Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Décembre 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Louis-Joseph Papineau

 

[Cette biographie date de 1931. Pour la référence exacte, voir la fin du texte.]

PAPINEAU (Louis-Joseph) ( 1786-1871), fils du précédent, avocat, Orateur de la Cham­bre, homme politique, capitaine, auteur des Troubles politiques ou Rébellion.

 

Né à Montréal le 7 octobre 1786, il étudia au séminaire de Québec et se destina au bar­reau. Il entra, en 1803, dans l'étude de son cousin Benjamin Viger. Esprit clair, logique, ardent au labeur, positif comme le droit, il sentit son âme s'enflammer pour l'arène politique. Avant d'être admis au barreau, il se fait élire député de Kent (Chambly), le 18 juin 1808 jusqu'au 22 mars 1814. La ses­sion du 5° Parlement s'ouvrit le 10 avril 1809 jusqu'au 15 mai seulement et la dissolution fut proclamée le 2 octobre. Le 3 mai 1810, Louis-Joseph est admis au barreau du Bas-Canada. En 1812, il s'enrôle dans la milice et fait la campagne avec le grade de capi­taine.

 

En 1814, son père se retirant de la politique, il se fait choisir par les électeurs de Montréal-Est et les représente jusqu'au 26 mars 1832. Dès la session du 21 janvier 1815, on le proclame Orateur jusqu'au 10 janvier 1823. Il peut ainsi mûrir son talent par l'observation, la réflexion, l'étude, la corres­pondance et les débats politiques. En juillet 1820, il adresse aux électeurs de sa circons­cription un discours modéré et conciliant. En 1821, on lui proposait un siège au Conseil législatif, offre qu'il déclina pour continuer la direction de son parti naissant.

 

En 1822, il est délégué à Londres avec M. Neilson afin de déjouer le premier projet d'Union des Provinces : il revint en novem­bre 1823. Aussi bien, le 10 janvier précédent, M. Joseph-Rémi Vallières de Saint-Réal fut élu, en son absence, Orateur de l'Assemblée jusqu'au 9 janvier 1825. Alors, M. Papineau, ayant droit à la parole, défendit avec M. Vi­ger la Loi du commerce canadien (Canadian Trade Act). Il accusa l'administration de dilapider, à propos du déficit Caldwell, les revenus publics et il conclut au refus du vote des subventions annuelles (1823-24).

 

Le 8 janvier 1825, ouverture du 12e Parlement : il fut élu à la présidence par 32 voix contre 12 à M. de Vallières, et il tint le fau­teuil jusqu'au 27 mars 1838 : c'était en l'ab­sence de lord Dalhousie (1825-26). En juillet 1827, durant la campagne électorale, il lança dat [sic]: nomination non agréée du gouverneur et ses créatures : le tribun populaire se ré­véla dans tous ses discours. Le 25 août, il était élu à Montréal et à Surrey jusqu'au 4 décembre 1828; les représentants lui accor­daient la présidence, le 20 novembre, par 39 voix contre 5 à M. Vallières, non candi­dat : nomination non agréée du gouverneur qui prorogea la Chambre. Une agitation gé­nérale souleva l'opinion contre Dalhousie : le 18 décembre, pétitionnement et énumération des griefs populaires. M. Neilson pour Qué­bec, Denis-Benjamin Viger et Augustin Cuvillier pour Montréal, sont délégués à Londres, porteurs de requêtes signées de 87.000 protestataires : M. Papineau est l'âme du mouvement nationaliste. Le comte Dalhou­sie est rappelé en septembre 1828. Le calme est relatif sous le conciliant sir James Kempt, lequel agrée la nomination de M. Papineau au fauteuil présidentiel : 71 bills sont soumis à sa signature, entre autres : nouvelles divisions des comtés, subdivisions paroissiales, érection des phares fluviaux, subsides aux institutions littéraires, création de nouveaux centres de colonisation (1829), etc., etc.

 

Lord Aylmer est d'abord administrateur (1830-31). M. Papineau, devant la concession accordée à la Compagnie agraire de Londres des terres des Cantons de l'Est, réclame une enquête sous la direction de M. Neilson et de M. Ph. Panet. Aylmer la refuse. Il attaque violemment le député Ralph Taylor, qui riposte, et est incarcéré en 1833. Le 28 février 1834, il prononce un discours parlementaire sur les 92 Résolutions. En 1835, il est élu à la présidence par 70 voix contre 6 à M. Lafon­taine, non candidat : scission dans le parti, les modérés à Québec, les violents à Montréal.

