Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2007

Documents de l’histoire du Québec / Quebec History Documents

 

A la gloire de la Femme

canadienne-française

[1943]

 

[ Ce document reproduit un sermon prononcé par le Père Lorenzo Gauthier le 24 juin 1943. Pour la référence bibliographique précise, voir la fin du document.]

EXCELLENCE, (1)


MES FRERES,

La Société Saint-Jean-Baptiste consacre chaque année la journée de la fête nationale à rappeler les souvenirs des gloi­res du passé : gloires des personnes, gloires des événements, gloires des traditions. C'est un devoir très doux pour nous, ce matin, dé contempler la figure calme, éclairée, sereine et pure de la mère canadienne-française.

Ainsi que Jean-Baptiste, elle a tenu, au cours de notre histoire, le rôle de précurseur avec une merveilleuse délicates­se. Elle a préparé la voie à la Sainte Eglise et aplani les sen­tiers que devaient parcourir les prêtres, les religieux, les religieuses, les missionnaires, les artisans, les terriens et les professionnels. Elle apparaît sur tous les chantiers avec ses qua­lités de coeur et d'esprit qui lui ont permis de jouer un rôle de premier plan comme mère admirable, maîtresse de maison industrieuse, apôtre de grande classe. A l'exemple de Jean, elle a dû, maintes fois, s'effacer comme l'aurore devant le soleil afin que les desseins de Dieu se réalisent avec plus de splendeur sans être compromis par des vues trop humaines et des ambitions trop terrestres. La mère canadienne-fran­çaise est demeurée une très noble ouvrière catholique et so­ciale parce qu'elle a voulu se préparer à cette mission dans la solitude du foyer, la vivifier par la pratique du renonce­ment et la défendre contre tous les successeurs d'Hérode avec une opiniâtreté bien chrétienne et très française. Mettons-nous, ce matin, à l'école de la vraie grandeur en contemplant la femme canadienne-française comme mère admirable, maî­tresse de maison industrieuse et apôtre de grande classe.

1. – MÈRE ADMIRABLE

Au Canada-français, la femme a toujours porté glo­rieusement son titre de mère. Elle a compris que le véritable amour n'est pas égoïste, qu'un foyer sans enfants est un jar­din sans fleurs et que perpétuer la vie est le métier qui révèle le plus d'héroïsme et le plus de grandeur d'âme.

Dans sa pensée, le sanctuaire familial doit être animé par la présence des enfants, assurance d'expansion pour l'Eglise et source de richesses pour la Patrie parce que procé­dé sacré pour faire des civilisés. Pour elle, des berceaux signifient union des coeurs, sanctification des âmes et affer­missement du foyer.

Ni la rigueur du métier de terriens, ni les incertitudes du lendemain, ni la perte de la santé, ni la mort ne sont entrées en ligne de compte pour empêcher la femme cana­dienne-française d'être mère dans toute l'acception du mot.

Une foi ardente et robuste a toujours éclairé le problè­me de la famille.

Puis, il y eut aussi son commerce loyal et quotidien avec le renoncement.

Dès lors, il n'était pas possible pour elle de comprendre le vrai foyer sans l'accompagnement normal des responsabili­tés qu'il comporte.

Telle fut son attitude à tous les tournants de notre histoire.

La nouvelle Mère Patrie, au lendemain de la conquête, enverra un grand nombre de ses enfants pour peupler la nou­velle terre, mais rien ne viendra déranger le plan sacré de la mère. Humainement, on aurait pu croire à la submersion du groupe français par cette marée envahissante. La lutte s'engagea de façon toute chrétienne et bientôt la blanche et pacifique armée des berceaux eut raison de la force, de l'ar­gent et du pouvoir, si bien que tous les trente ans, selon un rythme régulier, la population doubla : - 1760, 70,000; 1790, 140,000; 1820, 280,000; 1860: 560,000; 1880, 1,120,000; 1910, 2,240,000; 1930, au-delà de 4,000,000.

La mère canadienne-française, fidèle à la loi de la vie, apportait en la nouvelle France, non seulement une espéran­ce, mais une réalité vitale et chrétienne qui ne creuse point de tombes, mais qui enrichit la race, remplit les foyers et peuple les cieux.

Mère admirable, elle ne se contente pas de donner la vie physique.

