-ci ne travaillent pas pour celle-ci. Ce n’est pas l’investissement en capital qui constitue la vraie richesse de la nation, mais le travail ou la consommation.

 

En outre, le coopératisme est définit comme «une loi paternaliste qui veut sauver le peuple et une loi personnaliste et éducatrice qui veut aider les membres du corps social à s’aider sans les détruire ou les absorber (101)». Les intérêts religieux et culturels des Canadiens français exigent de regarder dans la direction du mouvement coopératif afin de trouver les solutions à leur libération économique étant donné que l’économie constitue la base matérielle sur laquelle le culturel et le religieux ont besoin de s’appuyer pour prospérer (102). Le coopératisme est en mesure de résoudre les problèmes économiques, sociaux et nationaux en garantissant les conditions matérielles et philosophiques nécessaires au progrès de la vie spirituelle et culturelle. Il n’exige ni un capital de départ important, ni des connaissances techniques spéciales pour commencer. La force de ce mouvement réside dans l’accumulation de capitaux qu’il finit par constituer (103). Le coopératisme affranchit les Canadiens français économiquement et ce, même dans un régime dominé par la grande entreprise.  Le coopératisme s’accorde avec le nationalisme économique d’Angers.

 

b) La coopérative

 

Concrètement, la coopérative est une forme d’entreprise qui permet aux individus de s’associer afin de se donner eux-mêmes un service (vente, achat ou production de marchandises, prêts ou dépôts d’argent, assurances) plutôt que de recourir à un intermédiaire (marchands, banquiers, assureurs ou industriels). Elle est une association économique démocratique de personnes mise au service du peuple (104). Elle est une association libre, c’est-à-dire qu’elle n’a aucune forme de contrainte imposée par des décrets comme c’est le cas dans les régimes collectivistes et totalitaires. 

 

Ce système ne cherche pas simplement à faire bénéficier les propriétaires, mais bien chacun des sociétaires à titre de consommateur. Les bénéfices de la coopérative ne sont donc pas répartis aux sociétaires, en fonction du capital versé, mais au prorata des affaires que chacun effectuent dans l’entreprise. D’ailleurs, le coopératisme ne vise pas seulement les intérêts des sociétaires qui ont développé la coopérative, mais de tous ceux qui désirent s’y joindre. La coopérative est une association de personnes plutôt qu’une société anonyme de capitaux, d’où la valeur humaine de la coopération. Chaque coopérateur devient propriétaire de l’entreprise et possède le droit et le devoir de la diriger.

 

La coopérative oeuvre pour le consommateur en établissant sur le marché un juste prix par le développement d’entreprises de production qui entrent en concurrence avec les industries les plus monopolisées. Par conséquent, les coopératives aident à ajuster le prix des produits au niveau normal et à régulariser celui-ci par la répartition, l’accroissement du pouvoir d’achat et par la réduction des profits exagérés. Une fois le secteur coopératif assez puissant pour mettre en place un prix juste sur le marché, les entreprises capitalistes doivent s’y conformer sous peine de perdre leur propre clientèle (105). Ce système montre la possibilité d’instaurer un juste prix des produits courants sans l’intervention d’une autorité (106). Quant à la coopérative de production, elle est caractérisée par le fait que «tous ceux qui travaillent dans l’entreprise à quelque fonction que ce soit sont du groupe des propriétaires, et que les excédents d’exploitation sont ristournés aux sociétaires en fonction du travail apporté (quantité et qualité) (107)». Pour leur travail, les coopératives proposent un salaire aux sociétaires équivalent ou supérieur au salaire courant pour ce champ de l’économie, en plus de distribuer à la fin de l’année les profits en fonction du travail fourni (108). Finalement, la coopération de distribution est un rassemblement de producteurs coopératifs qui vendent leurs produits ou leurs services sur le marché. Dans le cas de cette coopérative, «elle les [produits] reçoit seulement en vue de les vendre pour leur [coopérative] compte et leur transmettre ensuite les fruits de la vente (109).» La coopérative de distribution est davantage un outil au service des coopératives de production et de consommation.   

