Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2007

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Histoire de la littérature canadienne-française

Préliminaires

 

[Ce texte a été publié en 1954. Pour la référence bibliographique précise, voir la fin du document.]

 

DÉFINITION DE LA LITTÉRATURE CANADIENNE-FRANÇAISE. — Un critique compétent, Mgr Émile Chartier, donne de notre sujet une définition précise et complète qui répond à la question si souvent posée : Que faut-il entendre par la littérature canadienne-française?

« Par littérature canadienne-française », dit-il, on doit entendre l'ensemble des ouvrages écrits par des Canadiens français de naissance ou d'adoption, où s'expriment des idées portant sur des sujets canadiens ou étrangers, mais parées d'images et de sentiments canadiens-français. »

D'après cette formule, seuls ont droit de prendre place dans notre histoire littéraire les auteurs qui peuvent produire des lettres de naturalisation canadienne-française et dont les oeuvres portent leur marque de fabrique canadienne.

OBSTACLES A SON EXISTENCE. — Pour peu que l'on connaisse l'histoire du Canada, on comprend que ces conditions n'ont pu exister sous le régime français, où la loi du primo vivere s'impose inexorable. Pendant un siècle et demi, de 1608 à 1760, les fondateurs et ceux qui poursuivent la tâche commencée trouvent en face d'eux un triple ennemi à vaincre : la forêt et les naturels du pays à l'intérieur, les Anglais à l'extérieur. II faut donc défricher, coloniser, rendre le sol productif et, en même temps, lutter. Les Français qui veulent s'établir ici à demeure doivent être à la fois colons, agriculteurs, hommes de peine et de métier, et de plus soldats. Or, ces travailleurs manuels n'entrent pas ordinairement dans la catégorie des hommes de lettres. La littérature réclame des conditions plus favorables.

LITTÉRATURE PRÉ-CANADIENNE. — On ne peut pourtant pas dire que cette période fut complètement stérile, du point de vue littéraire. Parmi ceux qui vécurent dans la Nouvelle-France se trouvaient bon nombre de gens instruits — gouverneurs et intendants, évêques, religieux, religieuses et autres personnages — que des circonstances diverses obligèrent à écrire. S'ils le firent par nécessité et par devoir plus que par vocation et par goût, la plupart de leurs écrits n'en ont pas moins un réel mérite littéraire ; plusieurs constituent même des documents de grande valeur pour l'histoire, la géographie, l'ethnographie, les sciences naturelles.

Ces travaux s'intitulent : Mémoires, Relations, Lettres, Histoire. Ils ont pour auteurs Jacques Cartier, Champlain, Lescarbot, la Mère Marie-de-l'Incarnation, Pierre Boucher, les Pères Lafiteau et Charlevoix, les Mères Duplessy et Catherine-de-Saint-Augustin, le docteur Sarrazin.

A côté de cette littérature écrite, nous possédons une littérature orale populaire, parlée ou chantée, qui se compose :

a) de contes et légendes, de récits des « coureurs de bois », d'histoires invraisemblables de chasse-galerie, de loups-garous, de fi-follets, de lutins, de maisons hantées, de jeteux de sorts ou bien encore, dans un autre genre, les aventures de P'tit Jean, les prouesses de la Bête à sept têtes, les chevauchées des bottes de sept lieues ;

b) de chansons : A la claire fontaine, Dans les prisons de Nantes, A Saint-Malo, beau port de mer, C'est la belle Françoise, etc.

 

JACQUES CARTIER a écrit les premières pages des annales canadiennes. Il nous a laissé le récit de ses voyages. Ces récits sont imprégnés de foi et de piété.

SAMUEL DE CHAMPLAIN a laissé des Mémoires, appréciés ainsi par Charlevoix : « Ces Mémoires sont excellents pour le fond des choses et pour la simplicité et le naturel du style. » Champlain ne peint rien qu'il n'ait vu lui-même ou pour lequel il n'ait pas le témoignage de personnes sûres. Ses lettres, au style concis, portent l'empreinte de la droiture et de la vérité.

