Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juin 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Pensées directrices

 

[Ces extraits sont tirés des oeuvres d'Esdras Minville. Pour la référence bibliographique précise, voir la fin du texte.]

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Si nous voulons comme peuple consolider nos posi­tions, nous mettre en état de réaliser pleinement notre vocation nationale, donc de porter à leur plus haut degré d'épanouissement les valeurs de culture et de civilisa­tion dont nous sommes les dépositaires, il va nous falloir améliorer notre situation économique, parvenir à une autonomie assez large pour nous soustraire, touchant l'une des nécessités les plus irréductibles de nos effec­tifs humains, à la dépendance de l'étranger (L'homme d'affaires, 1944, p. 16).

 

Il faut que nos hommes d'affaires, comme les autres classes sociales, aient le sens des intérêts nationaux, que spontanément ils choisissent dans l'exercice de leur propre activité professionnelle la ligne de conduite la mieux adaptée à l'esprit de notre culture et de notre civilisation, la plus conforme par conséquent aux exi­gences de fond de notre vie nationale. Il s'agit de bâtir nous-mêmes en toute originalité. Question d'hommes, question d'éducation. (L'homme d'affaires, 1944, p. 19).

 

Les temps semblent bien définitivement révolus de l'influence prépondérante, voire exclusive, de l'entre-prise du type capitaliste ou même individuelle : ici comme dans le reste du monde, il va désormais falloir admettre dans l'organisation et le fonctionnement de la vie écono­mico-sociale une certaine dose d'action collective, d'une inspiration différente. (L'homme d'affaires, 1944, p. 177).

 

Telles sont les principales ressources de la pro­vince de Québec : forêts, chutes d'eau, mines constituent le principal de sa richesse. Et ce sont des ressources industrielles. Il faut donc en prendre notre parti, et nous comporter ou plutôt nous préparer en conséquence. Ce qui ne veut pas dire, loin de là, que l'agriculture est quantité négligeable. Au contraire, un domaine agricole d'une quarantaine de mille milles carrés est un actif dont nombre de peuples s'enorgueilliraient, dont ils tireraient un parti merveilleux. Nous dirions même, au risque d'avoir l'air d'énoncer un paradoxe, que l'agriculture dans la province de Québec est d'autant plus importante que la vocation de notre province est plus nettement indus­trielle (La bourgeoisie et l'économique, 1939, p. 18).

 

Par delà l'ouvrier, il y a l'homme, et c'est lui qu'il faut réintégrer dans les cadres de la société, en lui faisant une place appropriée à sa personnalité. Nous connaissons les conséquences pour l'ouvrier de la perte de son initiative sur le plan social. Eh bien, la perte de son initiative sur le plan professionnel a des conséquen­ces plus graves encore... La rationalisation redresse ses habitudes jusqu'à en faire le résultat, non d'une inclination naturelle, mais d'une technique. Jour après jour, ses facultés créatrices sont annihilées, sa person­nalité abolie. II est réduit à un automatisme... Les fonctions industrielles déprécient l'homme au lieu de le stimuler. Si l'on n'intervient, la classe ouvrière — la plus nombreuse, ne l'oublions pas — glissera, d'une génération à l'autre, vers un primitivisme dont il est impossible, il va sans dire, de prévoir la nature et les conséquences exactes, mais qui, soyons-en certains, seront bien éloignées de ce qu'on entend par progrès et civilisation (Le citoyen canadien-français, I, 1946, p. 245).

 

Au temps de la Confédération, la préservation du particularisme canadien-français se présentait à tous les esprits, et du sommet à la base de la société, comme préalable à l'unité nationale ; à l'heure actuelle, dans bien des milieux et dans la pensée de nombre de nos dirigeants celle-ci est préalable à celle-là : l'unité na­tionale avant tout, à n'importe quel prix. Comme si la politique l'emportait sur l'humain. L'esprit de la Confé­dération s'est détérioré (Le citoyen canadien-français, II, 1946, p. 73).