 

Le coopératisme répond donc à l’exigence fondamentale de l’économie de fournir une structure de prix juste. Chaque sociétaire se sert de l’entreprise pour acheter ses marchandises au prix coûtant. Au moment de l’achat, la coopérative surcharge une certaine somme pour couvrir les frais d’administration. À la fin de l’année, la coopérative rembourse sous forme de ristournes ce qui a été perçu en trop (110). Plus les sociétaires sont nombreux, plus l’entreprise est forte et plus les coûts d’administration sont réduits. Cette situation facilite l’accession à la production, qui elle réduira le prix des produits. À titre de comparaison, dans l’entreprise privée, l’intérêt du propriétaire est de vendre le plus cher possible en fonction du marché pour réaliser le maximum de profit. Dès que les profits deviennent exagérés, un nombre limité d’individus en tirent un avantage (les propriétaires ou vendeurs) alors qu’une majorité sont désavantagés par des prix élevés (les clients). Dans le cas de la coopérative, les prix ne peuvent être trop élevés étant donné que les surplus reviennent à la fin de l’année au consommateur (111). Les surplus sont ainsi redistribués aux usagers (Canadiens français) et non aux actionnaires (majoritairement anglais ou américains) comme dans le cas des grandes entreprises. La coopérative ne cherche pas à faire des profits, mais à servir ses membres.

 

D’autre part, l’action coopérative offre des débouchés vers la petite, la moyenne et la grande entreprise. Selon Angers, il ne faut plus chercher les capitaux mais les personnes. En organisant adéquatement son marché intérieur (4,5 millions de personnes), il est possible de mener à la réalisation et à l’émergence d’un système coopératif puissant. L’idée centrale est d’organiser la distribution et la production par le consommateur et pour le consommateur. De sorte que l’économie est mise au service de la majoritécanadienne-française (112). Dans cette situation, les Canadiens français deviennent les principaux employeurs du Québec. Il s’agit pour les citoyens d’investir seulement un petit capital pour devenir sociétaire d’une coopérative. Cet élément permet de diffuser la propriété et de multiplier les petits propriétaires. Par conséquent, les pauvres comme les riches peuvent accéder à la coopération. Le coopératisme est un moyen de sauver la nation canadienne-française économiquement, en plus de procurer à chacun des économies appréciables sur les produits. Une fois cette étape réalisée, les Canadiens français seront en mesure, grâce aux usines de transformation, d’obtenir des prix avantageux. Ce système favorisera l’émergence de gens d’affaires et de techniciens canadien-français. D’ailleurs, le coopératisme en se déployant dans le Québec mènera à une réduction des disparités régionales. Le coopératisme est un instrument de redressement économique qui permet d’accomplir l’idéal de la société canadienne-française. Il est un instrument au service du nationalisme économique d’Angers. C’est seulement par l’éducation des masses à la valeur du coopératisme que les Canadiens français seront en mesure de devenir les artisans de leur propre libération économique et ainsi de prendre leur destin en main.

 

c) Coopératisme et démocratie

 

Le statut de peuple colonisé et la menace d’assimilation par la domination de l’aristocratie financière étrangère empêchent les Canadiens français d’atteindre leurs aspirations. Il est difficile de réaliser une véritable démocratie au Canada français alors que les ressources de la province de Québec ne sont pas exploitées en fonction des intérêts de la majorité canadienne-française. Aussi longtemps que les Canadiens français ne joueront pas un rôle prépondérant dans l’édification et l’orientation de leur vie économique et sociale, leurs intérêts ne seront pas représentés (113). La démocratie exige une organisation, tant économique que politique, où les citoyens sont en mesure de faire valoir leurs intérêts légitimes; elle implique la possibilité pour ceux-ci de diriger leur vie économique et sociale. Malgré que la démocratie ait élevé le «peuple à la dignité de roi» personne ne s’est préoccupé de préparer celui-ci à effectuer une utilisation convenable de la démocratie (114). La collaboration doit donc se faire pour le peuple et par le peuple, c’est-à-dire qu’elle doit servir le peuple en assurant la prospérité matérielle et en faisant naître des habitudes d’entraide afin d’éviter l’individualisme et l’égoïsme. La coopération demande au peuple de collaborer pour assurer lui-même son propre salut économique et social. Pour ce faire, Angers propose l’entreprise coopérative. 

 

Or, la coopération permet de pallier cette faiblesse du régime puisqu’elle habitue les hommes à se regrouper, à envisager les problèmes qui résultent de l’association et à régler eux-mêmes tous les problèmes qu’ils sont capables de résoudre plutôt que de rejeter toute la tâche sur les gouvernements (115). La coopérative crée des citoyens éclairés, capables d’étudier et d’analyser un problème et de se prononcer sur une question et de démêler le vrai du faux dans l’argumentation subtile des politiciens. Les qualités d’un bon coopérateur sont les mêmes que celles d’un bon citoyen, de sorte que la pratique de la coopération est vraiment l’apprentissage de la démocratie (116).

