Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juin 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

James Wolfe

 

WOLFE (James) (1727-59), lieutenant en second, enseigne, adjudant, lieutenant, capi­taine d'infanterie, major, lieutenant-colonel, quartier-maître général, colonel, brigadier, major-général et commandant en chef des troupes de terre.

 

James naquit à Westerham (Kent), le 2 janvier 1727, d'une famille originaire de Li­merick (Irlande). Son père, nommé Edward, servit en Flandre sous les ordres de Marlbo­rough en qualité de colonel ; sa mère s'appe­lait Henrietta Thompson, de Marsden (comté York). Le 3 novembre 1741, il obtint la commission de second lieutenant dans les. gardes-marine du régiment de Duroure et le suivant sur le continent durant la Guerre de la Succession d'Autriche : il se battit, en 1743, à Dettingen, où il gagna le grade d'adjudant et bientôt celui de lieutenant. En 1744, il fut promu capitaine dans le 4e régiment d'infanterie légère la même année mourait son unique frère, Edward, enrôlé aussi dans l'armée.

 

En 1745, Wolfe retourna en Angleterre pour combattre contre les troupes du Prétendant, Charles-Edouard : en qualité de major de brigade, il prit part à la bataille de Falkirk, où son père était général de division, puis à la bataille finale de Culloden (1746). Renvoyé sur le continent, au printemps suivant, il se distingua au combat de Laufeldt, où il fut blessé : sa conduite lui valut le grade de major, le 5 janvier 1749, au 20e régiment, stationné en Ecosse. Le 20 mars 1751, on le promut lieutenant-colonel du même corps, qui retourna en Angleterre, deux ans après. En 1756, il fut nommé quartier-maître général en Irlande : sa pre­mière intervention en cette qualité, durant la Guerre de Sept Ans, fut une inutile ten­tative contre Rochefort, en septembre 1757. Son témoignage, dans l'enquête qui suivit cet échec, lui assura l'attention et la faveur de l'état-major. Le 21 octobre, il fut promu au grade de colonel.

 

L'année suivante, W. Pitt le promut bri­gadier-général dans l'expédition contre Louisbourg, où il se signala avec éclat, aux applaudissements des officiers de terre et de mer, ayant déployé, dans les assauts de la place, des talents supérieurs et une infatiga­ble énergie. Après la chute de la forteresse et l'incendie des villages de la région de Gaspé, Wolfe rentra en Angleterre.

 

Le 22 novembre 1758, il écrivit à Pitt pour réclamer du service en Amérique, surtout dans le Saint-Laurent. Aussitôt, le ministre l'éleva au rang de major-général et de com­mandant en chef des troupes de terre qu'il envoyait contre Québec. On mit sous ses ordres trois brigadiers : Monckton, Town­shend et Murray, tous ses aînés d'âge, et pour aide de camp le lieute­nant-colonel Guy Carleton : Wolfe se fiança avec miss Catherine Lowther, dont il porta le portrait suspendu à son cou jusqu'à sa mort.

 

Le soir du 17 février 1759, le commandant monta le Neptune, qui leva l'ancre à Spithead, le dernier voilier de l'immense flotte. Celle-ci voguait vers Louisbourg, où les gla­ces la forçaient d'aller faire escale à Halifax. Dès qu'elle entra, en mai, dans la rade de Louisbourg, Wolfe y apprit le décès de son père et il en écrivit à son oncle pour con­soler sa mère. II y consignait son plan d'atta­que contre Québec en ces termes : « C'est une très belle opération. L'armée se com­pose de 9.000 combattants — en Angleterre on dit 12.000. — Nous avons 10 bataillons, 3 compagnies de grenadiers, des troupes de la marine et 6 compagnies de rangers (Métis) de la colonie américaine, les pires soldats de l'univers. Les Français ont réuni environ 8 à 10.000 hommes, sans compter environ 1.000 Sauvages ; mais il leur faudra éparpiller leurs forces sur les frontières : ce qui équi­librera à peu près les nôtres et les leurs devant Québec ». Puis, l'habile commandant expose son dessein de cerner la ville par la rivière Saint-Charles, par la Pointe-Lévy, par la Chaudière et par un camp retranché, s'il est possible, établi à 4 ou 5 milles au-dessus de la place. Wolfe était fort bien renseigné d'avance, assurément.