MARC LESCARBOT passa un peu plus d'un an au Canada. Rentré à Paris, il écrivit son Histoire de la Nouvelle-France, éditée en 1609. L'année suivante, il publia La Conversion des Sauvages baptisés en Nouvelle-France en 1610. Les mémoires de Lescarbot sont loin d'avoir la véracité de ceux de Champlain. Il entremêle à ses écrits des anecdotes et des remarques littéraires.

Les Relations des Jésuites racontent d'abord la période de 1632 à 1672. Un Décret de la Propagande daté du 6 avril 1673 défendit toute publication concernant les missions. A partir de 1673, les Relations furent encore rédigées pendant sept ans, mais sans être publiées. Elles forment une histoire détaillée des missions et de la conversion des sauvages, écrite d'un style très simple.

Le Journal des Jésuites est le complément des Relations. Tenu par les Supérieurs de l'Ordre au Canada, il n'était pas destiné à la publicité. Il contient une foule de détails intimes, peu importants alors, mais aujourd'hui d'un grand intérêt à cause de la lumière qu'ils jettent sur ces époques reculées. Ce Journal racontait tout un siècle de notre histoire, de 1645 à 1755, sans interruption. Malheureusement, il n'en reste plus que l'histoire de vingt-deux années.

MÈRE MARIE-DE-L'INCARNATION (Marie Guyard — 1599-1672) fondatrice des Ursulines au Canada, a laissé une série de Lettres pleines de fines observations et de détails sur les événements qui sont survenus durant son séjour dans la colonie, de 1640 à 1672. Au fil de la plume, elle trace le caractère de certains hauts fonctionnaires, fournit des dates précises et juge les événements avec clairvoyance et vérité.

PIERRE BOUCHER, gouverneur des Trois-Rivières, seigneur de Boucherville qu'il fonda, écrivit, à la demande du roi Louis XIV, un ouvrage intitulé Histoire véritable et naturelle des moeurs et productions du pays de la Nouvelle-France.

Au PÈRE LAFITEAU, s.j. missionnaire au Canada de 1700 à 1719, nous devons une étude sous le titre : Moeurs des Sauvages américains com­parées aux moeurs des premiers temps. Il y décrit longuement les habitudes, Ies coutumes et la religion des Sauvages du Canada. Charle­voix dit que c'est peut-être ce qu'il y a de plus exact sur le sujet.

Du PÈRE CHARLEVOIX, s.j. (1682-1761) l'oeuvre capitale est intitulée Histoire et description générale de la Nouvelle-France, avec le journal historique d'un voyage, fait par ordre du roi, dans l'Amérique Septen­trionale.

Cette Histoire du Père Charlevoix a été la plus précieuse source de renseignements pour notre histoire primitive, et cela par la longue période qu'elle raconte — de la découverte du pays à 1731 — et par les multiples détails qu'elle renferme sur tout ce qui intéresse la colonie. Des cartes liées au volume donnent une bonne idée de la topographie. Les statistiques n'y font pas défaut. De plus, véritable luxe pour l'époque, on trouve dans ce livre une description des plantes les plus communes du pays, avec des planches qui en indiquent l'espèce et la forme. La première partie, de beaucoup la plus importante, se rapporte à l'Histoire générale de la Nouvelle-France. La seconde, ou le journal historique des voyages de l'auteur en Amérique, contient des lettres à la duchesse de Lesdiguières.

DATE DE LA NAISSANCE DE LA LITTÉRATURE CANADIENNE FRANÇAISE. — Il est généralement admis que la littérature canadienne-française a pris naissance après la cession du Canada à l'Angleterre. Cet événement eut pour conséquence inévitable, en occasionnant la rupture totale avec la mère-patrie, d'obliger ainsi les Canadiens à ne plus compter que sur eux-mêmes pour développer et entretenir leur vie religieuse, sociale, politique, économique et intellectuelle.

Divisions de l'histoire de la littérature canadienne-française :

Notre histoire littéraire peut se diviser en quatre périodes:

I. Période d'essais (1764-1820)

II. Période de formation (1820-1860)

III. Période de progrès (1860-1900)

IV. Période de fécondité (1900-1951)

 

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Source: SŒURS DE SAINTE-ANNE, « Préliminaires », Histoire des littératures française et canadienne, Lachine, procure des Missions Mont Sainte-Anne, 1954, 602p., pp. 365-368.

 
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