 

Chacun est à même de le constater : l'industriali­sation rapide du dernier quart de siècle a congestionné les villes, désagrégé notre classe moyenne, prolétarisé une proportion effroyable de notre population, suscité une multitude de problèmes au sujet desquels on s'inter­roge aujourd'hui avec inquiétude. Et pour remédier à ce désarroi, de toute part on réclame des lois dites sociales : allocations familiales, pensions de toutes sor­tes, assurance-chômage, maladie, invalidité, etc. Et on les réclame sans apparemment se demander si de telles mesures, louables dans leur intention, sont opportunes et si, dans un pays comme le nôtre, ,au point où en est notre économie, elles sont susceptibles de produire les résultats attendus. Nous avouons franchement, pour notre part, que ces mesures paraissent aussi inquiétantes que les maux auxquels elles prétendent remédier, et que l'acharnement qu'on met à 'les réclamer tout de suite révè­le une singulière et très dangereuse propension à opter pour la solution la plus facile... Si l'industrialisation a fait surgir •si tôt chez nous tant et de si graves pro­blèmes sociaux, cela est dû pour une bonne part au fait que notre politique économique et sociale n'a pas su s'adapter aux exigences de notre milieu et coor­donner l'exploitation de nos ressources de façon à en tirer le meilleur parti humain (La bourgeoisie et l'économique, 1943, p. 21).

 

Le coopératisme procède de l'association de personnes et nous offre ainsi le moyen, par la mobilisation de nos énergies humaines, de mettre sur pied des institutions capables de surmonter la concurrence des gran­des associations de capitaux qui dominent à l'heure actuelle notre économie. Le coopératisme se présente comme l'un des principaux éléments de solution du problème économico-social des classes populaires. Nos ouvriers et nos agriculteurs ont intérêt à s'en servir pour reprendre en mains l'initiative de leur vie et stabiliser leur situation. La loi de concurrence est au fondement même de l'économie libre. On peut en régulariser le jeu, mais il est dangereux de chercher à l'abolir. La concentration financière a multiplié les monopoles et quasi-monopoles, conduisant à la dictature économique universellement dénoncée. Or — à moins d'accepter le capitalisme d'État, genre russe, avec ses conséquences au point de vue humain — le coopératisme est seul de taille à réintroduire, selon une formule renouvelée, dans l'économie, le principe assainissant de la con­currence, car seul il peut édifier des entreprises libres, capables de surmonter la concurrence des monopoles capitalistes, donc de les forcer à tenir compte des exi­gences de la consommation. Le coopératisme est, à l'heure actuelle, l'une des forces sociales les plus sé­rieuses de la province. (Le citoyen canadien-français, I, 1946, Fides, p. 120-121).

 

 

Si, par l'action ordonnée des individus, de la famille et de l'école, nous savons communiquer, aux généra­tions présentes et à venir l'amour du travail, la hantise du dépassement quotidien, l'esprit d'ordre, de tempé­rance, de discipline, un sens profond des responsabilités et du devoir, nous aurons jeté les bases, les seules permanentes — du redressement et de l'ascension de notre peuple (Le citoyen canadien-français, I, 1946, p. 148).

 

Cessons de nous tromper nous-mêmes en entretenant la vieille illusion que notre province est agricole, destinée à un avenir essentiellement agricole. Plaçons-nous plutôt devant les faits et tâchons d'en tirer le parti le plus avantageux. Forêts, mines, chutes d'eau, pêcheries sont des ressources industrielles, à utiliser selon leur nature en vue du plus grand rendement économique et humain (Le citoyen canadien-français, I, 1946, p. 212).

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Source : Esdras MINVILLE, « Pensées directrices », dans l’Action nationale, Vol. 65, Nos 9-10 (mai-juin 1976) : 706-710.

 

 
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