Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Août 2007

Études de l’histoire du Québec / Quebec History Studies

 

 

Yves BÉGIN, Raison et sentiment: nationalisme et antinationalisme dans le Québec des années 1935-1939, Mémoire de maîtrise, département d’histoire, Université de Montréal, 2001.

 

CHAPITRE I

CONCEPTIONS DE LA NATION

Dans ce chapitre, nous présenterons brièvement la définition de la nation chez Groulx, Lachance et Harvey. Nous verrons d’abord leur conception de la nation canadienne-française. D’emblée, nous affirmons que les trois intellectuels, à quelques différences près, partagent une conception similaire de la nation canadienne-française. Ensuite, nous observerons leur pensée au sujet de l’individu et de la personne humaine. Enfin, nous décrirons brièvement leurs visions respectives du Canada.

1. LA NATION CHEZ GROULX

On a souvent présenté la pensée nationaliste de Lionel Groulx comme étant essentiellement ethnique. Ce mot, souvent utilisé à mauvais escient, correspond bien à la pensée de Lionel Groulx, mais très mal à l’idée que beaucoup de gens qui utilisent le terme s’en font. Voici comment le dictionnaire définit le terme ethnie : «Ensemble d’individus que rapprochent un certain nombre de caractères de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture (alors que la race dépend de facteurs anatomiques)(1)». Si on accepte cette définition, nous ne voyons pas de problème à qualifier d’ethnique l’idée que se fait Groulx de la nation. Mais qu’en est-il dans les faits? Groulx remarque-t-il chez les siens quelques caractéristiques physiologiques lui permettant de croire qu’il a sous les yeux une authentique «race pure» à préserver intacte coûte que coûte? La couleur de la peau, des yeux, des cheveux, fait-elle partie de ses préoccupations? Évidemment que non. Pour Groulx, la nation canadienne-française se définit d’abord et avant tout par son caractère français et catholique et par la volonté qu’elle a démontré de préserver cet héritage.

Au cours des années trente,  Groulx sent souvent  le besoin de convaincre ses auditoires que les Canadiens français forment bel et bien une nation. Dans plusieurs de ses conférences ou articles,  il aime en effet partir de ce fait pour mieux convaincre de l’intérêt de la conserver dans ses traits essentiels. Les définitions de la nation qu’il élabore à ces occasions nous éclairent grandement sur la conception qu’il en a et conséquemment, sur l’idée qu’il veut faire partager. On nous permettra de le citer un peu longuement :

Et je cherche s’il nous est d’abord loisible d’établir ce premier fait: sommes-nous une nationalité en Amérique? La nationalité n’est pas la race, simple résultat physiologique, fondé sur le mythe du sang. Entité plutôt psychologique ou spirituelle, deux éléments la constituent: en premier lieu, des similitudes culturelles, un patrimoine commun d’histoire, d’épreuves et de gloire, de traditions et d’aspirations; puis, à cause de ces traits de ressemblance, un vouloir-vivre collectif, la détermination d’un groupe humain de se perpétuer dans sa figure morale, dans son âme héréditaire, en contact intime avec les sources de sa vie spirituelle. Retenez qu’à ce second élément, plus encore qu’au premier, se définit la nationalité. Pour parler comme les juristes ou les philosophes, c’en serait même l’élément formel. Or ces notes essentielles de l’unité nationale, les possédons-nous? Voici cinq millions d’âmes rattachées à la même histoire, à la même foi, à la même culture [...]. Ces cinq millions comptent en outre parmi les plus vieux Américains. Contrairement à tant d’autres, ce n’est pas d’hier que nous sommes ici. Sous forme d’alluvions physiques ou morales, nous portons dans nos veines le sang des grands Européens qui ont apporté ici la civilisation du monde chrétien [...]. Au cours de notre vie, deux ferments spirituels nous ont fait une physionomie morale à part: la foi catholique et la culture française [...]. L’un et l’autre peuvent être dépourvus de quelques hautes formes [...] ils n’en accusent pas moins [...] une indéniable et robuste originalité [...]. Pour préserver notre foi et notre culture et pour garder le privilège de bâtir notre vie selon l’inspiration de leur dynamisme nous nous sommes, les uns les autres, longtemps battus. [...]. Et voilà qui nous avertit, en même temps, de l’existence du suprême élément de la nationalité: le vouloir-vivre collectif, la volonté de persister dans notre être historique et culturel (2). 

   

À notre avis, cette citation résume parfaitement l’idée de la nation canadienne-française dans l’esprit de Groulx. Qu’en retenons-nous? Premièrement, il apparaît clairement que pour Groulx «la nationalité n’est pas la race», et deuxièmement, que deux éléments la constituent : «des similitudes culturelles» et un «vouloir-vivre collectif (3)». Ce n’est pas le seul texte où Groulx prend la peine de souligner que sa conception de la nation n’est pas biologique : il faut être bien mal disposé à son endroit pour prétendre le contraire. On pourrait d’ailleurs multiplier les citations où Groulx affirme clairement sa conception ethnique de la nation. En septembre 1936, lors du Congrès des Jeunesses patriotes du Canada français (4), il déclare :

Posons ensemble un premier jalon: les Canadiens français forment une nationalité: vérité de fait et vérité de droit qu’à mon sens il faut tenir pour incontestable, même s’il arrive qu’en certains milieux, l’on en éprouve une crise de haut mal. J’affirme ensuite, et c’est là mon second jalon, que l’idée nationale évoque chez nous, par-dessus toute autre chose, l’idée de culture. Notre nationalisme repose, en somme, sur une conviction initiale: le prix de la culture française. La conscience d’être français, la fierté de l’être, la volonté de le rester, voilà, en somme, les fondements de notre idéologie et du sentiment qui y correspond (5).

