Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Novembre 2004

Documents de l’histoire du Québec / Quebec History Documents

Écrits sur les Jeune-Canada

Les Jeune-Canada à Carillon

 

Les traits héroïques de Dollard se voyaient moins distinctement depuis que l'insouciance, l'apathie et quelquefois la peur lui tissaient un brouillard d'indifférence. Mais quand les insulteurs du héros montrèrent leur museau velu de grignoteurs imbéciles, nous eûmes l'impression qu'une réaction populaire était imminente. Elle est venue des Jeune-Canada. Il faut les en féliciter chaudement.

 

Ils ont bien fait les choses. Ils sont entrés à fond dans le mouvement, renouant la tradition du pèlerinage à Carillon. C'est la manière la plus efficace : respirer l'air même des lieux vénérés, s'emplir les yeux du paysage ou durent se poser les derniers regards de ces braves; mettre du sang et de la chair dans un concept qui s'étiolerait sans cette concrétisation. On ne sent vraiment bien les héros, et d'une certaine façon, vivante et obsédante, qu'à l'endroit où ils dorment, leurs ossements confondus et reviviscents dans la nature qui nous pénètre par tous les sens.

 

Les Jeune-Canada ont prononcé les paroles qu'il fallait. Dans cette ambiance peuplée d'ombres douloureuses et fortes, dans cette atmosphère enivrante ou l'âme se gorge de grandeur morale, ils ont mis en déroute la déclamation, le cliché et le poncif, toutes les formes de tartuferie patriotique. Le propre d'un holocauste comme celui du Long-Sault, c'est de multiplier et d'intensifier la vie. « Le désespoir est une absurdité, semblaient redire ces jeunes gens de vingt ans, reprenant la leçon de 1660. Il suffit d'une seule génération pour redresser les volontés et les esprits. Nous qui sommes d'une génération sacrifiée, nous en avons pris courageusement notre parti. » Et se tournant vers les politiciens, les éternels ennemis de notre race, ils leur ont demandé des comptes et leur ont dit ce qu'il fallait penser de leur oeuvre de dévastation dans le domaine intellectuel, dans le domaine de l'agriculture, dans celui du mouvement ouvrier. M. Pierre Dansereau fit une synthèse des buts de la jeune société. M. Dollard Dansereau établit les conditions d'une forte culture de l'esprit et ce qu'un nationalisme sain commande d'entreprendre de ce côté. M. Paul Simard démontre que notre survivance ne peut être assurée que par l'organisation de la classe agricole et qu'elle doit être soustraite aux influences politiques. Puis M. Bernard Hogue stigmatise l'esprit de parti et demande aux ouvriers de secouer ce joug déshonorant qui les tient en esclavage.

 

Enfin l'abbé Groulx, dans un ramassé puissant, fait le décompte de notre héritage ancestral et en analyse les richesses. Puisque les monuments qui couvrent l'Amérique du Nord, élevés à la mémoire des hommes du notre sang, témoignent de la grandeur de leur rêve, serions-nous dégénérés au point de n'en plus garder une seule parcelle vivante. Mort à l'apathie, à l'insouciance, au bavardage, à toutes les formes de notre stérile individualisme.

 

Et tout ceci se passait le 24 mai dernier, sur les bords enchanteurs de l'Outaouais, devant une foule ardente, sous un ciel rayonnant, dans une lumière d'apothéose où les drapeaux comme les paroles claquaient à la brise et allaient réveiller en nous l'écho de ces voix innombrables, de ces morts glorieux dont le courage chronique, se reprenant à vivre en nos faibles esprits, nous inondait pour un moment de la plus haute et de la plus sereine certitude et ne nous parlait plus que d'espérance.

 

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Source : Arthur LAURENDEAU, « Les Jeune-Canada à Carillon », dans l'Action nationale, Vol. I, No 6 (juin 1933) : 358-360. Une erreur typographique a été corrigée.

 

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College