Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Un indésirable:

l'apostat Gavazzi au Canada

(1853)

 

[Le texte d'Armand Yon est longtemps resté l'étude la plus complète rédigée par un Canadien sur Alessandro Gavazzi. Le titre de son étude en dit long sur son approche du sujet: Gavazzi était un apostat, donc un indésirable. Nous avons amputé du texte original la première partie de son article qui discutait de l'évolution de Gavazzi et donnait des renseignements biographiques qui n'étaient pas toujours véridiques. Malgré ces faiblesses méthodologiques, dues à la pauvreté de sa documentation sur le personnage, son texte mérite un examen attentif puisque Yon s'était bien renseigné sur la phase canadienne de la carrière de Gavazzi. C'est cette partie que nous reproduisons ici.  Yon a puisé ses sources dans les journaux de l'époque, principalement le Daily Herald, la Minerve et le True Witness, les pamphlets publiés à la suite des événements de juin 1853, et les notes de voyageurs. Il a aussi interrogé des descendants de témoins occulaires. On trouvera les renseignements bibliographiques précis à la fin de l'étude.]

 

[.]

Comme le remarque le Courrier des États-Unis, faisant le bilan de cette tournée de 1853, « loin d'avoir sauvé la liberté de parole, comme il le prétendait, Gavazzi l'a gravement compromise, en réveillant l'antagonisme religieux assoupi. Dépourvu lui-même de principes solides, il ne pouvait semer autour de lui que le doute et la discorde. De ses prédications soi-disant apostoliques, il n'est sorti que dissensions et malheurs ; car il a allumé l'incendie sans répandre la lumière autour de lui. »

Et cela s'applique on ne peut mieux au passage de Gavazzi parmi nous !

 

 

Gavazzi à Québec : le mélodrame

 

 

La première conférence de l'ex-moine à Québec avait lieu le samedi 4 juin, dans le temple Wesleyen, sans faire beaucoup de bruit. Seulement, quelques membres de l'aristocratique congrégation, choqués par le ton de l'orateur, avaient obtenu qu'il déménageât ailleurs, et c'est pourquoi les deux autres discours annoncés devaient être donnés dans la Chalmers' Free Church, rue Sainte-Ursule, un temple tout neuf, dont Gavazzi allait pour ainsi dire essayer les plâtres, et de jolie façon !

 

Justement, le journal Le Canadien, dans son numéro du lundi 6 juin, rendant compte de ce qu'il appelait la « représentation » de l'avant-veille, s'était permis cette réflexion que, plus tard, des protestants devaient lui reprocher bien amèrement : « Il est à craindre que nos coreligionnaires irlandais, qui n'entendent pas risée sur l'article de la religion, ne mettent un terme à ces exhibitions ! » Défi ! provocation ! diront les partisans de Gavazzi. C'était pour le moins une prophétie !

 

Le soir même, Gavazzi monte en chaire devant un auditoire d'environ 600 personnes, composé pour un bon tiers de dames qui se sont placées dans les tribunes. Le thème de la conférence est riche en développements, sinon tout à fait neuf : Il s'agit de l'Inquisition ancienne et moderne

 

Gavazzi est là, debout, en soutane et surplis, dans toute la vigueur de ses quarante-quatre ans. Ses épais sourcils se froncent, ses yeux jettent des éclairs, lorsqu'il parle de cette Église dans le sein de laquelle il est né, de ce Pape, qui fut son chef. Dans un anglais approximatif, mais avec force gestes et une mimique incomparable, il commence... Voulez-vous avoir une idée de son style ? Un reporter du temps nous en a conservé un spécimen, où écla­tent à la fois le mépris de l'italien pour le th anglais et son grand amour des r bien roulées :

 

« Oh ! de prriests, my brredrren ! Dey arre the devil, my dearr brroderrs ! Dey arre de devil, my beloved brred­rren ! ... Dey arre murrderrerrs, my dearr brredrren ! - men of bloods and slaughterrs, my dearr brredrren - and de Iesuits dey arre de soul of de devil ! »

 

Il parle donc, ce soir-là, de l'Inquisition, « avec une vraie pantomime italienne », remarque un journaliste anglais.

.

Il personnifie un prêtre catholique affirmant : « L ' Église n'a jamais persécuté ! » ... « Non ? répond Gavazzi ; et les Vaudois ? et les Dragonnades ? et les Maures d ' Espagne ? et les Indiens d'Amérique ? » ... En 1848, assure-t-il, quand les patriotes entrèrent dans Rome, ils y trouvèrent un four où l'on faisait rôtir les enfants, et des oubliettes où la victime tombait par un jeu de bascule... Or l'Inquisition est rétablie par le Pape. Elle s'étend partout, même dans le Bas-Canada (ces dernières paroles sont ac­cueillies par quelques murmures). ..

