Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2007

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Histoire de la littérature canadienne-française

Éloquence

[Ce texte a été publié en 1954. Pour la référence bibliographique précise, voir la fin du document]

 

L'éloquence, sous toutes ses formes, a toujours été cultivée dans notre province. Toutefois peu de discours prononcés durant les premières années du régime anglais sont parvenus jusqu'à nous ; nous n'en possédons guère que des résumés. On les trouve dans les papiers-nouvelles avec quelques fragments épars dans les archives de la province et de certains établissements, dans les Journaux de la Chambre, dans la correspondance de certains contemporains.

Ces textes peu nombreux et presque toujours incomplets, s'ils ne permettent pas de porter un jugement sur l'art oratoire à cette époque, suffisent néanmoins à établir que l'éloquence sacrée, l'éloquence judiciaire et l'éloquence politique avaient alors leurs représentants.

ÉLOQUENCE SACRÉE. — Comme orateurs sacrés, on peut nommer les évêques de Québec, et tout particulièrement Mgr Plessis, l'un des plus illustres d'entre eux. Curé de Québec à la mort de Mgr Briand en 1794, il prononça l’oraison funèbre de l'évêque défunt. Ce panégyrique révèle, chez l'auteur, de la psychologie, une habile diplomatie, un esprit subtil et bien équilibré. Il expose, sans en rien sacrifier, les principes et la saine doctrine de l'Église sur l'autorité, tout en ménageant les susceptibilités ombrageuses des nouveaux maîtres du Canada, toujours à l'affût pour prendre en défaut la loyauté et la soumission des Canadiens.

Dans ce discours, les idées bien enchaînées, les arguments solides, les jugements appuyés sur des preuves concluantes s'expriment en un style précis, naturel, ennobli par des figures et des citations bien choisies. D'après cette oraison funèbre, la langue parlée à Québec trente ans après le Traité de Paris n'a pas dégénéré.

ÉLOQUENCE JUDICIAIRE. — Le Barreau comptait aussi, à cette époque, des membres dont les noms ont mérité de passer à la postérité. Ce sont à peu près les mêmes qui figurent avec honneur au parlement : Bédard, Taschereau, Borgia, Panet, de Lotbinière.

ÉLOQUENCE POLITIQUE. — C'est à la Chambre surtout que nos orateurs prouvèrent non seulement leur facilité d'élocution, mais encore leur connaissance de la Constitution britannique.

Dès 1792 surgissent les problèmes épineux de races et de langues. Le premier débat parlementaire fut déclenché à propos du choix du président (Orateur) de la Chambre ; à cette occasion, Joseph Papineau révéla son talent d'orateur.

Après l'élection du président, la question se posa de savoir en quelle langue seraient rédigées les procédures et la législation. Les députés anglais réclamaient l'usage exclusif de la leur ; les députés « canadiens », plus larges d'esprit, voulaient que les deux langues fussent employées à la fois. Plusieurs députés prirent part à la discussion ; tandis qu'il ne reste que des fragments de la plupart de leurs discours, celui de M. de Lotbinière a été conservé à peu près textuellement. L'orateur a tôt fait de réfuter les raisons apportées en faveur de l'usage exclusif de l'anglais, en cette séance du 21 janvier 1793, le jour même de l'exécution de Louis XVI en France.

Première raison : C'est la langue du roi et de la mère-patrie. « Ce monarque équitable saura comprendre tous ses sujets et, en quelque langue que nos hommages et nos voeux lui soient portés, il penchera vers nous une oreille favorable et il nous entendra quand nous lui parlerons français ... Pourquoi la division de la province ? Pourquoi cette séparation du Haut et du Bas-Canada ? ... C'est pour que les Canadiens aient le droit de faire leurs lois dans leur langue et suivant leurs usages, leurs préjugés et la situation actuelle de leur pays. »

Seconde raison: Les Canadiens, forcés d'apprendre la langue anglaise, deviendront ainsi plus vite de vrais et loyaux sujets britanniques. « Ces Canadiens qui ne parlaient que le français ont montré leur attachement à leur souverain de la manière la moins équivoque. Ils ont aidé à défendre toute cette province en 1775. Cette ville, ces murailles, cette Chambre même où j'ai l'honneur de faire entendre ma voix ont été en partie sauvées par leur zèle et leur courage. On les a vus se joindre aux fidèles sujets de Sa Majesté et repousser les attaques que des gens qui parlaient bien bon anglais faisaient sur cette ville. Ce n'est donc pas l'uniformité du langage qui rend les peuples plus fidèles ni plus unis entre eux ... »

La lecture de ces rares textes permet d'affirmer que nos premiers orateurs politiques se rendaient compte de l'importance du mandat qui leur était confié, qu'ils savaient défendre leurs droits et ceux de leurs commettants. Ils faisaient preuve d'intelligence et de discernement en choisissant des arguments simples, mais habiles et indiscutables. S'ils visaient plus au triomphe de leur cause qu'à l'éloquence, leurs idées sont exposées dans une langue sinon toujours correcte, au moins pleine de vigueur et d'énergie.

PIERRE-STANISLAS BÉDARD (1762-1829) connaissait à fond le droit constitutionnel anglais ; il se lança dans la politique et devint député.

Il avait le culte de la justice, de l'honneur et de la droiture ; aussi fut-il estimé même de ses adversaires. Orateur original, d'une puissance et d'une logique irrésistibles, il réclama un ministère responsable, s'opposa aux violences de Craig et à la nomination des juges à la Chambre ou au Conseil.

Pour combattre par la plume les journaux anglais qui s'attaquaient aux principes religieux et patriotiques de ses compatriotes, Bédard fonda Le Canadien. En réponse, le gouverneur fit saisir les presses du Canadien, qu'il appelait « une feuille séditieuse », et arrêter les proprié­taires et correspondants du journal : Bédard, Taschereau, Blanchet, Borgia.

Après le départ de Craig (1811), sir George Prévost, voulant rendre justice aux hommes politiques destitués par son prédécesseur, nomma Pierre Bédard juge aux Trois-Rivières.

JEAN-ANTOINE PANET (1751-1815) fut le premier président de la Chambre, malgré l'opposition formelle des Anglais, qui voulaient élever l'un des leurs à cette dignité, et le demeura vingt ans. Panet parlait avec abondance et facilité.

JOSEPH PAPINEAU (1751-1841), notaire à Montréal, fut député de cette ville au parlement canadien. Émule de Pierre Bédard, il se montra nationaliste ardent et ne fut surpassé en éloquence que par son fils Louis-Joseph.

II. Période de formation (1820-1860)

CARACTÈRES GÉNÉRAUX. — Les années comprises entre 1820 et 1860 correspondent à l'une des époques les plus tourmentées de notre histoire politique. Aussi la littérature canadienne-française de cette période s'est-elle développée dans une atmosphère de lutte. Ce fait explique l'un de ses traits caractéristiques. Les écrivains et les orateurs n'ont pas choisi leurs thèmes ; c'est presque toujours les événements qui les leur ont imposés. Jetés en pleine mêlée, sans avoir à peu près jamais le temps de fourbir leurs armes, ils s'inspirent des circonstances actuelles ; ils n'ont ni la pensée ni le loisir d'exploiter l'histoire du régime français.

Les oeuvres sont plus nombreuses, plus étendues, plus sérieuses, plus variées que dans la période précédente, parce qu'aux genres déjà cultivés s'ajoutent l'Histoire et le Roman. Le style, faible et imprécis, présente encore de nombreux clichés, bien que l'on y rencontre quelques nouveautés, quelques traits pittoresques.

Éloquence (1820-1860)

ÉLOQUENCE POLITIQUE. — Pour la raison précitée, ce sont les parlementaires qui occupèrent alors la place prépondérante. Si tous les membres de la Chambre ne furent pas des orateurs de premier plan, il s'y trouva pourtant plusieurs hommes de talent. Leur énergie et leur ténacité contribuèrent grandement à obtenir peu à peu les droits et les libertés réclamés depuis soixante ans. Pour remporter ces victoires, il leur fallut tenir tête à des adversaires nombreux, forts et puissants : « combat d'un nain contre un géant », a-t-on dit justement.

Le géant, c'était le gouverneur, les deux Gonseils — l'Exécutif et le Législatif — qui ne dépendaient que du gouverneur, les bureaucrates, les marchands anglais et quelquefois le gouvernement métropolitain lui-même; le nain, c'était le clergé canadien-français, le peuple et ses députés. L'enjeu de ce combat n'était ni plus ni moins que l'autonomie de la race canadienne-française. Gouvernerait-elle dans sa province ou ne serait-elle que gouvernée? Cette lutte se poursuit de plus en plus violente jusqu'à l'Union (1840).

QUESTION DES SUBSIDES. — Dès 1818 se posa l'épineuse question des subsides, c'est-à-dire des sommes destinées à défrayer les dépenses de l'administration. La Chambre prétendait avoir seule le droit de voter ces sommes ; elle entendait les voter article par article et pour une année seulement, afin de se rendre compte de l'emploi de l'argent. Au contraire, le Conseil législatif tenait à voter, en bloc et pour toute la vie du souverain, une « liste civile » qu'il ne se gênait pas d'ailleurs de majorer.

PROJET D'UNION. — En 1822, un groupe d'Anglais, marchands et proprié­taires violemment hostiles aux Canadiens français, présenta au parlement d'Angleterre un projet de loi. Il tendait à abroger la constitution de 1791 et à unir les deux Canadas, en vue de « détruire l'influence du Bas-Canada et de donner une supériorité certaine à la population protestante sur la population catholique ». La preuve, c'est que l'article 24 abolissait l'usage de la langue française dans les procédures et même dans les débats, alors que l'article 25 soumettait la nomination des curés à l'assentiment du gouverneur.