 

Lord Gosford est gouverneur et commissaire-enquêteur; véhémente philip­pique de l'Orateur contre ce mandat injurieux envers l'Assemblée; aussitôt prorogation de la session, sans vote du budget depuis quatre ans. Survint une communication de docu­ments, de la part de William Lyon Macken­zie, par l'intermédiaire de M. Biddell, Ora­teur de l'Assemblée du Haut-Canada; c'étaient les instructions secrètes, données par la mé­tropole à lord Gosford et à ses deux commis­saires. M. Papineau les communiqua à la dé­putation, le 13 février 1836, et provoqua ainsi un grand mécontentement général et de vives discussions. La Chambre ne consentit à voter les subsides que pour six mois, après un discours de trois heures de l'Orateur. La ses­sion fut prorogée à la fin de mars jusqu'au 22 septembre. Le gouverneur tendit encore le rameau d'olivier. La Chambre ne tarda pas à voter, par 51 voix contre 12 « la demande d'un Conseil législatif électif », et la loi des subsides pour six mois; après douze jours, lord Gosford prorogea la législature, à cause de la détermination prise par les dépu­tés de ne jamais reprendre leurs fonctions sous la Constitution existante.

 

Le 6 mars 1837, lord Russell présenta aux Communes dix résolutions (V. Th. Chapais, t. III), qui furent votées après trois jours de débats, et approuvées à la Chambre des Lords. Connues au Canada le mois suivant, elles déchaînèrent toutes les passions natio­nales, hormis le groupe des Anglais. Les chefs du parti populaire résolurent d'assé­cher les canaux du fisc qui alimentaient la caisse, en prohibant l'achat des marchandises importées, sujettes aux droits de douane; en préconisant la contrebande; en usant des produits nationaux, comme les étoffes tissées au Canada, etc. Les articles des journaux s'écrivaient dans ce sens; les grandes assem­blées convoquaient le peuple aux manifesta­tions : à Saint-Ours, le 7 mai 1837, à Saint-Marc, à Saint-Laurent, à Saint-Hyacinthe, à Sainte-Scholastique, etc.

 

Le 14 mai, à Saint-Laurent, M. Papineau, devant ses électeurs assemblés, attaquait avec acharnement toute l'administration, gouver­neur, Conseils, juges, fonctionnaires, Parlement britannique, faisant à tort l'éloge des sympathies américaines; il concluait en fai­sant appel non à la violence armée, mais à la lutte constitutionnelle au Parlement. Il voulut aussi ameuter les comtés de Montmagny et de Kamouraska; mais les chefs modé­rés de Québec lui dirent qu'ils désapprou­vaient sa politique outrancière et -périlleuse. Ce fut aussi le langage de Mgr Lartigue à son clergé, mais la Minerve l'attaqua avec virulence. Lord Gosford révoqua la commis­sion des magistrats et des officiers de milice qui s'étaient mêlés aux agitateurs. Le 14 août, M. Papineau, mis en cause, lui envoya une hautaine réponse, débordante de colère, de griefs, de récriminations.

Le 18 août, ouverture de la dernière ses­sion. Les affidés de M. Papineau paraissent à Québec vêtus à la mode patriote et en étoffe canadienne. Le gouverneur fit appel à la conciliation, sans aucun succès réel, car le projet d'adresse de M. Papineau fut une lon­gue et irascible protestation contre John Russell et les rapports des deux commissaires anglais; elle fut adoptée par 46 voix contre 31 (25 août). Le lendemain, l'Orateur trouva sur son bureau la proclamation qui proro­geait la session : la législature du Bas-Canada avait siégé pour la dernière fois.

 

A Montréal, se fondait l'association des Fils de la Liberté, qui proclama l'autorité de la démocratie et se constitua en corps militaire armé. Des réunions incendiaires se formaient, principalement à Saint-Charles; celle-ci s'appela « Assemblée des dix comtés », composée d'environ 5.000 personnes et présidée par le docteur Wolfred Nelson. M. Papineau commença à voir le péril : il conseilla la résistance constitu­tionnelle et l'embargo sur les produits britanniques. On le conduisit devant une colonne érigée sur la place, coiffé d'un bonnet phrygien et portant l'inscription : A Papineau, ses frères Patriotes reconnaissants: 1837! (23 octobre).