 

« Oui, continue Gavazzi, mais nulle part elle ne sévit avec plus de rigueur qu'en Irlande, où elle spécule sur les passions religieuses. Le cardinal Wiseman l'a nié : c'est ou un ignorant ou un imposteur ; en tout cas, ce n'est pas un wise man ».

 

Pour mieux savourer l'effet produit par ce trait spirituel, le prédicateur s'arrête un instant ; puis il reprend avec une nouvelle ardeur : « En Irlande, fonctionne une terrible association secrète, la « Ribbon Society », dont plusieurs prêtres catholiques font partie » .. .

 

« It's a lie ! C'est faux ! » crie soudain un auditeur des premiers rangs. Au même moment, une pierre lancée de la rue fracasse un vitrail du temple. C'est le signal attendu par une centaine de manifestants, Irlandais de bas étage, qui se sont massés à la porte. Ces forcenés, armés de pierres et de gourdins, font irruption dans le nef en hurlant : « Pull him out ! Have his heart's blood ! - Sortez-le ! saignez-lui le coeur ! » .. .

 

C'est un tollé indescriptible. L'orateur, prisonnier dans sa chaire, est le point de mire des attaques. Pendant que les dames des tribunes poussent des cris déchirants, on lui lance les psautiers des bancs, on l'entoure, on l'assiège. Sans perdre la tête, il reprend sa montre sur la tablette, et, armé d'un tabouret, il fait face bravement à ses assaillants. « Au moins dix durent mordre la poussière », assure un témoin. En un tournemain, il s ' est dépouillé de sa soutane, pour être plus libre de ses mouvements ; mais il a affaire à forte partie. Deux individus s'étant glissés derrière lui le saisissent subitement par les jambes, et le font culbuter par-dessus la chaire, haute de douze pieds. Heureusement, la foule qui grouille sous lui, lui sert de matelas; et, jouant des coudes, il parvient à s'échapper et se réfugie dans la crypte. Par contre, son secrétaire et garde du corps, pris pour le patron lui-même, est rossé d'importance, au point qu'il devra rester plusieurs jours à l'hôpital.

 

Pendant toute cette scène, la police s'est tenue prudemment à l'écart, ce dont elle sera par la suite sévèrement blâmée. Mais les autorités, arguant d ' un effectif plus qu'insuffisant, n'appliqueront pas de sanctions, et l'affaire sera classée.

 

Québec pouvait se vanter d'avoir assisté à une belle comédie ; à Montréal était réservée la tragédie.

 

La Métropole n'avait pourtant pas besoin de ce surcroît de malheur, après les multiples épreuves qui venaient de la frapper. En 1849, l'incendie du parlement par les ultra-conservateurs lui avait fait perdre son titre de capitale ; le feu avait encore, en 1850, causé des dégâts considérables, lorsqu'éclatèrent coup sur coup, pendant l'été de 1852, les deux conflagrations qui devaient dévorer plus de quinze cents maisons et laisser sans abri huit mille personnes.

 

Peu à peu, cependant, Montréal, comme le phénix, renaissait de ses cendres. Pour éviter le retour de pareils sinistres, on remplaçait les anciens bardeaux des toitures par des feuilles de tôle imbriquées, ce qui fait écrire à Benjamin Vicuna-Mackenna jeune touriste du Chili débarquant chez nous un dimanche de juin : « Le soleil couchant se reflétant sur les toitures de zinc donnait à Montréal, de loin, l'aspect d'une ville noble ». (1). Mais la description la plus exacte que nous possédions du Montréal de cette époque, est due à la plume, aujourd'hui bien oubliée, de Henri-Émile Chevalier, romancier français, auteur de livres à la manière de Fenimore Cooper, mais nettement inférieurs. « La rue Notre-Dame, note Chevalier dans ses Derniers Iroquois, est le rendez-vous du monde élégant. Des magasins fort coquets, et quelques-uns fort riches aussi, la bordent des deux côtés » ... Face à la Place d'Armes, enclose d'une grille, se dresse l'église Notre-Dame, qui paraît à notre auteur « prétentieuse, mince, étriquée, une sorte de monument en carton-pierre » ... Au sud, « s'élance la rue Saint-Paul, plus étroite, moins élégante, mais non moins animée ». On n'a plus à descendre beaucoup pour parvenir aux « quais en belle pierre de taille, et quise déploient devant la ville comme un inébranlable rempart ». Pendant la bonne saison, les oisifs et les curieux s'y rassemblent ; bref, peu de promenades présentent à son avis autant d'agrément que celle-là.

 

Que si, au contraire, on remonte, c'est pour rencontrer les rues fashionables suivantes : Craig, Vitré, La Gauchetière, Dorchester, et la grande rue Sainte-Catherine. Enfin, plus loin encore, la rue Sherbrooke.

