Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Richard Montgomery

 

MONTGOMERY (Richard) (1736-75), soldat dans l'armée anglaise, capitaine, brigadier-général dans l'armée américaine.

 

Son ancêtre, le comte de Montgomery, d'origine française, dans une joute à la lance avec Henri II de France (1559), le blessa mortellement à l'oeil : il paya de la vie sa maladresse. La famille émigra aussitôt aux Pays-Bas. L'un des descendants vint à Londres avec Guillaume III d'Orange (1688). Il commandait un régiment durant la guerre d'Irlande, où il acquit trois propriétés foncières. Thomas Montgomery eut trois garçons, Alexandre, Jean et Richard, et une fille qui épousa le vicomte de Ranelagh. L'aîné servit comme officier sous les ordres de Wolfe au Canada; il représenta au Parlement britannique le comté de Donegall, durant 40 années. Le cadet, négociant notable, mourut à Lisbonne (Portugal). Leur mère était une Anglaise de fortune, dont l'avoir était fondé sur son jeune fils, l'aîné ayant hérité des biens de son oncle.

 

Richard, selon les mémoires de son épouse, naquit à Dublin, le 2 décembre 1736, ou bien selon les documents plus récents, à Convoy House, près de Raphoe (Irlande). A dix-huit ans, il s'enrôla dans l'armée anglaise et alla en 1757 tenir garnison à Halifax; il servit sous les ordres de Wolfe à la prise de Louisbourg (1758) et, l'année suivante, il commandait un régiment dans les troupes qui s'emparèrent des forts du lac Champlain. En 1760, après la prise du fort Saint-Jean, il s'avança contre Montréal et, après la conclusion de la paix, il retourna en Angleterre avec le 17e régiment d'infanterie. Nommé capitaine, il servit à la Havane et aux Indes occidentales. Son régiment fut plus tard réquisitionné, dans le dessein de faire exécuter la loi du Droit du timbre (Stamp Act) : d'accord avec d'autres officiers, il menaça de démissionner plutôt que de retourner aux Colonies-Unies.

 

En 1771, il voulut acheter une majorité : il se vit supplanter par un rival; ce qui le détermina à vendre sa commission militaire et à émigrer à New-York. Il acheta une ferme à Kingsbridge. Il avait, lors de son premier voyage, fait la connaissance de Janet, fille de Robert Livingston, l'un des juges du Banc du roi. En mai 1773, il écrivit au magistrat, lui demandant la main de sa fille : le 21 juin, il reçut une courte réponse affirmative. Le mariage eut lieu au mois de juillet. Aussitôt il alla établir un moulin et une résidence à Rhinebeck. En 1775, bien que retiré de la vie politique et peu connu encore, il fut choisi pour représenter le comté Duchess au Conseil ou Congrès des Cinquante à New-York.

 

Ce Congrès résolut de faire une levée de volontaires pour revendiquer le droit des Colonies : Philip Schuyler fut nommé major-général des troupes et Montgomery l'un des huit brigadiers-généraux : celui-ci prenait ainsi le parti de la Révolution. Après avoir reçu sa commission du général Washington, il avisa secrètement le gouverneur anglais, William Tryon, de s'embarquer au plus tôt pour Londres. Tandis que Benedict Arnold conduisait 1,100 guerriers de choix, de Kénébec vers Québec, Montgomery sous les ordres de Schuyler en entraînait 1,500 au lac Champlain, avec la promesse de recevoir de nouveaux renforts. Le major tomba malade soudain, laissant le commandement en chef à son brigadier-général.