 

Le 6 juin, la flotte au complet quittait Louisbourg, doubla le Cap-des-Rosiers, entra dans le fleuve, rencontra Durell à l'lle-aux-Coudres, où il avait fait prisonnier un pilote canadien, Jean Denys de Vitray qui, de force et à peine de mort, la condui­sit à l'Île d'Orléans (26 juin). Trois jours après le commandant fit traverser trois régi­ments à Beaumont, sous les ordres de Monckton. Les troupes s'emparèrent de l'église et affichèrent à la porte une proclamation de Wolfe aux Canadiens « leur imposant la neutralité, leur garantissant le respect de leurs propriétés et de leur religion, les mena­çant par contre de la destruction des égli­ses, maisons, récoltes ». Cette proclamation avait été placardée, dès le 27, sur les portes de l'église de Saint-Laurent dans l'île d'Or­léans.

 

Puis, le général résolut d'établir son camp entre la rivière Saint-Charles et Beauport. Montcalm l'avait devancé. Il dut se fixer sur la rive gauche de Montmorency, pendant qu'il s'efforcerait de prendre position à Lévis ; mais il poussa, selon son caractère violent et impétueux, ces deux objectifs avec acti­vité. Le 9 juillet, il était sur Ies hauteurs de la chute de Montmorency. Mais les Fran­çais étaient prêts à l'assaut et à la défense de toute la rive jusqu'à Québec. S'il réussit des hauteurs de Lévis à bombarder et à in­cendier Québec, il échoua net dans son plan de la plaine, malgré l'habileté de Townshend et de Murray.

 

Le 18 juillet, cinq de ses légers voiliers franchirent la passe de Québec pour aller mouiller à l'Anse-des-Mères : nouveau champ d'action en sa faveur, en nécessitant une frag­mentation des troupes de la ville assiégée. Néanmoins les atermoiements en plaine, les insuccès des attaques et l'inutilité du bom­bardement jetèrent le commandant dans une vive irritation : le temps s'écoulait sans nul résultat apparent. Cédant à sa colère, Wolfe se porta à des mesures extrêmes en ordonnant ce qui suit : « Nos partis de guerre doivent brûler et dévaster à l'avenir, n'épar­gnant que les églises. Les femmes et les en­fants ne seront molestés sous aucun prétexte ». Aussi, le 25 juillet, le major Dalling se porta à Saint-Henri, fit main basse sur le bétail, emmena prisonniers 250 hommes, femmes et enfants, avec le curé, M. Dufrost de La Jemmerais, laissant derrière lui une proclamation de Wolfe, analogue à la précé­dente du mois de juin. Selon M. Chapais, c'était user d'un procédé draconien, sembla­ble à celui du Grand Dérangement acadien : ce procédé stratégique n'entamait en rien les plans de Montcalm, ni ses forces de ré­sistance.

 

Cependant le général se préparait à un coup de force. Selon le Journal du capitaine Knox, « on parle d'une expédition de grande conséquence avec des détachements choisis dans chaque régiment, afin d'attaquer les Français au bas et en haut de la chute de Montmorency (30 juillet), tout en étant ap­puyés par la flotte ». Ce plan donna lieu à notre victoire du Saut. M. de La Pause écrit dans sa Relation : « Pour si peu que l'affaire eût duré, le camp anglais n'ayant pu repasser à la marée qui montait et sans berges pour les embarquer, la moitié de leur armée aurait péri par le feu ou par l'eau ». Wolfe dut en frémissant commander à temps la retraite. Cette tentative avortée amoindrit son prestige. Il en fut vivement affecté. Son ordre du jour, le lendemain, contenait un blâme sévère à l'adresse des grenadiers, manquant de discipline. Deux jours après, un capitaine anglais disait à M. Le Mercier, parlementaire : « M. Wolfe est un très bon homme ; mais il n'est pas général ». C'était la réponse au blâme in­fligé. Aussitôt, ce dernier recommença ses incendies en guise de vengeance sur les deux rives. Mgr de Pontbriand en témoigne au long avec des lamentations. Un officier an­glais corrobore ses assertions : « Nous avons brûlé et détruit au-delà de 1.400 belles fermes et nous tenions des détachements, continuellement occupés à ravager les campagnes, de sorte qu'il faudra un demi siècle pour réparer le dommage ». Ainsi s'écoula les deux tiers du mois d'août, sans nulle lueur de succès.

 

Simultanément, le général tomba malade, retenu dans sa chambre au quartier géné­ral du Saut par une fièvre qui le consumait. Mais, vers le 20 août, il lui devint impossi­ble de dissimuler son mal : ce qui causa dans l'armée une douleur générale. Huit jours après, la fièvre disparut. Dans son état de faiblesse, il convoqua son état-major pour le consulter sur l'issue de l'expédition.

