Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Août 2007

Études de l’histoire du Québec / Quebec History Studies

 

Yves BÉGIN, Raison et sentiment : nationalisme et antinationalisme dans le Québec des années 1935-1939, Mémoire de maîtrise, Département d'histoire, Université de Montréal, 2001.

 

CHAPITRE III

LIONEL GROULX, NATIONALISTE

«N’ayons pas qu’un patriotisme d’instinct; qu’il devienne raisonné, intelligent, logique, solide [...] (1)». C’est ainsi qu’à 28 ans, en juin 1906 et trente ans avant la période qui nous occupe, Lionel Groulx évoquait déjà ce qui deviendra une des constantes de son action intellectuelle : la recherche d’une véritable doctrine nationaliste. C’était vrai en 1906, cela l’est encore dans les années 1935-1939, ce le sera toujours à la fin de sa vie. Groulx, contrairement à ce qu’en ont dit plusieurs observateurs, ne s’est jamais satisfait d’un simple nationalisme sentimental et ses déclarations à ce sujet ne manquent pas.

Avec la condamnation par le Pape Pie XI du nationalisme outrancier dans l’affaire de L’Action française de Paris en 1926, la gent nationaliste canadienne-française, bien que convaincue de la légitimité de son discours et de son action, devait néanmoins se tenir sur ses gardes. Une condamnation similaire appliquée au mouvement nationaliste canadien-français lui ferait un tort irréparable en niant sa légitimité. En 1929, il semble que le bruit ait couru qu’on soit à préparer, à Rome, une encyclique «dirigée contre le mussolinisme et, en général, contre le nationalisme (2)». Presque trente ans plus tard, Groulx dit  que cela ne l’inquiétait pas. Pour le prouver, il rapporte des propos qu’il aurait tenus à Omer Héroux à l’époque :

Je l’avoue en toute candeur, aurait-il dit, cette encyclique ne m’inquiète nullement. Après tout le Saint-Père ne peut rien changer à la théologie ni à la philosophie. Il ne peut contester aux petits peuples leur droit à la vie, surtout dans le cas d’un petit peuple comme le nôtre qui fonde sa volonté de vivre, non point sur le seul droit naturel et historique, ni encore moins sur le nouveau droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais sur un droit positif et constitutionnel progressivement accru depuis la Conquête, c’est-à-dire depuis 150 ans (3).

 

 

 

Mais cette apparente certitude ne l’empêche pas d’être inquiet. Il ne fait pas de doute qu’il est conscient des attaques de ses adversaires concernant la légitimité de son nationalisme et que cela le préoccupe plus qu’il ne sera prêt à l’admettre dans ses Mémoires. Si les critiques adressées aux nationalistes ne l’avaient pas touché, on ne retrouverait pas dans plusieurs de ses textes des années 1935-1939 autant d’évocations explicites des attaques de ses adversaires. Voulons-nous quelques exemples ? En juin 1935, il déclare devant un groupe de Franco-Américains : «[...] vous ne sollicitez qu’un seul privilège : celui de rester des Américains de langue et de culture française. Et alors je le demande : où est le mal? Qui dérangez-vous? Où, en tout cela, les chercheurs d’hérésie pourraient-ils trouver du nationalisme outrancier (4)?»; le 5 décembre 1936, pour convaincre son auditoire de la légitimité de ses paroles, il invoque «le témoignage d’un homme qu’on n’a jamais suspecté, que je sache, de nationalisme excessif, le recteur de l’Université Laval, Mgr Camille Roy (5)»; dernier exemple, enfin, qui ne les épuise pas, il affirme en mars 1937 : «qu’il n’y a pas de nationalisme exagéré à mettre un peuple en possession de son capital culturel, à donner à son éducation nationale une vigoureuse impulsion (6).»

Un nationalisme outrancier, n’est-ce pas un nationalisme trop intense, entraîné par la puissance du sentiment dans l’exagération et l’oubli de certaines valeurs? Dans cette perspective, la volonté de Groulx de faire du nationalisme qu’il professe une véritable doctrine justifiable aux yeux de la raison est aussi explicite. Bien sûr, l’importance du sentiment dans le nationalisme de Groulx est indubitable, mais on ne discutera pas longuement cet aspect qui a été relevé, commenté et souvent dénoncé par bien des analystes. Disons seulement que le nationalisme de Groulx est issu d’un sentiment national puissant, vécu chez lui de façon intense, et plusieurs de ses textes, qui sont souvent rédigés en vue de conférences, portent en conséquence ce caractère émotif et lyrique qui ont fait dire à ses détracteurs que son nationalisme n’était fait que de cela. Mais il ne faut pas croire que tous ses textes, même ceux  de ses conférences affichent le même ton. À côté de textes dont la grandiloquence du ton fait sourire, d’autres montrent Groulx qui raisonne, qui tente de convaincre son auditoire à l’aide d’arguments qui n’ont rien de sentimental. On le voit même à l’occasion presque s’excuser du ton outré qu’il emploie parfois. Évoquant la domination économique de l’élément anglais de la province, il déclare :