 

Pour être un bon citoyen dans un État démocratique, un citoyen est capable de participer activement et en connaissance de cause à l’administration de son pays, il faut comprendre les problèmes, il faut les avoir étudiés et vécus. Il faut qu’ils nous aient touchés collectivement, en tant qu’homme vivant dans la société (117) .

Selon Angers, les coopératives possèdent un rôle de pression politique auprès des dirigeants de l’État (118). Comme nous l’avons observé lors du chapitre précédent, la vie sociale provoque deux catégories de relations. Premièrement, des relations d’ordre politique résultant du fait que l’homme est un être social qui recherche la compagnie de son semblable pour s’épanouir et, deuxièmement, des relations d’ordre économique résultant de la nécessité pour l’homme de satisfaire ses besoins matériels en s’associant avec d’autres hommes pour produire ou échanger des produits (119). Dans cette perspective, la coopération est susceptible de faciliter l’avènement d’une véritable démocratie puisqu’elle permet de prévenir l’exploitation de la majorité par une minorité (120).

 

Également, le coopératisme développe le sens social en exigeant une action soutenue contrairement à une simple adhésion dans une société par actions (121). Elle décentralise les moyens d’action en créant une élite administrative dans chaque région (122). La coopération règle les problèmes économiques de tous les jours ainsi que les problèmes philosophiques, moraux et sociaux. Elle offre théoriquement un moyen naturel de redonner à l’activité économique l’équilibre nécessaire afin de soulager la tâche des gouvernants, des autorités corporatives ou de toute autre forme de direction économique centrale et démocratique. En fait, chaque membre de la coopérative détient un seul droit de vote empêchant ainsi que le contrôle soit détenu par les individus détenant plus de capitaux.

 

En terminant, mentionnons qu’il n’est pas nécessaire de défendre la confessionnalité des coopératives (123), car si la majorité des membres sont catholiques, la coopérative sera menée de manière catholique et ce, sans imposer de restrictions aux non-catholiques. En fait, les Canadiens français ne doivent pas refuser le droit aux non-catholiques et non-français d’adhérer à un mouvement de rédemption sociale. La coopérative ne peut être démocratique s’il n’y a pas de liberté d’entrée et de sortie des membres. Les catholiques doivent s’appuyer sur les principes auxquels ils croient pour justifier leurs actes. Dans les régions où les catholiques représentent seuls la communauté locale, la coopérative sera nécessairement confessionnelle et «uniraciale», sans le mentionner. Angers appuie son raisonnement sur l’idée qu’il n’existe aucun danger à pratiquer la non-confessionnalité dans ce cas puisque la minorité anglo-protestante ne peut s’opposer à la réalisation des objectifs religieux, culturels et sociaux de la majorité franco-catholique (124). Toutefois, ceux qui se réclament d’autres religions ne doivent en aucun cas utiliser la coopérative comme un instrument de prosélytisme et jeter la discorde parmi les membres.

 

* * *

 

