Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2007

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Histoire de la littérature canadienne-française

Critique littéraire

[Ce texte a été publié en 1954. Pour la référence bibliographique précise, voir la fin du document.]

 

La critique littéraire est essentiellement un jugement. Elle part de ce principe que toute oeuvre écrite, à quelque genre qu’elle appartienne, doit être vraie quant au fond, vivante quant à la forme. Elle est vraie dans son fond, si l’objet parfaitement connu, l’auteur ne le dénature en aucune façon. Elle est vivante dans sa forme, si l’expression, en concordance exacte avec l’objet, le peint avec ses circonstances de lieu, de temps, de personnes. Du plus ou moins de vérité et de vie que renferme l’ouvrage analysé, la critique conclut à la valeur, à la médiocrité ou à la nullité de l’oeuvre.

Ainsi le roman Les Anciens Canadiens est vrai dans son fond ; l’auteur connaissait parfaitement bien les moeurs, les coutumes, les traditions qui étaient celles du peuple et des seigneurs canadiens, au moment de la cession du pays à l’angleterre. Il est vivant dans sa forme, car tout lecteur, tant soit peu informé des choses canadiennes, se dit en refermant le livre : C’est ainsi, en effet, que devaient vivre, parler et agir les personnages mis eu scène ! Ce n’est pas autrement que les faits durent se passer à telle époque, en tel endroit et dans telle circonstance ! »

La critique s’adresse moins à l’auteur qu’au lecteur ; elle veut surtout l’éclairer en éveillant son attention, en le renseignant et en formant sou goût. La critique existe depuis toujours ; mais elle n’est devenue un genre bien caractérisé qu’au XlXe siècle. Au Canada français, elle date à peine du début du XXe siècle. Tout d’abord, elle se confondit avec la réclame commerciale ou l’accusé de réception paru dans les journaux et les revues. Éditeurs et libraires n’y ont que des éloges pour les ouvrages qu’ils annoncent eux-mêmes ; ces éloges, qui valent ce que vaut la publicité payée à tant la ligne, ne sauraient donner une idée juste ni de l’auteur ni de l’oeuvre. De même, l’accusé de réception ne peut faire autrement que de louer à peu près sans réserve le volume reçu en hommage.

Ce n’est qu’après 1900 qu’une critique désintéressée, quoique bien indulgente encore, commença à démêler l’ivraie d’avec le bon grain. Certains censeurs voulurent réagir contre cette « critique à l’eau de rose », ainsi qu’ils l’appelaient. Ils entreprirent, en premier lieu, de prouver qu’il n’y a pas de littérature canadienne-française. Ils auraient pu s’en tenir là : ni on n’approuve ni on ne blâme ce qui n’existe pas. lls citèrent pourtant à leur tribunal prosateurs et poètes et ne virent dans leurs oeuvres que fautes, défauts et faiblesses. Quelques-uns se plurent à manier l’arme tranchante de l’ironie. Le ridicule tue parfois, mais il ne crée pas; aussi cette critique destructive, si elle détourna quelques écrivains médiocres d’une carrière pont laquelle ils n’étaient pas faits, découragea-t-elle de jeunes ouvriers de la plume qui, en se livrant à un travail persévérant, auraient réussi à produire des oeuvres de valeur.

Entre ces deux extrêmes : louanges excessives parce que sans contrepoids, et condamnations absolues et sans appel, il y avait place pour une critique raisonnable et impartiale. Elle existe au Canada français et ceux qui s’y livrent s’appliquent à rendre pleine justice aux auteurs. Ils s’efforcent de trouver la part de vérité contenue dans l’ouvrage critiqué, de mettre en lumière tout ce par quoi il vaut : choix du sujet, plan bien conçu et bien suivi, justesse de l’expression, exactitude des descriptions, beautés artistiques, qualités du style. D’autre part, ils ne manquent pas de signaler en toute franchise et loyauté les points faibles de l’oeuvre : défaut d’équilibre entre les diverses parties, absence de couleur locale, invraisemblances, incohérences, emphase, vulgarité, fautes de goût, voire de grammaire.

