Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Août 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Québec et l'invasion américaine de 1775

 

[Ce texte a été rédigé par Thomas Chapais. Pour la référence précise, voir la fin du document.]

[Note de Claude Bélanger: Bien qu'elle date de près d'un siècle, l'étude de Chapais, dans la description des faits et des positions de chaque groupe, est d'une justesse que les études historiques subséquentes n'ont pas démentie. Cependant, il est moins heureux dans l'analyse des raisons qui expliquent l'attitude de chaque groupe au moment de l'invasion américaine de 1775. Ainsi, il explique la position de loyalisme du clergé et des seigneurs par leur "clairvoyance" et leur sens du devoir alors que le peuple - qui montra peu d'empressement à suivre les directives des classes dirigeantes - aurait été victime de la propagande, de son ignorance et de son aveuglement. Cette tentative d'explication fait évidemment abstraction des intérêts de classe en présence. Le loyalisme des classes dirigeantes s'explique principalement par les nombreuses faveurs que leur avait accordées le gouvernement britannique dans l'Acte de Québec et par la conception hiérarchique de l'autorité qu'elles véhiculaient. Le peuple, par contre, chercha à protéger ses intérêts, confronté qu'il était par un accroissement important du pouvoir clérical et seigneurial.]

Le 18 septembre 1774, le gouverneur Carleton était de retour à Québec, après une absence de quatre ans. Son arrivée fut saluée avec joie par nos sommités sociales. Les chefs de notre nationalité s'empressèrent de lui témoigner leur gratitude pour les services qu'il nous avait rendus, et pour la législation libérale qu'il avait tant contribué à faire adopter par le parlement britannique. A Québec et à Montréal les Canadiens lui présentèrent des adresses de félicitations et de remerciements. Les anciens sujets, c'est-à-dire les sujets anglais de la capitale, manifestèrent aussi, de leur côté, leur disposition à accepter le nouvel ordre de choses et « leur désir de voir les habitants de cette province se soumettre à l'autorité du gouvernement et vivre dans l'harmonie » (1). Mais ceux de Montréal ne suivirent pas cet exemple. Au contraire ils tinrent des assemblées de protestation, formèrent un comité de réforme et envoyèrent des délégués à Québec, afin de ranimer le zèle de leurs compatriotes. Un comité fut choisi dans cette dernière ville pour agir conjointement avec celui de Montréal. Des réunions, qu'on désigna sous le nom de town meetings, à l'instar de celles qui se tenaient dans les provinces américaines, eurent lieu dans le but de coordonner les efforts hostiles à l'Acte de Québec. On adressa des remerciements au lord-maire et à la corporation de Londres, ainsi qu'aux marchands anglais de la métropole. Et l'on se mit naturellement en communication avec Masères, afin de lui demander de continuer à se dévouer pour la bonne cause. Il fut même décidé de lui faire un magnifique cadeau en argent, avec la promesse d'une somme encore plus considérable s'il réussissait à faire rappeler la loi dont on dénonçait amèrement les dispositions (2). Toutes ces menées furent tenues aussi secrètes que possible. Mais Carleton ne laissa pas d'en avoir connaissance. Le 11 novembre 1774, il en informait le ministre. Il signalait le fait que l'agitation avait pris naissance parmi les anciens sujets de Montréal, et il se demandait si elle n'était pas fomentée par des influences exté­rieures. « J'ignore, disait-il, si des colonistes installés au milieu d'eux les ont soulevés, ou si réellement ils ont reçu, comme on l'a dit, des lettres du Congrès général ».

 

Quel était donc ce corps dont Carleton mentionnait ainsi l'intervention présumée dans les affaires canadiennes? Pour répondre à cette question, il faut jeter un coup d'oeil sur ce qui se passait en ce moment dans les provinces américaines. Lorsque Carleton arrivait ici, à l'automne de 1774, un événement d'une extrême importance venait de se produire dans les colonies voisines. Le 5 septembre des représentants choisis par chacune d'elles s'étaient réunis à Philadelphie, dans un but de consultation mutuelle. La convocation d'une assemblée de ce genre était le résultat d'une longue série de difficultés et de conflits entre la métropole et les colonies anglo-américaines. La guerre de Sept Ans, qui avait donné à celle-là un extraordinaire accroissement de puissance et de prestige, et libéré celles-ci du péril franco-canadien, pendant si longtemps menaçant, avait toutefois légué à la Grande-Bretagne le lourd fardeau d'une dette démesurément augmentée. De soixante-dix millions de louis en 1755, cette dernière s'élevait à cent quarante millions en 1764. Et corrélativement, le coût du gouvernement civil et militaire des provinces américaines, défrayé par l'Angleterre, s'était accru de soixante-dix mille louis en 1746 à trois cent cin­quante mille louis en 1764 (3). Devant cette situation, le gouvernement impérial avait considéré qu'il était juste de demander aux colonies d'assumer leur part du fardeau. S'inspirant de cette idée, le ministère de George Grenville avait fait adopter, en 1765, le fameux acte du timbre. Cette loi décrétait l'imposition d'un droit de timbre, ou, en d'autres termes, l'emploi obligatoire du papier timbré pour les billets, baux, polices d'assurances, circulaires, journaux, documents légaux dans les colonies. Le produit de cette taxe devait être appliqué uniquement aux fins coloniales, aux dépenses encourues pour la protection de ces provinces (4). En même temps le parlement impérial adoptait des mesures destinées à rendre plus efficaces les lois restrictives au sujet de la navigation et du commerce. Ces actes soulevèrent en Amérique d'énergiques protestations. Le commerce anglais, menacé dans ses intérêts par la tactique de non-importation dont les colonies annonçaient l'adoption à titre de représailles, obtint le rappel de la loi du timbre en 1766. Mais l'année suivante, Charles Townshend, chancelier de l'échiquier, faisait voter des droits nouveaux sur le verre, le plomb, les peintures, le papier, le thé, importés dans les colonies, en même temps que des lois créant un bureau de commissaires de douanes, et suspendant la constitution de la province de New-York, parce qu'elle refusait de se soumettre au Mutiny Act, qui pourvoyait au logement des troupes. Ces mesures provoquèrent en Amérique une recrudescence d'agitation. On leur opposa la résistance passive, et l'on s'efforça de rendre plus générale et plus efficace la politique de non-importation. Le gouvernement de la métropole fit un pas en arrière en 1770. Il abolit tous les droits imposés trois ans plus tôt, à l'exception de celui sur le thé. Mais ce mouvement de recul ne produisit pas l'effet attendu. A côté des hommes qui, animés d'un vrai patriotisme, luttaient pour le principe de l'autonomie coloniale, il y avait dans les colonies des agitateurs de profession qui ne négligeaient rien pour envenimer le conflit. La présence des troupes envoyées en 1768, afin d'assurer le respect des lois votées par le parlement impérial, fut exploitée comme un nouveau grief. Bientôt des scènes de violence se produisirent. Les soldats furent injuriés et assaillis dans les rues de Boston; l'une de ces rencontres se termina d'une manière sanglante (5); et ce tragique événement enflamma davantage les passions politiques. Les émeutes devinrent fréquentes. Les actes séditieux se multiplièrent. En 1773 une bande de citoyens de Boston, déguisés en sauvages, abordèrent dans le port des vaisseaux chargés de thé et précipitèrent à l'eau toute la cargaison (6). Acculé par une série d'erreurs funestes et d'accidents fâcheux à la capitulation ou à la coercition, le gouvernement britannique se décida pour la coercition. En 1774, durant la session qui vit adopter l'Acte de Québec, le parlement vota trois autres bills, l'un pour fermer le port de Boston, l'autre pour suspendre la charte du Massachusetts, le dernier pour changer le ressort (the venue) dans les poursuites contre les militaires accusés d'actes illégaux dans la répression des émeutes. Ces mesures déterminèrent une explosion d'indignation dans les provinces américaines. De toutes parts on organisa la résistance, et, sur l'initiative de la législature du Massachusetts, un congrès de représentants des treize colonies fut convoqué et se réunit à Philadelphie le 5 septembre 1774. C'était à cette assemblée que Carleton faisait allusion dans sa lettre du 11 novembre.