Cette analyse de la pensée économique d’Angers a démontré qu’elle est humaniste, c’est-à-dire qu’elle accorde une priorité à la personne, à la liberté personnelle, à la responsabilité individuelle et à la solidarité nationale selon les principes catholiques. Les propositions qu’il soumet ont pour objectif de conserver le caractère catholique de la nation canadienne-française et de s’accorder avec la doctrine sociale de l’Église. Il fait la promotion d’un nationalisme économique et d’un capitalisme national. Pour Angers, l’entreprise capitaliste et la propriété privée sont naturelles et légitimes. Il recherche une humanisation de l’entreprise par l’intermédiaire du catholicisme afin qu’elle devienne socialement bénéfique. Le rôle de l’État est de se charger des fonctions que les particuliers et les groupements inférieurs sont incapables d’assurer par leur propre initiative. En fait, Angers valorise les concepts de subsidiarité et de suppléance. Selon lui, il faut ajuster les modèles économiques, sociaux et politiques aux réalités canadiennes-française plutôt que de transposer des modèles provenant de l’étranger. Comme nous l’avons observé lors du chapitre précédent, l’application d’une sécurité sociale d’État a un effet démoralisateur, en plus de détruire graduellement l’esprit de travail dans les populations. Cette situation implique une dégradation matérielle pour la société et une dégradation morale pour les individus. Pour cette raison, il défend une conception où l’individu assure lui-même son destin à l’aide d’un travail et d’un salaire juste. L’idée de dignité de la personne est au cœur de la pensée économique et sociale d’Angers. Finalement, il est nécessaire de réorganiser l’économie au Québec autour du corporatisme et du coopératisme afin que les Canadiens français puissent assurer eux-mêmes leur libération économique. Le coopératisme défend les principes de responsabilité personnelle et sociale, de démocratie, d’égalité, d’équité et de solidarité. Ce projet exige un processus de transition lent et constant s’effectuant de bas en haut. En partant de la base de la nation, le Canada français connaîtra une émancipation économique, culturelle, sociale, politique et nationale. Selon Angers, il n’existe pas de mesure qui peut modifier brusquement l’organisation économique et sociale et propulser les Canadien français au niveau économique qu’ils méritent. Quoi qu’il en soit, l’édification de la nation confessionnelle doit s’appuyer sur de solides bases économiques. Parmi les autres composantes essentielles à la compréhension du projet de nation confessionnelle signalons le système d’éducation. Comme nous l’observerons dans le prochain chapitre, il est convaincu que le maintien de la culture canadienne-française est assuré en grande partie par l’école confessionnelle. Essentiellement, ce chapitre servira à observer le rôle de l’éducation dans la pensée d’Angers et son évaluation des conséquences de l’application des conclusions du rapport Parent au système d’éducation québécois.

(1) François-Albert Angers, «Pour servir la personne humaine»…, p. 85.

(2) Pascale Ryan, La pensée économique de François-Albert Angersde 1937 à 1960: la recherche de la troisième voie, Mémoire de M.A. (Histoire), 1993, p. 92.

(3) En 1999 dans une entrevue accordée à Jean-Marc Léger pour les Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle, à la question sur l’influence de la religion dans l’édification de sa pensée, Angers répond: «Oui, et pas en fonction de mes convictions chrétiennes. Certes, ma foi religieuse m’a incité à y accorder de l’importance, mais l’étude m’a aussi convaincu que c’était la meilleure formule. Alors, ma position n’était ni libérale, ni socialisante, ni de droite, ni de gauche, selon les expressions consacrées, mais en recherche d’équilibre entre ce qu’il y a de nécessaire dans les deux positions comme tendances. Disons qu’on peut la qualifier de droite dans le sens que je croyais beaucoup à la nécessité de l’ordre et de la justice, mais aussi autant au sens social dans la recherche de l’égalité et de la liberté. Il y a une formule célèbre et qui me convient bien: la justice sans la charité durcit tout ; la charité sans la justice pourrit tout.»

(4) François-Albert Angers, La sécurité sociale et les problèmes constitutionnels [vol. 1]…,  p. 90.

(5) Ibid., p. 86.

(6) Ibid., p. 88.

(7) Néo-nationalisme signifie ici libéralisme social et non pas, comme aujourd’hui, retour à moins d’État, à moins de règlements et à moins d’impôts. L’État-providence incarne le néo-libéralisme. Ibid.,  p. 96.

(8) Ibid., p. 97.

(9) Ibid., p. 100.

(10) François-Albert Angers, «Temps perdu toujours», L’Action nationale, 5, 1(janviers 1965), p. 495.

(11) François-Albert Angers, La sécurité sociale et les problèmes constitutionnels [vol. 1]…, p. 105.

(12) Ibidem.

(13) Ibid., p. 113.

(14) Ibid., p. 106.

(15) Ibid., p. 209.

(16) Ibid., p. 124.

(17) Ibid., p. 209.

(18) Ibid., p. 125.

(19) Ibid., p. 128.

(20) Ibid., p. 129.

(21) François-Albert Angers, La sécurité sociale et les problèmes constitutionnels [vol. I]…,  p. 129.

(22) Ibid., p. 130.

(23) Ibid., p. 132.

(24) Ibid., p. 204.

(25) Pie XI «Quadragesimo anno» cité dans François-Albert Angers, «De l’utopie au réel», L’Action nationale, 29, 6 (juin 1947), p. 449.

(26) François-Albert Angers, «De l’utopie au réel», L’Action nationale, 29, 6 (juin 1947), p. 441.

(27) Ibid., p. 447.