Oh ! pour celle-là, Chevalier n'a pas de termes trop choisis ! Elle ressemble vraiment à l'avenue d'un Éden ». Ce n'est que villas pimpantes, manoirs féodaux en miniature, vertes pelouses, jardins émaillés de fleurs ». Et les seuls bruits qu'on y entende, c'est « le chant des oiseaux, les soupirs d'une romance, les frémissements d'une harpe », ou encore « le murmure harmonieux des amants solitaires lentement pressés l'un contre l'autre ». Et d'ajouter avec conviction : « Ah ! oui, c'est bien dans la rue Sherbrooke qu'on aime à aimer ! »

 

Je n'insiste pas. Mais il faut se rappeler que cette voie céleste s'arrête alors à la rue Saint-Denis. A l'est commence bientôt le faubourg Québec, « un des plus populeux de Montréal, - l'un des plus éprouvés aussi par le dernier incendie - où essaiment les Canadiens français, pour la plupart artisans, marchands de détail ou débitants de boissons ». A ce quartier, il oppose le Griffintown, ou quartier Sainte-Anne, « bourbier infect, léproserie où grouille une population irlandaise, sordide, déguenillée, fanatique, prête à tous les crimes, la honte et l'effroi de la métropole canadienne ».

 

Notre auteur ne dit rien d'une place qui nous intéresse tout particulièrement, celle du Marché-au-Foin, aujour­d'hui la partie nord du Square Victoria. En 1853, on y voyait encore la pesée publique ; la première partie de la côte du Beaver-Hall se nommait rue Radegonde, et, à l'angle nord-ouest de la rue Latour (prolongation de la rue Vitré), s'élevait un petit temple protestant de mine assez coquette, la Zion Church, faisant face au Square. La rue McGill s'arrêtait à la rue Craig, et toute la partie ouest de la place était en clos de bois et en terrains vagues. Par contre, la rue Radegonde était bordée de maisons de pierre, fort régulières, dont la plupart ont survécu, encore qu'on ait converti leurs rez-de-chaussée en boutiques. Avec le temps, le temple de Sion devint un théâtre, puis fut démoli, pour faire place récemment au superbe édifice de la General Electric.

 

Ce quartier, quoique un peu vieilli, avait encore grand air. Il était surtout habité par l'élite de la population anglaise et protestante, industriels et commerçants, dont il reste encore quelques belles demeures dans les rues Belmont et Dorchester ; mais la tendance était à l'exode vers l'ouest de la rue Saint-Antoine.

 

Montréal comptait en 1852, d'après les statistiques offi­cielles, 57,715 habitants, répartis en 7,424 foyers. Les Canadiens français étaient au nombre de 26,020 seulement, mais en tenant compte de l'élément irlandais, les catholiques dominaient, avec 41,466 fidèles, les protestants n'étant que 16,196. Et les Juifs, me direz-vous ? d'après ces chiffres, on pourrait presque les compter sur les doigts de la main. Ils n'avaient pas encore eu le temps de croître et de se multiplier. Ajoutons que ces divers éléments de notre population s'entendent plus ou moins bien entre eux, plutôt moins que plus, et les rixes étaient fréquentes entre gens de races ou de religion différentes.

 

Pour présider à leurs destinées, les Montréalistes s'étaient choisi à trois reprises, en 1851, en 1852, puis cette année même, un industriel bien connu et très estimé, l'hon. Charles Wilson, membre à vie du Conseil Législatif depuis 1852. C'était un petit homme vif et remuant, aux favoris bien taillés. Par son père, il était d'origine écossaise, tandis que sa mère se vantait de descendre des d'Ailleboust. Marié à une Dlle Tracy, il avait alors 45 ans. En 1867, il alla représenter la division de Rigaud au Sénat, et mourut en 1877, sans laisser de postérité légitime.

 

Quelles étaient les grandes préoccupations du Montréaliste d'alors ? On en trouve trace dans les journaux du temps. En 1853, on s'intéresse beaucoup aux tables tournantes et à une comète dont on redoute l'apparition. Il est sérieusement question d'abolir la tenure seigneuriale dans le Bas-Canada, de régler enfin la question des réserves du clergé protestant, et l'on est sur le point de renoncer aux devises anglaises - livres, chelins, deniers - si incommodes, pour adopter le système monétaire américain, espérant, dit-on, que « les Anglais feront prochainement de même ! » Un réveil intellectuel se manifeste chez les Canadiens français, attesté par la fondation d'une chaîne de nouveaux collèges à Terrebonne, Saint-Timothée, St-Vincent-de-Paul. La construction du chemin de fer Montréal-Bytown est décidée, et nulle question n'est plus chaudement discutée que celle du prochain pont tubulaire sur le Saint-Laurent. D'aucuns critiquent le site de la Pointe Saint-Charles et voudraient le voir établir plus à l'est de la ville, afin qu'il pût enjamber l'Ile Sainte-Hélène.

