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Le scandale du gaz naturel [1958]Gérard Filion« Ne répondez pas à côté de la question, M. Duplessis »
M. Duplessis a répondu à côté de la question. Sa conférence de presse hebdomadaire, disons plutôt son monologue, cite le nom d'un certain nombre de personnages politiques et autres qui ont acheté des unités de la Corporation de gaz naturel.
Mais il n'a pas pris la défense de ses ministres, de son chef de cabinet, des hauts fonctionnaires de l'Hydro-Québec. C'est cela qui nous intéresse.
Que MM. X, Y, Z, que M. le curé un Tel, que les bonnes soeurs de la congrégation de saint-frusquin se soient portés acquéreurs de dix, cent, mille unités de la Corporation de gaz naturel, cela n'a rien à voir avec la question. Ils n'avaient pas, eux, la responsabilité de l'administration de l'Hydro-Québec, ils ne se sont pas vendu à eux-mêmes un bien qui appartenait à la province. Car tout le fond de la question est là ; M. Duplessis n'en sortira pas. Ses ministres ont trempé dans une sale affaire. En Ontario, pour des cas moins graves, deux ministres ont démissionné à la requête expresse du premier ministre. Qu'est-ce que M. Duplessis attend pour faire le nettoyage de son cabinet ?
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L'article 75 de la Loi concernant la Législature se lit comme suit :
L'interdiction sévère qui est décrétée dans l'article ci-dessus devrait s'appliquer avec beaucoup plus de rigueur aux ministres eux-mêmes. Car si un député n'a pas le droit de laisser influencer son vote par une récompense ou une faveur, à plus forte raison un ministre doit-il écarter tout avantage susceptible d'influencer ses décisions. Seul le bien commun doit inspirer ses actes.
Dans le cas des fonctionnaires, il existe une règle qui n'est pas moins sévère. II s'agit du serment que doivent prêter la plupart des fonctionnaires permanents à l'emploi de la province de Québec. La formule se lit comme ceci :
Il convient de noter le passage où il est dit que le fonctionnaire ne devra recevoir « aucune somme d'argent ou considération quelconque ... dans le but de favoriser l'achat ou l'échange de quoi que ce soit pour ou avec le gouvernement . »
Comment M. Cross, responsable du réseau de gaz à l'Hydro-Québec, peut-il concilier cet engagement avec l'option de cinq mille actions communes qu'il a reçues de la Corporation de gaz naturel, alors qu'il était encore à l'emploi de la province ?
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Dans cette sale affaire du gaz naturel, il y a eu deux groupes de personnes : celles qui détenaient le pouvoir et qui prenaient les décisions : ministres, législateurs, hauts fonctionnaires ; celles qui, sans être trop informées de ce qui se passait, voyaient l'occasion de faire une spéculation heureuse ou un placement avantageux.
Ce sont les premiers qui doivent rendre compte de leurs agissements à la population québécoise. C'est eux que nous avons le devoir de démasquer. C'est à leur sujet que M. Duplessis doit des explications. Qu'il ne cherche pas à détourner l'attention sur Pierre, Jean, Jacques, qui n'ont jamais eu ni de près ni de loin la moindre responsabilité dans l'affaire.
Dites-nous, M. Duplessis, pourquoi et comment la moitié de vos ministres sont devenus actionnaires de la Corporation de gaz naturel. A répondre à côté de la question, vous ne faites qu'aggraver nos accusations.
Retour à la page sur le scandale du gaz naturel Source: Gérard FILION, « Ne répondez pas à côté de la question, M. Duplessis », Le Devoir, 21 juin 1958, p. 4.
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Claude Bélanger, Marianopolis College |