 

Elle adopta une déclaration de droits, une pétition au roi, des adresses au peuple anglais et aux habitants de la province de Québec, dont nous aurons à parler tout à l'heure, et des articles d'association décrétant une politique éventuelle de non-importation, de non-exportation, et de non-consommation des produits anglais (7). Cette assemblée siégea jusqu'à la fin d'octobre. Une autre session du Congrès commença le 10 mai suivant, et prit des mesures pour lever une armée et équiper une marine. George Washington fut nommé commandant en chef. Déjà les hostilités avaient éclaté entre les troupes britanniques et les milices provinciales. Le 19 avril 1775 un détachement anglais avait soutenu un combat acharné contre des tirailleurs américains, à Lexington, près de Boston. C'en était fait, le conflit constitutionnel et économique aboutissait au conflit politique et militaire. L'agitation devenait révolution. Quoique la rupture ne fût pas officiellement consommée, et qu'un an dût s'écouler encore avant le pas décisif, il ne devait guère tarder. Le 4 juillet 1776 le congrès continental adoptait la déclaration d'indépendance rédigée par Thomas Jef­ferson, avec le concours de Benjamin Franklin et de John Adams.

 

Ces graves événements ne pouvaient manquer d'avoir ici leur répercussion. Dès le début les chefs du mouvement américain avaient compris l'importance d'induire le Canada à se joindre au Massachusetts et aux autres provinces en lutte avec l'Angleterre. Nous avons vu, il y a un instant, que le premier congrès de Philadelphie avait adopté une adresse, ou plutôt une lettre aux Canadiens. Ce document nous invitait formellement à entrer dans la confédération des provinces américaines, laquelle disait-il, « n'a d'autres objets en vue que la parfaite assurance des droits civils et naturels de tous les membres qui la composent ». La lettre du Congrès rappelait les luttes acharnées qui avaient mis aux prises les deux pays, puis le dénouement qui avait fait de nous des sujets britanniques, et qui aurait dû nous assurer à nous et à notre postérité la plus reculée « les avan­tages sans prix de la libre institution du gouvernement anglais qui est le privilège dont tous les sujets anglais doivent jouir ». Elle mentionnait la proclamation de 1763 qui nous promettait la jouissance de ces avantages. « Mais, continuait-elle, puisque nous avons vécu pour voir le temps imprévu quand des ministres d'une disposition corrompue ont osé violer les pactes et les engagements les plus sacrés, et, comme vous aviez été élevés sous une autre forme de gouvernement on a soigneusement évité que vous fissiez la découverte de la valeur inexprimable de cette forme à laquelle vous avez à présent un droit si légitime, nous croyons qu'il est de notre devoir de vous expliquer quelques-unes de ses parties les plus intéressantes, pour les raisons pressantes mentionnées ci-après ». En d'autres termes, le Congrès nous disait : « Élevés sous un gouvernement absolu, vous ne comprenez probablement pas quel est le bienfait d'un gouvernement libre, auquel vous avez droit maintenant et que le gouvernement britannique vous refuse; nous allons donc essayer d'éclairer votre ignorance ». Ce préambule était, on l'admettra, aussi peu flatteur que peu diplomatique. Suivait une longue dissertation constitutionnelle et juridique au cours de laquelle on nous citait Beccaria et Montesquieu, et l'on s'efforçait de nous initier aux avantages du gouvernement représentatif, du procès par jury, de la libre tenure foncière, et de la liberté de la presse. L'adresse discutait ensuite les dispositions de l'Acte de Québec, qu'elle s'évertuait à représenter comme illusoires et sans valeur. Elle s'apitoyait sur nous. « Peuple infortuné! qui est non seulement lésé, mais outragé », disait-elle. « Ce qu'il y a de plus fort, c'est que suivant les avis que nous avons reçus, un ministère arrogant a conçu une idée si méprisante de votre jugement et de vos sentiments qu'il a osé penser et s'est même persuadé que par un retour de gratitude pour les injures et outrages qu'il vous a récemment offerts, il vous engagerait, vous, nos dignes concitoyens, à prendre les armes pour devenir des instruments en ses mains, pour l'aider à nous ravir cette liberté dont sa perfidie vous a privés, ce qui vous rendrait ridicules et détestables à tout l'univers ». Ce passage était, il faut en convenir, moins maladroit que le reste du document. Le Congrès terminait en nous adressant un pressant appel. Il ne s'agissait pas pour nous, déclarait-il, « d'en venir à des voies de fait contre le gouvernement de notre souverain ». Non, tout ce qu'il nous demandait c'était de ne pas être les instru­ments de la cruauté et du despotisme, et de nous unir à la cause qu'il représentait. « A dessein d'effectuer une union si désirable, disait-il, nous vous prions de considérer s'il ne serait pas convenable que vous vous assembliez chacun dans vos villes et districts respectifs, pour élire des députés de chaque endroit qui formeraient un congrès provincial, duquel vous pourriez choisir des délégués pour être envoyés, comme les représentants de votre province, au congrès général de ce continent, qui doit ouvrir ses séances à Philadelphie le 10 de mai 1775 » (8).

 

Évidemment les chefs de l'agitation américaine avaient déjà de nombreux affidés au Canada. Car, si nous en croyons un témoignage contemporain, « en moins de quinze jours cette lettre du Congrès fut distribuée de l'extrémité de la province à l'autre » (9). Malheureusement, il ne parait pas que les amis du gouvernement se soient donné le mal de faire distribuer comme contre-poison un autre document émané du Congrès, et adressé au peuple de la Grande-Bretagne, presque en même temps que nous était envoyé celui dont nous venons de donner un résumé. La comparaison des deux pièces eût été édifiante et instructive. La lettre aux Canadiens, outre les passages que nous avons déjà cités, contenait le suivant : « Que vous offre-t-on par le dernier Acte du parlement? La liberté de conscience pour votre religion : non, Dieu vous l'avait donnée, et les puissances temporelles avec lesquelles vous étiez et êtes à présent en liaison ont fortement stipulé que vous en eussiez la pleine jouissance; si les lois divines et humaines pouvaient garantir cette liberté des caprices despotiques des méchants, elle l'était déjà auparavant ». Et plus loin : «  Nous connaissons trop bien la noblesse de sentiments qui distingue votre nation, pour supposer que vous fussiez retenus de former des liaisons d'amitié avec nous par les préjugés que la diversité de religion pourrait faire naître. Vous savez que la liberté est d'une nature si excellente qu'elle rend ceux qui s'attachent à elle supérieurs à toutes ces petites faiblesses. Vous avez une preuve bien convaincante de cette vérité dans l'exemple des cantons suisses, lesquels, quoique composés d'États catholiques et protestants, ne laissent pas cependant de vivre ensemble en paix et en bonne intelligence » (10). Voilà les déclarations captieuses que nous adressait le Congrès Américain. Mais quel langage avait-il tenu au peuple de la Grande-Bretagne, dans un document rédigé quelques jours plus tôt? Qu'on en juge : « En vertu d'un autre acte, y lisait-on, le Canada doit être étendu, organisé, et gouverné de telle manière que, séparés de nous, détachés de nos intérêts par des préjugés civils et religieux, chaque jour plus nombreux grâce à l'immigration catholique d'Europe, dévoués à une administration sympathique à leur religion, ses habitants pourront nous devenir redoutables, et, à l'occasion, servir d'instruments au pouvoir pour réduire ces anciennes et libres colonies protestantes à l'état d'esclavage où on les voit eux-mêmes. C'était là évidemment l'objet de l'Acte (de Québec), extrêmement dangereux pour notre liberté et notre tranquillité; nous ne pouvons donc faire autrement que de nous en plaindre comme d'une mesure hostile à l'Amérique britannique. En outre nous devions déplorer la condition malheureuse à laquelle il a soumis les nombreux colons anglais, qui, encouragés par la proclamation royale, en vertu de laquelle leur était garantie la jouissance de tous leurs droits, ont acheté des propriétés dans cette province. Ils sont maintenant sous le joug d'un gouvernement arbitraire, privés du procès par jury, et, au cas d'emprisonnement, du bénéfice de l'Habeas corpus, ce grand boulevard, ce palladium de la liberté anglaise. Nous ne saurions non plus taire notre étonnement de ce qu'un parlement britannique ait pu consentir à établir dans ce pays une religion qui a inondé votre île de sang, et a disséminé l'impiété, le fanatisme, la persécution, le meurtre et la rébellion dans toutes les parties du monde » (11).

