Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Novembre 2005

Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec

 

La loi du cadenas

The Padlock Law

 

La menace communiste au Québec

[1934]

[Ce texte est extrait d'une étude plus vaste qui discutait de La menace communiste au Canada. Il fut rédigé par Joseph Papin Archambault. Pour la référence précise, voir la fin du document.]

2. — Dans la province de Québec

 

L'existence du communisme au Canada comme groupe organisé, relevant de Moscou et poursuivant activement un but révolutionnaire, ne peut donc être mise en doute.

 

Une deuxième question alors se pose : La province de Québec est-elle atteinte par ce mal et dans quelle mesure ?

 

Rappelons d'abord que notre province comprend la métropole du Canada. Montréal est une ville en majorité française et catholique, mais néanmoins de plus en plus cosmopolite. Il renferme un grand nombre d'immigrants de nationalités diverses, dont de forts groupes de l'Europe centrale, déjà gagnés pour la plupart au bolchevisme avant d'entrer au pays.

 

A Montréal

 

On comptait en 1933, dans le district de Montréal, 1,200 communistes, enregistrés sur les listes officielles du Parti comme membres actifs, et environ 10,000 affiliés. Ces douze cents communistes sont groupés en plus de quarante centres, — clubs, cercles sociaux, sociétés nationales, — tous, sauf une couple, anglais ou étrangers: russes, finlandais, ukraniens, hongrois, allemands, yougoslaves, etc. On y prêche ouvertement la révolution. Ce sont de vrais foyers d'anarchie (1).

 

Tout le monde connaît, au moins de réputation, l'Université ouvrière. Son fondateur, bien que prêchant le bolchevisme, s'était efforcé de la tenir à l'écart du parti communiste. Il en avait fait surtout une école d'athéisme, un foyer de sans-Dieu. On y a longtemps débité les pires injures contre Notre-Seigneur, la Sainte Vierge, l'Église, le clergé, les catholiques.

 

Depuis cependant que ce groupement a changé de direction et même de nom,— il s'appelle aujourd'hui l'Association Humanitaire,— on peut le considérer comme un véritable centre communiste. Il réunit, deux ou trois fois par semaine, des auditoires de cinq ou six cents personnes et tente de les enrôler sous le drapeau de Lénine. Son influence, bien que difficilement appréciable, ne peut être contestée (2).

 

Montréal possède aussi une section française des Amis de l'Union Soviétique. C'est par ses soins que deux des nôtres ont pu aller récemment à Moscou. Enfin on trouve des Canadiens français inscrits dans des cellules anglaises.

 

Existe-t-il d'autres groupements communistes de notre nationalité soit à Montréal, soit dans les villes de la province où la propagande s'est faite plus active: à Québec, à Sherbrooke, à Thetford, à Lachine, à Rouyn ? Il est assez difficile de se prononcer avec certitude.

 

La Ligue Canadienne de Défense du Travail proclamait à son congrès de 1933 qu'elle comptait alors chez les Canadiens français 200 membres inscrits et six sections. (3)

 

Propagande auprès des Canadiens français

 

Chose certaine, c'est que le Parti multiplie ses efforts pour endoctriner les nôtres et les faire entrer dans ses rangs. A chacun de ses congrès depuis quatre ou cinq ans, il revient sur ce travail et indique les moyens de le rendre plus efficace. Il recommande, entre autres choses, de publier le plus tôt possible un journal, de s'introduire dans les syndicats ouvriers, catholiques et neutres, de s'opposer au groupement des travailleurs par nationalité ou religion, de nommer un Canadien français membre du comité exécutif du Parti, et un autre organisateur pour la province de Québec en lui conseillant d'établir des associations sans aspect trop révolutionnaire, sous forme de clubs, de cercles dramatiques, etc., d'agir enfin avec une grande prudence afin de ne pas heurter de front les senti­ments et les traditions du peuple, contrairement aux procédés adoptés par le chef de l'Université ouvrière...

 

Au congrès de 1933, une des sept commissions instituées pour s'occuper des sujets les plus importants était consacrée à la propagande canadienne-française. En sep­tembre dernier, la Lumber Workers' Industrial Union, contrôlée, comme nous l'avons vu, par les communistes, décidait à son dixième congrès annuel: 1° de transporter son siège social de Port-Arthur à Timmins afin de faire plus de recrutement parmi les bûcherons canadiens-français du nord de Québec et de l'Ontario; 2° d'employer comme langue officielle le français aussi bien que l'anglais.