Plus loin, dans la même conférence, il précise son idée :

Deux éléments, comme l’on sait, constituent la nation: un premier qu’on pourrait appeler, dans le langage des philosophes, l’élément matériel: similitudes ethniques et culturelles, possession en commun d’un héritage de souvenirs, de gloire, de traditions; un second élément, le principal, l’essentiel, celui-ci, volonté de vivre en commun, volonté fondée elle-même sur les similitudes physiques et spirituelles, en vue de faire s’épanouir l’héritage culturel (6).

Quelques mois plus tard, en décembre, il déclare lors du Congrès des instituteurs catholiques de Montréal que «contrairement [...] à ce que prétend certain fabricant d’épouvantails nationalistes pour exercices aristocratiques de tir, nous ne plaçons pas l’essence ni la grandeur de la nationalité dans le fétichisme du sang ou de la race; chrétiens catholiques, nous les plaçons dans la finesse et la justesse de la raison, dans la grandeur morale de la volonté, dans la hauteur spirituelle de l’âme et de la culture (7).»

Pourquoi alors a-t-on dit de Groulx qu’il propageait au cours des années trente une conception «raciste» de la nation? Nous croyons qu’une partie de la réponse se trouve dans le fait que l’abbé ne s’est pas suffisamment distancié d’idées communes pour l’époque mais qui deviendront davantage inacceptable dans la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, selon nous, Groulx croyait sincèrement à un «certain déterminisme». Écoutons-le là-dessus :

Observez, en même temps, que cette action du milieu culturel agit pour une bonne part, sans nous. Par cela seul que nous sommes de telle nation, nous naissons avec des prédispositions psychologiques, un certain déterminisme pèse sur nous. Par notre naissance, par le sang que nous portons dans nos veines, par les hérédités dont notre être est chargé, nous sommes prédestinés à certaines façons de penser et de sentir. L'ambiance sociale continuera d'accroître ces dispositions [...] (8).

Selon nous, il serait malvenu de pousser sous le tapis toutes les références de Groulx à l’idée qu’il existe chez les peuples un certain déterminisme psychologique lié à la «race» et refuser d’inclure cet aspect dans un exposé de sa pensée. Mais est-ce là une idée si étrange pour l’époque? Nous ne le pensons pas. Par exemple, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre, Lachance pense de même, ainsi que Jean-Charles Harvey, qu’on ne peut certainement pas taxer de racisme. Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que cela ne prend qu’une place secondaire dans la pensée de Groulx. Dans une structure idéologique, tous les éléments n’ont pas la même importance, et tous n’ont pas une influence égale sur l’ensemble de l’idéologie. À coup sûr, cette idée de déterminisme et de race constitue un élément subordonné dans la pensée de Groulx (9).

Il est une autre question qui paraît de prime abord revêtir une importance relative chez Groulx, mais qui nous permettra de mieux situer sa pensée par rapport à celle de Harvey : la place de l’individu dans sa conception de la nation. Que Groulx ne soit pas un libéral sur le plan idéologique, cela relève de l’évidence. Que sa conception de la nation canadienne-française ne soit pas de type civique (c’est-à-dire, sur un plan théorique, issue de la volonté libre d’individus de s’associer pour former une nation politique), cela apparaît clairement. Que dans la hiérarchie des valeurs de Groulx, les valeurs nationales semblent souvent passer avant les valeurs individuelles, cela est entendu. Mais dire que Groulx ne se soucie guère du sort de l’individu, et que celui-ci doive s’effacer tout à fait devant le monstre-nation, une sorte de dieu païen commandant le sacrifice de l’individu à son autel, cela serait formuler une grossière exagération.

Bien sûr, l’individualisme répugne à Groulx. Pour lui, une telle attitude représente un danger pour l’avenir de la nation. Dans son esprit, individualisme et dissolution du sentiment national vont de pair et il met ses compatriotes en garde contre les effets néfastes d’une telle attitude. Par exemple, dans une causerie faite en octobre 1934 à Montréal, il déclare: «[A]nalysons ensemble quelques-uns de nos maux. Au fond de tous vous verrez apparaître un sens national oblitéré, en pleine dissolution, et, par suite, une vie nationale anarchique, caractérisée par l’oubli habituel de l’intérêt général, par la prédominance de l’intérêt particulier sur les intérêts de la collectivité (10) ». Il prend pour exemple l’insouciance des gens qui achètent chez les «étrangers» plutôt que chez les commerçants canadiens-français, les divisions politiques partisanes qui empêchent le Québec de parler d’une seule voix à Ottawa, «l’anglomanie» des Canadiens français, davantage intéressés selon Groulx à apprendre l’anglais qu’à assurer la survie du français, etc. Pour Groulx, la question est claire : le bien de la nation doit passer avant les considérations purement individualistes. D’un autre côté, et c’est une chose qu’on a tendance à oublier, il faut bien voir que lorsque Groulx pense à la conservation de la nation, c’est aussi, et beaucoup, en fonction du bien des individus ou plutôt, devrions-nous dire, de la personne humaine. Bien qu’il désigne au concret la même unité physique, le terme individu réfère davantage à ce qui distingue entre eux les hommes, et le terme personne à ce qui les rapproche. Dans cette perspective, rechercher le bien de l’individu pour lui-même conduit à l’individualisme égoïste, alors que rechercher le bien de la personne humaine se fait davantage par la recherche plus générale du bien humain, qui retombera nécessairement sur la personne. Pour Groulx, la nation représente un milieu fournissant à la personne humaine les éléments nécessaires à son développement et à son épanouissement. La citation suivante, tirée de la conférence «Notre avenir en Amérique» (1935) citée plus haut, en fournit un excellent exemple:

Notre héritage, nous avons le droit de le garder. Un droit sacré qui se fonde sur quelque chose d’inviolable: la personne humaine. La personne humaine, avec ses fins temporelles et éternelles, grandiose réalité à quoi se subordonne ici-bas et la société et l’État. [...] Prétendre à son plein développement, utiliser, à cette fin, toutes ses ressources spirituelles, voilà donc, pour la personne humaine, un droit bien net, bien défini. Et s’il arrive par conséquent que le milieu national nous transmette un avoir culturel de grand prix, une avance héréditaire souvent irremplaçable, nulle puissance au monde n’a le droit de venir nous prendre ces biens ni de nous commander d’y renoncer (11).

L’année suivante, en février 1936, devant la Chambre cadette de Commerce de Montréal puis devant le Jeune-Barreau de Québec, il revient sur la même idée :

Être français, rester français, c’est même plus que notre droit, c’est notre devoir et notre mission. Mais ce droit, ce devoir, cette mission, se fondent en définitive sur quoi? D’un mot : sur le prix que nous attachons au bien national et sur la valeur qu’effectivement ce bien représente. Autrement dit, par cela que nous sommes de descendance et d’hérédité françaises, d’esprit latin et catholique, nous estimons posséder un potentiel de culture qui, pour le développement de la personnalité humaine de chacun de nous et pour l’ensemble même de la collectivité, représente un climat moral, un milieu éducateur, un capital spirituel à la vérité irremplaçables (12).

Groulx n’a pas inventé cet argument, qui visait à convaincre non seulement de l’importance du milieu national dans le développement de la personne humaine, mais aussi de sa nécessité. Il cite ainsi un de ses auteurs favoris, le philosophe catholique J.-T. Delos : «Pour être pleinement homme, il faut d’abord être le membre d’un certain groupe ethnique et national, en avoir subi l’influence, par mode de culture (13).» Mais nous aurons l’occasion de revenir sur cette question dans le prochain chapitre, lorsque nous analyserons dans le détail les fondements du nationalisme de Groulx et de Lachance.

Un exposé de la pensée de Groulx au sujet de la nation ne serait pas complet sans quelques mots sur sa vision du Canada. Dans son avant-propos (intitulé «Pour ceux-là seulement qui savent lire») du recueil de texte Directives (1937), Groulx, exaspéré de se faire étiqueter comme séparatiste, prend la peine d’expliquer clairement sa pensée au sujet du Canada. Le passage suivant résume bien à notre avis cette pensée dans la deuxième moitié des années trente :

Mon attitude à l’égard des institutions de 1867 n’offre pourtant point d’ambiguïté. Je suis pour la Confédération. Mais j’attends que l’on me montre le précepte divin ou humain qui nous impose de nous y laisser étrangler. Ottawa n’existe point pour soi-même ni pour soi seul. Nous resterons dans la Confédération; mais la Confédération devra se concilier avec notre volonté de survie et d’épanouissement français. Et la formule exige bien autre chose que le respect du bilinguisme fédéral et notre juste part dans le fonctionnarisme canadien. Province française, nationalité française, nous ne pouvons le rester, sans une certaine autonomie législative et administrative, en particulier dans l’ordre économique et social. En ce domaine, Ottawa devra donc cesser de nous forger des entraves. Un pays vaste, divers comme le Canada, ne saurait au surplus s’orienter vers une centralisation ou une rigidité accrue des pouvoirs fédéraux (14).

Pour Groulx, la Confédération constitue un pacte entre deux nations, pacte dont les clauses n’auraient pas été respectées par la partie canadienne-anglaise. Sa vision du Canada est aussi celle d’un pays dont la ligne historique tend et doit tendre le plus possible vers l’indépendance. Il se réjouit particulièrement de l’entrée en vigueur du Statut de Westminster de 1931 et il comprend mal que beaucoup de Canadiens se considèrent toujours comme des citoyens britanniques vivant au Canada. Le Canada, il l’aime d’un amour sincère, mais subordonné à celui que lui inspire la nation canadienne-française et conditionnel au respect des minorités françaises et de l’autonomie des provinces. En dehors de cela, il semble prêt, dans la deuxième moitié des années trente, à accepter l’éventualité de l’indépendance de la Province de Québec.

2. LA NATION CHEZ LACHANCE

La vision qu’a Lachance de la nation ne diffère pas grandement de celle de Groulx. De fait, de vingt et un an son cadet, le jeune père Lachance semble à cette époque considérer l’abbé Groulx comme un «maître» sur la question nationale (15), et les quelques textes (conférences patriotiques, sermons, etc.) qu’il a laissés en rappellent le style, autant sur le plan argumentaire que par les envolées lyriques qui les ponctuent à l’occasion.