 

Ce dernier écrivit deux lettres de l'Ile-aux-Noix à son épouse, le 5 et le 12 septembre 1775, où il exprime ses regrets et ses craintes, à cause de l'indiscipline qui régnait dans l'armée, du manque de pièces d'artillerie et des moyens de transport. Le 6 octobre, il lui écrit, du Camp devant Saint-Jean, qu'il attend sans cesse des renforts, « les volontaires ayant le mal du pays »; que « si la poudre ne vient pas à manquer, l'affaire sera réglée en peu de jours »; que « des propositions ont été faites au sieur de La Corne, vilain et rusé diable, pour la reddition de la place ». Le 9 du même mois, il avoue son intention de démissionner « sentant vivement la bassesse, l'ignorance et la suffisance de ses misérables troupes ». Le 18, le major Stapford, son ancien rival, commandant le fort de Chambly, se rendit à discrétion, après un jour et demi d'attaque : l'ennemi s'y approvisionna de munitions et de vivres. Le 2 novembre, le fort Saint-Jean, assiégé depuis le 18 septembre et défendu par le major Preston avec 543 réguliers, 120 volontaires canadiens, 20 Anglais de la marine, capitulait aussi. Le sort de Montréal était désormais scellé. Le 11 novembre, les soldats américains commençaient à traverser à l'île Saint-Paul. Le 13 novembre, Montgomery écrit de nouveau à sa femme : « Ce matin, les Bostonnais sont entrés dans la ville; le gouverneur, avec sa petite garnison, l'avait abandonnée pour se retirer à Québec. » Le 24, nouvelle missive : « L'autre jour, le général Prescott (sic) (Pres­ton) a eu l'amabilité de se rendre avec 14 ou 15 officiers et plus de 500 soldats, sans compter les officiers de marine et les matelots. J'en rougis pour les troupes de Sa Majesté ! Je n'ai jamais été témoin d'une telle poltronnerie. Demain, j'espère prendre la route de Québec, afin de me joindre à Arnold, impatient de nous voir arriver. »

 

Aux premiers jours de décembre, la jonction était opérée à la Pointe-aux-Trembles (Neuville). Le 5 décembre, Montgomery écrit sa dernière lettre, datée de Rolland House, située à deux milles au-dessus de Québec. De là, il adresse deux sommations, l'une à Carleton pleine de hauteur et de menaces, l'autre à la population de ville et des campagnes. Les Américains, durant 25 jours, dressent leurs batteries, bombardent la ville et s'efforcent de battre en brèche les remparts, mais sans succès appréciable. Résolus de brusquer le dénouement, dans la nuit du 31 décembre, vers 4 heures du matin, ils font deux tentatives simultanées, l'une par Prés-de-Ville au pied du cap Diamant, dans la rue Champlain, l'autre par le Saut-au-Matelot. Leur plan est de se rejoindre au bas de la côte de la Montagne, après avoir emporté d'assaut les barricades qui protègent les deux extrémités de la basse ville et de se lancer ensuite, par cette côte, à l'attaque de la haute ville. A Prés-de-Ville, c'est Montgomery lui-même qui s'avance à la tête de 700 de ses meilleurs soldats. Mais le poste est gardé par le capitaine Chabot avec ses 30 miliciens, le capitaine Barnfare de la marine marchande avec ses quinze matelots. Une batterie de cinq canons commande le passage. Croyant les surprendre, Montgomery entraîne ses hommes vers la barricade, quand soudain les boulets et une rafale de mitraille viennent foudroyer sa colonne : le général tombe avec son aide de camp MacPherson, le capitaine Cheeseman et dix assaillants. Les Américains s'enfuient dans le plus grand désordre, laissant derrière eux leurs morts que la tempête recouvre bientôt d'un linceul de neige. Un bras seul émergeait, lorsque Carleton fit relever les cadavres; il assista à l'ensevelissement de Montgomery avec une suite de douze officiers, dans une fosse qu'il ordonna de creuser sous l'un des bastions du fort Saint-Louis.

 

En mars 1818, sa veuve vivait encore, mais sans postérité. Le gouverneur De Witt Clinton chargea son neveu, Lewis Livingston, d'aller à Québec chercher les ossements du général. Grâce à un Canadien, âgé de 89 ans, qui avait assisté à l'enterrement, le cercueil fut retrouvé à peu près intact et déposé dans une caisse avec le squelette, à moitié conservé. Un monument lui fut dédié dans l'église Saint-Paul de New-York, en juillet 1818.

 

Source  : Louis LE JEUNE, "Richard Montgomery", dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 2, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 829p., pp. 297-299.

 

 
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