J’aborde ici, je le sais, un sujet délicat. Et vous comprendrez que, ce sujet, je n’aie pas le goût de le passionner. J’essaie seulement de voir les choses comme elles sont. [...] Notre mal, s’il est irritant, s’il donne parfois lieu à des sursauts dont l’aigreur n’est pas absente, c’est qu’en notre province le désordre économique ne s’arrête pas, comme ailleurs, à la frontière du social, il rebondit dans un domaine où les sensibilités sont extrêmement vives, les réactions les plus profondes et les plus promptes : le domaine national (7).

 

 

 

On a souvent vu une «mystique» dans le nationalisme de Groulx, et il utilise souvent lui-même ce terme pour évoquer sa vision idéale du nationalisme. Mais contrairement à ce qu’affirme Jean-Pierre Gaboury, cette mystique dont parle Groulx ne se résume pas à «une suite d’images qui par son caractère affectif provoque fatalement l’action (8).» La mystique, ou le nationalisme, ce devait être un sentiment national fort bien sûr, mais mêlé d’une conscience claire de l’existence de la nation canadienne-française, des problèmes qu’elle affronte, de ses droits et des solutions à appliquer : «Point d’État français, point de peuple français sans une mystique française. Cessons, ajoute-t-il, de demander à notre peuple des actes dont il n’a ni l’idée ni le sentiment (9).» La même année, s’adressant aux professeurs d’université, il demande : «cette “mystique” – raisons fortes, raisons invincibles de vivre, – qui va la définir, qui va l’organiser dans l’esprit populaire, si les chefs intellectuels, si les professeurs d’université décident de ne pas s’en mêler (10)?». On ne peut pas dire que la mystique nationale de Groulx n’est que du sentiment. Voulons-nous un dernier exemple? En 1933, il demandait aux jeunes qui l’écoutent: «Pourquoi voulez-vous rester français? [...] Est-il tolérable que les grands garçons et les grandes filles soient incapables de répondre autrement que de la façon la plus vague et la plus sentimentale (11)?»

Malgré le caractère parfois émotif et sentimental de son discours, Groulx veut surtout un nationalisme raisonné, rationnel. C’est une façon de lui donner plus de constance et de vigueur, mais c’est aussi le meilleur moyen d’en assurer la légitimité. On a vu que la dénonciation de la déraison des nationalistes constitue chez Harvey un pilier fondamental de son attitude antinationaliste – encore plus important que la primauté qu’il accordait à l’individu par rapport à la nation – et une des principales raisons qui font qu’il a de plus en plus tendance à déclarer le nationalisme canadien-français outrancier et à en nier la légitimité au profit d’un nationalisme canadien à construire. Pour contrer le discours antinationaliste qui se présente comme issu de la raison, Groulx doit donc démontrer que le nationalisme qu’il professe l’est aussi. C’est cette démonstration qui nous intéressera dans ce chapitre.

Mais avant d’aller plus loin dans cette discussion autour de la légitimité du nationalisme, deux précisions s’imposent. D’abord, nous devons faire remarquer que le discours sur la raison (affirmations positives au sujet de la raison et insistance sur le caractère rationnel du discours) est loin d’être aussi présent chez Groulx que chez Harvey, qui l’entretenait constamment. Au delà du discours sur la raison, c’est donc davantage et plus largement dans le discours lui-même, à travers les arguments de défense, qu’il faut voir un effort de rationalisation et une volonté de le présenter comme tel. Ensuite, nous voulons rappeler qu’il existe pour Groulx un fait incontestable : les Canadiens français forment une nation (voir le chapitre premier). Ce qu’il lui reste à démontrer, c’est qu’ils ont le droit de conserver leur identité nationale. Selon Groulx, une menace constante pèse sur l’existence de la nation canadienne-française, isolée dans un continent largement dominé par l’élément anglo-protestant (12). Dans ce contexte pour Groulx, le droit à l’identité nationale est, de fait, un droit à la défense de la nation et donc, en d’autres mots, un droit au nationalisme. Comme nous avons eu l’occasion de le voir avec Harvey, il n’y a pas, dans l’attitude antinationaliste, nécessairement négation de l’existence de la nation ou même de son droit à l’existence. Généralement, ce sont plutôt les moyens employés pour garantir cette existence, avec au premier chef le nationalisme, qui sont décriés et dont la légitimité est contestée. C’est donc véritablement la démonstration «rationnelle» par Groulx de la légitimité du nationalisme que nous présentons dans ce chapitre. 