Accomplissant un véritable sacerdoce, elle s'attache à son foyer pour veiller avec une sereine patience sur la petite enfance, l'adolescence et la jeunesse de sa nombreuse postérité.

Heureuse, souriante et forte, elle préside à l'éveil des jeunes intelligences et donne les premiers soins spirituels à sa famille avec un inlassable dévouement.

Point de douceurs qui amollissent, point de déplace­ments inutiles, point de mondanités, point d'activités à l'extérieur en ces heures où les petits la prennent toute entiè­re. Elle se fera nourrice, garde-malade, institutrice.

Elle sera mère dans toute l'acception du mot.

Souvent peu instruite, elle trouvera quand même dans sa piété éclairée et son gros bon sens les mots qui éclairent et les conseils qui orientent.

Elle jettera dans les âmes les semences de l'Évangile avec une cordialité quasi sacerdotale.

Rien ne l'arrêtera dans toutes les étapes de notre histoire.

Malgré bien des influences dangereuses, elle saura faire face à toutes les complexités de notre problème familial.

Il y aura bien en ces dernières années un fléchissement inquiétant favorisé par des promiscuités douteuses, par l'am­biance protestante et par la diffusion des doctrines matéria­listes toutes proches; mais, en dépit de tout cela, la femme canadienne-française demeurera mère admirable parce que parmi toutes les autres, elle restera fidèle aux obligations sacrées de la maternité chrétienne au risque même d'être tour­née en ridicule ou d'être un peu regardée comme une naïve et une arriérée.

Ni les rudes obligations de sa vocation, ni la perspec­tive des naissances prochaines, ni les asservissements d'un foyer plein d'enfants n'ont eu jusqu'ici raison de sa foi, de son amour et de sa fidélité aux lois naturelles et divines. Aussi l'Église veut-elle en ce jour s'unir à la patrie pour la saluer comme une grande pourvoyeuse d'âmes selon les desseins de Dieu.

Le pays tout entier, en ces heures de grandes inquiétu­des, se doit, de lui rendre des hommages sincères pour toutes les recrues qu'elle lui donne. Soldats loyaux ils ne font point un étalage publicitaire de leur patriotisme, mais ils n'en demeurent pas moins des ouvriers tenaces, généreux, bra­ves, honnêtes et hardis quoi qu'on dise et quoi qu'on ait dit.

Partout où ils sont, ils apportent la piété de leur mère, sa générosité, sa réserve, sa foi, sa vaillance et sa légendaire ténacité.

Comme elle, sans bruit, ils sauront être des artisans de la victoire et des ouvriers de paix à l'heure marquée par la Providence divine.

Dans la distribution des palmes, quand la guerre pren­dra fin, il ne faudra pas ignorer le premier soldat de la race: la mère canadienne-française. C'est un devoir de justice que le pays entier devra lui rendre, parce qu'elle est, aujourd'hui, frappée dans ses affections plus souvent que les autres, ayant été toujours fidèle aux lois de la vie.

L'Eglise lui en rend hommage et la vénère.

Que l'Etat s'incline loyalement devant sa vocation respectée.

Qu'on sache bien ici comme au delà des mers que la femme canadienne-française, mère admirable entre toutes, sait donner à l'Eglise des recrues, mais qu'elle accepte aussi, en esprit d'obéissance, de donner ses fils au pays qui les lui ré­clame pour le défendre et le protéger ... et assurer le triomphe de la civilisation chrétienne. La mère chrétienne n'est pas une embusquée. Ses fils ne le sont pas davantage. Cela vaut la peine d'être retenu.

2. — MAITRESSE DE MAISON INDUSTRIEUSE

La maison est un temple.

Ce temple doit être vivifié et orné. Dès lors, ceux qui l'habitent aiment à y demeurer dans la paix, l'amour et la fierté.

Il faut sur la table le pain et la pitance, sur les murs et aux fenêtres des indices de vie.

Et pour couvrir les corps les ornements qui conviennent à un tabernacle.

Or, pour assurer toute cette richesse, il faut dans la maison une âme, une gardienne. On l'a écrit avec justesse : «Plus qu'en tout autre pays, la mère a vraiment été chez nous, l'âme et la vie de la maison.

C'est là sa plus pure gloire.