Il arrive que même ces derniers critiques ne sont pas toujours d’accord ; assez souvent, ils se contredisent. Aucun censeur, en effet, ne peut faire abstraction de sa personnalité et de son tempérament et, pour cette raison, porter un jugement absolument objectif. Il est donc à propos de lire plusieurs appréciations d’un même livre pour établir ensuite une moyenne des qualités et des défauts qui s’y rencontrent et se tenir ainsi dans le juste milieu.

A la critique se rattache tout naturellement l’institution des prix littéraires. Ces prix, qu’ils soient accordés par le gouvernement de Québec, par des Sociétés, des Ligues nationales ou des mécènes généreux, développent chez nos écrivains le goût de la culture générale et les encouragent au travail intellectuel.

MGR CAMILLE ROY a consacré sa vie à l’enseignement secondaire et supérieur. L’ancien élève de la Sorbonne et de l’institut catholique de Paris connaissait parfaitement la littérature canadienne, pour en avoir suivi toutes les manifestations et en avoir minutieusement scruté les archives. Par l’autorité de ses conférences et de ses écrits, il a loyalement éclairé l’opinion publique sur nos écrivains.

Mgr Camille Roy a toujours collaboré aux revues de l’université Laval : Nouvelle-France, Bulletin de la Société du Parler français, Canada français. Longtemps même, il fut directeur de ce dernier périodique.

Ses études de critique et d’histoire, portant sur la littérature cana­dienne-française, comprennent : Nos Origines littéraires (1906) ; Essais sur la littérature canadienne (1907) ; Nouveaux Essais (1914) ; Érables en fleurs (1923) ; A l’ombre des Érables (1924) ; Études et croquis (1928) ; Regards sur les Lettres (1935) ; Romanciers de chez nous (1935) ; Manuel d’histoire de la Littérature canadienne de Langue française (1939) ; Morceaux choisis d’auteurs canadiens (1938).

Il a aussi publié : L’université Laval et les Fêtes du cinquantenaire (1903) ; Les Fêtes du troisième centenaire de Québec (19Il) ; Propos canadiens (1912) ; réédités en 1932 ; La Critique littéraire au XIXe siècle : de Mme de Staël à Émile Faguet (1918) ; Mgr de Laval (1923) ; Les Leçons de notre Histoire (1929) ; Nos Problèmes d’enseignement (1935) ; Pour conserver notre héritage français (1937) ; Pour former des Hommes nouveaux — Discours aux jeunes gens (1941) ; Semences de vie (1943).

« Mgr Camille Roy compte parmi nos meilleurs écrivains d’action française. La littérature canadienne lui doit quelques-unes de ses plus belles pages, et il ne serait pas exagéré de dire qu’il a inauguré chez nous la critique littéraire ... la saine critique, celle qui juge les idées et la forme sans autre passion que l’amour du vrai et du beau. Rempli de bienveillance pour les auteurs et l’oeuvre entreprise, il sait faire ressortir les beautés, tout en indiquant d’une manière discrète les réserves nécessaires et les défauts qui déparent un ouvrage » (Père Alphonse de Grandpré, c.s.v.).

A ceux qui trouvent parfois trop indulgents les jugements de l’illustre critique, opposons cette assertion de l’abbé Groulx : « Sa plume si souple, d’un doigté si merveilleux et qui a l’air d’ondoyer sous le geste de sa main, peut, si elle le veut et s’il le faut, se redresser très ferme et toute (Imite et écrire les choses les plus cinglantes dans la langue la plus drue. »

MGR ÉMILE CHARTIER étudia au Collège canadien de Rome, à l’université d’Athènes, à l’Institut catholique de Paris, à la Sorbonne, au Collège de France. De 1920 à 1944, il fut vice-recteur de l’université de Montréal, doyen de la Faculté des lettres et professeur de littérature canadienne, en même temps que de littérature grecque.

Ses Pages de Combat (1910) contiennent des études sur les littératures française et canadienne. Il a publié en outre un manuel sur L’art de l’expression littéraire (1916) et un résumé de l’histoire de la Littérature canadienne-française (1923) destiné à servir d’appendice à l’histoire de la Littérature française de l’abbé Calvet.