 

Enfin, la grande attraction de Montréal, cet été-là, est le jardin botanique et zoologique de Guilbault, situé à l'angle des rues Sherbrooke et de Bleury. Là s'exhibe une petite naine vraiment étonnante.

 

C'est sur ces entrefaites que paraît dans nos murs la silhouette belliqueuse de Gavazzi.

 

Les conférences de Gavazzi ont été annoncées plusieurs jours d'avance dans les journaux protestants. On en mentionne trois dont les sujets respectifs seront :

1)  Le système papiste : intolérance et esclavage ;
2)  L ' Inquisition ancienne et moderne (sujet connu !) ;

3)  Enfin : La guerre actuelle de Rome contre le protestantisme - thème très habile, en manière de conclusion, chez des protestants.

 

Le prix d'entrée pour chacune était de 1 s. 3d. - ce qui les faisait appeler dédaigneusement par les Canadiens français, à qui l'abbé Blanchard n'avait pas encore appris le beau langage, « LES LECTURES A TRENTE SOUS » !

 

Pour ces assemblées, le Conseil de ville avait d'abord consenti à louer la grande salle du marché Bonsecours au prix de £.5. par soirée, « pourvu, ajoute la lettre, que les deux petits lustres soient seuls allumés » . Gavazzi, pensaient ses adeptes, suffirait toujours à faire la lumière ! Mais voilà qu'après l'échauffourée de Québec, nos édiles se ressaisirent, d'autant plus que certains notables irlandais leur firent comprendre que le Griffintown commençait à bouger. Ils reprirent leur parole, et force fut aux organisateurs de se replier sur le temple de Sion. Ils ne le firent pas sans maugréer, ni rappeler que, naguère la salle du Parlement avait été prêtée au Dr Brownson, ce converti américain, qui avait fait l'éloge du cardinal Wiseman et vilipendé le protestantisme. Ces bons apôtres, il est vrai, faisaient passer dans la presse une note dont personne n' tait dupe : « Father Gavazzi begs to inform the public at large, disait ce postscriptum, that his object is to reason the Popish system, and not to abuse Roman Catholics » .. . Comment, en effet, jeter feu et flammes contre la Papauté sans blesser les catholiques ? Aussi cette première conférence, annoncée pour le jeudi 9 juin, était-elle attendue avec appréhension.

 

Le maire avait demandé qu'au lieu d'être fixée à 8 heures du soir, elle fût avancée à 6 hres et demie, afin que tout le monde pût être rentré chez soi avant la tombée du jour. Dès qu'il eut refusé de louer la salle municipale, les représentants de l'élite irlandaise, et parmi eux Father Connolly, de Saint-Patrice, et le libraire Sadlier, lui assurèrent que leurs gens garderaient la paix. Mais allez donc répondre d'une populace dont Chevalier nous a laissé un si peu rassurant portrait !

 

Cette journée du jeudi 9 juin 1853 avait été magnifique et plutôt chaude, puisque, vers trois heures, le mercure touchait 82° à l'ombre. La soirée était d'une douceur extrême, et c'est à peine si les jeunes arbres longeant le trottoir de la rue Radegonde étaient caressés d'un souffle de vent, alors qu'un public nombreux et choisi, gentlemen en habits et hauts de forme, dames en robes claires largement ballonnées, se hâtait vers le temple de Sion.

 

Les notables avaient pris place sur une estrade, au fond de l'église, lorsque le Révérend John Jenkins, président du synode dit « congrégationnel », monta en chaire pour présenter le conférencier. Celui-ci lui succéda bientôt, et, naturellement, les premiers mots de Gavazzi furent pour louer et réclamer avec force la liberté de parole.

 

Laissons-le donc en user et en abuser, de cette liberté, - aussi bien n'est-ce pas de ce côté que surgira le péril - et revenons plutôt à la Place du Marché-au-Foin.

 

Malgré les assurances données par l'abbé Connolly, M. Sadlier, et aussi le propriétaire du True Witness, M. George-E. Clerk, un Écossais converti au catholicisme, - le Griffintown bougeait. Des individus de mine louche, les uns en guenilles et munis de solides gourdins, sans parler des pierres et autres armes qu'ils pouvaient dissimuler sous leurs vêtements, convergeaient de tous les points vers la place, où ils commençaient à faire nombre. Certains, se glissant par la ruelle Sainte-Sophie, tentaient de s'attrouper aux abords de l'église, dans la rue Latour. La police avait beaucoup de peine à les faire circuler.

 

Elle était d'ailleurs bien empêchée de faire du bon ouvrage, cette police de chez nous, en 1853. La brigade municipale sous les ordres du chef Charles Ermatinger, comprenait une cinquantaine d'hommes, auxquels s'étaient joints les gardiens du port, - soit en tout un effectif de 70 agents environ. Tous, il va sans dire, portaient la redingote et l'inévitable tuyau plus ou moins bosselé, et chacun n'avait que sa canne pour toute arme offensive et défensive.