 

Ceux qui avaient proféré ces insultantes paroles, et ainsi jeté l'outrage à notre foi et à notre Église, étaient-ils les mêmes hommes qui venaient tendre la main aux catholiques canadiens et solliciter leur amitié? Oui; et, remarquez-le bien, ils n'avaient mis que cinq jours d'intervalle entre leurs injures et leurs cajoleries. Les membres du congrès de Philadelphie avaient voté l'adresse au peuple de la Grande-Bretagne le 21 octobre 1774; et ils avaient voté la lettre aux habitants du Canada le 26 octobre. Le 21 octobre, ils avaient protesté contre la faveur accordée à la religion catholique, mère de l'impiété, du fanatisme, de la persécution, du meurtre et de la rébellion. Et le 26 octobre, ils avaient exalté notre noblesse de sentiments, et invoqué l'exemple de la Suisse où la religion professée par les cantons catholiques ne les empêchait pas de vivre en paix et en harmonie avec les cantons protestants ! Ouvrez les procès-verbaux du congrès de Philadelphie (12). Et vous y trouverez consignée en forme authentique l'inattaquable preuve de cette audacieuse et méprisable duplicité.

 

La lettre aux Canadiens n'était qu'un premier pas. Les chefs du mouvement américain se préoccupaient évidemment beaucoup de l'attitude probable de nôtre province, du péril ou du soutien qui pourraient en résulter pour leur cause. Durant l'hiver leurs affidés firent preuve d'une grande activité. Au mois de février des émissaires furent envoyés par eux incognito à Montréal, où ils eurent des conciliabules secrets avec quelques marchands anglais de cette ville (13). Au mois d'avril, un nommé Brown, de la Nouvelle-Angleterre, tint une assemblée dans un café, et y donna lecture d'un document signé par trois des chefs du Massachusetts, Adams, McKay et Warren, dans lequel on demandait la nomination d'un comité de correspondance. Au mois de mai 1775 le second congrès de Philadelphie adressa une nouvelle lettre aux Canadiens, qui fut répandue à profusion. On prétend qu'il en fut déposé un exemplaire à la porte de chaque maison au Canada (14). L'objet de toutes ces démarches était de s'assurer l'adhésion, ou au moins la neutralité de notre peuple, de prévenir notre co-opération à toute action offensive, et de paralyser notre concours dans toute action défensive, qui pourraient être dirigées contre eux ou leur être opposées.

 

L'action offensive aurait pu difficilement être projetée au printemps de 1775, par le gouverneur du Canada. Il n'avait pas sous la main 1,000 soldats de troupes régulières. C'était plutôt la défensive qui allait s'imposer. Dès le commencement de mai un coup de main heureux fut dirigé contre les forts de Carillon (Ticonderoga) et de la Pointe à la Chevelure (Crown Point) par une bande de partisans organisée dans le Vermont sous deux chefs improvi­sés, Ethan Allen et Seth Warner, auxquels s'était joint un homme destiné à une célébrité prochaine, et qui s'appelait Benedict Arnold (15). Ces deux postes, peu ou point défendus, furent capturés sans coup férir. Poursuivant leurs succès, les assaillants allèrent s'emparer de Saint-Jean qui n'avait pour toute garnison qu'un sergent et douze hommes. A cette nouvelle, le colonel commandant la garnison de Montréal envoya un détachement sous les ordres du major Preston pour faire face aux envahisseurs. Mais ceux-ci avaient déjà évacué Saint-Jean, et s'étaient retirés avec un butin considérable.

 

Carleton était alors occupé à organiser le gouvernement civil conformément à la constitution votée en 1774. Par l'Acte de Québec toutes les commissions et ordonnances jusque là en vigueur devenaient nulles à partir du premier mai. Le gouverneur n'avait reçu sa nouvelle commission et ses instructions qu'au mois d'avril. Le délai étant trop court pour qu'il pût se mettre en mesure de faire fonctionner immédiatement le régime qu'on venait de nous octroyer, il avait pourvu au plus pressé, et nommé, avant le premier mai, des magistrats, désignés sous le titre de gardiens ou conservateurs de la paix, et chargés temporairement de l'administration de la justice. Deux Canadiens, MM. Hertel de Rouville, de Montréal, et Jean-Claude Panet, de Québec, étaient du nombre. L'annonce de l'incursion américaine dans la région du lac Champlain vint empêcher Carleton de continuer son travail de réorganisation gouvernementale. Il se rendit à Montréal, constata que les émissaires du Congrès avaient fait une propagande très dangereuse, et crut opportun de proclamer la loi martiale et de mettre sur pied les milices de la province (16). Il s'occupa en même temps des fortifications de Saint-Jean, et du poste de la Galette sur le haut Saint-Laurent, et fit construire des barques pour protéger la navigation du lac Champlain. Enfin il convoqua les sauvages domiciliés et ceux « des pays d'en haut », pour les induire à prendre les armes et augmenter ainsi le nombre des défenseurs de la province. Après plusieurs semaines consacrées à ces soins, il redescendit à Québec où le réclamaient les affaires d'administration. Son premier souci fut de réunir et de faire entrer en fonctions le conseil législatif créé par l'Acte de Québec. L'inauguration de ce corps, eut lieu le 17 août 1775. Il était composé comme suit : MM. Hector-Théophilus Cramahé, lieutenant gouverneur, William Hey, juge en chef, Hugh Finlay, Thomas Dunn, James Cuthbert, Colin Drummond. François Lévêque, Edward Harrison, John Collins, Adam Mabane, Pécaudy de Contrecoeur, Roch de Saint-Ours, Charles-François de Lanaudière, George Pownall, George Alsopp, St-Luc de Lacorne, Joseph Chaussegros de Léry, Alexander Johnston, Conrad Gugy, Picoté de Belestre, Des Bergères de Rigauville, et John Fraser (17). Huit Canadiens en faisaient partie.

 

Tandis que le nouveau conseil s'organisait, et délibérait sur les mesures à adopter pour le fonctionnement de la constitution, de graves nouvelles vinrent mettre fin à ces travaux pacifiques. Les soldats du Congrès avaient envahi la province par la frontière du lac Champlain. Immédiatement le gouverneur prorogea la session du conseil et se rendit à Montréal, où régnaient l'alarme et la confusion. Le 31 août un corps d'armée, commandé par le général Schuyler, en vertu d'un ordre du congrès de Philadelphie (18) s'était embarqué à Carillon pour venir assiéger Saint-Jean. Plusieurs escarmouches avaient eu lieu dans les environs de ce fort qui était défendu par le major Preston avec cinq cent quarante-trois réguliers, cent vingt volontaires canadiens, une vingtaine de volontaires anglais et d'hommes de la marine royale. Subséquemment Schuyler fut forcé par la maladie d'abandonner son commandement et ce fut le brigadier général Richard Montgomery qui dirigea les opérations. Le siège de Saint-Jean fut commencé régulièrement le 18 septembre. Les envahisseurs envoyèrent des détachements jusqu'à Laprairie, Longueuil, et le long de la rivière Richelieu. Et leurs émissaires parcoururent toutes ces paroisses pour gagner à leur cause les populations.