Malgré ses laborieuses fonctions, Mgr Chartier a semé de multiples articles dans la Revue canadienne et la Revue trimestrielle.

Après avoir donné, en 1920, une série de conférences à l’institut catholique de Paris, il retournait, en 1927, présenter à la Sorbonne, dans de nouvelles conférences, un tableau de la vie de l’esprit au Canada français. An public parisien ces conférences exposèrent « ce prodige grand entre tous : l’immortalisa hou, en pleine Amérique matérialiste, de la France spiritualiste d’autrefois ». Ces dernières études sont maintenant réunies en volume : Au Canada français — La vie de l’esprit 1760-1925 (1941).

En 1946, Mgr Chartier a publié, dans la collection Humanitas, Poésie grecque, anthologie de quatre-vingts extraits d’une trentaine d’auteurs du 10e siècle av. J.-C. au 4e siècle ap. J.-C. Le savant helléniste a enrichi cette anthologie de notes et de commentaires qui renseignent le lecteur ou l’étudiant sur l’histoire de la Grèce.

APPRÉCIATION. — Mgr Chartier, qui « manie avec une égale aisance le français et l’anglais, qui parle le grec comme il parle l’italien » (Mgr Olivier Maurault), s’exprime en une langue élégante, toujours claire, simple et précise. Chaque mot a sa valeur propre, chaque phrase est lourde de sens. L’ensemble forme un tout si solide et si complet qu’il semble avoir été conçu d’un seul jet. On lui a reproché de ne pas nous apprendre grand’chose, d’avoir exagéré les mérites ; c’est oublier qu’il parlait de nous devant des étrangers, dont plusieurs soupçonnaient à peine notre existence, qu’il fallait leur révéler.

HENRI D’ARLES (abbé Henri Beaudé, 1870-1930), de descendance acadienne, suivit des cours de littérature et d’histoire à la Sorbonne et au Collège de France. La fécondité de sa plume dénote une vocation d’écrivain.

Parmi ses nombreux ouvrages, quelques-uns traitent de critique d’art, de critique littéraire, d’histoire, de littérature religieuse ; d’autres relatent des impressions de voyage ; il s’en trouve même qui mêlent ces divers genres. Il est donc assez difficile de faire une classification exacte de cette production littéraire.

Henri d’arles a écrit : Propos d’art (1903) ; Arabesques (1923), histoire d’un homme (Alphonse Leclaire) qui, devenu âgé, se livre à la sculpture sur bois ; Essais et Conférences (1910), études sur des écrivains canadiens ; Eaux-Fortes et Tailles-Douces (1913) ; Miscellanées (1927), où il consacre quelques pages à Pamphile Lemay, à Lamennais, à Mistral, à Blanche Lamontagne et à la recension d’une dizaine d’ouvrages canadiens ; Nos Historiens (1921), série de leçons professées à Montréal sous les auspices de la Ligue d’Action française; Estampes (1926), série d’études critiques. Dans la collection Makers of Canadian Literature, il publie une biographie ainsi qu’une appréciation de l’oeuvre de Louis Fréchette (1925).

Henri d’arles se révèle historien dans Acadie — Reconstruction d’un chapitre perdu de l’histoire d’amérique (3 volumes de 1916 à 1921). Cet ouvrage, écrit d’après le manuscrit original d’Édouard Richard, en est une refonte entière avec une introduction générale et des appendices. L’académie française a décerné la Médaille d’or Richelieu à cette oeuvre d’érudition.

Laudes (1925), proses liturgiques à la gloire de la Vierge Marie, ont  été éditées en France, avec grand luxe et honorées d’un Bref de Sa Sainteté Pie XI. Si scires Donum Dei (1930) est la réédition du Mystère de l’eucharistie (1915) écrit pour « faire mieux connaître et mieux aimer le Sacrement de vie ».

A la nomenclature des oeuvres d’Henri d’Arles, il faut ajouter : Pastels (1905), Le Collège sur la Colline (1908), Lacordaire, l’Orateur et le Moine (1912), Les Grands jours (1920), Horizons (1929), relation d’un voyage fait par l’auteur en Californie.