   

Nous le disions plus tôt, la démonstration de Groulx a trois axes principaux. Il y a d’abord démonstration de la légitimité du nationalisme dans une perspective religieuse : pour Groulx, la doctrine catholique ne condamne pas le nationalisme en soi. Même, elle en reconnaît la légitimité, dans la mesure où elle lui sert de guide et de garde-fou. Il y a ensuite démonstration de la légitimité du nationalisme dans une perspective plus fondamentale : c’est l’argument du droit naturel soit, en l’occurrence, les lois issues de la nature de l’homme auxquelles la raison a accès en-dehors de toute Révélation. Pour Groulx, le droit naturel confère à la personne humaine le droit d’appartenir à une nation pour le bien qu’elle lui procure. En toute logique, il permet donc la défense de la nation par le nationalisme. Enfin, Groulx cherche à démontrer la légitimité du nationalisme canadien-français en fonction du droit positif, c’est-à-dire le droit issu des constitutions qui ont jalonné l’histoire canadienne. En dehors de toute considération et d’expression sentimentale, Groulx a cherché à démontrer la légitimité de son nationalisme en le soumettant à une analyse rationnelle et en l’exprimant souvent sans faire exagérément appel au sentiment, et c’est ce dont nous ferons la démonstration. La dernière partie de ce chapitre sera consacré à une discussion sur les relations entre Groulx et Harvey au cours des années 1935-1939. Nous verrons notamment que c’est la question du séparatisme et de la déraison qui semble le plus éloigner Harvey de Groulx au cours de ces années.

 

1. LÉGITIMITÉ DU NATIONALISME DANS UNE PERSPECTIVE CATHOLIQUE

Au cours de sa vie, et cela est particulièrement frappant dans ses Mémoires, Groulx a entretenu des scrupules liés au fait que son action intellectuelle nationaliste l’éloignait de son rôle premier de prêtre (13). Cette tension entre son rôle de prêtre et celui d’intellectuel dans la cité était aussi aggravée par la peur de dépasser les frontières de l’orthodoxie catholique par un nationalisme outrancier, et on remarque cette inquiétude en filigrane de plusieurs de ses textes des années 1935 à 1939. Presque dix ans après l’affaire de L’Action française de Paris, Groulx se pose donc toujours la question : le nationalisme qu’il professe est-il orthodoxe? Est-il légitime aux yeux de l’Église? Il dira par exemple dans Nos positions : «le nationalisme canadien-français [...] est-il orthodoxe et légitime? [...] et vous savez qu’il ne manque point de juristes improvisés théologiens ou de théologiens improvisés juristes pour s’effaroucher au simple énoncé de ce mot “nationalisme” (14).» Justement, pour répondre à ses questions et pour se rassurer sur ses orientations nationalistes générales ou sur des questions plus précises de doctrine, Groulx fait souvent appel à des théologiens canadiens-français de sa connaissance. Non seulement apportent-ils une caution morale à sa cause, mais le fait qu’il s’agit de philosophes et de théologiens doit démontrer à ses adversaires que ses idées ne sont pas contredites par un examen rationnel. Dans cette section, nous ne pouvons nous permettre d’entrer dans une analyse approfondie de toute la question des rapports entre nationalisme et catholicisme au Québec. Il faut bien voir aussi que Groulx n’a pas particulièrement cherché au cours de ces années à développer sa pensée sur ce sujet. Il ne pouvait s’imaginer dépasser les frontières de l’orthodoxie catholique, et il a laissé à d’autres, plus compétents que lui dans ce domaine, le soin d’identifier l’acceptable et l’inacceptable pour un catholique. Nous nous en tiendrons donc aux éléments du discours de Groulx qui s’y rapportent, relativement peu nombreux d’ailleurs mais combien significatifs.

