Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Mgr Charles - Philippe Choquette

Ex-Supérieur du Séminaire de Saint-Hyacinthe

 

Quand on lit la biographie des écrivains et savants illustres des trois ou quatre derniers siècles, l'on ne peut s'empêcher de noter que tous ont été de grands voyageurs, ont rempli des offices divers, parfois disparates, bref ont mené une existence multiple. C'est l'analogie qui se présente à l'esprit si l'on considère les traits généraux de la carrière de Mgr Choquette. L'oeuvre qu'il a accomplie suppose d'abord chez lui une parfaite organisation physique et intellectuelle. Fils du sol, il a profité, comme dit un penseur du siècle dernier, de la réserve d'énergie mentale accumulée pendant six ou huit générations. Cette oeuvre suppose aussi qu'elle s'est déroulée dans une période de prospérité matérielle et de paix civile. Les mots dont on s'est servi pour caractériser son attitude devant le fait politique l'indiquent. Bien que non indifférent aux mouvements d'idées et aux courants des partis politiques, il ne s'est jamais soucié de lier connaissance avec l'urne électorale... Car, sans prétendre en rien de tout juger -- ou méjuger -- du parlementarisme, qui prévaut universellement, il ne faut pas exagérer l'importance de l'élévation de température qui coïncide invariablement avec les ruées électorales périodiques. Le vrai baromètre des nations est ailleurs, et peut-être dans ces congrès internationaux, scientifiques ou politiques, qui sont facilités par les merveilleux moyens de transport contemporains et où les représentants des divers pays... s'affrontent, se jaugent, se mesurent et se pèsent. Mgr Choquette en fut bien souvent. Puis, tout en faisant honnêtement son métier d'homme, il a été toute sa vie, éducateur, professeur de sciences, prêtre formateur de la jeunesse; il a recueilli une bonne part des dignités que la sainte Église dispense. Conférencier -- il va de soi à notre époque où le verbe règne en souverain -- Mgr a occupé nombre de chaires. Cet homme d'action dont l'influence sur le temps présent demeure impondérable, ce savant de laboratoire, ce maître de la précision minutieuse a su s'achever en écrivain, confiant ainsi à la postérité, qui l'eût bien recueilli autrement aussi dans sa moisson, une expression immarcessible [sic] de son esprit si éminemment lucide et de son âme sereine. Et si l'on manque d'information à ce sujet, que l'on ouvre l'ouvrage qu'il vient de donner à la publication, son Histoire de la ville de St-Hyacinthe, ordonnée comme un poème, évocatrice et captivante comme un chant antique...

 

Mgr C.-P. Choquette naquit à Beloeil, en décembre 1856, du mariage de Jos. Choquette, agriculteur et de Thaïs Audet-Lapointe. Entré au Sém. de St-Hyacinthe en 1870, il y fit ses études classiques et théologiques. Prêtre en 1880, il commença aussitôt, dans cette même institution, l'enseignement des Sciences qu'il continua sans relâche un demi-siècle durant. L'Album du clergé de St-Hyacinthe fait connaître plusieurs étapes de sa longue carrière. Etudiant à Paris, en 1885, il travailla dans les laboratoires du Collège de France où il retrouva les souvenirs du Dr Hubert Larue, de Québec. II suivit des cours de Berthelot et Mascart, de Lipmann et Troost à la Sorbonne, de Branly et Lapparent à l'Institut catholique. Délégué du gouvernement fédéral aux divers congrès scientifiques internationaux, tenus à Paris durant l'Exposition universelle de 1900, il fut présent à la conférence de Mme Curie sur la découverte du Radium et vit le spécimen du mystérieux élément exhibé pour la lère fois par la conférencière. Au lac Melville, sur les côtes atlantiques du Labrador, il joignit un groupe d'astronomes, canadiens et anglais, chargés par le ministère d'Ottawa d'y observer l'éclipse totale de soleil du 30 août 1905. Avec M. Marceau, directeur de l'École polytechnique, il représenta en 1912, à Londres Angleterre, l'Université Laval, de Montréal, au "Premier congrès des universités de l'Empire britannique". Le jour de la déclaration de la Grande Guerre (1914), il visitait le nord de l'Italie en compagnie de l'Évêque de St-Hyacinthe, Mgr Bernard. Les voyageurs durent rentrer à Rome et s'immobiliser au Collège canadien en attendant que la sûreté des déplacements leur permit d'atteindre Liverpool par eau. 1927 le vit honoré par le gouvernement provincial d'une « Mission astronomique en Norvège » aux fins d'observer l'éclipse de soleil du 29 juin. Ses « Lettres à un ami » nous apprennent que, étant à Paris, le samedi 21 mai, à dix heures de la nuit, il fut témoin de la venue de l'aviateur Lindberg se hâtant « de porter le baiser de New York à Paris ». Pendant ce 5e séjour en Europe, il visita la Hollande, le Danemark, la Suède, la Norvège, le nord et le centre de l'Espagne, et s'arrêta quelques jours à Barcelone, en Catalogne. Dans l'intervalle de ses voyages, tous rapides, il remplit plusieurs offices particuliers à St-Hyacinthe et en dehors de sa petite ville : fondation au Séminaire en 1889 et conduite jusqu'en 1901 du « Laboratoire provincial » d'analyses chimiques, confié aujourd'hui à l'École de laiterie; surveillance, pour le bénéfice de la « Société des pouvoirs hydrauliques », de l'installation de dynamos destinés à opérer le transport de l'énergie. Le premier, en Canada, il préconisa l'usage des courants électriques tri-phasés et en fit l'heureuse application à St-Hyacinthe en 1894. A Montréal, en 1907, il enquêta officiellement sur la canalisation électrique dans les rues, et de concert avec M. Cole, directeur des travaux de cette nature dans la ville de Boston, et avec M, Ross, ingénieur, il conclut à l'urgence de l'enfouissement des fils dans la partie centrale de la ville. -- Chanoine en 1906, prélat romain en 1911, il participa en 1909, au Concile plénier de Québec, en qualité de délégué du Chapitre de la cathédrale de St-Hyacinthe. Inscrit comme membre-fondateur de la « Société internationale des Électriciens » siégeant à Paris; Visiteur du Collège militaire de Kingston, 1906-1912; membre de la « Commission de conservation » du Canada; du Bureau d'examen des chimistes officiels du gouvernement fédéral; délégué de l'Univ. de Montréal au XIIe congrès international de Géologie tenu à Toronto en 1913. Professeur de Physique à l'Univ. Laval de Montréal, 1897, avec obligations restreintes à quelques conférences, il voyait la vaste salle et les galeries -- avant l'incendie -- de l'édifice de la rue St-Denis, se remplir d'un auditoire approbateur de l'enseignement public des sciences. Des conférences, il en fit à Québec, à Ottawa, à Toronto et des dizaines à Montréal. Président honoraire de la « Société Royale Astronomique » du Dominion, et de l'association des astronomes amateurs de Montréal tenant séance à l'Univ. McGill, il entretint souvent ceux-ci en anglais, des problèmes actuels touchant les astres.