LES 92 RÉSOLUTIONS. — En 1834, le célèbre document connu dans l'histoire sous le nom de 92 Résolutions soulève un débat des plus acrimonieux, qui achemine 'vers la révolte ouverte et la prise d'armes de 1837. En 1838, par représailles survint la suspension de la constitution de 1791 jusqu'au 1er novembre 1840. n 1839, lord Durham publia son fameux rapport, où il affirmait que les Canadiens français étaient dans un état d'irrémédiable infériorité, un peuple sans histoire ni littérature, et recommandait l'union des deux Canadas.

ACTE D'UNION. — Le 10 février 1841, le gouverneur proclamait cette union, imposée par l'Angleterre aux Canadiens comme châtiment de leurs insurrections contre sa partiale politique. L'Acte d'Union forçait le Bas-Canada, qui n'avait que 95,000 louis de dettes, à partager la dette du Haut-Canada s'élevant à 1,200,000 louis. Il accordait le même nombre de députés aux deux provinces, malgré la différence dans les chiffres de leur population : 400,000 Haut-Canadiens contre 660,000 Bas-Canadiens. L'article 41 portait un rude coup à la langue française : tolérée dans les discours des membres de la Chambre, elle était prohibée sans merci des textes écrits ; là, seule la langue anglaise était admise comme langue officielle et leur traduction en langue française n'avait aucune valeur légale. Cette clause ne fut abrogée qu'en 1848.

Devant cet Acte d'une criante injustice, quelle sera à la Chambre l'attitude des Canadiens français ? Ils ne peuvent que revendiquer les droits dont leur nation est si injustement frustrée. Ils ne fléchirent pas devant le devoir ; leur voix s'éleva véhémente pour la défense de nos libertés, de nos institutions, de notre langue si intimement liée à notre foi. Ils empêchèrent ainsi la ruine de notre influence politique et de notre influence sociale. « Honneur donc à ces parlementaires du passé, fils obscurs et glorieux de notre race.  Ils furent de réels sauveurs » (chan. L. Groulx), les uns avec plus de violence, tel Papineau, les autres avec une pondération têtue, ainsi Lafontaine et Morin.

LOUIS-JOSEPH PAPINEAU (1786-1871) incarnait aux yeux de ses concitoyens l'éloquence canadienne. La voix populaire, applaudissant son talent d'orateur, le nommait le plus souvent le grand Papineau.

SA CARRIÈRE POLITIQUE. — Avant même que Papineau fût avocat, le suffrage populaire l'appelait à représenter au parlement le comté de Chambly (1809). L'on vit alors, en même temps, dans la même arène et sous le même drapeau, le père et le fils ; le premier ne demandant pas mieux que de confier au second, à peine âgé de 23 ans, le soin de le remplacer dans la lutte.

La guerre avec les États-Unis, de 1812 à 1815, vint suspendre pour un temps les querelles politiques ; Papineau servit l'Angleterre comme capitaine, avec courage et loyauté. Puis, de 1815 à 1837, à la tête d'une phalange héroïque, il soutint sans faiblir la cause nationale de plus en plus menacée. Ces années forment la principale et la plus glorieuse phase de sa carrière politique, celle où il posséda pleinement la confiance et l'affection du peuple, celle où s'accrédita son talent d'orateur. Patriote enthousiaste, Papineau souleva alors les masses par sa parole de feu et prépara les grands événements de 1837. Mais il n'y assista point; il s'enfuit aux États-Unis, y demeura deux ans, puis passa eu France et séjourna à Paris.

L'Angleterre, pendant ce temps, avait imposé l'Acte d'Union au Canada. Si la nouvelle Constitution était une injustice, elle réitérait le principe du gouvernement responsable, déjà contenu en germe dans l'Acte de 1791. La plupart des députés canadiens-français suivaient la politique modérée de Lafontaine, leur chef ; ils subissaient avec calme le nouvel état de choses, mais tâchaient d'en tirer le meilleur parti possible. Telle ne fut pas la tactique de Papineau, lorsque le peuple l'envoya de nouveau siéger au parlement en 1847. Il déclara la guerre au gouvernement et fut constamment opposé à Lafontaine.

Son prestige, que sa fuite en 1837 avait grandement diminué, acheva de sombrer pendant les sept dernières années de sa carrière politique. Dégoûté de n'être plus suivi, il se retira dans son manoir de Montebello, sur les bords de l'Outaouais, et y mourut en 1871.

CARACTÈRES DE SON ÉLOQUENCE. — L'éloquence de Papineau a pour notes caractéristiques : la véhémence du langage, la noblesse des sentiments, l'abondance d'idées assez fuligineuses parfois. Sa parole, qui faisait vibrer d'enthousiasme les coeurs canadiens, portait le trouble et l'effroi chez les adversaires.

LOUIS-HIPPOLYTE LAFONTAINE (1807-1864), brillant avocat, se montra d'abord l'un des partisans les plus actifs et les plus dévoués de Papineau. Élu à 23 ans représentant du comté de Terrebonne, il ne cessa d'affirmer à la Chambre les droits des Canadiens et d'en réclamer l'exercice. Dès que l'insurrection de 1837 éclata, il en comprit le danger et voulut l'enrayer, mais il était trop tard ; il s'embarqua pour l'Europe.

Revenu au Canada en 1838, il fut arrêté comme « suspect » et mis en prison ; mais les preuves manquant pour lui faire un procès, on le remit en liberté. Il fallait aux Canadiens des représentants énergiques, habiles dans les luttes que le régime de l'Union présageait ; Lafontaine fut un de ceux-là.

SA CARRIÈRE POLITIQUE. — Le 13 septembre 1842, pour protester contre l'ostracisme dont l'Acte d'Union avait frappé la langue française dans les documents écrits, Lafontaine tint à prononcer en français le premier discours qu'il eut à faire dans la nouvelle Chambre. Dunn lui ayant demandé de parler en anglais, il répondit : « Lors même que je parlerais aussi facilement l'anglais que le français, je n'en ferais pas moins mon premier discours dans la langue de mes compatriotes, ne fût-ce que pour protester solennellement contre la cruelle injustice de l'Acte d'Union qui tend à proscrire la langue maternelle de plus de la moitié de la population du Canada. »

SES DERNIÈRES ANNÉES. — Lafontaine se retira de la politique en 1851. Deux ans plus tard, il fut nommé juge en chef à la Cour d'appel. Comme juge, il se distingua par son impartialité, son intégrité, la profondeur de sa science. En 1854, la reine Victoria, pour rendre témoignage à son mérite, lui conféra le titre de baronnet.

Lafontaine a exercé une profonde influence dans tout le pays ; il est une de nos plus pures gloires nationales. Détaché du pouvoir et des honneurs, il garda toujours fidélité à ses principes et amour à sa race.

CARACTÈRES DE SON ÉLOQUENGE. — Lafontaine ne possé­dait pas les « dons brillants de la parole ; elle était chez lui brève, sobre, se confinant à la nécessité de traduire clairement sa pensée. Sa manière de dire n'avait rien de cette éloquence entraînante, fortement colorée, de cette éloquence empoignante qui attirait les foules autour de Papineau, de Chapleau, de Mercier . . . Rarement, il a remué profondé­ment ses auditeurs ; il a quelquefois, cependant, touché à la haute élo­quence en tirant parti de circonstances exceptionnelles, comme lorsqu'il revendiquait, au milieu des protestations de quelques fanatiques, les droits de la langue française proscrite de la Chambre. Ses discours, chaîne compacte de raisonnements, se déroulaient comme une suite de syllogismes, où les principes posés et appliqués à un cas spécial amenaient aux conclusions rigoureuses, produisant toujours la con­viction, rarement l'émotion et l'enthousiasme » (A. Decelles).

AUGUSTIN-NORBERT MORIN (1803-1865), reçu avocat en 1828, siégeait deux ans plus tard à la Chambre comme député de Bellechasse. Quoique timide, il ne reculait jamais devant un droit à défendre. Papineau l'avait choisi comme secrétaire et confident ; il a même rédigé les principaux documents du temps, car il était aussi le secrétaire de la majorité de la Chambre. Aussi est-ce lui qui condensa en 92 résolutions les griefs des Canadiens français contre l'Angleterre et qui porta à Londres avec Denis-Benjamin Viger les plaintes de ses compatriotes.

SES DERNIÈRES ANNÉES. — Morin accepta, en 1855, la charge de juge de la Cour suprême, continuant ainsi de mettre au service de la patrie sa science profonde, son expérience et ses rares vertus.

Ardent patriote, homme de bien, chrétien à la foi vive et à la piété profonde, tel fut Augustin-Norbert Morin. Le  Canada français peut en être fier : c'est un de ses plus nobles fils.

CARACTÈRE DE SON ÉLOQUENCE. — « Avec moins de puis­sance oratoire que Papineau, mais avec une parole où l'argumentation ferme s'accompagne d'un style net et sobre, Augustin-Norbert Morin, comme Louis-Hippolyte Lafontaine, compte parmi les meilleurs défenseurs de nos droits » (Mgr C. Roy).

ÉLOQUENCE SACRÉE — JUDICIAIRE — ACADÉMIQUE. — Bien que ce soient les orateurs politiques surtout qui aient attiré l'attention à cause des circonstances qui les mettaient en vedette, on cultiva l'éloquence sacrée, l'éloquence judiciaire, l'éloquence académique même, durant cette période.