Nous ne le redirons jamais trop à une époque où il devient de plus en plus de mode de considérer la vie familiale comme un secteur trop effacé et trop étroit pour la femme éprise d'action. En accomplissant avec plénitude sa tâche de femme de maison», la maman canadienne-française a mieux servi la religion et le pays que n'importe quelle autre activité de caractère plus éclatant, plus exceptionnel, mais beaucoup moins rayonnant et moins constructif» (2).

Aussi loin que nous puissions remonter dans l'histoire, la femme canadienne-française a été l'âme de la maison, la vie du foyer. Toujours présente, active, bienveillante, elle a veillé sur sa famille avec une infinie tendresse et un art admirable. Soutenue par une volonté que rien n'arrête, elle a su utiliser ses dix doigts comme l'avait enseigné Margue­rite Bourgeois aux femmes de son temps. Elle est demeurée ménagère économe, couturière habile, avec des tendances na­turelles à l'artisanat.

Dans le modeste réduit où les destinées de la race vont se jouer, elle saura se livrer à toutes les besognes qui éloignent la misère et préparent l'honnête aisance.

Rien ne l'empêchera d'exploiter à sa pleine mesure les produits d'un sol plein de promesses mais encore mal préparé. Par ses soins délicats, un nouveau miracle de la multiplica­tion des pains viendra sans cesse revigorer les corps et consoler les coeurs.

Elle aidera son homme dans les travaux de la ferme pour que la terre soit plus généreuse, pour que dans la huche le pain ne manque jamais et pour que la maison soit plus accueillante.

On la verra près du rouet dont le bruit discret accompa­gnera les chansons du terroir qui endorment doucement les bébés roses qui se succèdent dans les berceaux jolis.

Chacun aura sa part dans ce travail maternel à partir du père jusqu'au plus petit.

Les doigts de la mère canadienne-française se feront agiles.

L'aiguille n'aura point de secret pour elle …

Elle sera brodeuse, voire même dentellière en certains milieux.

Tard le soir, elle confectionnera tout ce qui doit servir à vêtir la maisonnée. Avec l'usage du métier qui deviendra une pièce indispensable dans tout foyer honnête et vivant, et presque un autel, elle changera les produits de la ferme en matériel de beauté et de bon goût. Servie par son talent, son imagination brillante, son ardeur au travail, son amour de la vie enclose, elle jettera sur les parquets, accrochera aux fenêtres et multipliera dans toute la maison les richesses sor­ties du métier.

Maîtresse de maison, elle l'est dans toute la plénitude industrieuse.

Qui que nous soyons et quel que soit notre âge, le sou­venir de cette femme auguste demeure et projette encore sur l'âge mûr et la vieillesse une rayonnante splendeur.

Comme elle a su trouver par de mystérieuses industries le secret de consacrer tous les événements de la vie domestique.

Comme elle a su établir la vertu d'économie par le sa­vant et tenace usage des vêtements qui devaient dans la fa­mille nombreuse pieusement passer des plus vieux aux plus jeunes même si dans cette transmission, ils perdaient beau­coup de leur jeunesse et un peu de leur beauté.

Comme elle a été habile, sans vaine publicité et sans mesquinerie, pour établir le culte du bas de laine préparant ainsi la voie à tous les systèmes savants et compliqués de l'é­conomie que notre société moderne tente de mettre en formules.

Comme elle a su préparer des générations sobres, laborieuses, dévouées aptes à exploiter leur pauvreté même pour dominer tous les aléas d'un monde si changeant et si capricieux.

Maîtresse de maison industrieuse, elle l'a été sans ja­mais sacrifier ses qualités de coeur et d'esprit dans la joie, dans la tristesse, dans la prospérité et dans l'adversité. Sans faire de grands discours elle a défendu notre peuple contre l'assimilation, contre le découragement et contre les dangers des crises économiques.

La mère canadienne-française demeure à bon droit en notre esprit comme le type idéal de la femme d'intérieur: pieuse et fidèle, sacrifiée jusqu'à l'extrême limite, économe et sage, défiante jusqu'à la délicatesse, attachée à son foyer avec une ferveur jalouse, tenace et tenante, tout entière éprise de son devoir maternel et acharnée à défendre tous les points menacés de la vie domestique.

Maîtresse de maison industrieuse, elle l'est essentiellement.