 

Il possède un télescope réfracteur, équatorial, de quatre pouces d'ouverture, installé à sa fenêtre, ce qui donne à sa chambre un semblant d'observatoire. Sa conférence au « Canadian Club », de Montréal, en avril 1907, méritera une note dans l'histoire économique de notre pays. Il proclama alors l'opportunité de tirer parti des millions de forces hydrauliques offertes, à la porte de Montréal, par les cascades du fleuve Saint-Laurent échelonnées sur un parcours de quelques dizaines de lieues et précipitant, de 180 pieds de hauteur, une masse d'eau quatre fois plus abondante que le débit utilisable de la chute Niagara. « Le Canada  » imprimait le lendemain : « La conférence donnée hier, aurait dû avoir pour auditeurs tout ce que notre province compte d'industriels et d'économistes; elle nous a été une véritable révélation ». «  The Montreal Gazette  » signala le même fait. « Si, un jour, nos petits-enfants, nos arrières-neveux jouissent, dans les villes, de l'agrément de l'électricité pour le chauffage domestique, ils penseront que cette source de bien-être fut pressentie et saluée en 1907.

 

Monseigneur est familier de la plume. Il débuta dans les journaux par des lettres parisiennes en 1885, par la description de l'Exposition colombienne de Chicago, en 1893. Outre les relations imprimées de ses diverses missions scientifiques; outre une Étude sur l'enseignement secondaire en Europe et en Amérique, plusieurs nécrologies, Causeries astronomiques illustrées apparaissant mensuellement dans le journal La Presse , pendant quelques années, il a publié: 1915 -- A la poursuite de l'Éclipse, 60 pages illustrées, 2 édit. 1911 -- Un Siècle -Histoire du Séminaire de St-Hyacinthe , 2 volumes in 8 °, illustrés, de 538 et 407 pages, écrits à l'occasion du centenaire de cette institution dont il fut le supérieur, de 1904 à 1913; 1928 -- Une mission Astronomique en Norvège - Lettres à un ami , 200 pages. 2e édit.; 1930 -- Histoire de la Ville de St-Hyacinthe , in 8°, illustré, de 550 pages, 2e édit. Il prépare, sous .la forme de « Mémoires », une publication étendue qu'il espère conduire à terme malgré son grand âge. Le télescope, le microscope, un poste radiophonique-émetteur, un poste récepteur de toutes les longueurs d'ondes, depuis 20 mètres jusqu'à 20,000 mètres lui apportent toutes les distractions désirables.

 

II ignore les émotions du vote politique... bien qu'en homme cultivé il ait constamment observé d'assez près, quoique toujours par en haut, les mouvements d'idées et les courants des partis de son pays, il est curieux qu'il n'ait jamais de sa vie fait la connaissance de l'urne électorale . Indifférence, dédain, crainte de se tromper, vieille habitude peut-être de ne juger qu'après examen au microscope ou au creuset, . .. . nous ne savons.

 

Ajoutons que sans s'être particulièrement entraîné au métier d'écrire, il possède le don de mettre autant de correction que de dextérité dans son style.

 

Source : Raphaël OUIMET, ed., Biographies canadiennes françaises, treizième édition, Montréal, 1937, 461p., pp. 437-438. Le texte a été reformaté et les erreurs typographiques ont été corrigées.

 

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College