Du haut de la chaire, on entendit le grand-vicaire Alexis Mailloux, l'abbé Édouard Quertier, tous deux apôtres de la tempérance, l'abbé Jean Holmes. Des avocats, Vallières de Saint-Réal, Louis Plamondon, Côme-Séraphin Cherrier, plaidaient devant les tribunaux. Les discours académiques devinrent à la mode, surtout après la fondation de notre Société nationale.

Le genre conférence fut mis à l'honneur, à cette époque aussi, par Étienne Parent. Ses « lectures » publiques sur l'économie politique, l'éducation, le travail, le progrès, en font un précurseur de l'action sociale en notre province.

ABBÉ JEAN HOLMES (1799-1852), né dans le Vermont, vint au Canada vers l'âge de 16 ans, embrassa la religion catholique à 18 ans et reçut la prêtrise en 1823. Il rédigea l'Abrégé de géographie moderne (1832), un des meilleurs manuels d'alors.

C'est surtout comme orateur que se signala l'abbé Holmes. Il prêcha à la cathédrale de Québec, en 1849, les stations d'un carême demeuré justement célèbre. Sa mentalité de converti le portait à démontrer les grandeurs de la vraie Église, à prouver son infaillibilité et à réfuter les nombreuses objections lancées contre elle. Doué d'une vive sensibilité et d'une imagination ardente, il joignait au don de convaincre celui de dramatiser.

III. Période de progrès (1860-1900)

CARACTÈRES GÉNÉRAUX. — L'horizon politique s'est éclairci ; les luttes parlementaires deviennent moins âpres et moins fréquentes. Cet apaisement a sa répercussion sur notre littérature, qui gagne en perfection relative ce qu'elle perd en combativité. Bien que le style reste encore assez terne et banal, qu'il pastiche souvent les romantiques français, il acquiert cependant de la correction, de la précision et de la couleur locale puisée dans les récits des historiens. Le mouvement littéraire s'accentue grâce à des causes multiples : relations plus suivies avec la France, abondante importation de livres français, création de bibliothèques, de librairies, fondation de sociétés et de revues littéraires, expansion de l'enseignement secondaire et supérieur donné par les collèges classiques et l'Université Laval. Mais il est juste de reconnaître que l'activité intellectuelle de cette époque a eu son prélude dans la poussée exercée par les écrivains de la période précédente : Étienne Parent, Garneau ouvrirent les voies à un art nouveau supérieur à tout ce que les lettres canadiennes avaient produit jusque-là.

Éloquence

ÉLOQUENCE POLITIQUE. — L'éloquence politique fera partie inté­grante de notre vie nationale aussi longtemps que fonctionnera parmi nous le régime parlementaire qui l'a fait naître. Pourtant, elle ne reste pas toujours semblable à elle-même ; elle se modifie et évolue nécessairement avec les formes de gouvernement.

Durant les cinquante premières années (1791-1840) nos orateurs politiques avaient revendiqué surtout, avec énergie et persévérance, les droits imprescriptibles de leurs compatriotes : celui de vivre dans le pays découvert, colonisé et habité par leurs ancêtres depuis deux cents ans, celui de garder leur identité comme race.

A l'ouverture de la première session du parlement unitaire, en 1841, l'atmosphère de la Chambre a changé. Le parti anglais et le parti français n'existent plus comme groupes opposés ; ils sont remplacés par les partis politiques : réformistes ou libéraux, conservateurs ou tories. La lutte entre les races cède le pas à la lutte partisane. Les représentants de langue française continuent, il est vrai, à réclamer nos droits, mais ils le font dans le cadre du parti et selon le mot d'ordre imposé par les chefs. Aussi constate-t-on qu'à partir de cette époque, l'éloquence politique perd de sa noblesse, de sa loyauté, de son désintéressement. Au cours des élections, les orateurs des deux partis s'invectivent à qui mieux mieux, se raillent et ne visent qu'à démolir l'adversaire. A la Chambre, les députés ont souvent plus à coeur la victoire de leur parti que le triomphe de la bonne cause ; leur tactique consiste, d'une manière générale, à saisir le point faible du parti adverse, à le grossir démesurément et à en faire une montagne qui cache tout le reste. Les gens qui ignorent la stratégie politique sont tentés de croire que le pays est gouverné par des incapables, sinon par des voleurs.

Nous possédons peu de discours textuels et complets. Il est difficile, à l'aide des fragments, des résumés publiés dans les journaux, dans les biographies ou les manuels d'histoire, de prononcer un jugement d'ensemble exact. Ce qui en ressort, c'est que les orateurs de cette époque, à quelques exceptions près, se soucient peu de la forme littéraire : ils violent sans gêne les règles de l'art oratoire, du style, de la morphologie et de la syntaxe. Leurs harangues, qui durent quelquefois plusieurs heures, abondent en redites, en banalités, en lieux communs sur la défense des droits du peuple, sur le dévouement à la patrie et la protection des intérêts des électeurs. Le tout s'exprime en des phrases ampoulées et grandiloquentes, que l'auditoire écoute sans y comprendre grand'chose bien souvent.

Quelques noms pourtant, notamment ceux de Cartier, de Chapleau, de Mercier, de Laurier, méritent d'être inscrits dans notre histoire littéraire. Ces hommes dominent leur époque, tant par le rôle de premier plan qu'ils y ont tenu que par leurs discours vraiment remar­quables, prononcés à la Chambre ou ailleurs. Un certain nombre ont été recueillis et publiés en volumes ; mais la lecture de certaines de ces pièces, qui tiraient leur valeur surtout de l'élan, de la chaleur, du brio avec lesquels elles étaient débitées, nous laisse froids et ne saurait justifier à nos yeux l'enthousiasme des foules qui les écoutaient.

GEORGES-ÉTIENNE CARTIER (1815-1873) fut admis au Barreau en 1835. Prévoyant les luttes à venir, Georges-Étienne Cartier se pénétra de la connaissance du droit et de nos droits, de la constitution anglaise et de notre histoire.

Sa vie politique commença en 1848, lorsque le comté de Verchères le députa au parlement. On peut dire qu'il fut le véritable artisan de la Confédération et le père du Pacifique Canadien. La reine Victoria le créa baronnet en 1868. Il prit pour devise : Franc et sans dol. II mourut à Londres.

L'ORATEUR. — Cartier parlait en homme d'affaires, construisant son discours avec des faits, des chiffres et des raisons solides, plutôt qu'avec des phrases éclatantes. Sans avoir le talent magique de la parole ni l'astuce politique, Cartier avait l'esprit profond, pénétrant, con­vaincant, qui fait le grand homme d'État.

JOSEPH-ADOLPHE CHAPLEAU (1840-1898) représenta le comté de Terrebonne à la Chambre provinciale en 1867. A partir de cette époque, sa vie se trouva mêlée à toutes les grandes questions nationales. Il fut premier ministre et lieutenant-gouverneur de la province de Québec.

Tacticien parlementaire hors ligne, il poussait les affaires avec vigueur, parce qu'il comprenait vite et voyait loin. Orateur brillant, d'un talent presque prodigieux, d'une éloquence fascinatrice, il remporta les plus beaux succès oratoires. Le public a entendu de lui des chefs-d'oeuvre d'improvisation de deux minutes aussi bien que des modèles d'une éloquence préparée, qui tenaient, littéralement et sans image de rhétorique, ses auditeurs dans le ravissement. Toutefois. Chapleau semble peu pourvu d'idées générales; plus d'un de ses discours se ressent du vide de sa pensée.

HONORÉ MERCIER (1840-l.894) commença à exercer sa profession d'avocat en 1865 à Saint-Hyacinthe. Rédacteur du Courrier de Saint-Hyacinthe, il combattit la fédération des provinces en 1864, au début de la discussion de ce projet. Ses vigoureuses polémiques, un grand nombre de conférences et de discours révélèrent au public son talent d'orateur.

Les électeurs de Rouville le députèrent au parlement en 1872. A la première session, il prononça, sur la question des écoles séparées du Nouveau-Brunswick, un discours admirable de largeur d'idées et de logique serrée. Citons parmi ses remarquables plaidoyers : le Discours sur le soulèvement des Métis au Nord-Ouest, sur la Question Riel, sur la restitution des Biens des Jésuites, sur l'autonomie des provinces.

APPRÉCIATION. — « Si, maintenant, on veut se faire une idée générale de ce talent, qui est incontestablement une puissance, on trouve d'abord une très grande facilité de compréhension, une vue rapide et claire de l'ensemble des faits et une singulière habileté à dégager les traits principaux en élaguant tous les accessoires inutiles. Joignez à cela une érudition prodigieuse, avec ce calme de la force qui s'impose, un langage correct, concis, vibrant à l'extrême, et vous comprendrez l'effet que produit sur un auditoire la réunion de toutes ces qualités » (N. Legendre).

Avant d'être un chef de parti, Mercier est un patriote. Tous les sentiments généreux qui remuent l'âme de notre peuple ont un écho puissant dans la sienne.

WILFRID LAURIER (1841-1919) étudiant au collège de l'Assomption, s'y fit remarquer par les brillantes qualités de son esprit et la droiture de caractère qui devaient si hautement le distinguer dans l'avenir.