Henri d’Arles avait un vif sentiment du beau, le goût de l’élégance, le souci d’une culture intellectuelle étendue. Critique impressionniste et délicat styliste, animé d’un désir toujours fervent d’atteindre lui-même à la perfection, il demeure l’un de nos écrivains les plus appliqués des premières années du XXe siècle.

MAURICE HÉBERT se classe parmi les critiques les plus autorisés et les plus féconds de notre littérature. C’est dans Le Canada français que l’on trouve d’abord ses analyses de livres canadiens. La collection de ces études forme 3 volumes : De Livres en Livres (1929), Et d’un Livre à l’autre (1932), Les Lettres au Canada français (1936).

Les jugements de Maurice Hébert sont toujours calmes et pondérés. Il aime à insister sur les qualités de l’ouvrage, sans toutefois en dissimuler les parties faibles. Il replace le livre dans son milieu historique, géo­graphique, social ou économique, le dissèque, en fait un résumé, en cite quelques pages, puis en dit tout le bien possible, tout en laissant voir à l’auteur ce qu’il pourrait améliorer. Ces nombreuses études constituent une vue d’ensemble de la production canadienne-française depuis une vingtaine d’années.

M. Maurice Hébert est lui-même un bon écrivain, à la langue souple et châtiée. Il est aussi poète et a commencé de publier, dans les Mémoires de la Société royale du Canada, Le Cycle de Don Juan.

LOUIS DANTIN (1863-1944) cultiva, outre la critique, plusieurs genres littéraires, poésie et prose, et ne fut médiocre dans aucun. Il connaissait bien ce dont il parlait, soit qu’il jugeât les Poètes de l’Amérique française (2 séries : 1928, 1934), soit qu’il appréciât des prosateurs, dans Gloses critiques (2 séries : 1931, 1935).

Louis Dantin a suivi l’évolution de la littérature canadienne-française ; il s’intéressa aux débuts de l’École littéraire de Montréal (1895). Il fut l’éditeur de l’oeuvre de Nelligan publiée en 1903, réimprimée en 1925 et en 1949, et la fit précéder d’une préface qui contribua, dans une large mesure, à faire mieux connaître et apprécier justement ce jeune et malheureux poète.

Louis Dantin énonce, à l’occasion, ses principes en matière de critique. Il adopte la règle du juste milieu : ne pas exalter outre mesure, ne pas démolir complètement. Il met en valeur ce qui est digne d’être loué et signale les déficiences, sans verser dans l’admiration béate pas plus que dans le dédain. Qu’il distribue l’éloge ou le blâme, il le fait avec sérénité et modération. Il lui arrive de laisser percer une pointe d’ironie, de hausser parfois le ton, surtout lorsqu’il combat la théorie des partisans de la critique outrancière et destructive ; mais c’est toujours sans violence et en termes courtois qu’il s’exprime. Son style s’adapte avec aisance et tout naturellement à celui de l’oeuvre étudiée.

Dans Le Coffret de Crusoé (1932), Louis Dantin se révèle poète raffiné, habile dans la technique du vers ; plusieurs de ses pièces sont fortement teintées de mélancolie, voire de désenchantement. La Vie en Rêve (1930) est un recueil de nouvelles et de contes en prose. On y retrouve, tant dans les descriptions que dans la présentation des per­sonnages et les dialogues, la note caractéristique de l’auteur : riche imagination, sensibilité vibrante, goût artistique. Les nouvelles surtout plaisent par leur réalisme.

PÉRE M.-A. LAMARCHE, o.p. (1875-1950) a fait de la critique en sa qualité de directeur de la Revue dominicaine, poste qu’il a occupé durant 25 ans. Il a publié deux volumes : Ébauches critiques (1930) et Nouvelles Ébauches Critiques (1936). Dans l’Avertissement, placé en tête du premier ouvrage, l’auteur cite « les trois jugements que peut avoir le critique, d’après Sainte-Beuve : celui de la prédilection ou de l’antipathie, celui de l’équité et de l’intelligence, celui de position ou d’indulgence... D’instinct, ajoute-t-il, j’adoptai la deuxième méthode basée autant que possible sur l’intelligence des oeuvres et conduite en toute impartialité. »