Évidemment, pour Lachance, la différenciation des peuples (i.e. l’existence des nations) est un fait d’origine divine : «Les peuples se différencient entre eux comme les parties de l’univers qu’ils habitent. C’est une nécessité, c’est une donnée de fait. Elle est prévue et voulue par le Maître de la vie; elle a donc ses raisons d’être, puisqu’Il a ses vues et ses desseins (16). Par ailleurs, selon lui, l’Église confirme ce fait et en reconnaît l’importance : «L’Église est trop consciente des harmonies profondes qu’il y a entre la nature et la grâce, de la valeur perfective des milieux naturels et de la nécessité des causes secondes dans l’oeuvre de formation de l’homme et du chrétien, pour mépriser l’apport de cette famille spirituelle, susAitée par la divine Providence, qu’est la famille nationale (17)». La nation canadienne-française, dans l’esprit du jeune prêtre, ne fait pas exception : «[La nation] est encore, et avant tout, pour nous, canadiens français [sic], un espace spirituel que Dieu s’est taillé, un lieu de prédilection où il a établi sa demeure, une terre qu’il veut fertiliser de son sang et de sa grâce, l’élite sur laquelle il se repose pour la diffusion de son Verbe et de son Esprit : vos estis genus electum, gens sancta, populus acquisitionis (18).»

On ne s’étonnera donc pas de constater que selon la définition que nous avons donnée du terme, Lachance n’a pas une conception civique de la nation. Il critique d’ailleurs vertement cette idée, qu’il juge par trop matérialiste:

Nous écartons aussi la conception de certains esprits pragmatiques, commercialisés, estimant tout sous l’angle de l’intérêt matériel. Il faut avoir une bien piètre idée de la profondeur de l’humain et des poussées sourdes de la race pour penser que l’unité d’intérêt suffit à engendrer l’unité nationale. À les entendre on croirait qu’une nation est une vaste compagnie d’assurance, une entreprise commerciale, une société de secours mutuels, une firme quelconque (19).

Doit-on comprendre de cette dernière citation que la nation correspond à la race pour Lachance? Pas exactement. En fait, il est clair qu’à l’instar de Groulx, Lachance perçoit un certain déterminisme psychologique chez les individus en fonction de leur appartenance «biologique» au groupe :

Nous sommes tout d’abord issus de parents qui étaient le déroulement d’une race. Et l’on sait que dans le facteur race, il n’y a pas que le sang qui influe : en la race est inscrite l’action des éléments territoriaux, orographiques et climatériques. C’est devenu un cliché poétique que de se proclamer fils du sol, de la montagne, de la mer, des steppes... Les éléments naturels incrustent donc en notre être tout entier des caractères indélébiles dont la somme représente notre individualité. Et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, il s’ensuit que les individus de la même race et du même pays jouissent d’une hérédité commune, possèdent des caractères communs qui deviennent comme le support physiologique du sentiment national (20).

Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question dans le chapitre consacré à Lachance. Comme c’est le cas pour Groulx toutefois, il ne faut pas conclure trop rapidement au racisme tel qu’on le conçoit aujourd’hui. D’abord, s’il est vrai que la société canadienne-française des années trente a ses esprits visionnaires et progressistes qui dénoncent les dangers du racisme (Jean-Charles Harvey étant un de ceux-là), il apparaît clairement que la plupart des intellectuels ne sont pas encore tellement sensibles à la question. Ensuite, il importe de remarquer que le fait d’utiliser le terme «race» ne signifie pas que l’on adhère au racisme (21). Le fait d’avoir une conception de la nation qui comprend un élément de déterminisme ne signifie pas que ce fait soit considéré d’une extrême importance. Lachance lui-même invite d’ailleurs ses lecteurs à saisir la nuance:

Nous rejetons enfin l’opinion [...] de ceux qui accordent au facteur racique une influence décisive sur la formation du national. La race a sans doute une causalité profonde sur le tempérament humain, mais elle n’est pas d’ordre proprement humain. Elle est un phénomène animal, tandis que la nationalité est un phénomène spécifiquement et exclusivement humain. Les animaux sont d’une race; l’homme seul est ressortissant d’une nation (22).

Si donc la race semble être pour Lachance une réalité, il s’élève contre ceux qui lui accordent une trop grande importance, et surtout contre le racisme, qui consiste à donner à ce fait une importance capitale : «Le racisme descend infiniment plus bas. En présence du dualisme inhérent à l’être humain, il opte pour la matière. [...] Étendant le déterminisme qui régit l’ordre physiologique au plan de l’activité intellectuelle, morale et artistique, il aboutit à l’hégémonie de la chair et du sang. Il rend le complexe physiologique, la race, quoi!, justiciable des tares et des qualités de l’esprit (23).

Nous verrons dans les prochains chapitres cette idée selon laquelle la religion constitue un garde-fou efficace pour le nationalisme. En effet, pour un chrétien de la trempe de Lachance, et d’un Groulx dirions-nous, la doctrine catholique agit comme une frontière, une barrière impossible à franchir sans risquer de tomber dans l’hérésie.

Nous avions observé chez Groulx l’importance qu’il accordait à la personne humaine. Qu’en est-il chez Lachance? De façon générale, il partage les idées de Groulx sur l’importance de la personne humaine, et surtout sur l’importance du milieu national pour assurer son plein développement : «Pour engendrer des personnalités riches, saines, éclairées, valeureuses, il faut un milieu approprié, il faut le support constant d’une nation qui a des réserves de force et de virilité, d’une nation qui a de la santé physique et morale, d’une nation qui a des coutumes et des traditions, d’une nation qui dispose d’institutions de culture humaine et divine (24).»