 

L'HOMME POLITIQUE.— Admis au Barreau en 1865, il entra dans l'arène politique en 1871 comme représentant de Drummond-Arthabaska à l'Assemblée législative. Trois ans plus tard, il devenait député de la même circonscription aux Communes. En 1887, il fut choisi comme chef du parti libéral en Canada. Aux élections générales de 1896, il devint premier ministre du Canada, le premier Canadien français qui eût été appelé à ce poste d'honneur depuis 1867. Les actes publics de Laurier ont été hautement loués par les uns et sévèrement blâmés par les autres. Il n'y a pas de voix dissidentes cependant dans les louanges accordées à la hauteur de son talent et à la dignité de sa vie.

L'ORATEUR. — « Son éloquence vous intéresse plutôt qu'elle ne vous secoue. L'enthousiasme qu'elle provoque est raisonné. Point de périodes ou d'images ne visant qu'à l'effet littéraire ; nulle recherche d'esprit ni d'expressions sonores ; jamais d'appels exclusifs aux senti­ments ou aux passions de l'auditoire ; rien que du bon sens, de l'honnêteté, de la logique, dans une langue correcte, savante, abondante, mélodieuse au possible . . . Et par-dessus tout, une conviction communi­cative, presque irrésistible » (L. Fréchette). On a surnommé Laurier : l'orateur à la langue d'argent.

ÉLOQUENCE SACRÉE. — Les évêques et les prêtres, de plus en plus nombreux, continuent les traditions de leurs devanciers. S'il en est beaucoup qui se contentent de dispenser sans apprêt le pain de la parole à leurs ouailles, il en est quelques-uns par ailleurs qui s'élèvent jusqu'à la vraie éloquence.

Mais ils n'eurent probablement ni la pensée ni le temps de réunir leurs œuvres oratoires en volumes. Heureusement, des confrères, parents ou amis, se sont chargés de faire éditer un certain nombre d'entre elles ; ils ont ainsi sauvé de l'oubli de belles pages qui en­richissent notre patrimoine littéraire.

Sur la liste assez longue de nos orateurs sacrés figurent les noms de : Mgr Antoine Racine, Mgr Laflèche, l'abbé Louis-Honoré Paquet. Habitant trois villes différentes : Sherbrooke, Trois-Rivières et Québec, ils représentent les principales régions de la province.

MGR ANTOINE RACINE (1822-1893) devint le premier évêque de Sherbrooke en 1874.

« Il fut recherché pour sa parole nette, ardente et apostolique. Trop longtemps, ses discours sont restés manuscrits ou dispersés dans les journaux du temps » (Mgr Camille Roy). Trente-cinq ans après sa mort, on publia un recueil : Principaux discours de Mgr Racine. On cite entre autres le discours qu'il prononça à l'occasion du deuxième centenaire du Séminaire de Québec et dans lequel il fit un magnifique rapprochement entre l'abbé Jean Holmes et l'abbé Jérôme Demers. Son discours sur La vocation de la race française au Canada prélude à celui de Mgr Adolphe Paquet.

MGR LOUIS-FRANÇOIS LAFLÈCHE (1818-1898) se dévoua pendant douze ans aux missions de la Rivière-Rouge et du Nord-Ouest ; il les quitta forcément pour cause de santé, fut coadjuteur de Mgr Cooke, premier évêque des Trois-Rivières, et lui succéda en 1870.

L'ORATEUR. — Doué d'une éloquence mâle et originale, il alliait l'élévation de la pensée à la simplicité du langage. Il excellait à exposer la doctrine religieuse avec une lucidité qui la mettait à la portée de toutes les intelligences et une telle conviction qu'il gagnait infailliblement son auditoire. Sa voix, ferme et claire, portait loin ; sa phrase sobre, sans artifices, s'agrémentait souvent d'images pittoresques. S'agissait-il de défendre le droit et la justice, sa parole devenait un « glaive à deux tranchants » et combattait avec une implacable logique.

C'était un homme « de culture universelle, dont la parole et la plume couraient avec une égale facilité ». « Dom Benoît, chanoine régulier de l'Immaculée-Conception, l'a appelé l'Athanase du Canada. II eût été de même Ambroise si Théodose se fut trouvé devant lui ; il eût été Chrysostome si Eudoxie eut étalé ses désordres au milieu de son peuple ». (Mgr F.-X. Cloutier).

Les discours et conférences de Mgr Laflèche ont été publiés en partie dans un volume intitulé : Oeuvres oratoires de Mgr Louis-François Laflèche, évêque des Trois-Rivières. Il a laissé un petit ouvrage de sociologie et de polémique : Considérations sur la société civile dans ses rapports avec la religion et la famille. Dans cette thèse, il s'est appliqué à démontrer que ni l'existence de la société ni la vie de famille ne sont possibles sans l'influence bienfaisante et toujours salutaire de la religion.

L'ABBÉ LOUIS-HONORÉ PAQUET (1838-1915) fut un des premiers orateurs sacrés de son temps. Son éloquence naturelle, alimentée par une belle culture littéraire, ne s'encombrait guère de figures de style; sa phrase, parfois longue, possédait néanmoins une clarté toute française. Il s'exprimait dans un langage classique, élégant, sobre et vigoureux, servi par une voix admirable, d'une richesse, d'une sonorité et d'une souplesse sans égales. Cet orateur, moins désireux d'émouvoir que de convaincre, se distinguait par un rare talent d'improvisation ; aussi n'écrivit-il presque jamais ses sermons. II nous reste quelques-uns de ses discours dans Souvenirs des Noces d'or sacerdotales de M. l'abbé L.-H. Pâquet (1912), Louis-Honoré Pâquet ; Échos et Glanures (1916), Déchéance et Restauration : conférences de carême données en 1893 à la basilique de Québec.

ÉLOQUENCE ACADÉMIQUE. — L'éloquence académique a été abon­damment cultivée pendant les quarante dernières années du XIXe siècle. Des circonstances nombreuses permettent à nos orateurs de déployer leur talent : fêtes patriotiques, banquets, commémoration d'événements historiques, hommages aux héros de notre histoire, réception de visiteurs de marque, mort de personnages éminents, inauguration de monuments, etc.

Les recueils de discours académiques qui ont été publiés font voir que la prose de leurs auteurs, fond et forme, est en général plus soignée que celle des discours politiques. Ils contiennent plus d'idées, idées limpides, bien enchaînées et exprimées d'une manière correcte. Deux orateurs se sont surtout distingués dans ce genre : P.-J.-O. Chauveau et Adolphe Routhier.

PIERRE-JOSEPH-OLIVIER CHAUVEAU (1820-1890) est « le plus fran­çais de tous nos orateurs et de nos écrivains par l'élégance, le choix des expressions, la noblesse de la pensée, le feu de l'inspiration et la vivacité du sentiment ; mais d'autres le surpassent par la profondeur de la pensée, la force du raisonnement et de la logique, la justesse des aperçus, la science politique » (L.-O. David).

Outre son roman Charles Guérin, Chauveau a laissé quelques autres ouvrages : Relation du voyage du Prince de Galles en Amérique (1860), L'Instruction publique au Canada (1876), Souvenirs et Légendes (1876), François-Xavier Garneau, sa vie et ses œuvres (1883).

ADOLPHE-BASILE ROUTHIER (1839-1920) fut admis au Barreau en 1861 et nommé peu après professeur de droit international à l'Université Laval.

Routhier était un orateur fascinant. Son éloquence, très personnelle, était soutenue par une soigneuse préparation, nourrie des plus heureuses comparaisons tirées de l'Écriture sainte et de la nature. Comme chez tout véritable orateur, ses accents les plus pathétiques jaillissaient spontanément, en marge du texte.

APPRÉCIATION. — « Pendant trente ans, il a été l'orateur attitré de nos grandes célébrations, de nos grandes manifestations nationales .. . Il était éloquent non seulement par ce qu'il disait, mais par la manière dont il le disait, par la voix, par l'accent, par le geste, par je ne sais quoi qui se dégage de toute la personne et qui captive l'auditeur » (Thomas Chapais).

L'un de ses discours les plus captivants fut celui qu'il prononça à Québec, en 1892, à l'occasion du 4e centenaire de la découverte de l'Amérique. En 1910, au Congrès eucharistique de Montréal, le juge Routhier fit un magnifique discours sur l'Eucharistie, aliment de vie, dans lequel il affirme hautement sa foi.

Deux volumes de Conférences et Discours de Routhier ont été publiés en 1889 et 1904; à sa mort, un troisième était en préparation.

IV. Période de fécondité (1900-1950)

CARACTÈRES GÉNÉRAUX. — La littérature canadienne suit une marche ascendante; elle s'achemine vers l'autonomie. Voulant vivre de sa vie propre, elle tend à se soustraire aux diverses influences qui ont pesé sur elle aux époques précédentes : événements politiques au dedans, écrivains français du dehors.

NOTRE LITTÉRATURE TEND A L'UNIVERSALITÉ. — Un certain nombre de nos écrivains aspirent à dépasser le stade national et à produire des oeuvres vraiment humaines, universelles. Ils savent que telle est la condition nécessaire pour obtenir l'audience du public étranger. Seule-ment, lorsqu'ils développent ces sujets, ils le font à l'aide de leur manière particulière de penser, de juger, avec nos propres expressions, de sorte que l'on sent toujours vibrer chez eux l'âme canadienne.