Le plus important des «conseillers théologiques» de Groulx est sans contredit Mgr Louis-Adolphe Pâquet (1859-1942), dont il a conservé plusieurs lettres et dont quelques-unes font état de ce type de demande (15). Les premiers contacts entre les deux hommes ont lieu durant la guerre, en 1917, au moment où Groulx sollicite la participation du prélat à la revue L’Action française (qui vient de naître), ce qu’il accepte volontiers, semble-t-il. Groulx rappelle que les conseils et les avis de celui qu’on considère comme le «chef de file de la pensée ecclésiastique au Québec de 1896 à 1930 (16)» sont toujours très recherchés à l’époque (17). Dans la deuxième moitié des année trente, bien que Pâquet commence à se faire vieux, vieillissant, sa renommée est toujours grande et Groulx témoigne de l’importance du jugement du théologien à ses yeux : 

Pour me rassurer, au surplus, sur l’orthodoxie de mon nationalisme, un témoignage m’arrivera quelques années plus tard, en 1937, témoignage plus que tout autre rassurant, décisif. Il me viendra du théologien alors le plus illustre du Canada français, Mgr Louis-Adolphe Paquet [...] Je ne crois pas trop présumer néanmoins des intentions du cher Mgr Paquet en écrivant ici que cette petite digression lui fut inspirée par le désir très net, sinon de nasarder quelques critiques de son entourage québécois, du moins de les rappeler à la raison (18). Jugement de théologien qui m’est resté infiniment précieux. Alors, et dans la suite, aux confins de problèmes où il est si facile de se tromper, combien de fois me suis-je reporté à l’absolution de mon vieil ami, pour me rassurer sur mon orthodoxie (19).

 

 

Le «témoignage rassurant» dont parle Groulx lui a été apporté à la veille de son discours au 2e Congrès de la langue française. Il affirme qu’il l’a reçu comme une «sorte d’absolution (20)». Ce discours devait faire grand bruit, car Groulx y déclarait, en conclusion : «Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, notre État français, nous l’aurons!», ce que plusieurs, amis comme adversaires (21), interprètent alors comme une caution de l’idée d’indépendance du Québec. Groulx s’en défendra à plusieurs reprises mais avec tant d’ambiguïté qu’il est difficile de connaître le fond exact de sa pensée (22). Le témoignage dont parle Groulx se trouve dans un article de Pâquet, dans lequel celui-ci rappelle qu’on ne peut contester la légitimité du nationalisme «du moment qu’il est contenu dans les limites des vertus de prudence, d’équité et de modération», puisque les races ont été créées par Dieu et qu’elles ont, selon sa volonté, un rôle particulier à jouer sur terre. Il rappelle aussi que «Pie XI reconnaît “un sentiment de juste nationalisme que l’ordre légitime de la charité chrétienne non seulement ne désapprouve pas, mais sanctifie et vivifie en le réglant”.» Comprenons que Pie XI a condamné le nationalisme outrancier, mais non le nationalisme comme tel. Pâquet évoque aussi ce qui constitue, nous le verrons dans le prochain chapitre avec Louis Lachance, un principe fondamental voulant que non seulement l’Église ne peut nier la légitimité d’un nationalisme modéré, mais qu’en plus, la morale catholique lui confère cette légitimité en l’encadrant et en l’empêchant de dévier vers des formes agressives ou matérialistes (racisme biologique, par exemple). Est donc légitime le nationalisme qui ne s’écarte pas des prescriptions de la morale catholique. Cette doctrine s’applique au nationalisme en général, mais l’absolution, Groulx l’a surtout vue dans le passage qui suit : «C’est – pour le dire en passant – en s’inspirant de cette doctrine (dont l’interprétation exige sans doute de la mesure) que l’un de nos plus distingués compatriotes, M. l’abbé Lionel Groulx, s’emploie si brillamment et si activement, dans ses vigoureux écrits, à stimuler, à aiguillonner chez les nôtres la fibre patriotique et la fierté nationale (23).»

 

Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres, mais qui montre l’importance qu’a pour Groulx la question de la légitimité et de l’orthodoxie de son nationalisme. Faire appel aux lumières de la raison d’un théologien aussi réputé que Mgr Pâquet ne peut que le réconforter. Mais Pâquet n’est pas à ce moment le seul théologien à jouer ce rôle pour l’abbé Groulx. Nous pouvons penser aux abbés Philippe Perrier et Athur Curotte, mais il y en aura bientôt un autre, un jeune philosophe et théologien brillant de vingt-et-un an son cadet : Louis Lachance.