 

Pendant ce temps, Carleton était à Montréal, impuissant à agir et réduit à la plus désespérante inactivité. On a vertement blâmé son attitude durant ce désastreux automne de 1775. Un mémorialiste contemporain, M. Sanguinet, de Montréal, s'est montré particulièrement étonné d'une circonspection et d'un manque de combativité qui lui paraissait incompréhensibles. D'après lui le gouverneur aurait pu aller secourir Saint-Jean, forcer les Américains à lever le siège, et les chasser de la province. Malgré la valeur documentaire du journal de Sanguinet, qui est très grande, on peut se demander s'il ne faut pas classer ce jugement dans la catégorie des jugements téméraires. Carleton était un soldat de carrière, un militaire intrépide et expérimenté, qui avait fait ses preuves dans mainte campagne. Son extrême prudence dans la première phase de l'invasion américaine devait lui être inspirée par de graves motifs. Le fait est qu'il jugeait la situation excessivement périlleuse, et qu'il craignait de risquer dans un combat hasardeux le sort de toute la colonie. Il sentait autour de lui une atmosphère de trahison. La ville de Montréal était remplie d'espions et de complices des Américains (19). En tout et partout il n'y avait dans la province que neuf cent vingt-neuf officiers et soldats de troupes régulières. Sur ce nombre six cent vingt-cinq étaient enfermés dans les forts de Saint-Jean et de Chambly. Et, en déduisant les compagnies nécessaires à la protection de Québec, le gouverneur n'avait à Montréal qu'environ cent cinquante réguliers, c'est-à-dire une force dérisoire. Nous verrons tout à l'heure qu'il y avait une autre raison de son attitude.

 

Cet ensemble de circonstances favorisa l'entreprise aventureuse des Américains. Enhardis par l'accueil favorable qu'ils recevaient de la population sur la rivière Richelieu et la rive sud du Saint-Laurent, ainsi que par la connaissance que leurs espions leur donnaient de la situation précaire où se trouvait réduit Carleton, ils envoyèrent leurs bandes jusque dans les campagnes les plus voisines de Montréal. Le 24 septembre un de leurs partis, dans lequel s'étaient enrôlés un bon nombre de Canadiens de la région de Sorel et de Chambly, traversa le fleuve à Longueuil, sous le commandement d'Ethan Allen, et vint se poster à la Longue-Pointe pour tenter un coup de main contre la ville. Cette folle aventure eut le succès qu'elle méritait. Un détachement de deux ou trois cents volontaires canadiens, avec une trentaine de soldats et autant de volontaires anglais, alla le 25 septembre à leur rencontre, les attaqua vigoureusement, en tua et en blessa plusieurs et leur fit trente-six prisonniers. Ce combat heureux releva le moral des loyalistes, mais n'engagea pas le gouverneur à se départir de sa tactique.

 

Pendant ce temps Montgomery poursuivait le siège de Saint-Jean. Il n'eut probablement pas réussi à prendre cette place, si l'inexplicable pusillanimité du major Stopford n'eut pas fait tomber le fort de Chambly entre ses mains, le 18 octobre, après seulement un jour et demi d'attaque. Il y trouva des munitions et un matériel de guerre assez considérable, qui lui permirent d'activer ses opérations contre Saint-Jean. Cette place dut capituler le 2 novembre après un siège de quarante-cinq jours. Le sort de Montréal était désormais scellé. Le 11 novembre les soldats de Montgomery commençaient à traverser à l'île Saint-Paul, et Carleton, incapable de tenir tête à l'en­nemi, s'embarquait pour Québec. Sa descente sur le Saint-Laurent fut périlleuse et mouvementée. On était aux plus orageux et aux plus sombres jours de l'automne canadien. Le nord-est soufflait en tempête. Les vents contraires arrêtèrent la flottille à Lavaltrie. Déjà des détachements américains battaient les deux rives du fleuve, et commençaient à monter des canons sur les îles de Berthier et de Sorel pour barrer le passage aux embarcations. Après avoir tenu conseil, Carleton, résolu de se rendre à Québec coûte que coûte, se jeta dans une barque dirigée par le capitaine Bouchette et franchit le chenal de File du Pads au milieu des ténèbres, durant la nuit du 16 novembre. Le 17 il atteignait les Trois-Rivières et le 19 il arrivait à Québec (20), devant lequel une seconde armée américaine, qui avait envahi le Canada en suivant le cours des rivières Kennébec et Chaudière, avait déjà fait son apparition le 14 novembre. Elle était commandée par Arnold. En attendant l'arrivée de Montgomery, il s'était retiré à la Pointe-aux-Trembles. Ce dernier, entré à Montréal le 13 novembre, vint opérer sa jonction avec Arnold, au commencement de décembre, pour faire le siège de Québec. A ce moment les Américains semblaient les maîtres du Canada. La capitale seule résistait encore aux envahisseurs. Et si Québec succombait sous leurs coups, c'en était fait de la domination britannique dans l'Amérique du nord.

 

Ils devaient leurs succès rapides et si étonnants à des causes multiples. L'une des plus manifestes était l'absence de troupes régulières, déjà signalée par nous. Le gouvernement impérial s'était évidemment laissé surprendre. Dans l'automne de 1774, à la demande du général Gage, Carleton avait envoyé à Boston les 10e et 52e régiments, qui n'avaient pas été remplacés ici le printemps suivant. Une autre cause était la trahison d'un grand nombre d'anciens sujets, c'est-à-dire de sujets anglais d'origine, qui, après avoir commencé par protester contre l'Acte de Québec, avaient fini par pactiser avec les rebelles et étaient devenus des fauteurs de déloyauté. Enfin les Américains avaient été puissamment aidés par l'attitude de la population canadienne.

 

