Quebec History Marianopolis College


Date Published:
15 August 2003

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Monseigneur Joseph-Thomas Duhamel

(1841-1909)

 

par
M. L’Abbé Elie-J. AUCLAIR

MGR Joseph Thomas Duhamel, l'ancien archevêque d'Ottawa, naquit à Contrecoeur, comté de Verchères, le 6 novembre 1841, d'une modeste lignée de cultivateurs. Son premier ancêtre, venu de Normandie, était arrivé au Canada vers 1695. Les descendants labouraient le sol, à Contrecoeur, depuis 1756. Son père, François Duhamel, et sa mère, Marie Joséphine Audet dit Lapointe, élevèrent une famille de douze enfants, dont Joseph Thomas se trouva être le dernier né. Il n'avait encore que cinq ans quand ses parents émigrèrent à Bytown, aujourd'hui Ottawa, et s'y établirent. Le futur archevêque fit toutes ses études, élémentaires, classiques et théologiques, de 1847 à 1863, chez les Oblats de Marie, au collège Saint Joseph, fondé en 1847, devenu l'Université d'Ottawa en 1889. Son application et ses succès en classe annoncèrent de bonne heure un solide et brillant avenir. Son vif esprit de foi et sa piété calme mais profonde montraient à tous en même temps qu'il s'acheminait naturellement vers le service des autels. Lui même y pensa très jeune. De fait, à 19 ans, il prenait la soutane. Il fut ordonné prêtre, à Ottawa, le 19 décembre 1863. Il n'avait pas encore 23 ans.

Nommé vicaire à Buckingham, il y passa un an. Dès 1864, il devenait curé de Saint-Eugène de Prescott, et ce fut pour dix ans, jusqu'en 1874. Outre qu'il était heureusement doué et suffisamment instruit, ami du travail et de l'étude, sa connaissance parfaite du français et de l'anglais en faisaient un sujet qualifié et précieux pour un diocèse comme celui de Bytown (1847) , plus tard Ottawa (1854) , où, l'on comptait un nombre à peu près égal de catholiques de langue française et de langue anglaise. D'autre part, sa sagesse et sa pondération le firent tôt remarquer et distinguer par Mgr Bourget et par Mgr Guigues. En 1869, le premier évêque d'Ottawa choisissait l'abbé Duhamel pour l'amener avec lui au concile du Vatican à Rome, et, en 1873, il en faisait l'un de ses théologiens au concile provincial tenu cette année là à Québec.

Mgr Guigues étant décédé le 8 février 1874, le jeune curé de Saint Eugène, qui n'était alors âgé que de 33 ans, fut élu pour lui succéder le 1er septembre suivant, et il fut sacré, le 28 octobre, sous le titre d'évêque d'Ottawa, dans sa propre cathédrale, par l'archevêque de Québec, Mgr Taschereau. Douze ans après, son évêché ayant été élevé au rang de siège métropolitain, le 8 juin 1886, Mgr Duhamel devint par le fait le premier archevêque de la capitale, et il le fut de 1886 à 1909. Il mourut soudainement, le 5 juin de cette dernière année, à Casselman, en pleine visite pastorale, d'une poussée d'angine, à 68 ans d'âge, 45 de sacerdoce et 33 d'épiscopat.

J'avais vu quelquefois Mgr Duhamel, jeune évêque, au séminaire de Sainte Thérèse, car il y venait en visite de temps en temps. Je l'ai mieux connu, sexagénaire, à l'archevêché de Montréal, où il était souvent de passage. Pas très grand de taille, assez gros et replet, de figure plutôt sévère mais affable, les traits réguliers et délicats, les yeux clairs et expressifs, le nez droit, le front large, portant une perruque sous la calotte violette, très soigneux dans sa mise et de tenue irréprochable, le digne vieillard était un prélat, de tous points distingué, qui imposait respect et inspirait confiance. Prêtre, évêque ou archevêque, Mgr Duhamel était, d'abord et avant tout, l'homme de Dieu, totalement dévoué au service des âmes et du bien spirituel. C'était aussi un homme d'un grand sens, d'une rare prudence et d'une discrétion accomplie. Dans les choses de l'administration, il tenait à se rendre compte du moindre détail et voyait en personne à la bonne gestion des affaires dans chacune des paroisses de son diocèse. Il a gouverné, trente cinq années durant, une Eglise constamment en travail et en progrès. En 1874, il y avait à Ottawa soixante paroisses, quatre-vingt prêtres et un peu moins de cent mille fidèles. Deux fois, sous son règne, le diocèse a été fractionné, en 1882, par la création du vicariat de Pontiac (aujourd'hui diocèse de Pembroke), et, en 1908, par l'érection du vicariat d'Haileybury (maintenant diocèse du même nom). A sa mort, quand même, Ottawa possédait cent trente six paroisses, deux cent cinquante prêtres et au delà de cent cinquante mille fidèles. Or, on l'a dit et répété maintes fois, Mgr Duhamel a passé, sans heurt aucun, à travers les difficultés inséparables d'une pareille période de formation et d'organisation, et il a laissé un état financier général en pleine prospérité. Archevêque de la capitale du pays, il entretint constamment les meilleures relations avec les sommités du monde civil, le gouverneur général, les ministres d'Etat et autres dirigeants, comme avec le délégué apostolique et tous ses collègues de l'épiscopat du Québec et de l'Ontario. Canadiens et Irlandais se sentaient également à l'aise sous sa houlette. De vues larges, ferme sur les questions de principe, mais plein de tact et d'habileté dans leur application, il eut l'art ou le talent de toujours mener la barque à lui confiée dans des eaux calmes et tranquilles. Son administration semble n'avoir connu aucune difficulté, parce que, sans doute, il savait les dominer sans qu'il y parût beaucoup.

« Mgr Duhamel, écrivait sur sa tombe le Père Alexis, de l'ordre des Capucins (7 juin 1909) , meurt plein d'oeuvres, sinon plein de jours, et s'en va comparaître devant le souverain juge avec une ample moisson de mérites. C'était un homme prudent et qui savait se taire. Occupé toute sa vie aux affaires plutôt qu'aux études, mais doué d'une vive intelligence et d'une grande facilité d'assimilation, il écoutait volontiers et profitait de tous les renseignements d'où qu'ils vînssent [sic]. Il était très discret et fermé dans les questions d'administration, comme il convient à un chef. Il était fort avenant et fort gai dans son commerce privé. Son coeur ne s'ouvrait qu'à bon escient et rarement. C'était pourtant un coeur tendre et fidèle qui, une fois donné, ne se reprenait jamais. Seulement, il affectait d'être impassible. Il était très humble, avec une foi tranquille et une confiance de petit enfant en Jésus et en Marie. Il s'est longtemps préparé à la mort, se demandant chaque soir s'il serait en vie le lendemain . . . »

Et Mgr Bruchési, en prononçant son oraison funèbre, dans la cathédrale d'Ottawa, lui rendait ce bel hommage : « Mgr Duhamel se laissait diriger, dans chacune de ses entreprises et dans ses moindres actes, par des vues toutes surnaturelles. Pour bien gouverner, c'est vers Dieu qu'il élevait ses pensées, c'est à Rome qu'il regardait toujours. C'est du ciel et c'est de Rome, voix du ciel, qu'il attendait l'inspiration, l'ordre ou le conseil. Humble, il s'oubliait constamment lui même. Bon et affable, il gagnait tous les coeurs. »

Source : Abbé Elie-J. AUCLAIR, Figures canadiennes. Première série, Montréal, éditions Albert Lévesque, 1933, 201p., pp. 97-102.

 
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