On a dit du R. P. Lamarche (Revue dominicaine, déc. 1940, page 225) que jusqu’ici il s’était « gardé exclusivement à son apostolat géminé de la parole et de la plume ». De fait, le R. P. Lamarche, penseur original, écrivain spirituel, habile styliste, était aussi orateur distingué et conférencier savoureux. Quelques-uns de ses sermons, discours et conférences, ont été réunis en volume : Notre Vie canadienne (1929). Un second volume, Les Laïcs dans l’Église (1933), contient les sermons de carême prêchés à Saint-Dominique de Québec : le livre se présentait au moment opportun, à l’heure même où le Souverain Pontife invitait tous les fidèles à s’enrôler dans l’Action catholique.

SÉRAPHIN MARION a commencé son oeuvre de critique par une étude sur ce que Mgr Émile Chartier appelle « la littérature pré-canadienne ». Cette étude intitulée Relations des Voyageurs français au XVIIe siècle (1923), est la thèse qu’il soumit à la Sorbonne de Paris et qui valut à son auteur le titre de docteur d’Université. Après avoir scruté ainsi le passé et « planté quelques jalons qui mènent à la vérité », M. Marion voulut feuilleter les écrivains contemporains et publia deux volumes dans la série Les Jugements : En feuilletant nos Écrivains (1931) et Sur les pas de nos Littérateurs (1933).

Dans le premier de ces ouvrages, il exprime cette opinion : « Notre meilleur atout à nous, écrivains canadiens, c’est l’exaltation et la diffusion de ce que nous ont légué nos pères. » Les Lettres canadiennes d’autrefois — Tome  I (1939) et Tome lI (1940) reconstituent l’histoire des deux plus anciens journaux publiés au Canada français : la Gazette de Québec et la Gazette littéraire de Montréal. L’on y apprend que « du point de vue littéraire, cet événement — car c’en fut un — revêt une importance qui mérite d’être soulignée. Cette première édition du premier journal canadien constitue le « Serment de Strasbourg » du Canada français. » (Tome I, page 28).

Comme plusieurs autres censeurs de nos lettres, M. Marion professe que la critique canadienne doit éviter « deux maux également graves : l’éloge dithyrambique et l’éreintement. Ce qui revient à dire », ajoute-t-il, «que nous avons manqué trop souvent de discernement. » M. Marion ne mérite pas ce reproche : il sait distinguer entre l’excellent, le bon et le moins bon. Il juge prose ou vers avec raison et équité. Mais il ne se contente pas d’énumérer les défauts et d’attirer l’attention sur les qualités, il indique au besoin les règles à suivre dans tel genre littéraire et cite des auteurs pour appuyer ses dires.

ABBÉ GEORGES ROBITAILLE (1882-1950), ancien professeur d’histoire au Collège de Joliette, a publié quatre volumes de critique historique : Études sur Garneau (1929), Washington et Jumonville (1933), Montcalm et ses historiens (1936), Telle qu’elle fut ou Marie de l’Incarnation (1939).

Dans le premier, écrit à propos de la 5e édition de l’Histoire du Canada, publiée par M. Hector Garneau, l’abbé Robitaille a étudié en critique impartial et bien documenté l’oeuvre de Garneau. Les deux derniers chapitres de l’ouvrage ont eu pour occasion le François-Xavier Garneau de M. Gustave Lanctôt.

Le second, brochure de quelque soixante-dix pages, essaye de répondre à la question : « Washington peut-il être absous de l’assassinat de Jumonville ? »

Dans le troisième, études critiques sur l’histoire de Montcalm et sur ses compagnons de lutte, sur ses historiens aussi, l’auteur fait « des efforts pour atteindre le maximum de vérité sur cette époque tragique de notre histoire, afin que la jeunesse en soit éclairée, que nos manuels en soient quelque peu améliorés et enrichis ». (Avertissement, page 8)

L’esprit du dernier est indiqué dans cette déclaration de l’auteur : «Nous voudrions aider à découvrir un mystérieux et sublime visage de femme en quelques-uns de ses traits essentiels. Celui qui s’emploie à pareil travail n’est pas lent à apercevoir que Marie Guyart vaut que lui soit donnée la ferveur d’un intime effort ». (Avertissement, page 11)

CLAUDE-HENRI GRIGNON fait de la critique impressionniste. Le dogmatisme en littérature n’est pas son fait et les chapelles littéraires n’influent en rien sur les jugements qu’il porte. Un livre lui plait, il le loue avec enthousiasme ; un autre lui déplaît, il le voue aux gémonies et laisse entendre à l’auteur que le métier d’écrivain n’est pas fait pour lui. Son tempérament le pousse à faire de la polémique plutôt qu’à convertir.