Nous voici en présence d'une question délicate. Notre devoir d'historien nous force de l'aborder avec une impartialité rigoureuse et une loyale sincérité. Disons donc que, dans la situation effroyablement périlleuse où se trouvait Carleton à l'automne de 1775, une des principales raisons de son inertie forcée fut sa défiance des Canadiens. A ce moment critique de sa carrière il éprouvait un désappointement cruel. Après sa lutte victorieuse pour nos lois françaises et notre émancipation religieuse et civile, au lieu de pouvoir compter sur le dévouement de tout notre peuple et sur sa coopération active à la défense du pays, il se heurtait à de l'indifférence sinon à de l'hostilité. Sa correspondance nous fait comprendre son état d'esprit. Après les premières incursions américaines du printemps de 1775, il écrivait, le 7 juin, au ministre des colonies : « Le peu de troupes que nous avons dans la province a été immédiatement mis sur pied et a reçu ordre de s'assembler à Saint-Jean ou à proximité de cet endroit. Les nobles du voisinage ont été invités à rassembler leurs habitants pour se défendre eux-mêmes. Mais bien que les gentilshommes aient montré beaucoup d'empressement, ils n'ont pu gagner le peuple ni par leurs sollicitations ni par leur exemple... Tout esprit de subordination semble détruit et le peuple est empoisonné par l'hypocrisie et les mensonges mis en oeuvre avec tant de succès dans les autres provinces et que les émissaires et les amis de celles-ci ont répandus partout ici avec beaucoup d'adresse et d'activité... Je me propose de tenter la formation d'une milice, et, si les esprits sont bien disposés, de lever un bataillon qui sera placé sur le même pied que les autres corps de troupes en Amérique, quant au nombre et au coût de son entretien... Mais j'ai des doutes sérieux quant au succès de l'entreprise. Cette tâche qui autrefois eût été extrêmement populaire exige aujourd'hui beaucoup de prudence et de circonspection. Les esprits ont été tellement bouleversés par la cabale et l'intrigue... que je me demande s'il est prudent de mettre le projet ci-dessus à exécution. Il semble qu'un trop grand nombre de sujets britanniques résidant en Amérique ont cru avoir indubitablement le droit de diffamer leur roi, d'agir envers lui en toute occasion d'une manière insolente et irrespectueuse, de parler de son gouvernement avec le plus grand mépris, d'encourager la sédition et d'applaudir à la rébellion » (21). D'autres lettres officielles faisaient entendre un langage analogue. Le juge en chef Hey écrivait au ministre le 22 août : « Chaque jour me fait comprendre que les Canadiens ont un caractère bien différent de celui que je leur attribuais et dont j'ai constamment fait part à votre Seigneurie lorsque j'ai eu l'occasion de parler d'eux. Votre Seigneurie se rappellera combien il a été parlé de leur loyauté, de leur soumission et de leur gratitude comme de leur respect envers le gouvernement... Or le temps et les événements ont démontré que la crainte seule les maintenait dociles, et avec cette crainte qui n'existe plus (depuis que les troupes ont été retirées) sont disparues les bonnes dispositions dont nous avons si souvent et si constamment fait l'éloge et sur lesquelles nous avons affirmé pouvoir compter longtemps. Cependant je suis quelquefois porté à croire que ce peuple n'est ni ingrat ni rebelle, et que les ruses et les assiduités des agents de quelques colonies qui ont passé l'hiver dernier ici, ont eu raison de sa crainte, jointe à une ignorance et à une cré­dulité qu'il est difficile de soupçonner chez un peuple » (22). Vous voyez, Messieurs, que je ne recule pas devant les citations désagréables. Je ne crois pas à la méthode qui consiste à escamoter les difficultés. Entendons encore un autre officiel, M. Cramahé, qui disait dans une lettre à lord Dartmouth, le 21 septembre : « On a eu recours, sans succès, à tous les moyens pour amener le paysan canadien au sentiment de son devoir, et l'engager à prendre les armes pour la dé­fense de la province » (23)

 

A ces plaintes des hauts fonctionnaires, font écho les communications intimes des particuliers. M. Guy, un Canadien marquant de Montréal, écrit le 19 juin à son ami M. Baby, de Québec : « Les habitants par ici ne peuvent revenir de l'erreur dans laquelle ils sont tombés à force de sollicitations à eux faites par quelques anciens sujets mal intentionnés, qui n'ont cessé de leur représenter que les Bostonnais ne cherchaient qu'à les dégager des impôts qu'ils supposent que l'on va mettre sur la province, de même, disent-ils, qu'ils ont réussi à les délivrer du papier timbré ». Au mois de septembre M. Guy écrit encore : « Avant-hier il est sorti des ordres du général pour commander quinze hommes par chaque compagnie, armés ou non... Hier, les capitaines de diverses compagnies près la ville vinrent pour offrir leurs services, mais les soldats n'ont pas imité leur zèle et ont refusé de marcher. Nous nous trouvons dans la circonstance la plus critique qu'il soit possible d'imaginer, les habitants sont si corrompus par les anciens sujets, qu'il n'est pas possible de leur faire entendre raison et les ramener » (24). De son côté M. Baby, de Québec, écrivait le 23 septembre 1775 : « Nos habitants des campagnes, corrompus et persuadés par des lettres circulaires répandues de temps en temps par nos voisins, et soutenus par les propos factieux de plusieurs anglais et colons étrangers établis dans cette colonie, ont résolu jusqu'à présent de conserver la neutralité. Jugez de notre situation : sans aucun secours de la mère-patrie, abandonnés des campagnes, nous n'avons d'autres ressources que dans le courage des citoyens canadiens des villes de Québec et de Montréal. Je dois y ajouter une partie des Anglais établis dans ces mêmes villes » (25). Un autre Canadien notable, M. Lecompte-Dupré, décrit dans une lettre datée du 21 octobre l'émeute dont faillit être victime le juge en chef, envoyé à l'Ile d'Orléans par le lieutenant gouverneur, avec MM. Mabane, Grant et Boisseau, pour y commander d'autorité des hommes dans chaque compagnie. Ils avaient pour escorte dix matelots de la marine royale bien armés. « Le grand juge, dit M. Dupré, voulut un peu insister, mais il y avait deux cent cinquante habitants avec des bâtons qui auraient assommé le juge sans Boisseau, de façon que l'on vit que les habitants ne sont point d'aucune bonne volonté... On a envoyé à la côte du nord, Sainte-Anne et autres, sans avoir eu plus de réussite. On a envoyé jusqu'à Kamouraska Dunières et Pinguet, qui n'ont pas non plus de réussite, car il n'est venu que quinze hommes en tout » (26). Citons enfin le journal d'un autre contemporain, le notaire Badeau, des Trois-Rivières : « Presque tout le gouvernement des Trois-Rivières, dit-il, refusa de marcher, à l'exception de quelques volontaires des paroisses de la Rivière-du-Loup, Machiche et Maskinongé. Les paroisses de Nicolet, Bécancour, Gentilly et Saint-Pierre-les-Becquets n'en voulurent pas fournir un seul malgré les remontrances qu'on leur faisait : tout était inutile » (27). Disons cependant qu'à un moment donné, à Montréal, après l'engagement heureux de la Longue-Pointe, plusieurs centaines de miliciens vinrent se mettre à la disposition du gouverneur. Mais, sans troupes régulières pour les encadrer, il n'osa pas se fier à leur solidité. Si encore, nous n'avions à signaler que l'abstention des Canadiens ! Mais un trop grand nombre prirent les armes et se mirent du côté des envahisseurs. La population du district de Richelieu prit fait et cause pour les Américains. La troupe qui combattit sous Ethan Allen à la Longue-Pointe était composée en partie de Canadiens (28). A Berthier, des Canadiens ralliés à l'ennemi arrêtèrent un petit détachement de leurs compatriotes qui se rendaient à Montréal, sous les ordres de M. de Lanaudière pour répondre à l'appel du gouverneur (29). A Saint-Pierre de la Rivière-du-Sud, dans le district de Québec, un parti d'une cinquantaine de volontaires canadiens, recrutés par M. de Beaujeu, dans les paroisses d'en bas, en route pour venir participer à la défense de Québec, fut assailli par les habitants des paroisses voisines, renforcés de cent cinquante Bostonnais. Trois loyalistes furent tués, dix furent blessés, parmi lesquels l'abbé Bailly, plus tard évêque de Capse et coadjuteur de Québec, qui accompagnait le détachement comme aumônier. Les autres furent faits prisonniers (30). « L'on vit dans cette affaire, lisons-nous, dans un écrit du temps, les pères se battre contre leurs enfants, et les enfants contre leurs pères » (31). C'était la guerre civile!

 

La conduite des Canadiens français qui prirent les armes contre la couronne britannique, en 1775 et 1776, ne saurait être approuvée. Ils violaient le serment d'allégeance qu'ils avaient prêté solennellement dix ans plus tôt. Ils épousaient une cause dont les chefs avaient outragé leur religion et reproché à l'Angleterre d'avoir été trop généreuse pour leur Église. Ils pactisaient avec des agresseurs qui venaient troubler la paix dont nous commencions à sentir les effets bienfaisants. Ils remettaient en question toutes les garanties qui pouvaient être contenues dans la capitulation de 1760 et le traité de 1763, et toutes les dispositions favorables adoptées depuis à notre égard. Ils commettaient un attentat, non seulement contre la souveraineté légitimement établie en notre pays, mais encore contre les intérêts de notre race et la sécurité de notre avenir.