L'ESPRIT CHRÉTIEN DOIT INFORMER NOTRE LITTÉRATURE. — Or, l'âme canadienne est imprégnée de foi. Notre peuple, « né d'une pensée d'apostolat », grandi dans une atmosphère religieuse, est resté attaché à l'Église qui fut pour lui mère, conseillère et soutien. Aussi « toute désaffection à l'endroit du catholicisme traditionnel serait une abdica­tion, un crime religieux et national, un reniement de nous-mêmes ». (1) Notre littérature ne sera donc authentiquement canadienne-française que dans la mesure où elle sera informée par l'esprit chrétien.

VALEUR DES OEUVRES DU POINT DE VUE DE LA FORME ET DE L'ART D'ÉCRIRE. — Au cours de la période précédente, les auteurs canadiens, par leurs relations intimes avec les Écoles françaises, ont affiné leur goût littéraire. Plusieurs ont surpris le secret d'un art d'écrire beaucoup plus relevé. Ils deviennent ainsi, pour la forme du moins, supérieurs à leurs devanciers. Ils abordent les genres les plus variés, depuis le conte,la légende et la poésie légère, jusqu'aux considérations philosophiques. Quelques-uns s'adonnent à la critique littéraire, assez peu pratiquée jusqu'ici en tant que genre à part.

Tous ces écrits n'iront certes pas à l'immortalité ; plusieurs même sont voués à l'oubli, dans un avenir plus ou moins rapproché. Toutefois, ils dénotent les progrès de l'instruction dans notre société canadienne ; elle est plus solide et plus étendue qu'autrefois.

Aux travailleurs d'aujourd'hui et de demain incombe le devoir d'humaniser davantage notre littérature par une observation de plus en plus étendue, une étude plus pénétrante de l'âme, une connaissance plus variée du coeur humain et de ses drames.

(1) Roméo Arbour, o.m.i., La redoutable chaire de littérature — L'Enseignement secondaire, mai 1949.

Éloquence

ÉLOQUENCE POLITIQUE. — Nos moeurs politiques, où font souvent défaut la courtoisie, la mesure et la loyauté, ne créent pas d'ordinaire une atmosphère favorable à l'éloquence ; les discoureurs sont nombreux, les orateurs sont rares. En règle générale, les parlementaires, tant à Ottawa qu'à Québec, peuvent se classer en deux groupes ceux qui, parlant pendant des heures d'affilée, disent peu de chose en somme et ceux qui font de vrais discours bien construits. Dans ce dernier groupe prennent place Thomas Chapais, le champion, au verbe si classique et si vivant, de toutes les nobles causes ; sir Lomer Gouin, dont un ambas­sadeur de France aux États-Unis disait que son langage était « l'un des plus purs qu'il eût jamais entendus »; Rodolphe Lemieux, « un des maîtres canadiens de l'art oratoire »; Athanase David, qui a « un don remarquable, une voix très belle, du coeur, de la générosité » ; Ernest Lapointe, « dont l'éloquence manie les métaphores avec virtuosité ».

De plus, de 1900 à nos jours, presque autant qu'aux périodes précé­dentes, de graves problèmes, des questions capitales, qui mettaient en jeu notre survivance nationale, ont surgi à maintes reprises au parlement fédéral. Parmi ceux qui ont provoqué le plus de controverses, on peut citer : l'impérialisme sous toutes ses formes, notamment la constitution d'une marine canadienne de combat et la contribution aux guerres de l'empire ; l'immigration, la législation du mariage, le bilinguisme dans les services publics, les écoles confessionnelles dans les provinces anglaises. Le fameux Règlement XVII, imposé aux écoles canadiennes-françaises de l'Ontario, marque peut-être le point culminant de la campagne menée contre les droits de la minorité.

Dans ces diverses circonstances, des parlementaires, pour qui la justice et le bien général priment l'intérêt individuel et celui du parti, prirent position ; ils défendirent les droits de leurs compatriotes toujours avec ardeur et conviction, assez souvent même avec éloquence. G'est ainsi que les sénateurs Philippe Landry, Napoléon Belcourt et Thomas Chapais, les députés Paul-Émile Lamarche, Armand Lavergne, Henri Bourassa et Maxime Raymond, traduisant leur patriotisme en actes, refirent les gestes des Bédard, des Papineau, des Lafontaine et des Morin.

PHILIPPE LANDRY (1846-1919), Acadien d'origine, naquit à Québec et y poursuivit ses études secondaires. Son jugement droit et ferme, sa ténacité, ses fortes convictions, autant sinon plus que ses talents, lui permirent de se distinguer dans la politique, le journalisme et même dans la milice. Mais c'est dans la lutte scolaire franco-ontarienne surtout qu'il tint un rôle prépondérant. Le 24 juin 1914, il mit « officiellement ses armes au service de ceux qui bataillaient déjà pour la cause sacrée » par ces paroles à M. Samuel Genest, président de la Société Saint-Jean-Baptiste et de la Commission scolaire d'Ottawa : « M. le président, je veux être des vôtres, je veux m'identifier avec votre lutte; me permettez-vous de marcher à vos côtés ? »

APPRÉCIATION. — Le P. Théophile Hudon, s.j., écrivait au len­demain de la mort de Philippe Landry : « L'intrépidité dans la défense du droit, tel fut son principal mérite, la note dominante de son caractère. Sa force était de savoir écouter. Il emmagasinait toute parole dans son imperturbable mémoire, attendant son heure de lancer la riposte cinglante et décisive. Réfléchi et en plus logicien, entre ses mains — qu'on me passe l'expression — la logique devenait une arme redoutée. Il ne se privait pas du reste de saupoudrer d'ironie ses harangues et ses discours. Champion vigilant des principes catholiques, il se signala en maintes occasions à les défendre. »

Citons encore quelques phrases extraites d'un article de Mgr L.-A. Paquet, paru dans le Canada français — janvier 1920 — et qui caractérisent bien le politique, le lettré et le patriote : « Il n'avait rien de l'opportuniste qui ondoie au souffle de la popularité et du succès. En des heures graves pour la religion et la race, il sut donner aux siens le noble spectacle de l'homme de principes et de devoir, qui place au-dessus de son allégeance politique sa croyance religieuse et sa foi nationale.

« Il excellait dans l'exposé d'une idée ou d'une thèse, dans la clarté des preuves dont il appuyait son sentiment ... M. Landry était outillé pour les combats de plume; il possédait une masse de renseignements sur les hommes et les faits du jour ... Son intelligence s'était nourrie et pénétrée des doctrines de droit naturel et de droit public ecclésias­tique qui régissent les rapports de l'Église et de l'État ; et telles pages qu'il a écrites touchant l'intervention de l'autorité religieuse dans nos questions scolaires pourraient être signées par un théologien de profession ... « Les plans de campagne qu'il a dressés, les batailles vigoureuses qu'il a livrées, les sacrifices innombrables qu'il s'est imposés ont entouré son nom d'une véritable auréole. Le nom de Philippe Landry restera associé à celui de nos plus grands patriotes ... On le citera comme une gloire, on l'évoquera comme un symbole. »

NAPOLÉON BELCOURT (1860-1932), né à Toronto, fit ses études aux Trois-Rivières et à l'Université de Montréal. M. Belcourt s'est distingué dans bien des domaines ; plusieurs fois, par exemple, il fut chargé de missions officieuses. Avocat remarquable, il plaida devant la Cour Suprême et jusqu'à Londres, devant le Conseil privé. Membre de la Chambre des Communes, puis sénateur, il fut intimement mêlé aux luttes politiques ; mais il appartenait à cette catégorie d'hommes qui s'élèvent au-dessus des contingences mesquines, pour rechercher l'intérêt du pays.

Un jour qu'il se trouvait à Londres, il entendit sur les Canadiens français une conférence faite devant la haute société anglaise par un orateur anglais. Blessé dans sa fierté nationale par les inexactitudes et les inepties qui venaient d'être débitées, il osa demander le droit de réplique. Ses arguments tranchants et incisifs tombèrent comme grêle tandis que son geste élégant, sa parole facile lui attirèrent la sympathie de l'auditoire qui le complimenta tant pour sa sincérité que pour l'habileté de sa défense (Cf. Action française — mars 1924).

 

APPRÉCIATION. — Son plus beau titre de gloire, celui qui lui mérite une place dans l'histoire, c'est qu'il a été, avec et comme le sénateur Landry, le champion ardent et énergique des droits scolaires de la minorité franco-ontarienne. Cette cause, il la fit sienne et s'y consacra tout entier.

« Un jour qu'il parlait aux Trois-Rivières, aux côtés de Philippe Landry, sa voix était haletante, il tremblait de passion lorsque, les poings fermés, il s'écria: « Qu'on le sache bien ! Tant que d'un océan à l'autre, en fait comme en droit, on n'aura pas reconnu l'égalité des deux langues, la lutte ne cessera point ! » Dans une autre circonstance, s'adressant à un auditoire en majorité anglais, il ne craignit pas d'affirmer de nouveau sa volonté de rester l'apôtre et le défenseur des droits et des revendications de ses compatriotes. (Cf. Le Devoir — 1932 — Omer Héroux).

On comprend que les Canadiens français de l'Ontario lui aient voué une admiration et une fidélité indéfectibles et que ce grand patriote ait pris chez eux figure de héros national.

PAUL-ÉMILE LAMARCHE (1881-1918) fut député de Nicolet à Ottawa de 1911 à 1916 en même temps qu'avocat-conseil de la ville de Montréal. Forte personnalité, il servit non seulement ses clients et sa ville, mais le pays tout entier.