La distinction que nous avons observée chez Groulx entre individu et personne humaine est aussi valable pour Lachance. S’il y avait à établir une hiérarchie stricte des valeurs entre la personne humaine et la nation, c’est nécessairement la personne humaine qui prime. Mais si on parle de l’individu par rapport à la nation,  la nation (et l’État, faudrait-il ajouter) devrait se situer au-dessus, parce que la nation et l’État n’ont pas pour fin de satisfaire aux intérêts égoïstes des individus, mais de réaliser le bien commun pour le bénéfice de la personne humaine : «Les individus, dit-il, participent à la vie humaine, mais n’ordonnent pas la vie humaine à eux. Leur bien vivre à eux est effet du bien vivre commun, mais pas fin. [...] Ils sont les bénéficiaires, mais ils n’en sont pas [la] fin (25).» Voir l’individu comme une fin, dit-il aussi, «c’est du subjectivisme et de l’individualisme (26).» Et l’individualisme n’est pas acceptable pour Lachance : «Pétris d’un individualisme bourgeois, gâteux, stérile, nous n’osons sans doute pas encore nous rebeller ouvertement contre Dieu, mais nous en avons déjà pris large avec nos obligations envers les deux institutions qui le symbolisent le mieux dans l’ordre humain, à savoir la famille et la patrie (27).»

Quelle est son opinion au sujet du Canada? Sans aucun doute, Lachance est en faveur de l’unité canadienne. Comme chez Groulx toutefois, on comprend bien que le Canada n’a pas la même valeur sentimentale que le Canada français, et que son attachement à la Confédération est aussi conditionnel. Selon lui, les Canadiens français se trouvent depuis 1760 à évoluer dans deux cadres parallèles, «comme citoyens canadiens-français dans l’état (sic) canadien, comme citoyens canadiens dans l’Empire (28)». Double évolution donc, mais dans la même direction : celle d’une liberté politique toujours plus accentuée. Dans le cadre strictement canadien, Lachance est en faveur d’une plus large autonomie pour les Canadiens français et ce, «aussi loin que l’exige leur libre et complet épanouissement». Sans évoquer l’indépendance, Lachance ne l’exclut pas explicitement. On peut raisonnablement penser que lui aussi était prêt à en accepter l’éventualité. Pourtant, s’il est clair que la situation actuelle ne le satisfait pas, il affirme que «l’idée n’est nullement antinomique d’un peuple canadien-français uni et fort, vivant pleinement sa vie nationale, exprimant largement sa pensée et sa culture dans les cadres même d’une nation canadienne elle aussi unie et forte (29)». Son principe général, à cet effet, est que «tant qu’il n’est pas arrivé qu’un ordre politique est devenu injuste, et surtout, tant qu’il n’est pas manifeste qu’il puisse être remplacé par un autre plus propre à pourvoir une nation du bien humain, un ordre politique vaut et est objet de justice sociale (30)».

3. LA NATION CHEZ HARVEY

Pour Jean-Charles Harvey, l’existence de la nation canadienne-française est un fait. S’il ne s’est pas réellement préoccupé d’en définir avec précision sa vision, plusieurs passage nous donnent à penser qu’elle ne diffère pas tellement de celle qu’en ont Groulx et Lachance.

Ce qui distingue réellement Harvey des deux prêtres, c’est son opinion sur l’origine des nations. Pour lui, les «nationalités ne sont pas d’institution divine» et ne possèdent pas de «droits à l’éternité». À son avis, en faisant des nations des créations divines et en associant une mission providentielle particulière à certaines nations, les nationalistes ne font qu’exploiter «ce préjugé universel, qui semble s’être greffé sur la nature, qui veut qu’une nation, un peuple penché sur son histoire, ait l’impression d’être le nombril du monde, le point de mire de la Providence, le bras de Dieu(31)». Harvey considère plutôt que les nations sont «des faits purement humains et géographiques» qui ont été «nécessités par les conditions des nombreux siècles passés», c’est-à-dire à cause de l’isolement provoqué par les «accidents de terrains et la difficulté des communications». Selon lui, cela «produisait fatalement chez ces groupes, des coutumes, des manières de vivre, des traditions, des lois, des règlements, un langage et une foi particuliers (32)».

Un des fondements de la pensée de Harvey au sujet de la nation dans la période qui nous occupe, c’est  la primauté accordée à la personne humaine plutôt qu’à la nation. Mais attention, primauté n’est pas exclusivité. En effet, il ne faudrait pas croire que la nation n’a aucune importance pour Harvey : elle n’est que secondaire dans son esprit :

Cet attachement au sol natal ne m’empêche pas de subordonner le national à l’humain. Le national est secondaire, l’humain est essentiel; le national est accidentel, l’humain est absolu; le national est sujet aux circonstances de lieu, de temps et d’ambiance, l’humain ne l’est point. Le national ne doit pas entraver ni écraser l’humain. [...] Je l’admets, on trouve, dans ces divers éléments de la vie (33), des richesses qu’il est bon de conserver parce qu’elles se rattachent à des souvenirs chers. Par contre ces différences entre peuples sont superficielles. Grattez [...] et vous découvrez l’humain. [...] On n’a pas le droit de tuer l’humain pour le national (34).