 

Quant à ceux des nôtres qui croyaient pouvoir s'abstenir, et demeurer dans une sorte de neutralité expectante en présence de l'invasion, ils commettaient une erreur moins grave, mais encore sérieuse et préjudiciable. Cependant si l'on ne peut justifier leur attitude, on peut l'expliquer. D'abord quinze ans à peine s'étaient écoulés depuis la chute de notre ancien régime. Le souvenir de nos luttes contre l'Angleterre était encore vivace, et en la voyant aujourd'hui aux prises avec les colonies qui la poussaient hier à nous conquérir, nous pouvions être tentés de nous désintéresser de la querelle, en oubliant que, bon gré mal gré, nous étions en cause. En outre les émissaires et les partisans du Congrès (32) avaient déployé une activité incroyable pour empoisonner l'esprit de nos populations rurales. Ils avaient naturellement représenté que le gouvernement était sur le point de nous écraser de taxes pour payer les salaires exorbitants des fonctionnaires et des officiers publics; que le gouverneur allait exercer un pouvoir tyrannique; que nous ne serions plus maîtres de nos biens; que les Américains allaient abolir la dîme et les rentes seigneuriales (33). Hélas! ces arguments étaient bien calculés pour provoquer les appréhensions de l'ignorance, et allumer les convoitises de la cupidité. Jointe au prestige toujours puissant d'une série de victoires comme celles qui avaient marqué chaque étape de l'invasion triomphante, leur captieuse influence aurait pu déterminer, au mois de décembre 1775, un soulèvement général de notre population, un ralliement de la nation canadienne sous les drapeaux des colonies insurgées. Et cela eût signifié la perte du Canada pour l'Angleterre. Dans l'orientation de nos destinées nationales, peu de moments de notre histoire ont été, nous semble-t-il, plus décisifs que celui-là. Rébellion ou loyauté? De quel côté allait pencher notre peuple? Un trop grand nombre de nos concitoyens avaient embrassé le parti de la rébellion. Mais la masse était incertaine et flottante. Quel étendard allait-elle arborer? Quelle parole allait-elle dire?

 

A cette heure solennelle ce furent nos classes dirigeantes qui sauvèrent la situation. Chose étrange, entre le peuple canadien et ses chefs, il se manifesta au sujet de la tentative américaine une divergence bien caractérisée. Nos autorités sociales, notre clergé, nos seigneurs, nos professionnels, nos négociants notables, notre bourgeoisie, furent nettement et décidément loyalistes. Nos classes populaires, les habitants de nos campagnes, furent, de prime abord, ou activement sympathiques aux Américains, ou abstentionnistes. Phénomène vraiment digne d'étude! D'un côté l'élite, de l'autre la foule; et entre les deux groupes, discordance très accentuée. N'allons pas en chercher trop loin l'explication. L'élite était clairvoyante, la foule était aveugle. Nos chefs connaissaient la duplicité du Congrès, la mentalité puritaine, le fanatisme sectaire de ces colonies qui toléraient à peine au milieu d'elles l'existence d'une Eglise épiscopalienne, et qui n'avaient jamais voulu permettre à un évêque, même anglican, de poser le pied sur leur sol (34). Ils n'ignoraient pas les excès démagogiques commis par un grand nombre des meneurs de la révolution américaine. Et ils redoutaient tout cela pour nous. En outre ils savaient quelle était la nature et la portée de l'Acte de Québec, et ils en tenaient compte à l'Angleterre. Notre peuple, inévitablement moins informé, était plus facilement accessible aux sollicitations insidieuses et aux fausses représentations.

 

En présence de ce douloureux et périlleux malentendu, nos chefs firent admirablement leur devoir. Saluons à leur tête le grand évêque national, Mgr Briand. Dès le premier moment il vit clair et pensa juste. Et il jeta sans hésitation dans la balance où se pesaient nos destinées le poids de son autorité, de sa dignité, de son influence sociale et religieuse. Le 22 mai 1775 il publiait un mandement dans lequel il faisait appel à la loyauté et à la conscience de notre peuple. « Une troupe de sujets révoltés contre leur légitime souverain, qui est en même temps le nôtre, disait-il, vient de faire une irruption dans cette province, moins dans l'espérance de s'y pouvoir soutenir que dans la vue de nous entraîner dans leur révolte, ou au moins de nous engager à ne pas nous opposer à leur pernicieux dessein. La bonté singulière et la douceur avec laquelle nous avons été gouvernés de la part de Sa Très Gracieuse Majesté le roi George III, depuis que, par le sort des armes, nous avons été soumis à son empire, les faveurs récentes dont il vient de nous combler, en nous rendant l'usage de nos lois, le libre exercice de notre religion, et en nous faisant participer à tous les privilèges et avantages des sujets britanniques, suffiraient sans doute pour exciter votre reconnaissance et votre zèle à soutenir les intérêts de la couronne de la Grande-Bretagne. Mais des motifs encore plus pressants doivent parler à votre coeur pour le moment présent. Vos serments, votre religion, vous imposent une obligation indispensable de défendre de tout votre pouvoir votre patrie et votre vie. Fermez donc, chers Canadiens, les oreilles, et n'écoutez pas les séditieux qui cherchent à vous rendre malheureux, et à étouffer dans vos coeurs les sentiments de soumission à vos légitimes supérieurs que l'éducation et la religion y avaient gravés. Portez-vous avec joie à tout ce qui vous sera commandé de la part d'un gouverneur bienfaisant, qui n'a d'autres vues que vos intérêts et votre bonheur. Il ne s'agit pas de porter la guerre dans les provinces éloignées : on vous demande seulement un coup de main pour repousser l'ennemi, et empêcher l'invasion dont cette province est menacée. La voix de la religion et celle de vos intérêts se trouvent ici réunies, et nous assurent de votre zèle à défendre nos frontières et nos possessions » (35). Mgr Briand ne s'en tint pas là. Il multiplia les avis et les démarches. Il donna à son clergé des instructions précises. Il se détermina même à décréter l'interdiction des sacrements pour tous les Canadiens qui participeraient à la rébellion. Rien ne fait mieux comprendre l'intensité de la contagion dont il combattait l'action délétère, que la violence des murmures provoqués par son énergie. Dans beaucoup de paroisses, notre clergé put constater que l'esprit de sédition ne s'arrêtait même pas auseuil de l'église. De tristes épisodes se produisirent. L'histoire intime de ces jours malheureux constitue l'une des pages les plus pénibles de nos annales. Pour s'en convaincre il suffit de lire le terrible mandement publié par Mgr Briand contre les sujets rebelles, en 1776 (36).

 

Cependant l'action du vigilant évêque et du clergé produisit son effet. Elle enraya la propagande des fauteurs de déloyauté. Elle ouvrit les yeux d'une multitude des nôtres, dont la bonne foi avait été surprise. Elle empêcha la masse de notre peuple d'embrasser la cause américaine. Elle affermit enfin la détermination de nos classes supérieures, et donna à leur loyalisme un point d'appui solide.