Et elle demeurera telle aussi longtemps qu'elle sera mère admirable, aussi longtemps qu'elle n'aura pas d'autres ambi­tions que de servir la cause familiale, la plus importante, la seule vitale dans l'histoire d'une race qui veut monter vers les cimes.

3. — APOTRE DE GRANDE CLASSE

La mère canadienne-française est enfin un apôtre de grande classe.

Habituée à tous les renoncements, il lui est tout natu­rel de rayonner.

Elle aime le foyer, mais elle estime aussi qu'il ne doit pas être un temple fermé.

Elle n'entend pas tout garder pour elle sans rien livrer aux autres.

Dans le silence de son foyer elle va façonner par la prière, le sacrifice, le bon exemple des ouvriers et des ou­vrières de bonne volonté.

A l'heure voulue, des légions de prêtres, de religieux, de religieuses, à cause d'elle et par elle sortiront des foyers français pour se disperser à travers tout le pays et atteindre bientôt les régions lointaines des missions.

Elle donnera à l'Église des fondateurs et des fondatrices de communautés religieuses. Quelques-unes d'entre elles une fois libérées des grandes responsabilités familiales ajouteront à leur couronne maternelle celle encore plus glorieuse de fon­datrices. Mais tant de ferventes donations ne semblent pas la satisfaire, nous la voyons encore tout le long de notre histoire s'intéresser aux oeuvres de miséricorde spirituelle et corporelle.

Les annales de nos hospices et de nos hôpitaux relatent avec une exquise tendresse les charitables interventions des premières mamans qui osèrent se livrer à des oeuvres extérieu­res soit comme patronnesses, soit comme dames de charité.

C'était en ce temps-là une nouveauté. Mais les années passent.

Des exigences sociales nouvelles imposent à la mère ca­nadienne-française de nouveaux labeurs.

Elle ne recule pas devant les tâches qui s'imposent. Sans aliéner son titre de mère admirable, elle se voit appeler à étendre le théâtre de ses activités.

Il n'y a point de caprice dans ces innovations. Il n'est pas question d'un plaisir inconsidéré. Il s'agit pour elle d'être un instrument de vie. Elle va donc maintenant s'intéresser au social.

La Fédération nationale de la Saint-Jean-Baptiste vient de naître (3).

Ici et là on chuchotte, on s'inquiète. Beaucoup prennent des airs scandalisés.

La Société Saint-Jean-Baptiste lui laisse le champ libre après lui avoir aidé à faire ses premiers pas. L'Église veille par ses aumôniers sur le berceau d'une institution déjà pleine de promesses.

Une ère nouvelle s'ouvre pour l'activité apostolique de la mère canadienne-française.

Bientôt à cause du zèle, de la charité et de la ténacité des mamans qui hier encore vivaient dans l'enceinte du foyer, des oeuvres multiples vont naître pour le plus grand bénéfice de la race et de l'Église.

Il faut souligner ici l'amour désintéressé de ces femmes que notre facile ingratitude nous porte à oublier et qui ont mis une traînée de lumière dans le ciel de notre histoire en veillant sur la naissance et la croissance de ces oeuvres mer­veilleuses qui font le bonheur d'une multitude parce que ces oeuvres couvrent à peu près tous les domaines.

Soulignons en passant quelques réalisations apostoliques de la femme canadienne-française: l'hôpital Sainte-Justine, l'assistance maternelle, les aides maternelles, la goutte de lait, l'oeuvre si belle des enfants infirmes qu'une mère in­comparable a su mettre sur pied avec un zèle que l'histoire ne devra jamais oublier.

Je me permets de n'en citer timidement que quelques-unes. J'ai peur d'en donner la liste très longue devant Celui-là seul qui décerne les titres de grandeur. Je laisse à votre reconnaissant amour le soin d'en faire mémoire devant le Seigneur (4).

Votre plus grande gloire, Messieurs de la Société Saint-Jean-Baptiste, devant Dieu et devant les hommes, c'est d'avoir contribué à l'expansion de cet apostolat en lui permettant de vivre sans briser de si belles initiatives par un souci du monopole qui nous est trop souvent familier même quand il s'agit du bien national ou religieux.