Le Père Théophile Hudon le peint ainsi (l'Action française — décembre 1918) : « Esprit vigoureux, il ne forçait pas son talent; il n'avait pas à recourir à des expédients pour maintenir sa réputation. Ce fut l'une des caractéristiques de sa physionomie et ce trait accentuait sa fierté native dédaigneuse des succès faciles. Orateur disert plutôt qu'entraînant, il se dégageait de toute sa personnalité je ne sais quel courant de sympathie qui lui gagnait ses auditeurs. Néanmoins le fond de ses discours était sérieux : il possédait surtout la qualité classique de mettre de la suite dans ses idées, l'art d'amener une pensée, la science de pousser jusqu'au bout un raisonnement, enfin le don de fondre sou sujet en une conception unique.

 

« Lamarche croyait au triomphe des causes qu'il défendait devant l'opinion publique. Il le rappela à la Chambre pendant la fameuse séance du 11 mai 1916 à propos du débat relatif à la question scolaire ontarienne : « Je suis convaincu que la langue française ne disparaîtra jamais de ce pays. Si nombreuses que soient les lois passées par les législatures provinciales et si nombreux que soient les règlements édictés, je prétends que vous ne pouvez pas faire d'un Français un Anglais ; que vous ne pouvez étouffer toute une race par des lois et que vous ne pouvez pas bâillonner les générations de l'avenir en édictant des règle­ments sur l'éducation. Et pourquoi cela  ? Tout simplement parce que la nature est plus forte que la volonté de l'homme. Il s'agit ici d'une loi naturelle. Nous suivons la loi de la nature, même quand nous n'y pensons pas ; ce travail s'accomplit sans que nous y mettions le moindre effort. »

Ses principaux discours sont contenus dans un livre publié après sa mort par ses amis : Hommage à Paul-Émile Lamarche (1919).

ARMAND LAVERGNE (1880-1935) fut élu député de Montmagny à peine âgé de 24 ans. Il avait tous les dons propres à électriser les foules ; aussi fut-il l'une des figures les plus originales et les plus sympathiques de notre vie parlementaire. Patriote ardent et sincère, champion infatigable de toutes les causes nationales, Lavergne a donné son nom à une loi, cette loi Lavergne qui sanctionnait l'usage du français dans certains services semi-publics ; elle reste le symbole de sa rude et constante bataille pour les droits du français. Mais il a surtout répandu des idées et donné un grand exemple ; il a réclamé l'égalité des races et la liberté de l'école confessionnelle ; il a dénoncé, dès la première heure, notre funeste politique d'immigration, il a combattu l'impérialisme, il a prêché l'émancipation économique des siens (Cf. Un patriote : Armand Lavergne — Oeuvre des Tracts, n° 190).

« Chez Armand Lavergne, l'orateur ne se dissociait pas de l'homme. Impressionnable, nerveux, il avait une éloquence spontanée et emportée par une verve endiablée. Il savait passer de l'émotion à la raillerie, de la diatribe à l'exposé serein, et vous empoigner un contradicteur, se saisir d'une interruption, la tourner contre l'adversaire et l'utiliser comme une arme nouvelle et inespérée » (André Laurendeau — Action nationale — 1935).

Citons de lui quelques phrases qu'il prononçait en 1935 et qui ont la valeur d'un testament : « J'ai voulu consacrer mon avenir, ma santé, ma jeunesse et ma force à revendiquer les droits de ma race. J'ai du moins la consolation, si ma vie n'a pas été très utile, d'avoir été un clairon, d'avoir sonné au drapeau. » Il a raconté sa carrière politique dans Trente ans de vie nationale (1935).

HENRI BOURASSA est né à Montréal en 1868. « Son éloquence politique rappelle celle de son grand-père Louis-Joseph Papineau ; sa parole nette et riche fait penser aux qualités d'artiste et d'écrivain que possède son père Napoléon Bourassa » (Action française — 1925).

L'ORATEUR. — Henri Bourassa est l'un des parlementaires qui connaissent le mieux notre histoire constitutionnelle : toutes les réalités canadiennes, tous nos problèmes nationaux lui sont familiers, parce qu'il les a étudiés à fond, à l'aide d'une abondante documentation. Il les discute à la lumière de la philosophie, en regard des principes immuables de la justice et du droit, après les avoir dépouillés de tous les accessoires qui les obscurcissent. Il en cherche les origines lointaines et prévoit les effets qui en découleront nécessairement. Il les traite devant les auditoires les plus divers, les uns sympathiques, les autres hostiles, les autres simplement curieux d'entendre une éloquence enflammée. Il s'applique à éclairer surtout nos émules ; en cela, il est admirablement servi par le fait qu'il s'exprime parfaitement dans les deux langues officielles du pays. Même improvisés dans leur forme, ses discours, qu'il les prononce aux Congrès eucharistiques de Lourdes et de Montréal, dans nos Chambres ou dans une assemblée politique, sont pleins de substance. Clairs, précis, d'une correction remarquable, ils ne s'em­barrassent pas des figures de rhétorique ; les vérités qu'ils contiennent et la conviction qu'ils révèlent sont leur plus bel ornement.

ÉLOQUENCE JUDICIAIRE. — A notre époque où le commerce et l'industrie tiennent le haut du pavé, les plaidoiries des avocats sont plus souvent des discussions d'affaires que des pièces d'apparat. Pourtant, parmi les quelque quinze cents avocats inscrits au Barreau de la province de Québec, il s'en trouve un certain nombre qui ont le souci de mettre en pratique la théorie émise par l'un des maîtres du Barreau français : « Faire d'un plaidoyer une oeuvre d'art, savoir parler affaires en parlant français. » Nommons Aimé Geoffrion, L.-E. Beaulieu, Antonio Perrault, Anatole et Guy Vanier.

ANTONIO PERRAULT devint, après son admission au Barreau en 1906, professeur de Droit commercial et de Droit maritime à l'Université de Montréal jusqu'à 1940. Il est aussi membre de la Société royale du Canada et du Conseil de l'Instruction publique.

« M. Perrault a la parole claire, le mot précis, la phrase concise, le geste mesuré, l'intelligence prompte à démêler l'écheveau de la preuve touffue et l'amas des faits contradictoires, l'interruption sensée, déconcertante, la riposte brève, vive, qui désarçonne. Sans s'éparpiller, il a su donner aux Semaines sociales, à l'Action française, à d'autres oeuvres, des travaux et des conférences où s'affirment des préoccupations intellectuelles, le sens social, des soucis d'ordre moral, une haute conception de la vie » (Paul Dulac — Silhouettes d'aujourd'hui).

ÉLOQUENCE SACRÉE. — L'éloquence sacrée, en raison de son objet, est la moins sujette à se transformer. La doctrine de l'Église — dogme et morale — est immuable, comme Dieu qui en est l'auteur. Ceux qui ont mission de l'enseigner doivent la donner dans son intégrité, sans lui faire subir d'altération, voilà pour le fond ; mais la forme, elle, peut varier, avec le temps, le milieu, le prédicateur.

Nos orateurs sacrés, ceux d'autrefois comme ceux d'aujourd'hui, ont reçu, en règle générale, une formation classique solide, une préparation cléricale de premier ordre. Aussi la chaire catholique a connu et connaît chez nous plus d'un prédicateur distingué. Encore ici, nous possédons peu de textes, à peine quelques volumes. La plupart du temps, leurs discours restent égarés dans les journaux et les revues. En dépit de cette absence de textes, l'éloquence de nombre de nos évêques et de nos prédicateurs, séculiers ou religieux, a laissé dans l'esprit populaire des souvenirs durables.

La coutume de prêcher le carême, dans les chaires les plus importantes de Québec et de Montréal, s'est implantée depuis un certain nombre d'années. Ces prédications, qui ont pour objet quelque point de dogme ou de morale, brillent par la limpidité de l'exposé, la solidité des arguments, la distinction de l'expression, la chaleur communicative du débit. À Notre-Dame de Montréal, elles sont d'ordinaire confiées à un prêtre de France.

Pour ce qui est de nos prédicateurs canadiens, ne pouvant les étudier tous, faute de les connaître suffisamment, nous nous arrêtons à ceux qui suivent :

MGR PAUL BRUCHESI (1855-1939), né à Montréal, y commença ses études qu'il alla parfaire à Issy et à Rome. Il reçut à Rome l'ordination sacerdotale en même temps que celui qui devait plus tard ceindre la tiare sous le nom de Benoît XV. L'abbé Bruchesi fut professeur de dogme à la Faculté de théologie de l'Université Laval de Québec, puis chargé du cours d'apologétique chrétienne à l'Université Laval à Montréal.

Avant sa promotion à l'épiscopat, il avait trouvé le temps de collaborer à plusieurs journaux et revues littéraires, de prêcher des retraites et des sermons de circonstance ; sa voix s'était fait entendre dans beaucoup de chaires, sur beaucoup de tribunes.

L'élévation du chanoine Bruchesi au trône archiépiscopal de Montréal, en 1897, donnera plus d'autorité à sa parole et lui fournira l'occasion de faire bénéficier de ses dons oratoires un plus large public.

APPRÉCIATION. — Le jugement le plus sûr et le plus vrai que l'on puisse porter sur l'éloquence de Mgr Bruchesi est contenu, semble-t-il, dans l'éloge prononcé par S. E. Mgr Georges Gauthier aux funérailles du vénéré défunt, le 25 septembre 1939 : « Partout où il passe, ce qui le signale à l'attention, c'est une intelligence pénétrante, un esprit délicat et fin, un coeur aimant. Optimiste par tempérament, rayonnant de sympathie, il est celui dont parlent les Proverbes (XVIII, 24) : « l'homme aimable pour la société ... ». Ces qualités trouvent leur expression la plus heureuse quand il parle. C'est l'un de ses dons, celui qui le fait accueillir de tous les milieux. Conférences, catéchismes, sermons de circonstances, retraites de prêtres ou de collégiens, il aborde avec succès tous les genres.