 

Ce loyalisme se manifesta d'une manière écla­tante, et nous pouvons affirmer sans crainte qu'il fut le salut de la province. On vit toute la classe désignée sous le nom de noblesse canadienne se rallier autour du drapeau britannique. Quand on parcourt la liste des défenseurs du fort Saint-Jean, on croit avoir sous les yeux un livre d'or ou un armorial (37). Nos plus beaux noms y sont inscrits. Ce sont MM. de Belestre, de Longueuil, de Lotbinière, de Rouville, de Boucherville, de Lacorne, de la Brière, de Saint-Ours, de Martigny, d'Eschambault, de la Madeleine, de Montesson, de Rigauville, de Salaberry, de Tonnancour, Florimont, Juchereau, Duchesnay, à côté desquels figurent des représentants de nos professions et de notre haut commerce, tels que MM. Perthuis, Hervieux, Gaucher, Giasson, Beaubien, Lamarque, De­musseau, Foucher, Moquin, etc.

 

Et maintenant si nous revenons à Québec, qu'y voyons-nous? Carleton ne dispose que de soixante-dix réguliers. Joignez-y les deux cent trente volon­taires du bataillon Royal Emigrants recrutés par le colonel McLean, en grande partie parmi les anciens soldats anglais établis au Canada; cela ne fait en tout que trois cents hommes. Quels sont les autres défenseurs de Québec? Le corps le plus nombreux est celui des miliciens canadiens, de sept cent dix hommes (38), commandé par le colonel Voyer. Parmi l'état-major nous relevons les noms des Lecompte-Dupré, des Baby, des Taschereau, des Germain, et parmi les officiers, ceux des Dumas, des Frémont, des Morin, des Launière, des Laforce, des Lacroix, des Baby, des Turgeon, des Saint-Germain, des Dunière, des Berthelot, des Chabot, des Perrault, des Panet, des Cugnet, etc. Avec trois cent trente miliciens anglais, quatre cent quatre-vingt-cinq matelots des vaisseaux en quartiers d'hiver ici, et environ cent quarante-deux artificiers et artilleurs, voilà les hommes qui vont défendre victorieusement Québec.

 

Nous ne ferons pas ici l'histoire du siège, qui relèverait plutôt de la monographie. Vous en connaissez les grandes lignes. Au début Carleton publie sa proclamation, enjoignant à tous les déloyaux, à ceux qui ne veulent pas combattre pour le salut de leur pays, de quitter la ville sous quatre jours. Les mémoires du temps (39) nous apprennent les noms de quelques-uns de ceux qui se classèrent alors parmi les sujets en rupture d'allégeance. Ce furent les deux Bonfields, Wells, Zacharie Macaulay, Murdock Stewart, John McCord, « le patriote », et plusieurs autres. On remarquera que Macaulay, Stewart et McCord avaient figuré parmi ceux qui, en 1770, demandèrent la création d'une chambre d'assemblée protestante. Cette oeuvre d'épuration accomplie, le gouverneur et les citoyens se sentent plus tranquilles. Le siège proprement dit commence vers le 6 décembre. Les Américains dressent leurs batteries, bombardent la ville et s'efforcent de battre ses murailles en brèche, mais sans succès appréciable. Espérant être plus heureux en brusquant le dénouement, dans la nuit du 31 décembre 1775, vers quatre heures du matin, ils font deux tentatives simultanées pour pénétrer dans Québec, l'une par Près-de-ville, au pied du cap Diamant, dans la rue Champlain ; l'autre par le Sault­au-Matelot. Le plan des chefs américains est de se réunir au bas de la côte de la Montagne, après avoir emporté les barricades qui protègent les deux extré­mités de la basse ville, et de se lancer ensuite, par cette côte, à l'assaut de la ville haute. Mais un chef vigilant commande la défense. Chaque nuit la garnison est prête à combattre une attaque nocturne. L'approche des ennemis est signalée à temps. A Près-de-ville, c'est Montgomery lui-même qui s'avance à la tête de sept cents de ses meilleurs soldats. Le poste est gardé par le capitaine Chabot avec trente miliciens canadiens, le capitaine Barnfare de la marine marchande, et quinze matelots. Une batterie de cinq canons commande le passage. Croyant surprendre les défenseurs de Québec, Montgomery entraîne ses hommes vers la barricade. Mais soudain un éclair jaillit, la rue Champlain s'illumine, le fracas des canons ébranle la falaise, et une rafale de mitraille vient foudroyer la colonne, surprise lorsqu'elle croyait surprendre. Montgomery tombe avec son aide de camp McPherson, le capitaine Cheeseman, et dix de ses soldats. Décimés par le feu de l'artillerie, s'apercevant qu'ils sont dans une position extrêmement périlleuse, resserrés entre un mur de roc et les flots sombres du Saint-Laurent, les Américains s'enfuient dans le plus grand désordre, laissant derrière eux leurs morts que la tempête qui s'élève recouvre d'un linceul de neige.

 

L'attaque du Sault-au-Matelot, commandée par Arnold, n'obtient pas un plus heureux résultat. Débouchant du faubourg Saint-Roch, dont ils sont maîtres depuis le commencement du siège, ils s'avancent le long du rivage de la rivière Saint-Charles—il n'y avait alors ni rue Saint-André ni rue Saint-Paul—jusqu'au débouché de la rue Sault-au-Matelot. Là ils enlèvent une première barricade. Mais une seconde barrière, mieux défendue, les arrête, non loin de l'endroit où s'élèvent aujourd'hui les bureaux de la banque Molson. Le capitaine Dumas et ses miliciens canadiens font preuve d'une grande intrépidité. Bientôt le colonel Caldwell accourt avec un détachement de miliciens anglais et de matelots, et ce renfort donne une vigueur nouvelle à la défense. Un Canadien, nommé Charland, doué d'une force peu commune, arrache les échelles dressées par l'ennemi pour l'escalade, et l'on s'en sert afin de pénétrer dans les maisons qui commandent la partie de la rue occupée par les Américains. Le major Naine et l'enseigne Dambourgès s'y précipitent et en délogent les ennemis. Pendant ce temps, Carleton, recourant à une heureuse manoeuvre, envoie coup sur coup deux détachements par la porte du Palais prendre en queue les soldats du Congrès qui, placés entre deux feux, n'ont plus d'autre alternative que de se rendre. Arnold, blessé au commencement de l'attaque, a été transporté à l'Hôpital-Général. Mais un lieutenant-colonel, deux majors, huit capitaines, quinze lieutenants, un adjudant, un quartier-maître, et trois cent cinquante soldats, plus quarante-quatre officiers et soldats blessés, sont faits prisonniers (40). Ce désastreux échec détermine l'issue du siège, qui traîne en langueur le reste de l'hiver, jusqu'à ce que l'arrivée des vaisseaux anglais avec des troupes, au commencement du mois de mai 1776, permette à Carleton de prendre l'offensive, de chasser les Américains des hauteurs de Québec, puis successivement des Trois-Rivières, de Montréal, de Sorel, du Richelieu et de les repousser au delà des frontières du Canada, qu'ils ne franchiront plus durant cette guerre. La province de Québec reste pays britannique. Et ce résultat, nous pouvons l'affirmer, est dû en grande partie au loyalisme clairvoyant et résolu de nos classes dirigeantes, qui ont empêché notre peuple de consom­mer une irréparable faute.