 

Devant une si faible résistance, les manifestants avaient la partie belle. Et, leur nombre augmentant toujours, leurs rangs serrant l'église de plus près, les autorités virent approcher le moment où elles seraient débordées.

 

De l'intérieur partaient de temps à autre des salves d'applaudissements, auxquelles répondaient, sur la place, des huées bien nourries. On était bien près de se défier mutuellement, mais avec moins de courtoisie que les anciens héros.

 

Un peu après sept heures, l'un des assistants, un nommé Broomer, se leva pour sortir. C'était vraisemblablement l'un des gardes du corps qui avaient accompagné Gavazzi de Québec à Montréal, et il voulait prendre son bateau, qui repartait à huit heures. En ouvrant la porte, il eut l'impression très nette que les manifestants étaient déjà maîtres de la situation. Accueilli par une grêle de pierres, il eut encore son chapeau traversé d'une balle, mais, heureusement, c'était, comme il se devait, un haut de forme, et notre Québécois en fut quitte pour la peur.

 

Pour venger cette aggression [sic], des assistants qui se tenaient dans le vestibule coururent chercher des armes dans la crypte, et, revenant à la porte, tirèrent quelques coups sur les « assiégeants » ; deux coups au moins portèrent, car on vit s'écrouler James Walsh, qui succomba le soir même, et Michael Donnelly qui devait mourir de ses blessures en juillet. La foule devenait menaçante, affirmera un témoin, et on entendait des cris comme celui-ci : « let us have him out ! » - qui visait évidemment Gavazzi. Mais lui, qui en avait vu bien d'autres, ne se troublait pas pour si peu, et la conférence allait son train, sans que les auditeurs se doutassent du vilain qui se préparait.

 

De bonne heure, dans la soirée, le maire, pensant qu'on n'est jamais trop prudent, avait requis les services d'une compagnie d'un régiment débarqué l'avant-veille de Gibraltar : le 26th Cameronians, fantassins écossais. Conduite par le maire, la petite troupe, composée de 103 hommes et commandée par le lieutenant-colonel Hogarth, s'est acheminée vers le poste de pompiers du marché par de petites rues sinueuses ; précaution bien inutile, par cette soirée de juin, où tous remarquent les uniformes rutilants des militaires. Installés tant bien que mal au premier étage du poste, ils attendent les ordres du maire. Les premiers coups de feu viennent d'être tirés ; celui-ci surgit, très nerveux, et prie le colonel de faire sortir les soldats. « Faut-il charger les fusils ? » demande l'officier. « Ne pourriez-vous pas les charger à poudre seulement ? » fait le magistrat. - « Non ! cela n'est pas militaire, c'est impossible ! » - Alors, chargez à balles, conclut M. Wilson, et faites vite, car le temps presse ! »

 

En arrivant sur la place, la compagnie est répartie en deux divisions, de 50 hommes chacune environ, qui s'alignent en travers de la rue Radegonde, dos à dos, à 35 pas l'une de l'autre, - la division supérieure regardant la côte du Beaver Hall, la division inférieure faisant face à la rue Craig. En haut, commande en second le capitaine Cameron, en bas le lieutenant Quartley. Le colonel se tient tout près, et le maire n'est pas loin, très affairé, et apparemment fort inquiet. Et les soldats, au repos, attendent.

 

Il s'écoulera bien encore une dizaine de minutes avant que les auditeurs de Gavazzi ne commencent à sortir du temple. De l'avis de tous, les alentours sont très calmes; la foule s'est dispersée, et de nombreux promeneurs déambulent rues Craig et McGill. Lentement, en bon ordre, l'assistance s'écoule.

 

Soudain, on entend trois coups de feu tirés de la direction du poste de pompiers. Ce sont des décharges peu fortes, comme celles de petits pistolets de poche. Aussitôt, le maire, qui est resté près des troupes, déploie un papier, et se met à lire précipitamment ce qu'on saura plus tard être la Loi d'Émeute, le « Riot Act », dont la proclamation est à peu près en ces termes

 

« Notre Souveraine Dame la Reine enjoint et commande à tous ceux qui sont ici présents de se disperser immédiatement et de retourner paisiblement à leurs domiciles ou à leurs occupations légitimes, sous peine d'être déclarés coupables d'une infraction qui peut être punie de l'emprisonnement à perpétuité... Dieu sauve la Reine ! »

 

A-t-il eu le temps de lire tout cela ?. . . éclate, imprévue, une terrible salve de mousqueterie : la division inférieure vient de faire feu, en demi-cercle, avec un ensemble parfait.