 

Il est difficile de connaître la profondeur de la relation entre les deux hommes. Groulx a conservé dix lettres de Lachance et une copie d’une des siennes, une correspondance qui s’étend de 1934 à 1961. Ce qui nous apparaît plutôt étonnant, c’est de constater que le nom de Lachance n’apparaît nulle part dans l’index des Mémoires de Groulx, pourtant assez exhaustif. Les lettres, écrites pour la plupart à la main, ont un ton personnel et témoignent d’une relation relativement familière faite d’admiration réciproque. Selon cette correspondance, Groulx aurait demandé des avis théologiques au père Lachance pour la première fois en 1941. Le 16 septembre 1941, il écrit : «Je songe à publier mes causeries faites aux étudiants. Je vous envoie une copie du passage que j’ai rédigé sur le fameux point controversé. Auriez-vous l’obligeance de me faire savoir si ces pages vous paraissent orthodoxes? Je vous en serais bien reconnaissant (24).» Lachance lui répond, dans une lettre non datée : «J’ai lu vos excellentes pages et je ne puis que vous en féliciter. Elles sont non seulement “orthodoxes”, mais constitue [sic] une directive ferme et très opportune. Je souhaite qu’elles aient une très large diffusion chez nos jeunes (25).» Il est probable que Groulx, dont la correspondance avec Mgr Pâquet se termine vraisemblablement en1936, ait cherché à trouver un «remplaçant» à son vieil ami théologien.

 

Groulx a lu Nationalisme et religion de Lachance (1936) et il semble l’avoir apprécié, ayant marqué environ dix pour cent des pages de l’ouvrage (26). Signe de l’intérêt de Groulx pour cette question, la première marque marginale qu’il fait dans le livre de Lachance est accolée au passage suivant : «On ne saurait trouver chez nous une opinion condamnable et une conduite erronée en matière de nationalisme. Nos doctrines, lorsqu’elles ont existé, ont toujours été de la plus stricte orthodoxie (27).» Nous aurons l’occasion d’analyser la pensée de Lachance plus en profondeur dans le prochain chapitre, mais rien ne nous permet de croire que Groulx soit en désaccord avec les positions du jeune philosophe, qui élabore essentiellement l’opinion de Mgr Pâquet. Nous avons d’ailleurs retrouvé un témoignage sans équivoque de son appréciation du travail de Lachance dans une causerie donnée au Congrès des Jeunesses patriotes à Montréal le 13 septembre 1936, dans laquelle il affirme : «Énonçons un principe doctrinal que j’emprunte au livre lumineux du Père Louis Lachance, o.p., Nationalisme et religion (28)». Mais c’est à peu près tout ce que l’on sait de leurs relations entre les années 1935 et 1939.

 

À part ces consultations théologiques, les lectures de Groulx de l’époque indiquent aussi ce désir de donner des fondements solides et rationnels à son nationalisme dans une perspective d’orthodoxie catholique. Ses auteurs préférés à cet égard semblent avoir été les Gonzague de Reynold, essayiste catholique suisse, Lucien Brun, philosophe jésuite, Jacques Maritain et J.-T. Delos, qu’il cite assez fréquemment dans ses textes (29).

 

Si Groulx et les nationalistes catholiques en général craignent de dépasser les limites de l’orthodoxie, leurs adversaires y voyaient aussi un argument potentiel. Jean-Charles Harvey ne s’est pas gêné pour l’utiliser. À plusieurs occasions, le journaliste accuse Groulx d’afficher une attitude antichrétienne ce qui, on s’en doute, ne devait pas particulièrement plaire. Il écrit par exemple en mars 1938 :

[Considérer les gens d’abord comme des hommes, et non des «nationaux»], nous avons oublié ça depuis longtemps, nous, et c’est pour ça que nous ne sommes pas heureux. D’autres peuples atteints du microbe nationaliste l’ont oublié aussi, et ils sont en train de tomber dans un bain de sang. Ce n’est pas là l’esprit du Christ, ni celui de son Église... Mais, chez nous, si le Christ vivait, on le traiterait d’antinational, et on le traînerait dans la boue (30)!

 

 

On peut imaginer l’insulte que cela constitue pour Groulx, un prêtre! Mais l’abbé n’a jamais prôné la haine et la violence. Toujours sensible aux attaques, il s’en est souvent défendu, précisant qu’elle est inacceptable, à plus forte raison pour des catholiques :

Nul besoin, dit-il, pour accomplir votre destin, de vous adonner à une oeuvre de haine, à un nationalisme intempérant. La haine est anti-chrétienne et d’efficacité négative. Construire contre les autres fait souvent oublier de construire pour soi. Haïr les autres ne suffira pas à secouer leur domination. Le mieux serait de cesser de nous haïr nous-mêmes. Je ne vous demande pas de vaincre par la violence. Je vous demande de vaincre par les armes d’une jeunesse catholique et française : la probité, l’intelligence, le travail, la ténacité, l’audace généreuse (31).