M. Grignon a publié Ombres et Clameurs (1933), études sur neuf prosateurs et poètes. Il fait encore de la critique dans Les Pamphlets de Valdombre, revue mensuelle dont il est à la fois l’éditeur et le rédacteur.

Le style de M. Grignon est toujours vigoureux. Assez souvent, sa langue devient rugueuse et violente ; ses mots et ses expressions choquent les esprits les moins prévenus, parce qu’ils défient les règles tradition­nelles du bon goût. La critique de M. Grignon produit sans doute de bons résultats; n’en produirait-elle pas davantage, et de meilleurs, s’il y entrait plus de mesure et de ménagements ? Ces dispositions n’enlèvent ni le droit ni le plaisir de dire la vérité, pas plus qu’elles n’excluent l’indépendance et la sincérité.

M. LE CHANOINE ARTHUR SIDELEAU, après avoir occupé la chaire de français et de grec au séminaire de Sherbrooke, fut nommé professeur de littérature française à l’Université de Montréal ; il devint, en 1944, doyen de la Faculté des Lettres. Il a fondé la collection Humanitas, dont l’objet est de fournir aux étudiants et aux honnêtes gens des ouvrages de haute culture. M. le chanoine Sideleau a publié, dans cette collection, Chansons de Geste. Il en a écrit la préface ainsi qu’une

traduction en français moderne, mise en regard du texte ancien. Il a fait paraître une édition critique du Curé de village, du Médecin de campagne de Balzac et de la Préface de Cromwell de Victor Hugo. Il a aussi publié une courte étude : La religion de Balzac dans La Chose littéraire, supplément du Devoir (25 nov. 1950). Il est également l’auteur de plusieurs articles de critique, d’histoire littéraire et de pédagogie. M. le chanoine Sideleau est lauréat de l’académie française (1948).

La liste des ouvrages de critique est loin d’être épuisée. Signalons encore : Littérature canadienne — Aperçus (1929), Louis Fréchette (1946) de Marcel Dugas ; Essais critiques (1929) de Harry Bernard; Écrivains d’autrefois (1930) d’Arthur Beauchesne; Carquois (1931) et Égrappages (1933) d’Albert Pelletier ; L’École littéraire de Montréal (1935) de Jean Charbonneau ; La Poésie canadienne-française (1933), Littérature canadienne-française — La Prose (1935), Le Roman canadien-français (1937), Nos Orateurs (1939) de l’abbé Albert Dandurand ; Le Canada français et son expression littéraire (1938) de Jules Léger ; les Cahiers de Turc, de Victor Barbeau ; Paragraphes — Interviews litté­raires (1931) d’Alfred Desrochers ; Sous le signe des Muses — Essais de critique catholique (1935), du Père Carmel Brouillard, o.f.m.

On trouve disséminées dans les journaux quotidiens et hebdomadaires ainsi que dans diverses revues de nombreuses études critiques. Ces études, ordinairement signées par l’un ou l’autre de nos écrivains, ont une réelle valeur. Les unes renseignent le lecteur sur les nouvelles publications canadiennes ou étrangères; d’autres contiennent des vues générales sur différents genres littéraires en vers ou en prose ou encore des principes ou des règles propres à servir de normes à la critique. Dans ce domaine, l’abbé Émile Bégin, l’expert de la Revue de l’enseignement secondaire au Canada, est en train de se poser en maître.

 

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Source: SOEURS DE STE-ANNE, « La critique littéraire », dans Histoire des littératures française et canadienne, Lachine, Mont-Sainte-Anne, 1954, 602p., pp. 502-512.

 
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