Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Décembre 2005

Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec

 

Le féminisme au Québec

Feminism in Québec

 

Projet de loi concernant le travail des femmes et des filles

[1935]

 

TRAVAIL FEMININ

Immédiatement après l'attaque faite par le Maire Houde contre le travail féminin, par l'entremise du réseau national de la Com­mission Canadienne de la Radiodiffusion sous les auspices du Young Men Canadian Club, la présidente adressa au président de la Radiodiffusion, M. Charlesworth, une copie de la protestation de la société demandant le droit de défendre l'important problème affectant plus de la moitié de la population du Canada, copie de cette résolution fut aussi adressée au Premier Ministre, l'hon M. Bennett. La Commission accorda une demi-heure de causerie irradiée du réseau français. Nous reproduisons plus loin le discours qui fut prononcé, en cette occasion, par la présidente de l'Alliance le 11 novembre, sur l'importante question du travail féminin.

 

Un Bill contre la liberté de travail des femmes a été présenté au cours de la dernière session de la Législature de Québec par le député de Dorion, M. J. Francoeur. Ce projet de loi se lit comme suit:

 

BILL

Loi concernant le travail des femmes et des filles

 

ATTENDU qu'un grand nombre de femmes et de filles travaillent dans les bureaux, dans les maisons de commerce et dans les établissements industriels pendant que chôment des pères de familles et des garçons tout aussi aptes à accomplir les besognes qu'on exige d'elles;

 

Attendu que le travail des femmes et des filles dans ces bureaux, maisons et établissements est préjudiciable à leur santé et de nature à détruire la famille;

 

A ces causes, Sa Majesté, de l'avis et du consentement du Conseil législatif et de l'Assemblée législative de Québec, décrète ce qui suit:

 

1. Les femmes et les filles ne peuvent être admises à travailler dans les bureaux, maisons de commerce ou établissements industriels que si elles sont dans l'obligation de subvenir à leur propre subsistance ou à celle de leur famille.

 

2. Le patron d'une femme ou d'une fille doit, s'il en est requis, présenter à tout inspecteur autorisé du gouvernement de la province un certificat signé par un curé, un pasteur, le maire ou un échevin de la municipalité et établissant que cette femme ou cette fille est dans le cas prévu à l'article 1. L'inspecteur peut exiger que ce certificat soit vérifié au moyen d'un affidavit.

 

3. Toute personne qui emploie une femme ou une fille contrairement aux dispositions de l'article 1 ou qui néglige de se confor­mer aux prescriptions de l'article 2 est passible, pour chaque jour que dure l'infraction, d'une amende de cinq à vingt-cinq dollars, recouvrable sur poursuite sommaire dans les trois mois de l'infraction.

 

4. La présente loi entrera en vigueur le premier juillet 1935.

 

Un débat suivit la présentation de ce Bill qui ne peut que nuire au prestige de notre province. La cause féminine fut défendue de façon éloquente par L'Hon. M. Taschereau, premier ministre et par l'Hon. M. Athanase David, secrétaire de la province, l'Hon. M. C.-J. Arcand, ministre du travail et par M. P. Bercovitch, député de St-Louis. M. Guertin, M. Gontran Saint-Onge, M. Pierre Gauthier et M. Laurent Barré supportèrent ce projet de loi si injuste. L'Hon. Premier Ministre qui entre autres choses dit au cours du débat: que la femme avait droit à sa liberté économique fut chaleureusement remercié ainsi que tous les autres avocats de nos droits et en offrant à ces messieurs nos remerciements, nous les priâmes de se rendre compte que dans un pays à base démocratique la liberté économique dépend de la liberté politique, ajoutant que nous étions bien convaincues que le député de Dorion ni aucun autre député de la Chambre n'aurait eu le courage de présenter une mesure aussi injuste si les femmes n'avaient pas été désarmées politiquement et s'il leur eût été permis de se défendre par le vote contre de telles attaques.

 

Le Bill Francoeur fut rejeté par une majorité importante. L'Alliance Canadienne pour le vote des femmes du Québec organisa une assemblée à laquelle furent conviées toutes les associations féminines en vue de protester contre le Bill Francoeur qui portait atteinte au droit le plus sacré de tout être humain celui de gagner honnêtement sa vie par son travail. Parmi les orateurs qui portèrent la parole à cette importante réunion on relève les noms de Mmes John Scott, Huguenin, Pierre F. Casgrain, présidente de la Ligue des Droits de la Femme, Mmes Léger et Phaneuf de la Fédération Nationale Saint-Jean Baptiste, Section des femmes d'affaires, Mlle Madeleine Sheridan, Mme Amédée Trudeau, présidente des Femmes Conservatrices de Longueuil, Mme Dumont Laviolette, présidente des Dames conservatrices association de Montréal, Mme Fayle de Verdun, Mme Thérèse Larivière libérale, Mme Eudore Gobeil, présidente des dames conservatrices de la division Saint-Jacques, Mlle M. A. Morrison, Institutrice, Mme Anna Langstaff, Licenciée en droit, Mine Charland des associations ouvrières, et plusieurs représentantes de sociétés féminines. On eut aussi le plaisir d'entendre M. Léon Trépanier, échevin, MM. Jean Martineau et Fred. Monk de l'Action Libérale Nationale. M. Martineau avec son éloquence habituelle joignit ses protestations aux nôtres et il fut chaleureusement applaudi quand il dit: Le Bill Francoeur synthétise la conduite du lâche qui rejette ou tente de rejeter ses malheurs sur plus faible que lui.

 

L'Assemblée adopta trois résolutions. La première à l'effet de demander au Conseil Municipal de Montréal d'accorder le droit de vote dans les questions municipales à toutes les femmes âgées de 21 ans, sujets britanniques, mariées ou célibataires. La seconde à l'effet de demander au Premier Ministre de la Province de modifier la loi des municipalités afin d'octroyer le vote à toutes les femmes des municipalités rurales. La troisième résolution pour demander au gouvernement provincial d'accorder le vote provincial aux femmes du Québec afin qu'elles jouissent des mêmes droits que leurs soeurs des autres provinces

 

Source: La Sphère féminine / Women's Sphere, 1935, pp. 7, 9, 11.

 
© 2005 Claude Bélanger, Marianopolis College