 

Revenus de leur consternation, des notables s'empressent auprès du maire, qui, croit-on, a commandé le feu. Et d'autres ramassent les victimes : plusieurs blessés, dont deux succomberont : Thos O'Neil, et un gosse de treize ans, James Clendinnen, dont le père tient une bijouterie rue McGill.

 

Nouvelle décharge ! Cette fois, c'est la division supé­rieure qui a fait feu, avec peu de régularité, les uns tirant probablement en l'air, car M. Martial Leprohon, qui est sur son balcon, est effleuré par une balle perdue. Mais la foule était plus dense, de ce côté, et les morts seront neuf au moins, sans parler des nombreux blessés.

 

Sur la place, des hommes, des femmes, des enfants qui courent de tous côtés, éperdus.

 

C'est en marchant littéralement dans le sang, que Gavazzi doit regagner ses quartiers. Un cocher qui stationnait rue Craig n'a pas voulu venir le chercher, craignant sans doute pour Cocotte et pour lui-même. Escorté de deux cavaliers, l'ex-moine se dirige vers le St. Lawrence Hall, d'où il s'enfuira piteusement le surlendemain.

 

L'enquête. Le verdict populaire

 

Le 10 juin, Montréal se réveille dans la stupeur.

 

Sur la ville s'étend un voile de deuil qui pèsera pendant de longues semaines. On s'aborde dans les rues avec tristesse, parfois avec méfiance. Entrant à l'église Notre-Dame avec son ami Beauchef, Vicuna-Mackenna est interpellé par un prêtre de la paroisse, qui lui dit que « la présence d'étrangers comme eux dans l'église, par ces temps d'incendies et de troubles causés par le fanatisme, n'est guère rassurante ». Mais tout s'arrange, quand l'abbé apprend qu'il a affaire à des catholiques.

 

Le Conseil de ville peut se réunir en séance extraordinaire; des Comités de Vigilance et de secours aux blessés se forment spontanément : ils ne rendront pas la vie aux pauvres morts. Le maire vient de lancer une proclamation, pour enjoindre aux citoyens de ne pas quitter sans nécessité leur demeure, même en plein jour, et de s'abstenir complètement de sortir après le soleil couché, tant que la paix ne sera pas assurée.

 

De leur côté, les deux coroners, M. Jones et M. Coursol, ont constitué un jury spécial qui va enquêter sur les corps des victimes. Au nombre de 19, ces jurés sont recrutés en nombre à peu près égal parmi les protestants, les Irlandais catholiques et les Canadiens français. A la tête de ce dernier groupe, se trouve mon arrière-grand-père, Me Joseph Belle, notaire.

 

Ces messieurs peuvent se préparer à en entendre de toutes les couleurs. L'enquête n'est qu'un tissu de contradictions. Comparaissant tour à tour, le maire nie avoir donné aucun ordre, les officiers n'ont pas non plus commandé le feu aux soldats qui jurent avoir reçu les commandements réguliers de leurs supérieurs ! Et, pour ce fait, ils ne sont pas consignés, ce qui est impressionnant.

 

Si le maire a lu la Loi de l'Émeute, c'était par mesure de précaution, assure-t-il. Mais y avait-il vraiment émeute ? et même dans ce cas, il s'agissait pour la foule de se disperser dans un délai d'une heure ; c'est alors seulement, qu'on était déclarés « félons », et susceptibles d'être arrêtés. Pour s'exposer à essuyer le feu, il fallait se livrer à des actes de violence.

 

D'ailleurs, la loi militaire prévoit qu'avant de faire tirer les troupes, l'officier ou le magistrat en charge doit avertir la foule que les fusils sont chargés et qu'il ne sera pas tiré en l'air. Or aucune de ces précautions n'a été prise, et la foule n'a pas même ouï la lecture du maire.

 

Il se trouvera des témoins pour venir jurer qu'ils ont entendu de leurs oreilles le maire crier : « Fire ! fire ! » Ce pouvait être un signal pour les officiers, mais les troupes ne devaient pas tirer à ce seul mot, les commandements en pareil cas étant, pour les soldats au repos, « carry arms - ready - present ! »

 

L'enquête a d'abord débuté à huit clos. A partir du 17, les journaux sont autorisés à publier les procédures, et le public s'en repaît. Le 13 juin, on apprend que les vitraux des temples méthodistes et épiscopaliens du quartier Sainte-Anne (Griffintown), ont été brisés à coups de pierres la nuit précédente. Une récompense de £.50. est promise pour la découverte du ou des coupables. Ils resteront inconnus. Mais on décide entre temps d'augmenter à 100 le nombre des policiers, qui seront encadrés par deux nouveaux sergents, et armés de mousquets, « pour les cas d'urgence ».

 

« Dans les affaires les plus graves et les plus tristes, disait avec raison le regretté bâtonnier Henri Robert, il y a toujours des à-côtés grotesques et les détails comiques ». La présente cause confirme cette loi.

