Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

François Picquet

 

PICQUET (François) (1708-81), prêtre de la Compagnie de Saint-Sulpice, missionnaire, fondateur de la Présentation.

 

La famille était originaire de Verjon, dans l'Ain. André Picquet et son épouse Marie-Philippe Bertet, allèrent s'établir à Bourg-en-Bresse; c'est là que naquit François, le 4 décembre 1708. A huit ans, il entrait au collège des Jésuites de sa ville natale. En 1727, l'ado­lescent se fit admettre au séminaire de Lyon, où il reçut les ordres mineurs en 1728 et les majeurs en 1731. Simple diacre, M. Picquet fut autorisé par son évêque « à prêcher dans toutes les paroisses de la Bresse et de la Franche-Comté ». Le 22 avril 1733, il entrait au petit séminaire de Saint-Sulpice à Paris. Son biographe Lalande assure qu'il se fit re­cevoir docteur en Sorbonne. Ordonné prêtre le 10 avril 1734, il obtenait d'être reçu dans la Compagnie des Messieurs de Saint-Sul­pice.

 

Le 3 mai suivant, le missionnaire s'embar­quait à La Rochelle avec l'abbé Pierre Sar­telon, et, le G juillet, le navire jetait l'ancre dans la rade de Québec; en quelques jours, ils parvenaient à Montréal. Il y passait cinq ans, consacrés au ministère et à l'étude des dialectes indiens. En 1739, l'abbé Picquet fut attaché à la mission indigène du lac des Deux-Montagnes (Oka). Ses premiers travaux apostoliques, jusqu'en 1744, consistèrent dans l'augmentation par recrues du nombre des familles sauvages, domiciliées au Lac : Algonquins, Nipissings, Hurons, Outaouais, et même Iroquois. Bien plus il s'appliqua à remplacer le fortin primitif en ruine par une petite-forteresse, solidement construite selon les règles de l'art militaire, munie de fossés, flan­quée de redoutes en maçonnerie; il épuisa aux frais ses propres ressources, secondées des fonds du roi. En 1744, cette enceinte pou­vait offrir un asile aux colons blancs disper­sés dans les cantons voisins.

 

Dès l'ouverture des hostilités par les Anglo-Américains, les Sauvages, domiciliés répondirent à l'appel du gouverneur, M. de Beauharnois. Ils secondaient partout les réguliers et les miliciens, depuis 1743 jusqu'en 1748. Le 17 avril de cette année, furent signés à Aix-la-Chapelle les préliminaires de la paix; ce ne fut qu'une trêve ou suspension d'armes en Europe.

 

M. de La Galissonnière songea, aussitôt ar­rivé à Québec, à fortifier les frontières. Les Anglais tenaient le fort Chouaguen en face du fort Frontenac; il fallait une base de défense : ce qui apparaissait à l'administrateur comme une urgente nécessité. En 1749, M. Picquet se décida à créer un fort au poste de La Présentation (Ogdensburg) à la fois mission iroquoise et station militaire. « C'est moi, déclare-t-il, qui ai conçu le projet de ce nouvel établissement, mis au jour, formé et affermi autant qu'il a été en mon pouvoir, mais protégé par M. le comte de La Galissonnière et par M. Bigot. » Ce projet, lors de son séjour à Québec, en 1747, en compagnie des députés des Cinq-Cantons, il l'avait soumis à l'approbation des autorités civiles et religieuses; il impliquait la préoc­cupation de soustraire l'élément iroquois à l'emprise britannique. Le plan reçut un com­mencement d'exécution, le 1er juin 1749. En 1750, le fort était érigé, « formant un carré flanqué de petits bastions en maçonnerie a chaque angle, entouré d'un retranchement et d'un large fossé ». Le sieur Drouet de Beau­dricourt et le sieur Félix de Joncaire vinrent seconder le Sulpicien. En 1751, celui-ci, dans une flottille de canots, promena les délégués iroquois autour du lac Ontario, en guise de réclame. En 1752, il obtint la concession de terrains et accueillit l'évêque de Québec en visite.

