Date Published:
Janvier 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

Avant-Propos

L'histoire de chaque pays est incomparable à toute autre; elle est la plus belle, la plus héroïque. C'est que le sentiment national est aussi fier et aussi fort que l'esprit de famille. Et la patrie n'est-elle pas la famille agrandie, élargie, comprenant tous les parents jusqu'au centième degré?

Peu de peuples, assurément, ont des origines aussi chargées de gloire que les nôtres. Ce sont moins des faits héroïques qui nous manquent que des chantres d'épopée pour placer au milieu des demi-dieux de l'antiquité et des chevaliers du moyen-âge les hommes qui vinrent de la terre de France établir sur notre sol les commencements d'un nouveau royaume catholique et français. S'il est temps que nous ayons un grand poète, soyons patients dans notre désir d'un grand historien: le présent et un avenir peu lointain lui réservent des pages d'or.

Quand, après cent cinquante ans de luttes contre le climat et les forêts, contre les sauvages et les colonies anglaises, la Nouvelle-France succomba sous des forces dix fois plus nombreuses, personne n'aurait voulu faire une gageure sur la survivance des colons français dans l'Amérique du Nord. Cette époque fut héroïque: Louis Hébert, le Père de Brébeuf et Dollard se sont ennoblis par la charrue, par la croix, et par l'épée.

Devenus sujets anglais, nos pères furent loyaux à la fière Albion, quelquefois marâtre et perfide. Mais, ils n'en conquirent pas moins de haute lutte, contre l'oligarchie et la bureaucratie, les libertés politiques et civiles dont nous jouissons aujourd'hui.

Chaque fois que le danger est devenu menaçant, la Providence a fait surgir du peuple un homme qui est venu le conjurer. Lotbinière, Bédard, Mgr Plessis, Papineau, Lafontaine, Cartier, pour ne parler que des plus illustres parmi les disparus, ont fait entendre tour à tour les plaintes des opprimés et la voix de la justice.

Notre jeunesse ne connaîtra jamais trop la vie des colons, des vierges et des martyrs de la domination française, et celle des grands parlementaires de la domination anglaise. En un mot, l'histoire du Canada, bien apprise et bien comprise, renferme les plus belles leçons d'honneur, de courage et de dévouement, que l'on puisse mettre sous les yeux de nos enfants. Notre passé nous enseigne comment nous devons combattre pour la conservation de notre héritage national.

De ces « morts qui parlent », Georges-Etienne Cartier est bien l'un de ceux qu'il faut écouter le plus attentivement.

Pendant vingt-cinq ans, il fut le guide intrépide de notre race, et à un tournant de notre histoire où nous avions besoin d'un chef non seulement courageux, mais aussi d'une intelligence profonde de nos besoins.

Source  : Charles-Édouard LAVERGNE, « Avant-propos », dans Georges-Étienne Cartier - Homme d'État canadien : 1814-1873, Montréal, Langevin et l'Archevêque, 1914, 91p., pp. 19-22.