 

Au lendemain de cette terrible soirée qui avait coûté la vie à tant de citoyens, on pouvait lire dans les journaux, sous la rubrique « perdu », les petites annonces de deux dames qui promettaient de généreuses récompenses pour qui leur rapporterait, à l'une son ombrelle, à l'autre un sac de tapisserie, égarés « in returning from Father Gavazzi's lecture »

 

Comme on lui demandait s'il n'avait pas aperçu dans la foule telle ou telle personne, un policier du port répondait : Comment vouliez-vous que je pusse les reconnaître ? j'étais bien trop occupé à me mettre à couvert ! »

 

M. Clerk, directeur du True Witness et ancien officier de marine, était un homme plutôt violent. Traité de « bigot » par un nommé Murray, il dit au coroner : Si j'étais ailleurs, je me vengerais de cet affront par un coup de pied au derrière ; mais, ici, je dois me mettre sous la protection de la cour ». Cependant, il ajouta qu'il n'insisterait pas, si Murray voulait affirmer qu'il n'avait pas voulu l'insulter. - « Eh bien ! répliqua Murray, je n'ai jamais voulu vous insulter, mais dire simplement la vérité .» Et M. Clerk parut satisfait, - comme cet autre qu'on avait traité de « porc-épic » et qui s'en alla content, dès que son adversaire eut retiré « épic ».

 

Un témoignage bien singulier fut celui d'une femme nommée Margaret Parker. Il ressemblait plutôt à un deus ex machina » inventé pour les besoins de la défense. Elle était, dit-elle, le soir fatal, tout près du maire, entre les deux divisions. Elle aperçut un vieil homme - « an Irish villain », - qui mit sa main en cornet, et cria, comme s'il eût été quelque ancien soldat : « Ready - present ! » Quand les troupes eurent tiré, il se réjouit en disant : « It took Pat to suck in Sandy ! » Pat vient de jouer un bon tour aux Écossais ! » Et il disparut.

 

Bref, les pauvres jurés nagent en pleine confusion !

 

Parfois, la légende populaire semble vouloir s'emparer de l'affaire. Le bruit court que le Gavazzi qu'on a entendu n'est pas le véritable, mais un triste imitateur, bien plus violent. L'authentique serait encore en Piémont. Et la Minerve de se moquer de ces fidèles qui sont allés se faire berner par « un singe, à 30 sous la séance ! ». . . Une autre rumeur veut que les vrais coupables, ceux qui ont donné les ordres aux troupes, se soient échappés la nuit même et se cachent présentement aux Trois-Rivières !

 

Mais après 22 jours d'enquête, au cours desquels 106 témoins ont été entendus, le jury a hâte d'en finir. Il manifeste une lassitude bien compréhensible. Enfin, dans les premiers jours de juillet, le coroner Jones fait un résumé de la cause - la « charge » comme on dit généralement - laquelle est trouvée plutôt impartiale, sauf par certains Irlandais. Les juges populaires ont à se prononcer sur trois points bien définis : qui est responsable de la mort de Walsh, tué près de l'église ? qui est à blâmer pour la fusillade de la division inférieure ? qui l'est pour le feu de la division supérieure ?

 

A quatre heures et demie du soir, le jury se retirait pour délibérer ; à neuf heures, il rentrait, et son président, Mr Henry Mulholland, apportait un verdict qui n'en était pas un. C'est-à-dire que les jurés, écoutant avant tout leurs sympathies, s'étaient scindés en deux groupes, et le deuxième, composé des catholiques, comportait lui-même deux catégories.

 

Le premier groupe, Mulholland en tête, déclarait ignorer la cause de la mort de Walsh, et insinuait que celui-ci se trouvait parmi les manifestants ; il rendait responsable de la première fusillade, le maire en personne ; de la seconde, les soldats, qui avaient tiré sans commandement. De plus, ces jurés demandaient l'arrestation immédiate du maire et de divers témoins qui l'avaient défendu.

 

Le deuxième groupe (Irlandais et Canadien français), déclarait ignorer l'auteur de la mort de Walsh ; exonérait de tout blâme le maire ; attribuait le commandement de tirer à une personne inconnue, et (sauf trois Canadiens français dissidents) recommandait d'armer désormais la police.

