Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Août 2005

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Mandement de Mgr Briand ordonnant de faire chanter un Te Deum à l'occasion du Traité de Paris [1763]

 

Un an après, le 10 février 1763, la paix était signée à Paris, et le Canada passait définitivement entre les mains de la Grande-Bretagne. A la nouvelle de cet événement décisif, M. Briand n'hésita pas à se rendre à l'ordre du général Murray, qui lui demandait de faire chanter un Te Deum, et il écrivit un mandement remarquable que nous citerons en partie :

 

« Rendons, Nos Très Chers Frères, de solennelles actions de grâces au Dieu tout-puissant que nous adorons et servons suivant l'Évangile de Jésus-Christ son Fils unique, et bénissons son saint nom avec les sentiments d'une parfaite soumission.

 

La paix, signée à Paris, le 10e de février dernier, et ratifiée le 10e du mois suivant, vient enfin de terminer une cruelle guerre qui, ayant divisé entre elles presque toutes les puissances d'Europe, avait allumé un feu qui s'est communiqué aux quatre parties du monde et y a fait les plus affreux ravages; vous en avez éprouvé vous-mêmes de funestes suites, que je ne vous rappellerai pas dans ce jour consacré à la reconnaissance, et où il ne s'agit que de rendre à Dieu de sincères actions de grâces de nous avoir accordé la paix, bienfait inestimable que nous désirions avec tant d'ardeur et que nous ne cessions, depuis tant d'années, de lui demander par des prières publiques et des vœux continuels. Ils n'ont peut-être pas été exaucés, ces voeux, dans leur étendue : le Canada avec toutes ses dépendances ayant été irrévocablement cédé à la couronne de la Grande-Bretagne; mais rapportez-vous-en, Nos Très Chers Frères, aux soins de l'adorable Providence, dont la conduite est très souvent d'autant plus miséricordieuse qu'elle est moins conforme à nos désirs et flatte moins nos inclinations. N'en avons-nous pas une preuve manifeste dans la conduite que nos vainqueurs ont tenue à notre égard depuis la conquête de la colonie?

 

La reddition de Québec vous laissait à la disposition d'une armée victorieuse vous fûtes sans doute d'abord alarmés, effrayés, consternés. Vos alarmes étaient fondées ; vous saviez ce qui se passait en Allemagne, et vous crûtes voir déjà fondre sur vous les mêmes malheurs. Vous ignoriez que l'aimable et toujours attentive Providence vous avait préparé un gouverneur qui, par sa modération, son exacte justice, ses généreux sentiments d'humanité, sa tendre com­passion pour le pauvre et le malheureux, et une rigide discipline à l'égard de ses troupes, devait faire disparaître toutes les horreurs de la guerre. Où sont en effet les vexations, les concussions, les pillages, les onéreuses contributions qui marchent ordinairement à la suite de la victoire? Ces nobles vainqueurs ne vous parurent-ils pas, dès qu'ils furent nos maîtres, oublier qu'ils avaient été nos ennemis, pour ne s'occuper que de nos besoins et des moyens d'y subvenir? Vous n'avez sûrement pas perdu le souvenir des mouvements que s'est donnés Son Excellence, l'illustre et charitable général Murray, et des aumônes considérables qu'il a procurées pour la subsistance des pauvres. Vous n'avez pas oublié ses sages et efficaces précautions pour empê­cher la disette dans son gouvernement.

 

Après de pareils traits, ne devons-nous pas être convaincus que Dieu n'a point cessé de nous aimer et qu'il ne tiendra qu'à nous de goûter sous ce nouveau gouvernement les douceurs d'une paix heureuse et durable? Soyez exacts à remplir les devoirs de sujets fidèles et attachés à leur prince; et vous aurez la consolation de trouver un roi débonnaire, bienfaisant, appliqué à vous rendre heureux, et favorable à votre religion, à laquelle nous vous voyons avec une joie inexprimable si fortement attachés.

 

Au reste, Nos Très Chers Frères, ce ne sont pas vos seuls intérêts temporels qui exigent de vous cette entière et parfaite fidélité, c'est un devoir que la foi vous prescrit.

 

L'apôtre saint Paul répète en plusieurs endroits cette obligation indispensable, et, en devenant prévaricateurs, non seulement vous encourreriez l'indignation de notre légitime souverain, vous perdriez sa protection, vous seriez dépouillés de tous les privilèges qu'il a eu la bonté de vous accorder, mais encore vous vous rendriez très coupables aux yeux de Dieu; et d'autant plus criminels que vous vous exposeriez à être privés du titre et plein exercice de notre très sainte et seule véritable religion, qui nous est accordé par le traité de paix. Considérez donc attentivement, Nos Très Chers Frères, combien il vous importe d'être soumis et fidèles, et que rien ne peut vous dispenser d'une parfaite obéissance, d'une scrupuleuse et exacte fidélité, et d'un inviolable et sincère attachement à notre nouveau monarque et aux intérêts de la nation à laquelle nous venons d'être agrégés. »

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Source: Henri TÊTU, Les Évêques de Québec, Vol. II, Montréal, Granger frères limitée, 1930, pp. 64-68.

 

 
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