(28) François-Albert Angers, «Pour servir la personne humaine»…, p. 84.

(29) François-Albert Angers, «II- Soixante années de doctrine sociale catholique»…, p. 428.

(30) Ibid., p. 418.

(31) Ibid., p. 429.

(32) François-Albert Angers, La sécurité sociale et les problèmes constitutionnels [vol. I]…, p. 363.

(33) Ibid., p. 365.

(34) François-Albert Angers, «Secours direct familial», L’Action nationale, 25, 5 (mai 1945),  p. 333.

(35) François-Albert Angers, «Soixante ans de doctrine sociale catholique»…, p. 414-415.

(36) François-Albert Angers, «Temps perdu toujours!», L’Action nationale, 40, 1 (septembre 1955), p. 501. 

(37) François-Albert Angers, «Pour sauver l’entreprise privée», L’Action nationale, 34, 1 (septembre 1949),  p. 27.

(38) François-Albert Angers, «La structure de l’entreprise», L’Actualité économique, 25, 4 (janvier-mars 1950), p. 613.

(39) François-Albert Angers, «Réformes sociales et catholicisme », L’Actualité économique, 27, 4 (janvier-mars 1952), p. 752.

(40) François-Albert Angers, «Pour sauver l’entreprise privée»…, p. 19.

(41) François-Albert Angers, «Soixante ans de doctrine sociale catholique»…, p. 419.

(42) François-Albert Angers, «Pour sauver l’entreprise privée»…, p. 23-24.

(43) Ibid., p. 25.

(44) François-Albert Angers, La sécurité sociale et les problèmes constitutionnels [vol. I]…,  p. 365.

(45) Jacques Rouillard, «La grève de l’amiante de 1949 et le projet de réforme de l’entreprise. Comment le patronat a défendu son droit de gérance», Labour/Le Travail, 46 (automne 2000), p. 307-308.

(46) François-Albert Angers, «Commentaires»…, p. 356.

(47) Ibid., p. 356.

(48) Ibid., p. 357.

(49) Ibidem.

(50) François-Albert Angers, «Commentaires: Réformes sociales et catholicisme»…, p. 767.

(51) François-Albert Angers, «La structure de l’entreprise»…, p. 637.

(52) François-Albert Angers, «Pour sauver l’entreprise privée»..., p. 28.

(53) François-Albert Angers, «Commentaires: la lettre pastorale collective sur le problème ouvrier»...,        p. 152.

(54) François-Albert Angers, «Commentaires»…, p. 352.

(55) François-Albert Angers, «Soixante ans de doctrine sociale catholique»…, p. 237-238.

(56) François-Albert Angers, «Commentaires»…, p. 332.

(57) François-Albert Angers, «Commentaires: Réformes sociales et catholicisme»…, p. 764.

(58) François-Albert Angers, «Pour sauver l’entreprise privée»…, p. 32.

(59) François-Albert Angers, «Commentaires»…, p. 358.

(60) François-Albert Angers, «La structure de l’entreprise»…, p. 637.

(61) François-Albert Angers, «Commentaires: Réformes sociales et catholicisme»…, p. 763.

(62) François-Albert Angers, «Commentaires»…, p. 357.

(63) François-Albert Angers, «Soixante années de doctrine sociale catholique»…, p. 413.

(64) Ibid., p. 421.

(65) Jacques Rouillard, «La grève de l’amiante de 1949 et le projet de réforme de l’entreprise. Comment le patronat a défendu son droit de gérance», Labour/Le Travail, 46 (automne 2000), p. 340.

(66) François-Albert Angers, «Industrialiser l’agriculture»..., p. 69.

(67) Ibid., p. 69.

(68) François-Albert Angers, «Soixante années de doctrine sociale catholique»…, p. 426.

(69) François-Albert Angers, «Industrialiser l’agriculture»..., p. 70.

(70) Ibid., p. 72.

(71) Ibid., p. 64.

(72) Ibid., p. 64.

(73) Ibid., p. 70.

(74) François-Albert Angers, «Quelques facteurs économiques et sociaux» dans Esdras Minville, dir., L’Agriculture, Éditions Fides, 1943, p. 455.

(75) Ibid., p. 456.

(76) Ibidem.

(77) Ibid., p. 462.

(78) Ibidem..

(79) Ibidem, (La dernière partie de la citation fait référence à l’article de Lionel Groulx Paroles à des étudiants).