 

En novembre 1753, M. Picquet s'embarqua pour la France : il voulait entretenir le roi et les ministres du développement de son oeuvre et assurer son avenir : il emmenait trois Sauvages iroquois. Louis XV lui témoigna son contentement, lui offrit un don vraiment royal, des livres et une statue en argent de la Vierge, laquelle est conservée à l'église d'Oka. Il en fut ainsi de M. Rouillé, ministre des Colonies. En mai 1754, le missionnaire revint à son poste.

 

En 1755, M. de Vaudreuil devint gouverneur du pays. Il ne cessa, dans la suite, de témoigner à l'abbé Picquet « sa confiance et sa satisfaction ». Le 12 septembre, après la défaite de Dieskau, il conduisit à Frontenac une quarantaine de ses guerriers; mais le 26, la petite vérole éclatait à la Présentation et dé­cima les cabanes. Le 26 juillet 1756, le marquis de Montcalm visita son fort et sollicita son concours et son influence sur les tribus alliées; il l'appela ensuite dans ses lettres, « le très respectable Patriarche des Cinq-Nations ». Le missionnaire accompagna ses guerriers à la conquête de Chouaguen; vers le début de novembre, il apprenait que les Anglais avaient mis sa tête à prix. En 1757, il les suivait au fort George où il se dévoua auprès de ses blessés, en 1758, à Carillon.

 

Rentré à la Présentation, il s'appliqua à organiser la défense de la place, ainsi que la guerre d'escarmouches contre l'ennemi. Il fit lancer sur le lac, armées de dix pièces de ca­nons, les corvettes l'Iroquoise et I'Outaouaise, le 25 avril 1759. En mai et en juin, le chevalier de La Corne commandait les renforts de 1.040 réguliers et miliciens et 110 domiciliés, que M. Picquet voulut accompa­gner sur Chouaguen : deux fois l'attaque manqua son but. Le Sulpicien revint à la Présentation et transporta sa mission, dans l’Île Pic­quet (Big Isle), les Indiens ayant commencé à déserter à l'ennemi. Lévis commandait 500 hommes aux rapides (24 août). M. Picquet passa à l'île l'hiver suivant (octobre 1759-mars 1760) et l'été à Montréal, uniquement chargé par le gouvernement de négociations stériles avec les Indiens. Dans la matinée même du 8 septembre, le missionnaire quitta Montréal et le Canada, en vaincu mais non en prisonnier. « Il ne se détermina que du consentement du général, de l'évêque, de l'inten­dant », écrit son biographe et ami, Lalande : Mgr de Pontbriand était décédé le 8 juin 1760.

 

Accompagné de 25 Français et de 2 petits groupes de Sauvages, il prit la direction de l'ouest par l'Ottawa, les lacs Hurons et Mi­chigan, par le Wisconsin et le Mississipi. Le parti arriva à la Nouvelle-Orléans en juillet 1761. Il y séjourna 22 mois, jusqu'au mois d'avril 1763 à la conclusion de la paix.

 

A son retour en France, M. Picquet passa plusieurs années à Paris, où sans rompre les liens qui l'attachaient à la Compagnie Saint-Sulpice, il se mit à la disposition de l'archevêque, Christophe de Beaumont; il reçut les secours pécuniaires, non de M. de Choiseul, mais de l'Assemblée générale du clergé. En 1772, après avoir exercé les fonctions du ministère dans plusieurs paroisses de la capitale, surtout au Mont-Valérien, il alla se fixer à Verjon. Là, « il prêchait, catéchisait, confessait et exerçait son zèle ». Le chapitre de Bourg lui décerna le titre de chanoine hono­raire, et il dirigea les Dames de la Visitation. Au mois d'août 1775, le régiment de Berry fit étape à Bourg : les officiers, qui s'étaient battus à Carillon étreignirent dans leurs bras l'ancien Patriarche des Iroquois, en larmes.

 

En mars 1777, le chanoine se rendait à Rome, où le Pape l'accueillit « comme un mis­sionnaire qui devait être cher à l'Eglise ». Il mourut à Verjon le 15 juillet 1781. En 1899, l'on a érigé à Ogdensburg un monument commémoratif en son honneur.

 

Source : Louis LE JEUNE, «François Picquet», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. II, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931,  829p., pp. 442-443.

 
© 2006 Claude Bélanger, Marianopolis College