 

L'avis de Monckton, de Townshend et de Murray fut unanime : lever le camp du Saut-de-Montmorency, faire traverser les troupes à Lévis, les acheminer vers la Chaudière, les faire passer sur l'autre rive, la nuit, esca­lader le Cap-Rouge et forcer Montcalm à un combat en arrière de la ville et lui couper ainsi tout ravitaillement du dehors. M. Wolfe agréa ce projet, renonça au sien d'attaquer Montcalm à Montmorency et à Beauport à la fois. Du reste, en juillet, il avait avec sa longue-vue inspecté le Cap-Diamant et la possibilité d'une descente.

 

Dès le 31 août, il fit lever le camp du Saut, en l'espace de trois ou quatre jours. Sa lettre de la veille à l'amiral Saunders donnait un aperçu de son douloureux état d'esprit. « Je suis conscient de mes propres erreurs dans le cours de la campagne ; et j'estime que, un peu plus ou moins de blâme pour un homme qui doit nécessairement être perdu, est de minime ou de nulle conséquence ». Le 9 sep­tembre, il écrivit au Secrétaire d'Etat une lettre qui se terminait par ces mots : « Je suis assez rétabli pour m'occuper du ser­vice ; mais ma constitution est entièrement ruinée, sans que j'aie la consolation d'avoir rendu aucun service considérable à l'Etat, et sans que j'aie l'espoir d'en rendre ».

 

Ainsi, M. Wolfe, résolu à risquer une descente, n'avait aucune confiance au résultat, conformément à l'avis de ses brigadiers. La saison avançait et, selon le témoignage consigné par Knox, l'armée doutait de la prise de Québec avant l'hiver. Il fallait agir sans retard ou lever le siège. Intelligent, sûr de son coup d'oeil, le général alla sur la rive sud examiner, le 10, le point du débarquement ; il se détermina au choix de l'Anse-au-Fou­lon, la nuit du 12, c'est-à-dire deux jours après. Tout fut disposé en conséquence par ses brigadiers. Toutefois, le général fut, dans la soirée de ce jour, comme pénétré d'un sombre pressentiment. On rapporte que, dans sa cabine du Sutherland, conversant avec John Jervis, commandant du Porcupine, il lui avoua qu'il s'attendait à périr le lendemain. Il lui confia son testament et le por­trait de sa fiancée. Une demi-heure après, 1.800 hommes descendirent des bateaux, escaladèrent la pente escarpée, surprenaient le camp de Vergor et campèrent sur les hauteurs. Leurs cris de joie annon­cèrent au général et à ses anxieux compagnons restés sur le rivage que le chemin était libre, vers cinq heures du matin. M. Wolfe réunit environ 4.800 combattants contre 4.000 de M. de Montcalm : mais il n'avait que des troupes régulières, bien aguerries.

 

La bataille s'engagea vers dix heures. M. Wolfe avait commandé à ses hommes de réserver leur feu et de mettre deux balles dans leurs fusils. Ce n'est que lorsque les Français furent à 50 mètres des régiments anglais que ceux-ci eurent l'ordre de tirer : ils tirèrent ensemble et avec tant de préci­sion qu'on eût dit un seul coup de canon. Nos lignes étaient rompues et nos bataillons en désordre : le sol était jonché de cadavres. Aussitôt, M. Wolfe ordonna aux grenadiers de Louisbourg et au régiment de Bragg une charge à la baïonnette. Les Highlanders et les autres corps chargèrent sur-le-champ. En un quart d'heure, la déroute d'un côté et la victoire de l'autre.

 

Au commencement de l'action, le général anglais reçut une blessure au poignet et quelques instants après à l'aine ; puis, au moment de la charge, une balle lui traversait les poumons. Il se fit porter en arrière et on chercha un chirurgien : « Ils fuient... » « Lesquels? » demanda-t-il. — « Les enne­mis sont en déroute ! » Allez dire au colonel Burton de se porter avec le régiment de Webb pour couper aux fuyards la retraite par le pont de la rivière Saint-Charles ». Puis se tournant sur le côté : — « Mainte­nant, murmura-t-il, Dieu soit loué, je vais mourir en paix ». Et il exhala sur ce mot son dernier soupir.

 

L'on ne tarda pas à faire l'embaumement de son corps, qui fut transporté à Londres, à bord du Royal William, les derniers jours d'octobre. Un monument a été érigé en son honneur à l'abbaye de Westminster, ainsi qu'à Québec, de nos jours. Un codicille de son testament, en date du 29 juillet léguait son argenterie à l'amiral Saunders, son ménage et ses effets à M. Monckton, ses

Papiers à Guy Carleton.

 

Source : Louis LE JEUNE, «James Wolfe», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. II, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931,  829p., pp. 818-821.

 
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