Le Canada français s'incline devant l'apostolat social de la mère canadienne. Il le fait avec d'autant plus de fierté que les lois sociales votées en ces derniers temps ont pris nais­sance dans le coeur et le cerveau des mères canadiennes. Ces lois ne porteront pas leurs noms, mais c'est justice que de leur en renvoyer le mérite et la gloire.

Voici maintenant qu'un nouveau champ d'apostolat s'ouvre au zèle de la femme canadienne, celui de l'Action catholique.

Pour ce travail rénovateur des masses toute une élite est déjà prête grâce aux activités de la Fédération.

Loin d'abandonner le travail d'hier, la mère canadien­ne, formée à l'école de l'Action catholique, va informer tout son travail social, le rendre plus chrétien, lui donner un plus grand rayonnement et préparer de la sorte des victoires déci­sives qui permettront à l'Église d'agir avec plus d'ampleur dans tous les domaines quand l'heure sera venue.

Une fois de plus la mère canadienne-française va mettre au service de Dieu et de la race son grand esprit apostolique pour être encore et par-dessus tout un instrument de vie sur­naturelle.

Nous la reconnaissons bien. C'est toujours la même.

C'est la vraie mère canadienne-française qui ne veut pas limiter son zèle à sa maison mais qui veut atteindre la race tout entière afin de la rendre plus fidèle, plus croyante, plus attachée à l'Église et plus loyale à la Patrie. Nous la recon­naissons à ce trait qui la caractérise si bien.

C'est la mère canadienne-française, la nôtre, celle que nous pleurons toujours quand nous l'avons perdue, celle que nous venérons sans réserve quand le Seigneur nous la con­serve dans sa miséricordieuse bonté.

CONCLUSION

J'ai essayé de redire les gloires de la femme canadienne-française. Et pour ce faire, je vous l'ai présentée avec tous les titres qu'elle a su mériter et défendre à travers toutes les pha­ses de notre histoire.

La divine Providence l'a visiblement couverte de ses bé­nédictions.

Nous le savons. Et c'est pour nous une légitime fierté.   

 

Malgré toutes sortes de difficultés, elle est demeurée mè­re admirable, maîtresse de maison industrieuse, apôtre de grande classe.

MERE ADMIRABLE : elle conserve en son intégrale beau­té devant toute l'histoire l'auréole d'une maternité qu'elle n'a pas voulu profaner, ni sacrifier.

MAITRESSE DE MAISON INDUSTRIEUSE : elle a été et demeure par son habilité, son esprit de labeur, son goût bien équilibré une ouvrière diligente qui, avec ses dix doigts et son âme d'artiste, a su défendre notre petite économie, exalter le bas de laine et donner à notre foyer une parfaite stabilité.

APOTRE DE GRANDE CLASSE : elle a préparé dans le si­lence de son foyer des consécrateurs, des missionnaires, des ouvriers, des professionnels et des agriculteurs, des artisans de tous genres qui font resplendir sur des scènes diverses les vertus chrétiennes et les richesses sociales qui assurent les ré­novations nécessaires.

Il convenait de célébrer de façon solennelle tant de ver­tus, tant de mérites et tant de bienfaits.

 

Mais il faut assurer un lendemain à notre fête nationale.

Or, une telle fête n'aurait pas de lendemain si nous n'é­tions point décidés de prendre la résolution sincère et loyale d'apporter chacun notre part pour défendre un si grand tré­sor surtout au moment où une si grande détresse descend sur la terre.

Les discours grisent et enflamment. Les actes qui les suivent sont seuls capables d'en assurer les fruits.

Que la femme demeure chez nous une mère admirable malgré le matérialisme envahissant, malgré la religion du plaisir, malgré les appels de l'égoïsme, les tyrannies des sens et la mode païenne.

Par nos prières et nos sacrifices, par nos interventions opportunes, organisons sa défense pour que des lois sociales chrétiennes améliorent sans cesse sa situation, pour que la famille nombreuse vive avec fierté, pour que les taudis dispa­raissent, pour que la mère retourne le plus tôt possible à sonfoyer seul endroit de travail digne d'elle et seul sanctuaire où elle peut préparer cette paix véritable que le monde appelle de tous ses voeux.

Qu'on le sache bien en tous lieux. Il faut que cela soit afin que la mère ne cesse jamais d'être une maîtresse de mai­son industrieuse.