« Sa parole n'est peut-être pas puissante ; elle est claire, élégante, facilement relevée d'une pointe d'émotion ; elle est surtout d'une mesure parfaite. Il se préservait de la banalité par des dons qui furent chez lui extrêmement remarquables : un tact très sûr et presque infaillible, qui lui faisait trouver dans les circonstances les plus variées le mot qu'il fallait dire ; une facilité d'improvisation, une incomparable sûreté de parole qui l'ont mis au niveau de toutes les tâches oratoires et ont fait de lui la grande figure de notre Congrès eucharistique de 1910. »

MGR JOSEPH-MÉDARD ÉMARD (1853-1927) fut le premier évêque de Valleyfield, diocèse créé en 1892, puis archevêque d'Ottawa en 1922.

L'abbé Élie Auclair, dans les notes biographiques qu'il rédigea à l'occasion de la mort de Mgr Émard, caractérise ainsi l'éloquence de l'archevêque défunt : « En chaire, il parlait avec chaleur et conviction, y mettait évidemment toute son âme et atteignit souvent, sans le chercher, à la véritable éloquence. Il parlait en évêque qui a droit et mission d'enseigner, et qui le sait. Dans nombre de circonstances, il fut appelé, en dehors de son diocèse, à prêcher des sermons qui eurent de l'éclat. Son éloge funèbre de M. Colin, ancien supérieur de Saint-Sulpice, prononcé à Notre-Dame de Montréal ; celui de Mgr Langevin à la cathédrale de Montréal, son panégyrique de nos Martyrs canadiens à l'église du Gésu à Montréal, son discours au centenaire d'Ottawa en 1926 et d'autres encore sont de ceux qui ne s'oublient pas. »

MGR PAUL-EUGÈNE ROY (1859-1926) enseigna au petit séminaire de Québec où il fut, grâce à « sa haute formation littéraire reçue à Paris, un merveilleux professeur de rhétorique ». Mgr Roy devint évêque auxiliaire de Québec en 1908, puis archevêque-coadjuteur en 1920, enfin archevêque sept mois avant sa mort.

De l'éloge funèbre prononcé par S. E. Mgr Georges Gauthier, détachons ces lignes : « Catéchiste et prêcheur éminent, il porte, dans le redoutable exercice de la parole publique, une belle lucidité d'esprit, une pensée aux contours nets, une ardeur de conviction qui le rend facilement éloquent. Dominant son auditoire de sa haute taille comme de son talent, sensible à la noblesse et à la beauté des idées, il marque d'un geste impérieux les vérités qu'il annonce. Voix, attitudes, bonheur d'expression, promptitude à saisir le repli profond où l'auditeur veut être touché, il a les dons de l'orateur. Sa parole est une lumière, elle est un entraînement au bien. Si je ne me trompe, c'est de l'éloquence et de marque excellente. »

Quelques-uns de ses discours et de ses sermons ont été publiés en volumes après sa mort, et sa vie si remplie a fait l'objet d'une thèse soutenue à Québec par Soeur M. Amadeus Welton : Un orateur apôtre, Mgr Paul-Eugène Roy, archevêque de Québec (1859-1926).

Mgr Paul-Eugène Roy, apôtre ardent et zélé de la tempérance et de la presse catholique, fut l'un des fondateurs de l'Action sociale aujourd'hui l'Action catholique, journal quotidien qui paraît depuis le 21 décembre 1907.

CARDINAL JEAN-MARIE-RODRIGUE VILLENEUVE, o.m.i. (1883-1947), enseigna la philosophie, la théologie morale, la liturgie, le Droit canonique, au scolasticat Saint-Joseph à Ottawa. Évêque de Gravelbourg (Saskatchewan) en 1930, il fut promu au siège archiépiscopal de Québec l'année suivante; le 13 mars 1933, il recevait le chapeau de cardinal.

Son oeuvre d'orateur et de conférencier est considérable et variée comme les auditoires qui l'écoutent et auxquels il s'adapte avec une facilité merveilleuse. Qu'il s'adresse à des associations de jeunesse, à des syndicats ouvriers, à des universitaires, qu'il parle à Toronto, à Boston, à Paris, à Domrémy, à Rome ou dans sa basilique-cathédrale; qu'il fasse une conférence, un sermon, un discours académique, sa parole limpide et nette est remarquable d'autorité, sa phrase riche de substance est dépouillée d'ornements. Seule une intelligence toute pénétrée de philosophie thomiste peut atteindre à ce dépouillement, qui emporte l'adhésion parce qu'il est une plénitude.

Le cardinal Villeneuve obéissait intégralement à la devise qu'il avait inscrite sur son blason : Docere quis sit Christus. Enseigner ce qu'est le Christ. Et il l'enseignait avec l'onction du pasteur, la science du docteur et l'autorité du chef.

Quelques-unes de ses conférences ont été publiées en brochures et des séries de ses instructions ont été réunies en volumes.

On doit encore au cardinal Villeneuve une abondante collaboration à diverses revues.

MGR GEORGES GAUTHIER (1871-1940), après son ordination en 1894, alla étudier à Rome pendant deux ans. Curé de la cathédrale, recteur de l'Université, évêque auxiliaire en 1921, archevêque-coadjuteur, puis archevêque de Montréal en 1939, Mgr Gauthier, dans tous ces postes de premier plan, a manifesté de hautes qualités intellectuelles et une grande maîtrise dans l'art si difficile du maniement de la parole.

On peut lui appliquer ce qu'il disait lui-même de saint Augustin : «Chose étonnante ! il ne nous reste de lui que peu de sermons. » Ceux qui veulent au moins en lire quelques-uns ont la ressource de feuilleter les revues et les journaux ; ils sont rares ceux qui ont eu la bonne fortune de s'en procurer les manuscrits. On sent que ces discours ont pour but principal non de plaire, de charmer, de soulever l'enthousiasme, mais bien d'abord et avant tout d'enseigner la vraie doctrine, de faire connaître la vérité; le reste vient par surcroît. L'idée maîtresse se dégage avec netteté, puis se développe avec souplesse et harmonie, ce qui ne veut pas dire qu'elle manque de force ni de profondeur. Le style est vigoureux ; la phrase, ordinairement courte, est d'une clarté lumineuse et d'une régularité étonnante.

Les discours sacrés abondent en citations de l'Écriture sainte ; mais, au lieu d'être juxtaposées au texte, elles en sont la trame, pour ainsi dire, et forment donc avec lui un tout indivisible. Ainsi, dans l'allocution pour la fête de l'imposition du pallium, qu'il appelle la « fête de l'unité », c'est « à saint Paul, dont les épîtres constituent un réservoir inépuisable de fortes doctrines, qu'il demande de nous en découvrir le sens profond ».

Dans deux circonstances solennelles au moins, Mgr Gauthier déploya à l'étranger ses dons remarquables d'orateur sacré : au Congrès eucharis­tique de Lourdes en 1914, et à celui de Chicago en 1926. A Lourdes, il esquissa le tableau des travaux apostoliques de nos missionnaires, de nos prêtres, de nos évêques. Il prouva que notre fidélité au Christ et à la Vierge, héritage de la France, assure chez nous la survivance du même coup de la foi religieuse et de la vie française. Dans la grande ville américaine, il rappela succinctement les services que l'Église du Canada a rendus à l'Église d'Amérique; puis, par une transition heureuse, il en arriva au sujet précis qu'il devait traiter : « Jésus, dans l'Eucharistie, se fait notre compagnon dans l'intimité la plus douce. »

PÈRE DOMINIQUE-CESLAS GONTHIER, o.p. (1853-1917) fut l'un des premiers Canadiens français à entrer dans l'Ordre de Saint-Dominique. Le R. P. M.-A. Lamarche, o.p. dit de lui : « II y avait au Canada français, en 1880, un écrivain-né, je dirai même un éclatant modèle de la pensée et du style ... Pourquoi un si grand nombre de lettrés ignorent-ils encore cette intelligence d'élite, ce maître prosateur, disciple de Lacordaire, admirateur passionné de Veuillot, souventes fois leur égal et de qui pas une page ne comporte la médiocrité ? »

Dans la lettre que le T. R. P. Langlais, o.p. écrit aux maisons de son Ordre pour annoncer la mort du Père Gonthier, il lui donne le titre de Prédicateur général. De cette notice, retenons les quelques traits qui peignent le Père Gonthier : « Prédicateur, il manquait des qualités physiques de l'orateur puissant des grandes chaires ; mais il était toujours apprécié des auditoires intelligents ; et, dans l'intimité plus favorable d'une chapelle de séminaire ou d'un chapitre de communauté, il atteignait aisément à la vraie éloquence. Son ministère de prédicateur fut très actif au cours de ses premières années ; et l'on se rappelle encore son Carême sur l'Église, prêché dans la cathédrale d'Ottawa ... Esprit spéculatif et concret tout à la fois, théologien profond et d'une sûreté absolue de doctrine, il avait un don exceptionnel d'exposition claire et lumineuse. »

MGR LOUIS-ADOLPHE PAQUET (1859-1942), théologien docte et profond, formé à l'école de saint Thomas d'Aquin, qu'il appelle lui-même « le prince des théologiens », exerça l'apostolat intellectuel par l'enseignement, par la plume et par la parole.

