Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2006

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Augustin chevalier de Drucourt

 

DRUCOURT ( Augustin, chevalier de ) (1700-62), garde-marine, enseigne, lieute­nant, capitaine, chevalier de Saint-Louis, dernier gouverneur de l'Ile-Royale. — Drucourt, bourg actuel dans l'Eure.

 

Né vers 1700, il fut admis à Toulon comme garde-marine le 11 avril 1719, enseigne à Brest le 1er janvier 1730, lieutenant de vaisseau le 1er mai 1741 et des gardes-marine le 10 octobre 1743, chevalier de Saint-Louis le 4 mars 1745, capitaine le 11 mai 1751 : il avait servi à Constantinople (1723), à la Martinique (1727), en Louisiane (1717, 1730-31), à Copenhague (1733-36).

 

Promu gouverneur de l'Ile-Royale le 1er février 1754, il débarque à Louisbourg avec son épouse, le 15 août suivant. Fort intelligent et dévoué à sa tâche, bien que mal secondé par l'ordonnateur Prévost, il a l'oeil ouvert à tout : fortifications, engagement des ouvriers et des soldats, approvi­sionnement de la place, finances, commerce, mouvement des navires français et des croisières anglaises, malaise des colons acadiens, développement de Halifax au berceau. Mais bientôt éclatent les actes d'hostilité, en dépit des assurances alléguées à Versailles par l'ambassadeur de Londres. Le gouverneur atteste au ministre que, au moment de son arrivée à Louisbourg, l'on n'y avait pas employé, depuis la reprise de possession (1749), une seule journée aux travaux des remparts : que ce n'était que ruine et dégradation géné­rales. Si, en juin 1755, débarquent 250 hommes de troupes : rien n'est prêt pour les re­cevoir. En novembre, les compagnies des régiments Artois (437 unités) et Bourgogne (536) refusent de reconnaître son autorité. Mais la menace anglaise les vient convertir sans retard : l'amiral Boscawen avec ses quinze navires de ligne a pris, en juin, le Lys et l'Alcide et intercepté tous les convois de France : l'Arundel vient piller et détruire les pêcheries du Port-aux-Basques. Sans les 400 têtes de bétail passées de l'Acadie à l’Île Saint-Jean, la famine eût sévi à Louisbourg.

 

Le 26 juin 1756, l'escadre de Beaussier de l'Isle ravitaille la place, bien que l'Arc-en-Ciel fût pris par l'amiral Holmes avec ses 150 recrues. Un combat indécis laisse l'escadre anglaise opérer des descentes: mais une bande de pillards incendiaires fut surprise dans une embuscade et scalpée en partie par les Sauvages. Toutefois, à Louisbourg bien ravitaillé, le moral se trouvait excellent, de l'aveu de l'ingénieur Portal. En 1757, le Con­seil du roi résolut de tenter un puissant effort sur mer : le 13 mai, l'amiral de Beauf­fremont arrive de Brest par Saint-Domingue avec quatre vaisseaux de ligne; le 19 juin, l'amiral Du Bevest vient de Toulon avec quatre autres; le 20, l'amiral Du Bois de La Motte avec neuf unités, plus deux frégates. Avec ces 19 vaisseaux, ce dernier se résigna à l'inaction pour préserver la flotte du roi. Une terrible épidémie et une tempête se chargeaient de ruiner dans les ports les flottes anglaise et française respectivement. En 1758, l'irascible M. Pitt se décida à tuer la France en Amérique par un formidable armement 23 vaisseaux de guerre, 18 frégates, 154 transports de 14.000 hommes et de 1.842 canons. L'amiral fran­çais, le comte Des Goutes, amena quatre unités en rade de Louisbourg et insista à deux reprises pour prendre le large. M. Drucourt et son Conseil de guerre s'y opposèrent avec énergie.

 

La ville ne comptait que 3.100 combat­tants. Le gouverneur prit une réserve de 300 et lança les autres au-devant des Anglais, qui voulaient atterrir à la baie Gabarus, le 7 juin. Ce fait, avoue le gouverneur, cons­terna tous les esprits. Il rallie en ville les troupes des redoutes et des batteries environnantes que l'ennemi occupe sans coup férir. Le siège dure néanmoins un mois et dix-huit jours, durant lesquels les remparts sont démantelés, les casernes et les maisons incendiées, les casemates remplies de femmes, de vieillards et d'enfants, les navires coulés ou mis en feu. Le seul officier de mer, le Normand, Vauquelin, se distingue en héros en sauvant l'Aréthuse. Mme de Drucourt elle-même tire du canon, trois fois le jour; capitulation offerte le 26 juillet avec les honneurs de la guerre. La générosité anglaise fixa au gouverneur « l'espace d'une heure » pour subir un assaut général ou se déclarer prisonnier. Tandis que Wolfe trouve ces conditions draconiennes, l'amiral Bos­cawen, « le galant homme », persista à maintenir l'alternative. M. de Drucourt et son Conseil acceptent l'attaque. Survient l'ordonnateur Prévost, tenant en main la supplique des civils, des blessés, des malades : il y eut parmi les officiers un violent mouvement de résistance suprême; et le régiment de Cambise brisa ses mousquets en brûlant les drapeaux. Il fallut céder à la loi du plus fort : reddition de la place, des troupes, armes et munitions, transport en Angleterre, puis en France des civils et du personnel. Le 15 août, les Anglais embarquent 3.031 soldats et officiers de terre et 2.606 marins et officiers de mer.

 

Dès son débarquement en rade du Mor­bihan, à bord de l'Essex, M. de Drucourt annonce au ministre « qu'il y a beaucoup de malades manquant de tout ». Le 1er janvier 1759, il rentre dans le service naval et meurt le 28 août 1762. Son épouse, veuve du sieur de Savigny et appartenant à la famille de Courserac, se montra, durant quatre ans de séjour, aussi judicieuse qu'aimable envers tous : dotée d'une pension de 1.000 liv., elle décéda en octobre 1763.

 

Source : Louis LE JEUNE, « Augustin chevalier de Drucourt », dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931,  862p., pp. 533-534.

 
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