Que par le ministère si beau des écoles ménagères, par l'apostolat discret des cercles de fermières qu'on voudra bien laisser libres de toute entrave politique, que par l'enseigne­ment lumineux de toutes les organisations familiales on cher­che à lui conserver toutes les qualités de coeur et d'esprit qui la consacrent auxiliaire de l'homme dans tous les domaines qui se rattachent à l'épanouissement glorieux du foyer, en ce décor qui lui est familier et où elle peut vraiment exercer un ministère sacro-saint pour hâter la construction de la vraie cité chrétienne.

 

Qu'elle demeure apôtre de grande classe dans son foyer d'abord, auprès de sa famille, mais aussi sans nuire à celle-ci en dehors de sa maison et surtout dans les cadres de l'Action catholique pour en informer ensuite tous nos problèmes so­ciaux et nationaux.

Il le faut en ces heures décisives où sur tous les chan­tiers s'engage une lutte sans merci entre Dieu et l'Esprit de ténèbres.

Qu'elle soit, dans notre siècle tourmenté, un instrument de vie et une source de force afin que par elle une nouvelle conquête catholique et française solidifie les positions de la sainte Eglise et prépare les voies à de splendides réalisations et à des rénovations définitives.

Rendons grâces au Seigneur de nous avoir gardé jus­qu'ici ce trésor inestimable.

Supplions-le de ne point tenir compte de nos iniquités, mais de nous accorder en sa miséricorde la même précieuse et efficace assistance pour les heures douloureuses de l'après-guerre.

Avec tous les apôtres de chez nous: évêques, prêtres, missionnaires, religieux, religieuses, professionnels, historiens, ouvriers, agriculteurs, je salue la mère canadienne-française.

Et m'inspirant d'une pensée chère à furie de nos écri­vains, je lui redis en guise de bouquet spirituel ces mots sim­ples et doux comme un cantique : «J'appelle le jour, où sur une de nos places publiques, la plus gracieuse, la plus fleu­rie, la plus ensoleillée se dressera la statue de la femme auguste par qui la Nouvelle-France est née et a survécu; je la rêve statue sculptée par un grand artiste plein de piété et d'a­mour; je la rêve sans autre beauté que la beauté simple de son exemplaire, dans l'attrait du vieux costume, avec les traits fins de la race et, par tout l'être, l'élan lyrique de sa vaillance».

Amen.

(1) Son Excellence Mgr Chaumont, auxiliaire de Montréal.

(2) L'abbé Tessier, dir. général des Ecoles Ménagères, apôtre de la Vie domestique.

(3) Fondée en 1906. Présidentes fondatrices Madame F.-L. Nique et Madame Henri Gérin-Lajoie.

(4) Fondation des Associations professionnelles, Fondation des Fédérations paroissiales, Etablissement de Caisses de Secours, Etablisse­ment de Cours d'Enseignement Ménager, Comité de lutte contre l'alcoolisme, Amendements à la loi des licences, Législation en fa­veur des Institutrices et des employées de bureau, Comité des ques­tions domestiques, Comité de lutte contre la mortaltié infantile, Fondation de "Gouttes de lait", Participation aux expositions pour le bien-être de l'enfance, Comité de lingerie d'autel et décoration d'église du Congrès Eucharistique, Pèlerinage à Lourdes et à Rome, Affiliation à l'Union Internationale des Ligues catholiques fémini­nes, Fondation de la Bonne Parole, Comité du "Denier National", Comité des questions civiques, Comité de la Croix Rouge, Comité du Fonds Patriotique, Comité de l'Assistance par le travail, Comité central d'étude et d'action sociale, Comité des Oeuvres économiques, Comité de Rédaction de la Bonne Parole, Comité de la construction, Comité du service social, Comité de la Visite des hôpitaux, Fichier Central de renseignements, Comité de l'apostolat de la paix, La réforme du Code civil en faveur de la femme.

N. B. — On peut devenir membre de la Fédération Nationale Saint-Jean-Baptiste en s'inscrivant à son secrétariat: 853, rue Sherbrooke Est.

Source: Lorenzo GAUTHIER, A la gloire de la femme canadienne-française, texte du sermon donné en l’église Saint-Jean-de-la-Croix, à Montréal, le 24 juin 1943, Joliette, l’Action populaire, 1943, 16p.

 

 
© 2007 Claude Bélanger, Marianopolis College