 

La conséquence amena la création du comité permanent des Deux-Montagnes, l'élec­tion de juges de paix et d'officiers de milice faite sans l'autorité officielle, l'appel à la violence contre les officiers publics du gouvernement. Sir John Colborne, nommé com­mandant des forces en 1836, représenta au gouverneur l'urgence d'une action prompte et vigoureuse, comme le seul moyen de salut contre la Rébellion. Lord Gosford autorise alors l'émission et l'affichage de mandats d'arrestation contre M. Papineau et les princi­paux chefs du mouvement. Mais informés à temps, le tribun et quatre partisans de renom réussirent à s'évader à Saint-Denis-sur-Riche­lieu (16 novembre).

 

Durant un combat qui dura six heures, M. Papineau se rendit à Saint-Hyacinthe. Plus tard, une ardente controverse s'engagea à propos de cet incident, qualifié de fuite. M. Garneau écrit dans son Histoire du Canada « qu'il était entraîné par le torrent et se laissait promener au milieu des insurgés pour les encourager par sa présence, sans qu'on lui permît cependant d'exposer sa vie au feu, malgré les reproches sévères, dit-il, qu'on lui ferait plus tard, s'il s'éloignait dans un pareil moment ». M. Papineau quitta Saint-Hya­cinthe, vers le 25 novembre, et parvint à atteindre la frontière à travers mille dangers. Le 12 décembre, une proclamation assurait une récompense de 4.000 piastres à quiconque appréhenderait et livrerait à la justice Louis-Joseph Papineau, décrété de trahison. Le tribun s'était réfugié à Albany (Etats-Unis).

 

Après deux ans de séjour, il se rendait à Paris, où il fréquenta la société du chansonnier Béranger, de Louis Blanc, de Lamennais, radicaux démocrates, déistes voltairiens. Il se plaisait à fouiller dans les Archives d'Etat et se flattait d'y transcrire force docu­ments touchant l'Ancien Régime en Nouvelle-France. Ses croyances religieuses furent en­tamées à cette école ultra-libérale, et dépé­rirent jusqu'à sa 'dernière heure.

 

A son retour en 1845, amnistié grâce au prestige de M. Lafontaine, il se retira au foyer familial du manoir de Montebello jusqu'en 1847. Ses idées démocratiques et sa répulsion de l'aristocratie britannique vinrent raviver ses passions politiques. En 1848, les électeurs du comté Saint-Maurice l'envoyaient à la Chambre (janvier 1848-novembre 1851), quand soudain la Révolution en France vint corroborer ses nouvelles convictions. Mais ses anciens partisans l'abandonnèrent en adhérant à la Constitution établie.

 

Aussitôt M. Papineau s'attaqua avec rage et amertume au premier ministre Lafontaine : ce fut un éclatant tournoi oratoire (V. A. De Celles, loc. cit.). S'entourant d'adeptes restés fidèles, il forma avec les deux Dorion, Ro­dolphe Laflamme, son neveu Dessaules, J. D'Aoust, le Parti ou Club Démocratique, soutenu par l'Avenir — homonyme du journal de Lamennais — et ensuite par le Canadien. Leurs articles de foi politique comprenaient l'abrogation de l'Acte d'Union, l'annexion du Canada aux Etats-Unis et, en attendant de briser le lien colonial, l'adoption du principe électif dans chaque branche de l'administra­tion, ainsi que la sélection des officiers pu­blics, magistrats et conseillers législatifs. Le parti libéral canadien-français se trouva ainsi coupé en deux tronçons. Sur-le-champ, en 1851, M. Lafontaine sortit de l'arène politique. M. Papineau le suivit en 1854, ayant accompli son mandat de représentant des Deux-Mon­tagnes (juillet 1852-juin 1854). Isolé au manoir seigneurial, il n'en sortit qu'une fois pour exprimer ses idées à l'Institut Canadien de Montréal, le 17 décembre 1867; il y mourut, impénitent, le 23 septembre 1871.

 

En 1818, il avait épousé Julie, fille aînée de Pierre Bruneau, négociant et député, et décédée subitement en 1862, mère de trois fils, Lactance, Gustave, Amédée seul survivant alors et de deux filles, Azilda et Azélie, qui se maria à M. N. Bourassa.

Source: Louis LEJEUNE, "Louis Joseph Papineau", dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, moeurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 2, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 829p., pp. 404-406.

 
© 2005 Claude Bélanger, Marianopolis College