 

Quelques semaines plus tard, deux Canadiens français étaient choisis pour faire partie de la délégation canadienne en Russie, où ils devaient être les hôtes de l'U.R.S.S. Ils sont revenus, comme reviennent tous ceux qui entreprennent ce voyage dans de telles conditions, n'ayant vu que ce qu'on a bien voulu leur montrer et épris pour le régime soviétique d'une admiration qu'ils brûlent de faire partager à leurs compatriotes. Déjà leur campagne à travers la province est commencée.

 

Enfin, le journal si vivement désiré a fait son apparition. Il porta d'abord le nom de Vie ouvrière, simple décalque des journaux anglais, du Worker en particulier, préconisant la lutte des classes et la haine de la religion. Il est remplacé aujourd'hui par Clarté, feuille de ton plus modéré, à caractère social plutôt que religieux, mais nettement révolutionnaire.

 

Plusieurs revues et journaux français communistes circulent aussi à Montréal: Regards, où écrivent Gide, Barbusse, Malraux; Russie d'aujourd'hui, organe des Amis de l'U. R. S. S., les Nouvelles soviétiques, la Lutte, le Journal de Moscou, etc. Ajoutons qu'un appel récent a été fait aux organisations communistes de France pour qu'elles envoient quelques-uns de leurs agents dans notre province.

 

Résultats

 

Cette propagande active et croissante, jointe à la dure situation économique que nous traversons, produit ses fruits. Sans donner nécessairement leurs noms au Parti communiste, sans rompre même avec leur foi, plusieurs des nôtres, fatigués de vivre dans l'oisiveté et de plus en plus inquiets du lendemain, inclinent, tout en faisant abstraction de ses visées antireligieuses, vers ce régime nouveau qu'on leur a représenté comme favorable aux petits et équitable pour tous. Ils se disent à la fois communistes et catholiques. On a même entendu un ouvrier faire cet aveu naïf: « Je prie tous les soirs pour que le communisme arrive! »

 

Le jour peut venir rapidement où, mis à même de choisir entre le catholicisme et le communisme, et mal conseillés par la misère, par les abus scandaleux d'un capitalisme oppresseur, par leur ignorance de la doctrine sociale de l'Église, par une propagande de plus en plus habile et tenace, ces travailleurs abandonnent leur religion pour l'évangile soviétique.

 

Le danger communiste au Canada et même dans la province de Québec est donc réel. Croire qu'il va se dissiper tranquillement serait une erreur. Il ne peut aller qu'en augmentant. La propagande auprès des Canadiens français n'en est qu'à ses débuts. Elle dispose de moyens puissants. Les circonstances extérieures lui sont favorables. Nous pouvons nous attendre à l'un des plus formidables assauts que notre nationalité ait encore subis.

 

Et quelle partie! Plus que nos richesses matérielles, que nos traditions nationales, que notre langue, c'est notre foi, c'est notre âme si chrétienne jusqu'ici, dont le sort va se jouer. Et par elle aussi, peut-être, l'avenir même du catholicisme sur tout ce continent.

 

L'enjeu vaut donc la peine qu'on s'en occupe, qu'on mobilise sans tarder, alors qu'il en est encore temps, toutes les forces catholiques.

 

Mais quelle stratégie adopter, par quelles armes se défendre ?

 

(1) Des écoles, ouvertes dans différents quartiers de la ville, rassemblent les enfants et leur donnent une éducation communiste. Des efforts sont faits pour y attirer les petits Canadiens français.

 

(2) L'ancien groupe de l'Université ouvrière vient de se reformer sous la direction de ses premiers chefs. Il est en lutte avec l'Association humanitaire.

 

(3) Dans une autre section de l'étude d'Archambault (p. 39), l'auteur cite les chiffres suivants: en 1932, la Canadian Labor Defense League aurait eu 2 sections canadiennes-françaises, comptant 52 membres, et, en 1933, 6 sections avec 220 membres. (Note de l'éditeur).

Source: Joseph Papin ARCHAMBAULT, "La menace communiste au Canada", dans École sociale populaire, Nos 254-255 (avril 1934): 13-17.

 
© 2005 Claude Bélanger, Marianopolis College