Ailleurs, il discute à ce sujet d’une manière qui ressemble beaucoup à celle que nous venons de voir chez Lachance :

Tout système, dit-il, qui soumet tous les individus au Dieu-État au point d’entraver le développement de la personnalité humaine, cette chose sacrée à laquelle l’Église elle-même a toujours tenu comme à la prunelle de ses yeux, manque au premier devoir de l’autorité civile, qui consiste à procurer à l’individu, à la personne humaine, le plus de bonheur possible [...]. L’homme n’est pas fait pour l’État, c’est l’État qui est fait pour l’homme (35).

Chez Groulx ou Lachance, l’utilisation des concept de race, d’hérédité, d’influence du milieu (qu’il soit culturel ou géographique, ou même climatique), nous l’avons vu, ne fait pas nécessairement de leur pensée une pensée raciste au sens contemporain du terme. On pourrait dire la même chose de Jean-Charles Harvey. Dans les années trente, il ne semble pas y avoir de difficulté entre le fait de croire en la puissance de l’hérédité ou l’existence des races et un esprit d’ouverture à l’universalité. Ces idées ne peuvent donc pas être attribuées aux seuls nationalistes car elles sont bel et bien présentes d’un bout à l’autre du spectre idéologique. La citation suivante le montre bien :

Que la naissance, l’hérédité, la langue, le climat, l’éducation et le milieu m’aient donné un caractère spécifique dans la grande famille humaine, ce caractère j’y tiens et je veux bien le conserver malgré ses multiples imperfections; mais par ce qu’il y a en moi de plus élevé, de plus noble, de plus incorruptible, par la pensée qui pense et par la raison qui raisonne et aussi par les voix les plus profondes de ma conscience, je suis humain et respecte l’humain avant toute autre chose; et j’entends par humain tout ce qui fait le fond même de l’esprit et du coeur, ce qui existe au même degré sous toutes les latitudes et qui fait que, à quelque nation, à quelque race qu’on appartienne, on puisse toujours se comprendre et s’aimer (36).

S’il se décrit lui-même souvent comme un «Canadien catholique et Canadien parlant et écrivant français (37)», il se dit aussi membre à part entière de la nation canadienne-française. Critiqué par plusieurs intellectuels nationalistes pour les propos qu’il aurait tenus sur les Canadiens français lors d’une tournée de conférences en Ontario au début de 1939, Harvey se défend de détester les siens:

Mon coeur est entièrement acquis au peuple au milieu duquel je suis né et ai toujours vécu, ce peuple qui, depuis six générations, réduit sans cesse la part de sang écossais que m’apportait mon ancêtre paternel. La langue que j’aime entre toutes est la langue française, la mienne, celle que j’ai parlée, écrite, avec toute ma piété filiale et qui m’a procuré les plus grandes joies de mon existence. Voilà ce que je suis, voilà ce que je serai toujours, de par le sang, de par le voeu de la femme à qui je dois tout, ma mère! [...] Quoique vous fassiez, quoique vous disiez, je reste l’un des vôtres [...] (38).

Dans les années trente, Harvey est d’abord et avant tout un intellectuel qui veut élargir l’esprit de ses contemporains. Dans la virulence de la polémique, il s’est fait accuser plus souvent qu’à son tour d’être traître à sa patrie pour avoir prôné un esprit de conciliation (de «bonne-entente» selon les termes de l’époque) avec le Canada anglais. Pourtant, il est clair qu’il aimait sincèrement son peuple et qu’il ne désirait que son bien. On ne compte d’ailleurs plus les passages dans lesquels Harvey affirme son amour et sa solidarité avec les siens. Dans un article publié en novembre 1937, justement intitulé «Ce peuple que j’aime», il déclare : «Que moi, Canadien français, j’en aie contre ce peuple de qui je tiens le meilleur de moi-même, non vraiment c’est trop fort. Sur cette terre qui n’a jamais cessé d’être ma patrie, où j’ai toujours vécu et où ont toujours vécu tous les miens, où se trouve ce que j’ai le plus aimé et ce que j’aime le plus au monde, comment aurais-je pu haïr mes compatriotes sans me haïr moi-même? (39)»

Le Canada français constitue donc bel et bien une nation pour Harvey. Par ailleurs, même s’il prend rarement la peine d’en définir les caractéristiques, rien ne nous indique qu’il n’approuve pas la conception ethnique (priorité des éléments culturels mais néanmoins présence de prédispositions héréditaires) de cette nation. Le Canada, dans son esprit, est pour sa part formé de deux nations : la nation canadienne-française et la nation canadienne-anglaise. Harvey ne serait donc pas tout à fait imprégné de l’idée du Canada comme nation civique, fondée sur la seule agglomération libre d’individus partageant des intérêts communs. Pourtant, cette idée n’est pas absente de son esprit, particulièrement vers la fin de 1939, avec l’approche puis le déclenchement de la guerre. En effet, c’est à ce moment que le désir d’Harvey de voir le Canada dépasser la dualité ethnique se fait évident :

[Le projet de l’Union pancanadienne est de...] réunir dans un sentiment d’amour et de loyauté à ce pays qui est le nôtre tous les hommes qui, par naissance ou par choix, ont pour patrie unique le Canada. Non seulement il s’agit ici d’une totalité ou d’une entité géographique, soumettant le sentiment provincial ou régional au sentiment intégral de la patrie, mais aussi d’une entité nationale, comprenant des hommes de toutes les origines, mais étroitement unis ensembles par le lien puissant d’un seul patriotisme (40).