Son éloquence, qui n'avait rien d'emporté ni de fougueux, ne manque pas de ce lyrisme que l'on a défini : « l'expression passionnée et imagée de sentiments individuels sur des thèmes communs ». Elle peut être rapprochée de l'éloquence du XVIIe siècle par sa correction impeccable et la distinction du langage, la pureté et la noblesse du style, l'ordon­nance rythmique de la phrase, la cadence et l'harmonie des périodes.

Mgr Paquet énonce assez souvent, au début de ses discours, une idée générale qui nous hisse d'emblée aux régions sereines de la vérité immuable, et donc de la certitude sans défaillance.

«Dieu, qui est l'auteur du monde, est aussi l'auteur de l'Église.

«L'Église est une armée, la seule vraiment permanente.

«Le catholicisme est universel.

«Le prêtre n'est pas l'élu de l'homme, mais l'élu de Dieu.

«Le désir de se conserver est naturel à tous les êtres, mais il suit une gradation ascendante.

«Toute société humaine est faite pour le bonheur. Trois éléments entrent dans le bonheur d'un peuple : le progrès matériel, la valeur intellectuelle, la puissance morale et religieuse ; en d'autres termes, l'outil, la plume et l'autel ; le sol, la pensée et Dieu. »

La lecture de ces discours laisse une impression de mesure et de plénitude. Pas une page, pas une phrase, pas un mot qui n'ait sa valeur, qui ne soit à sa place ; rien d'inutile, rien à retrancher. Quels que soient les sujets que traite Mgr Paquet et les auditoires qui l'écoutent, son zèle apostolique, son amour de l'Église et de la Papauté affleurent toujours et partout.

LE PATRIOTE. — Son patriotisme est aussi de bonne trempe; à maintes reprises, il s'est plu à mettre en lumière le rôle providentiel de notre petit peuple sur le vaste continent américain. Son allocution prononcée à Québec le 23 juin 1902, sur la Vocation de la race française en Amérique, est non seulement une magnifique pièce d'éloquence, mais aussi et surtout une oeuvre toute vibrante d'un patriotisme appuyé sur la théologie et la philosophie. Cette allocution a été éditée en 1925, à Montréal, en une brochure intitulée Bréviaire du patriote canadien-français. Ce titre seul dit assez l'estime qu'on lui accorde et le mérite qu'on lui reconnaît.

PÈRE LOUIS LALANDE, s.j. (1859-1944) fut orateur et écrivain. Pendant dix-sept ans, il a donné des missions un peu partout où se rencontrent des groupes de langue française en Amérique du Nord ; c'est ainsi qu'il a prêché un carême à la Nouvelle-Orléans. Ses stations de carême au Gésu ont laissé dans l'esprit des auditeurs des souvenirs durables. Le Père Lalande, missionnaire goûté et apprécié, fut souvent invité à prononcer des discours de circonstance et des conférences ; il en a réuni quelques-uns en volumes. On peut leur appliquer ce qu'il dit lui-même de ceux d'Albert de Mun : « Ses discours, même coulés comme une lave refroidie dans des livres, gardent dans le monde de la science et des lettres une estime soutenue et restent des foyers où éclaire l'esprit et se réchauffe le coeur. »

L'éloquence du Père Lalande lui était bien personnelle. Il y a, dans certaines de ses conférences, des pages inimitables qui feraient belle figure dans une anthologie. Dans celle qu'il fit à l'occasion du centenaire de Louis Veuillot, il trace le portrait de la victime du respect humain : tous les mots font image, toutes les poses sont burinées d'un trait net et ferme. Le Père Lalande avait une verve intarissable, toujours renouvelée ; il avait quelquefois, comme dit Montaigne, « un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche » ; mais il prenait toujours de haut son sujet et le développait avec un entrain et une maîtrise que renforçait l'onction d'un zèle apostolique.

Le Père Lalande a publié une bonne demi-douzaine de volumes. En plus, plusieurs brochures renferment des biographies, des monographies de paroisses, des pages d'apologétique, des lettres, des sermons et des conférences, des Silhouettes paroissiales.

 

MGR ADÉLARD HARBOUR, curé de la basilique-cathédrale de Montréal depuis 1917, a été appelé bien souvent, pendant ses années de ministère pastoral, à prêcher la parole de Dieu. « Tous ceux qui ont eu l'occasion de l'entendre louent son éloquence large et humaine, la sobriété de son geste, la chaleur de sa voix et l'élégance d'un texte qui concilie toujours les exigences du dogme et celles de la langue. »

Mgr Adélard Harbour a publié en 1939, sous le titre Les grands jours de notre vie religieuse, quelques-uns des sermons de circonstance qu'il a été appelé à prononcer. Il donne comme préface à ce volume le travail qu'il a lu au Congrès de la langue française à Québec en juin 1937 : Les prédicateurs et l'esprit français. Cet aperçu, qui laisse voir au début une pointe d'émotion discrète, est écrit en une langue claire, sobre, châtiée, avec un grand souci de méthode ; il donne ainsi un avant-goût des discours qui vont suivre.

Ces discours valent par leur fond même : quelques-uns sont de véritables raccourcis d'histoire qui mettent en relief les faits et les personnages d'une époque ; d'autres célèbrent certains événements qui touchent à notre vie religieuse. Tous, il va de soi, comportent un enseignement moral. Ils braveront, à n'en pas douter, l'épreuve du temps, grâce à la solidité de la doctrine, à leur intérêt historique, grâce aussi à leur facture classique.

MGR CAMILLE ROY (1870-1943) est, sans contredit, l'un de nos maîtres en littérature canadienne-française. Il excelle dans l'art oratoire tout comme dans l'art d'écrire. A cause des fonctions qu'il a exercées, des postes importants qu'il a occupés jusqu'à sa mort, il a été appelé à prononcer de nombreux discours, sermons et allocutions ; il a prêché notamment la station du carême à l'église Notre-Dame de Montréal en 1915. Son éloquence s'alimente aux sources de la théologie, de la culture classique et assez souvent de l'histoire; Mgr Roy n'a-t-il pas intitulé l'un de ses volumes : Les Leçons de notre Histoire? Cette formation se retrouve encore dans la sereine discipline qui caractérise son éloquence. Le style, d'une élégance sans mièvrerie, s'agrémente de figures neuves et heureuses qui lui donnent couleur et vie.

Généralement la phrase est longue, mais elle est si bien équilibrée et cadencée, si claire et si harmonieuse qu'elle est aussi facile à com­prendre qu'agréable à entendre. Il n'y a pas là de verbalisme ; chaque mot recouvre une idée. Les idées découlent les unes des autres et s'acheminent, sans accroc et sans heurt, vers le but que l'orateur veut atteindre. Tout au long de ces discours, on sent circuler une émotion sous-jacente ; elle n'éclate pas en enthousiasme, mais pénètre l'âme de l'auditeur et la fait vibrer discrètement.

Il serait facile de détacher de ces discours de fort belles pages d'anthologie. (1) Quelques-unes sont de larges fresques d'histoire nationale ; d'autres traduisent le langage puissant des orgues ou invitent les cloches à raconter le passé ; il y en a qui disent « le rôle magnifique que joue, soit dans la vie spirituelle des âmes, soit dans la vie publique d'une race ou d'une nation, cette institution merveilleuse qu'est la paroisse. »

ÉLOQUENCE ACADÉMIQUE. — Le discours académique tend à sortir des sentiers battus ; il délaisse peu à peu la rhétorique pure, les périodes ronflantes et sonores, les mots recherchés et pompeux qui, trop souvent, revêtent des idées banales et des lieux communs. Si quelques rares orateurs tiennent encore pour l'ancienne mode, la plupart visent à l'originalité, cherchent à piquer l'attention de leurs auditeurs et se soucient plus de les intéresser que de les éblouir.

Au discours d'apparat, qui a toujours une allure solennelle, s'appa­rentent l'allocution, la conférence, le toast. Les orateurs y font ressortir certaines idées qu'ils veulent mettre en lumière ; ils ont ainsi l'occasion de dire de bonnes vérités, de dénoncer des abus, de réfuter des sophismes, de suggérer des réflexions opportunes, de faire de la propagande efficace en faveur des bonnes causes, de remettre au point certaines questions controversées. Quelques-uns assaisonnent leurs discours de verve et d'esprit ; ils savent plaire, tout en renseignant et en instruisant. D'autres gardent le ton sérieux. Tous s'expriment en un langage correct, précis, châtié, élégant même.

La liste des orateurs académiques s'allonge à mesure que se multi­plient les circonstances et les situations où s'exprime cette forme d'éloquence. Parmi les plus connus, à la plupart des prédicateurs que nous venons d'étudier il faut ajouter Mgr Olivier Maurault, Mgr Émile Chartier, le Père M.-A. Lamarche, le chanoine Lionel Groulx, l'abbé Émile Lambert, Thomas Chapais, Henri Bourassa, le juge Édouard Fabre-Surveyer, Édouard Montpetit, C.-J. Magnan, Jean Bruchesi.

(1) Mgr Roy lui-même en a extrait quelques-unes pour ses Morceaux choisis d'auteurs canadiens, comme il a publié en volume plusieurs de ses discours.

 

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SŒURS DE SAINTE-ANNE, « Éloquence », Histoire des littératures française et canadienne, Lachine, procure des Missions Mont Sainte-Anne, 1954, 602p., pp. 372-374, 378-383, 397-403, 437-451.

 

 
© 2007 Claude Bélanger, Marianopolis College