 

Cette faute nationale, que nos pères ont failli commettre en 1775, elle nous apparaît plus distinctement aujourd'hui qu'elle ne pouvait être discernée alors, même par les patriotes qui réussirent à la conjurer. Si le Congrès fût resté maître du Canada, notre inféodation à l'Union américaine en eût été la conséquence logique. Et l'on peut affirmer que l'ouvre de notre assimilation se fût promptement accomplie. Immédiatement nous aurions été envahis, enveloppés, débordés de toutes parts par l'afflux irrésistible du yankéisme triomphant. Nous étions à peine cent mille; les habitants des provinces américaines étaient déjà plus de trois millions. Et les événements venaient de prouver leur puissance de propagandisme et d'infiltration. Ce qui s'était passé dans nos campagnes, pendant leur courte occupation de la province, montrait combien le travail de pénétration eût été facile et rapide. Pour nous le péril de l'anglicisation était lointain, et déjà presque à demi conjuré. Le péril de l'américanisation eût été prochain et inévitable. Unis à nous par le lien politique, entreprenants, remuants et audacieux, les Américains se seraient installés chez nous avec leurs pratiques et leur mentalité. Sous prétexte de nous émanciper, ils auraient déchiré l'Acte de Québec, et se seraient efforcés d'implanter des institutions en complet désaccord avec nos traditions et nos moeurs. Tout nous indique qu'en peu de temps ils auraient opéré ici la transformation réalisée naguère à la Louisiane. En un mot, au lieu de pouvoir compter sur trois quarts de siècle d'isole­ment tutélaire, d'accroissement sans alliage, d'expansion sans entraves, sur trois quarts de siècle pendant lesquels nous pourrions compléter à loisir notre bloc ethnique, étendre notre domaine, et consolider indestructiblement notre emprise sur le bassin du Saint-Laurent, notre nationalité aurait été entamée, fractionnée, désagrégée, dénaturée. Et fatalement, en une ou deux générations peut-être, elle aurait perdu son individualité, sa figure et son nom.

 

Voilà quel péril redoutable nous avaient fait courir la révolution et l'invasion américaines en 1775. Ne craignons pas de le reconnaître et de le proclamer, la Providence veillait sur nos destins. Les chefs de la nationalité canadienne-française se trouvèrent à la hauteur de la crise. Ils eurent la clairvoyance, la sagesse, et le courage. Résolument, et presque violemment, ils arrêtèrent notre peuple sur le bord de l'abîme où il allait tomber. Et lorsque l'historien évoque le souvenir de ce geste sauveur, il doit le saluer non seulement comme la démonstration du loyalisme le plus indéniable, mais aussi et surtout comme la manifestation du patriotisme le plus éclairé.

 

(1) Gazette de Québec, septembre 1774.

 

(2) Documents constitutionnels, p. 391.

 

(3) Lecky, History of England in the eighteenth century, vol. III, pp. 319, 320.

 

(4) Lecky, History of England in the eighteenth century, t. III, p. 335. Statut V George III, ch. xii.

L'Acte du timbre avait été adopté au mois de février 1765. Il provoqua dans les colonies américaines une violente agitation. Mais au Canada cette législation ne souleva guère d'opposition. Notre population ne s'en émut pas. La loi du timbre fut observée d'une manière générale sans difficulté. Murray écrivait au secrétaire d'Etat, le 14 février 1766, que les sujets de Sa Majesté dans cette province n'avaient pas suivi l'exemple des colonies voisines, mais s'étaient volontiers soumis à l'autorité de la législature britannique. (Papiers d'Etat, série Q, t. 3, p. 26). Evidemment notre mentalité, 'formée sous le régime français, n'était pas semblable à celle des colonies britanniques. Le groupe des marchands anglais ne s'était cependant soumis à la loi qu'avec répugnance. La Gazette de Québec du 28 juillet 1765 publiait à ce sujet une lettre significative.

 

L'Acte du timbre n'entra ici en vigueur que le 12 novembre 1765. Comme il fut révoqué au mois de mars 1766, le règne du papier timbré ne dura guère dans la province.

 

Un contemporain, notre vieil historien J.-F. Perrault, qui fait toujours entendre la note la plus loyaliste, écrit au sujet de la loi du timbre : " Les Canadiens accoutumés à un gouvernement monarchique n'entendaient rien aux déclamations et prétentions des Américains contre l'autorité du roi et du parlement d'Angleterre d'imposer des taxes pour défrayer les dépenses de leur propre administration, aussi n'y prirent-ils aucune part, quoique leurs voisins eussent un grand soin de répandre parmi eux les écrits les plus inflammatoires ». (Abrégé de l'histoire du Canada, partie II, ch. I, p. 99.)

 

(5) Cet incident déplorable est désigné dans les histoires américaines sous le nom de Boston Massacre.

 

(6) Cet épisode fut plaisamment appelé le Boston tea party.

 

(7) Narrative and critical History of America, edited by Justin Winsor, t. VI, p. 100.

 

(8) Invasion du Canada, par l'abbé Verreau, Montréal, 1775, p. 17.

 

(9) Ibid, p. 19.

 

(10) Invasion du Canada, pp 9 et 16.

 

(11) American Archives, série IV, t. I, p. 920.

 

(12) American Archives, série IV, t. I. Comparez les pages 920 et 931.

 

(13) Journal de Sanguinet, publié par l'abbé Verreau, Invasion du Canada, p. 21.

 

(14) Winsor, t. V, p. 215.

 

(15) Arnold devait trahir la cause américaine et passer sous le drapeau anglais quelques années plus tard.

 

(16) Invasion du Canada, p. 35.

 

(17) Documents constitutionnels, p. 398.

 

(18) Winsor, t. VI, p. 160.

 

(19) Invasion du Canada, p. 21.

 

(20) Carleton à Dartmouth, Québec, 20 novembre 1775. Archives du Canada : Papiers d'Etat, série Q, t. II, p. 318.

 

(21) Documents constitutionnels, p. 433.

 

(22) Documents constitutionnels, p. 436.

 

(23) Ibid, p. 435.

 

(24) Invasion du Canada, p. 311.

 

(25) Invasion du Canada, p. 315.

 

(26) Invasion du Canada, p. 319.

 

(27) Ibid, p. 166.

 

(28) Ibid, p. 310.

 

(29) Ibid, p. 170.

 

(30) J: F. Roy, Histoire de la Seigneurie de Lauzon, t. III, p. 61; Historical Documents, publiés par la Société littéraire et historique de Québec, série VII, 1905, p. 67; les Evêques de Québec, par Mgr H. Têtu, p. 420.

 

(31) Journal de Sanguinet, Verreau, p. 106.

 

(32) Dans notre population on avait fini par appeler les partisans du Congrès « les congréganistes ». (Mémoires de Laterrière, Journal de Sanguinet, etc.)

 

(33) Journal de Sanguinet, Verreau, p. 20.- Mandement des évêques de Québec, vol. II, p. 273.

 

(34) Lecky, vol. III, p. 401; Trevelyan, The American revolution, t. III, p. 291.

 

(35) Mandements des évêques de Québec, t. II, p. 264.

 

(36) Mandements des évêques de Québec, t. II, p. 269.

 

(37) Histoire du Canada et des Canadiens, par Michel Bibaud, vol. II, p. 61; Invasion du Canada, p. 324; Bulletin des recherches historiques, t. XII (1906), p. 317.

 

(38) Nouveau rôle de la milice canadienne qui a fait le service pendant le blocus de Québec; Historical Documents, Société littéraire et historique de Québec, série VII, p. 307.

 

(39) Historical Documents, Société littéraire et historique de Québec, série II, The Invasion of Canada in 1775, p. 6.

 

(40) A consulter sur les épisodes du siège de Québec en 1775 : l’Invasion du Canada, le Témoin oculaire de la guerre des Bostonnais en Canada; les Historical Documents de la Société littéraire et historique de Québec, deuxième, quatrième, septième séries; Centenaire de l'assaut de Québec, Annuaire de l'Institut canadien de Québec, 1876; Narrative and critical History, t. VI, chap. ii ; Carleton au général Howe, Québec, 12 janvier, 1776, Archives du Canada, série Q, t. 13, p. 11.

Source: Thomas CHAPAIS, "Québec et la révolution américaine", dans Cours d'histoire du Canada, Vol. I, 1760-1791, Montréal, Bernard Valiquette, 1919, 350p., pp. 173-208.

 

 
© 2005 Claude Bélanger, Marianopolis College