De plus en plus d’ailleurs, alors que Lachance et Groulx insistent sur la nécessité d’une plus grande décentralisation, Harvey pense le contraire : «Bien que je déplore, dit-il, les empiétements des pouvoirs provinciaux contre le pouvoir central, je sais bien que cela ne saurait durer et que, de plus en plus, Ottawa dominera la vie canadienne. Et c’est fort bien qu’il en soit ainsi. Autrement, nous nous diviserions jusqu’à la destruction totale du Canada (41).»

* * *

 

Ce bref aperçu de la conception de la nation chez les trois intellectuels nous suggère qu’au milieu des années trente l’idée de nation ne serait pas assimilable au concept de «race». Même si l’hérédité semble avoir une certaine importance, les caractéristiques physiologiques sont presque absentes de leur pensée et les trois insistent davantage sur l’idée de culture. Ainsi, on a vu Groulx et Lachance spécifier que leur nationalisme ne repose pas sur l’idée de race, mais plutôt sur la valeur culturelle de la nation. Dans le cas d’Harvey, s’il est vrai qu’il diffère d’opinion avec les deux prêtres au sujet de l’origine divine de la nation, et s’il semble qu’il penchera de plus en plus vers une conception «civique» à mesure qu’on approche de la fin de la période qui nous intéresse, on ne peut pas dire qu’il partageait une conception de la nation radicalement différente de ses «adversaires», au contraire. Quant au Canada, le concept de pacte entre deux nations semble bel et bien faire l’objet d’une entente. Sur le plan politique, ce qui distingue Groulx et Lachance de Harvey est que ce dernier insiste sur la nécessité non seulement de conserver, mais de renforcer la Confédération par une centralisation accrue des pouvoirs au niveau fédéral, alors que les deux prêtres ont une vision nettement décentralisatrice. Enfin, malgré l’importance qu’ils accordent à la nation, nous avons vu que la personne humaine est au coeur de leurs préoccupations. On retrouve chez Harvey des préoccupations similaires pour le respect de la personne, mais nous verrons dans le prochain chapitre qu’elles se présentent souvent il est vrai sous un jour davantage individualiste. Ce bref aperçu de quelques notions fondamentales est assurément incomplet, mais les prochains chapitres nous permettrons de développer notre analyse plus en détails : Jean-Charles Harvey d’abord, Lionel Groulx ensuite, et Louis Lachance enfin.

(1) Dictionnaire Le petit Robert, Paris, Société du Nouveau Littré, 1977, p. 704.

(2) L. GROULX, «Notre avenir en Amérique» (30 juin 1935), dans Orientations, pp. 277-280. Discours prononcé à Manchester (New-Hampshire). Nous soulignons.

(3) La volonté de vie de la nation canadienne-française constitue selon Groulx une caractéristique et une des grandes constantes de son histoire (les «lignes de forces», selon ses termes). C’est ce qui ressort clairement à la lecture de ses ouvrages historiques, ainsi que des nombreuses conférences où il fait référence à l’histoire du Canada français.

(4) Groupe de jeunes nationalistes radicaux fondé par Walter et Dostaler O’Leary en 1935.

(5) L. GROULX, «Labeurs de demain» (13 septembre 1936), dans Directives, pp. 95-96

(6) Ibid., p. 123.

(7) L. GROULX, «L’éducation nationale» (5 décembre 1936), dans Directives, p. 172. Nous soulignons.

(8) L. GROULX, «Notre avenir en Amérique» (30 juin 1935), dans Orientations, p. 143.

(9) Dans ses Mémoires, Groulx reviendra une fois de plus sur cette idée : «Jamais, néanmoins, ne m’était-il venu à l’esprit de parler de race fondée uniquement sur le sang, de façon animale ou biologique. Encore qu’en la notion je fis entrer quelque part d’hérédité et indéniablement l’influence du milieu géographique, économique, social, la race, je la fondais plus particulièrement sur une substance de culture ou de civilisation, c’est-à-dire sur les éléments essentiels qui constituent la nation», L. GROULX, Mes mémoires, tome 3 (1926-1939), Montréal, Fides, 1972, p. 52. Les italiques sont de lui.

(10) L. GROULX, «Pour qu’on vive», (30 octobre 1934), dans Orientations, pp. 225-226.

(11) L. GROULX, «Notre avenir en Amérique» (30 juin 1935), dans Orientations, pp. 281-283.

(12) L. GROULX, «L’économique et le national» (12 et 15 février 1936), dans Orientations, p. 66.

(13) J.-T. DELOS, La société internationale et les principes du droit public, Paris, Spès, 1929, p. 77, reproduit par Groulx dans «L’éducation nationale» (5 décembre 1936), dans Directives, pp. 142-143.

(14) L. GROULX, «Pour ceux-là seulement qui savent lire», préface des Directives, 1937, p. 13.

(15) Lettre de L. LACHANCE à L. GROULX, [Sherbrooke], [ca 1941], 6 p. manuscrites, ACRLG, FLG, P1/A, 1939. Lachance écrit ceci : «Si je n’avais l’habitude de consulter mes élèves, je comprendrais mal que vous vous adressiez à moi à propos de questions où vous avez été mon maître [...]».

(16) L. LACHANCE, Nationalisme et religion, p.76. Malgré qu’on n’ait pas abordé cet aspect dans la section précédente, il va sans dire que Groulx partage cette idée : «Dieu, qui a fait les patries et les races, les a voulues diverses pour la diversité des aptitudes et pour l’échange des services», L. GROULX, «Notre avenir en Amérique» (30 juin 1935), dans Orientations, p. 293.