(80) François-Albert Angers, «Pour une politique nationale: l’économique», L’Action nationale, 10, 2 (octobre 1937), p. 96-97.

(81) François-Albert Angers, «Les institutions économiques», L’Actualité économique, 17, 4 (février 1942), p. 373.

(82) François-Albert Angers, «Nous sauver par la coopération», L’Actualité économique, 15, 2 (janvier 1940), p. 285.

(83) François-Albert Angers, «Quelques facteurs économiques et sociaux»…, p. 462-463.

(84) Ibid., p. 467.

(85) François-Albert Angers, «De la sécurité sociale», Notre Temps (30 juillet 1949), p. 115.

(86) François-Albert Angers, «Quelques facteurs économiques et sociaux»…, p. 472.

(87) Ibid., p. 463.

(88) Ibid., p. 466.

(89) Ibid., p. 467.

(90) Ibid., p. 474.

(91) Ibid., p. 479.

(92) Dominique Foisy-Geoffroy, Esdras Minville. Nationalisme économique et catholicisme social au Québec durant l’entre-deux-guerres, Mémoire de M.A. (Histoire), Université de Montréal, 2001, p. 117-118.

(93) François-Albert Angers, «Naissance de la pensée économique au Canada français», Revue d’histoire de l’Amérique française, 15, 2 (septembre 1961), p. 5.

(94) Ibid., p. 9.

(95) François-Albert Angers, «Coopération et démocratie», Semaines sociales du Canada, 19 (décembre 1942), p. 124.

(96) François-Albert Angers, «Situation économique du Québec», dans L’inventaire du mouvement coopératif, Québec, Montréal, Conseil supérieur de la coopération, 1944, p. 15-16.

(97) François-Albert Angers, «Vers la libération économique», dans Prise de conscience économique, Montréal, Conseil d’expansion économique, 1960, p. 47.

(98) François-Albert Angers, «Coopération et démocratie»…, p. 125.

(99) François-Albert Angers, «Vers la vraie libération»…, p.404.

(100) François-Albert Angers, «Les avantages de la coopération en agriculture», La terre de chez nous, (28 mars 1945), p. 163.

(101) François-Albert Angers, «Vers la vraie libération»…, p. 402.

(102) François-Albert Angers, «L’avenir de notre mouvement coopératif est toujours en jeu!», L’Action nationale, 30, 1 (septembre 1947), p. 18.

(103) François-Albert Angers, «Coopération et démocratie»…, p. 126.

(104) «Manifeste du Conseil Supérieur de la Coopération», dans Daniel Latouche et Diane Poliquin-Bourassa, Le manuel de la parole, manifeste québécois, Tome 2 : 1900 à 1959), Montréal, Édition Boréal Express, 1978, p. 199-201  

(105) Ibid., p. 118.

(106) Ibid., p. 119.

(107) François-Albert Angers, «Les coopératives font-elles des profits?», L’Action nationale, 25, 6 (juin 1945), p. 482.

(108) Ibidem.

(109) Ibid., p. 479.

(110) François-Albert Angers, «Coopération et démocratie»…, p. 117.

(111) Ibid., p. 118.

(112) François-Albert Angers, «Nous sauver par la coopération», L’Actualité économique, 15, 2 (janvier 1940), p. 286.

(113) François-Albert Angers, «Coopération et démocratie»…, p. 124.

(114) François-Albert Angers, «Les avantages de la coopération en agriculture»…,  p. 167.

(115) Ibid., p. 164.

(116) François-Albert Angers, «Coopération et démocratie»…, p. 123.

(117)  François-Albert Angers, «Les avantages de la coopération en agriculture», La terre de chez nous, (28 mars 1945), p. 164.

(118) François-Albert Angers, «Coopération et démocratie»…, p. 108.

(119) Ibid., p. 109.

(120) Ibid., p. 122.

(121) Ibid., p. 123.

(122) François-Albert Angers, «Les avantages de la coopération en agriculture»…, p. 165.

(123) François-Albert Angers, «Nous sauver par la coopération», L’Actualité économique, 15, 2 (janvier 1940), p. 286.

(124) Ibidem.

 

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Source : Stéphane St.-Pierre, Francois-Albert Angers et la nation confessionnelle (1937-1960), Mémoire de M.A. (histoire), Université de Montréal, 2006, 181p., pp. 84-117.

 

 
© 2006 Claude Bélanger, Marianopolis College