 

A quoi bon épiloguer sur le reste de l'affaire ? interpellations à la Chambre, arrestation sans lendemain du maire, cour militaire, puisque tout cela devait tourner, comme on dit, « en eau de boudin » ? Le 3 août, le portrait du maire à l'hôtel-de-ville, fut trouvé mutilé, la tête ayant été découpée, probablement avec un rasoir fixé au bout d'une canne ; peu après, le portrait de l'Hon. McGill, ancien maire, subit le même sort. Des récompenses massives furent offertes, sans succès. Les actes de « hooliganisme » se multiplièrent. On ne put jamais souffrir les Cameronians. Ni leurs beaux uniformes, ni leurs parades sur le Champ de Mars, ni leur musique, qui était remarquable, ne purent conquérir le coeur des citoyens. Les soldats, même en groupe, furent assaillis dans les rues, dans les bars. Des isolés furent attaqués à coups de pierres, d'autres trouvés dans les ruisseaux. Dame ! il n'y avait pas à Montréal que des enfants de choeur ! et finalement, la même année, le 26e fut envoyé aux Bermudes, à la satisfaction de tous.

 

Des incendies, des constructions nouvelles, devaient transformer le Marché-au-Foin. On montra longtemps, paraît-il, dans la maison du pasteur de Zion Church, une patène d'or scellée dans le mur, et qu'avait consacrée Gavazzi. Ce qui frappe, encore de nos jours, c'est la tristesse de cette place; le soleil n'y paraît pas à l'aise, les maisons ont pris une couleur de suie. L'ensemble est lugubre ; on dirait que les mânes de ces pauvres êtres, immolés par ce beau soir de juin, errent toujours dans ces parages, attendant l'heure de la justice humaine qui n'a jamais sonné.

 

« Le peuple, qui a le jugement sommaire, mais qui est épris de justice et de vérité, apprécie sévèrement la solution de cette lamentable affaire », disait encore Me Henri-Robert, en parlant de l'affaire des Décorations. Et cela est également vrai de l'affaire Gavazzi.

 

Il est évident qu'il n'y eut pas d'émeute à proprement parler, à Montréal, le soir du 9 juin 1853, et que le feu des troupes était tout à fait injustifié. Mais, sur qui pèse la responsabilité de la tuerie ? Même après quatre-vingt-cinq ans, avec la sérénité que confère à pareils drames le recul du temps, il est bien difficile de se prononcer. Le maire n'eut certainement rien à voir dans la fusillade de la division supérieure ; peut-être, pour l'autre, dans l'état de surexcitation où il était, lança-t-il, sans s'en rendre compte, le mot « Fire ! » qui fut interprété par un officier comme un signal, et transmis en langage militaire à ses hommes. Car on peut malaisément se ranger à l'avis de Sir Francis Hincks,(2) qui croit qu'un soldat aurait tiré par mégarde, et que les autres l'auraient imité (par mégarde aussi, peut-être ?) Non ! ces troupes britanniques étaient trop bien disciplinées pour tenir une telle conduite qui les eût rendues justiciables d'un conseil de guerre. Elles ne venaient pas de « chez les Cafres », comme pense l'excellent Vicuna-Mackenna, mais bien de Gibraltar, une colonie organisée à l'européenne. Seulement, comme l'avouèrent les officiers, elles n'avaient jamais assisté à aucune émeute ni à rien de semblable.

 

En distribuant les blâmes, il ne faudrait pas oublier ces hordes populaires qui étaient sorties de leur antre, malgré les conseils de leurs sages laïcs et de leur curé et avaient donné à l'affaire, pour un moment, toutes les apparences d'une échauffourée. Enfin, il importe de signaler aussi le manque de tact, pour ne pas dire plus, de ceux qui invitèrent l'ex-moine à venir discourir chez nous. Le Dr Bethune, recteur de Christ Church, et qui remplaçait l'évêque anglican Fulford, absent, disait tout en se proclamant partisan de la liberté de parole, que Gavazzi aurait dû être écarté pour trois motifs : c'était un étranger (« an alien »); ses conférences étaient d'ordre bien plus politique que théologique ; enfin, leur ton était de nature à blesser les susceptibilités de la majorité de la population, et, par conséquent, de troubler « la paix de la Reine ».

 

Bien des années ont passé, depuis. Montréal a, par la suite, vu bien des désordres, à l'occasion de l'affaire Guibord, de parades orangistes, de grèves violentes, - mais rien qui rappelle, même de loin, l'affaire Gavazzi, la plus sanglante, la plus stupide, la moins justifiée.

 

Aujourd'hui, le retour de tels troubles n'est guère à craindre, non seulement parce que nos forces policières sont autrement considérables, mais surtout parce que les Canadiens ne semblent plus disposés à descendre dans la rue pour régler leurs différends.           

 

(1) J'ai déjà raconté ici même le voyage de Vicuna-Mackenna au Canada, en 1853. Cf. Canada français, fév. 1938, pp. 595-606.

(2) Cf. HINCKS. Reminiscences of my Public Life. Year 1853.

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Source : Armand YON, "Un indésirable: l'apostat Gavazzi au Canada (1853)", dans Canada français , Vol. 26 (décembre 1938) : 329-347, particulièrement pp. 333-347.

 

 
© 2005 Claude Bélanger, Marianopolis College