(17) L. LACHANCE, «Le milieu national», dans L’Action nationale, vol. 32, no. 1 (septembre 1948), p. 14. On nous permettra de dépasser avec cette citation le cadre temporel de notre recherche. Nous pouvons raisonnablement croire que la pensée de Lachance sur cette question ne pouvait être radicalement différente dix ans plus tôt.

(18) «Vous êtes une race choisie, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis», 1ère épître de Pierre, II, 9.  L. LACHANCE, «J.M.J.» [entre 1935 et 1945], manuscrit dactylographié, AOPC, FLL, F1, C7, 158, 1, p. 14. Nous datons ce manuscrit à partir du fait qu’un ouvrage de Jacques Maritain datant de 1939 (Quatre essais sur l’esprit dans ses conditions charnelles) y est cité par Lachance. De plus, le fait que Lachance écrive «en ce moment même, les Britanniques consente (sic) à mourir» nous suggère que la guerre est commencée.

(19) L. LACHANCE, Nationalisme et religion, pp. 78-79.

(20) Ibid., p. 89.

(21) Il importe aussi de nuancer le terme racisme. C’est qu’il y a racisme et racisme. Si toutes ses formes sont condamnables, il faut savoir faire la part des choses. Bien qu’il faille admettre que les intellectuels d’ici ont pour la plupart eu des préjugés racistes, ils n’ont tout de même pas exprimé le désir de voir les Noirs pendus ou les Juifs persécutés et parqués dans des ghettos.

(22) Ibid., p. 84.

(23) Ibid., p. 64.

(24) L. LACHANCE, «J.M.J» [entre 1939 et 1945], p. 2.

(25) Lettre de L. LACHANCE à André LAURENDEAU, Rome, 3 avril [ca 1934-1935], 6 p. manuscrites, ACRLG, Fonds André-Laurendeau (FAL), P2/A, 2, pp. 4-5.

(26) Ibid., p. 3.

(27) L. LACHANCE, «J.M.J.» [entre 1939 et 1945], p. 13.

(28) L. LACHANCE, «Les valeurs nationales», manuscrit dactylographié, [circa 1939], A.O.P.C., FLL, F1, C7, 158, 10, p. 15. On nous pardonnera de ne pouvoir offrir une date plus précise. Nous datons le manuscrit de Lachance à partir de la seule indication retrouvée dans le texte. Lachance fait référence à «une étude, rédigée il y a une vingtaine d’années», par Antonio Perrault et publiée dans L’Action française en 1919.

(29) Ibid., p. 16.

(30) Nous verrons dans le chapitre sur Lachance que le terme «justice» correspond dans son esprit à une «vertu de volonté [...]destinée à provoquer et à maintenir l’ordre politique en vue d’assurer la réalisation du bien commun», L. LACHANCE, Nationalisme et religion, p. 191. On notera que c’est d’ailleurs sur cette base que Groulx rejette le «principe des nationalités». Il dit à ce propos en 1935  : «car enfin toute nationalité n’a pas le droit de s’ériger en État. Celle-là seule peut prétendre à cette dignité qui possède assez de ressources matérielles et spirituelles, un capital politique et moral assez riche, pour assurer à ses ressortissants ou nationaux, le développement de leur personnalité humaine et l’obtention de leurs fins de citoyens.», L. GROULX, Nos positions, 1935, p. 16.

(31) J.-C. HARVEY, «Nationalisme passionnel et nationalisme humain», dans Art et combat, Montréal, Éditions de l’Action canadienne-française, 1937, p. 212.

(32) J.-C. HARVEY, «Nids à chicanes», Le Jour, 21 octobre 1939, pp. 1 et 8.

(33) Harvey parle ici des traditions, de l’histoire et des légendes.

(34) J.-C. HARVEY, «Les yeux dans le dos», Le Jour, 18 mars 1939, p. 1.

(35) J.-C. HARVEY, «Communistes? Non!», Le Jour, 23 novembre 1937, p. 1.

(36) J.-C. HARVEY, «Nationalisme passionnel et nationalisme humain» (1938), dans Art et combat, p. 217. M.-A. GAGNON est donc peut-être allé un peu vite en affirmant que «Pour Harvey, la race n’existe pas; seules des caractéristiques et des particularités se retrouvent chez certains peuples», Jean-Charles Harvey..., p. 163. Voir aussi l’article d’Harvey intitulé «L’Écosse et nous», Le Jour, 11 décembre 1937, p. 1, il écrit : «Les Écossais, dispersés aux quatre coins de l’empire britannique, n’ont pas perdu leur identité racique. Reconnaissables, pour un grand nombre, à leurs caractéristiques physiques [il ajoute ensuite d’autres caractéristiques culturelles]».

(37) J.-C. HARVEY, «Culte de l’encens ou de la vérité?», Le Jour, 4 février 1939, p. 1

(38) Ibid.

(39) J.-C. HARVEY, «Ce peuple que j’aime», Le Jour, 6 novembre 1937, p.1.

(40) J.-C. HARVEY, «Un merveilleux alliage de peuples et de caractères», Le Jour, 9 décembre 1939, p. 8.

(41) J.-C. HARVEY, «Notre avenir est à Ottawa plutôt qu’à Québec», Le Jour, 28 octobre 1939, p. 1.

 

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© 2007 Claude Bélanger, Marianopolis College