 

 

Il n’y avait pas qu’Harvey pour critiquer les nationalistes sur cette question. Rappelons-nous aussi la fameuse conférence d’Henri Bourassa d’octobre 1937 dans laquelle il mettait ses compatriotes en garde –  avec plus de mesure qu’Harvey certainement – contre le danger de faire prédominer l’esprit national sur l’esprit catholique. Même si Groulx regardera par la suite cet épisode avec un certain détachement (il explique et excuse avec condescendance l’attitude de Bourassa par une crise de scrupule religieux et par une possible «maladie de l’esprit (32) »), il reste que cela ne pouvait que soulever des doutes chez de nombreuses personnes sur la réelle légitimité d’être à la fois nationaliste et catholique.

Pour guider son auditoire à travers ses raisonnements, Groulx procède souvent par la dialectique. Au cours d’une conférence qu'il donne à Manchester lors d'un banquet de la Saint-Jean-Baptiste, il tente de convaincre l’auditoire de la nécessité de «rester français» en évoquant un aspect du problème soulevé par la question des rapports entre catholicisme et nationalisme: «[...] quelques-uns, dit-il, inclinent à se demander : notre survivance se peut-elle justifier devant notre foi? Catholiques, nul devoir ne nous imposerait-il pas de nous laisser assimiler? Le sacrifice ne serait-il pas magnanime, nous dit-on parfois, de broyer nos coeurs, pour les offrir, brisés et pantelants, à la paix commune (33)?». Il retourne aussitôt la question à son avantage : «[...] au nom même de notre foi, rétorque-t-il, avons-nous le droit de consentir à notre assimilation (34)?». Nous ne voulons pas entrer ici dans le débat sur la «langue gardienne de la foi», débat connu qui a été analysé à maintes reprises (35), mais rappelons seulement que Groulx, qui affirme «[q]u’un peuple ou qu’un individu qui perd sa langue, perde automatiquement sa foi, je ne crois pas que personne, parmi nous, ait jamais énoncé si pareille absurdité (36) », pense néanmoins que la langue française met les siens «à l'abri» des influences anglo-protestantes et, ajoute-t-il, «ce n'est pas mettre la langue au-dessus de la foi; c'est refuser de congédier le gendarme de la foi (37).» Pour Groulx donc, le nationalisme canadien-français est justifiable dans une perspective catholique parce que la défense de la langue française (qui, nous le rappelons, constitue l’un des fondements de la nation) donnera aux Canadiens français une meilleure assurance de garder leur foi catholique. Groulx, qui avait le sens de la formule, a ainsi résumé un jour sa pensée au sujet du lien entre nationalisme et catholicisme : «Je suis catholique, dit-il, pour des raisons qui ne tiennent pas à mon patriotisme. Mais je suis patriote pour beaucoup de raisons qui tiennent à mon catholicisme(38).»

Aussi, bien humblement et se défendant évidemment de présumer des intentions de Dieu (39), il croit néanmoins qu’il ne peut être dans les objectifs de la Providence de voir disparaître le peuple canadien-français : «[...] il reste que Dieu ne peut vouloir notre déchéance nationale, dit-il, parce qu’il ne saurait entrer dans le plan providentiel qu’un peuple catholique, si petit soit-il, meure, ni perde même la moindre de ses valeurs spirituelles (40)». On se rappellera aussi que Groulx croit fermement que les Canadiens français sont investis d’une mission providentielle en Amérique, soit de fonder un foyer de civilisation française et catholique, et que la survie de la petite nation est due à la volonté de la Providence conjuguée à celle des hommes.

Au cours des années 1935-39, Groulx semble donc persuadé de la légitimité de son nationalisme dans une perspective catholique. Mais il apparaît que la question n’a pas cessé de le hanter. Par exemple, en 1953, dans une conférence intitulée «Catholicisme et action nationale», Groulx pose la question suivante à son auditoire : «Au Canada français, un jeune catholique peut-il, en toute sécurité, s’adonner à l’action nationale (41)?»

2. LÉGITIMITÉ FONDAMENTALE DU NATIONALISME : LE DROIT NATUREL

Si la démonstration de la légitimité du nationalisme par rapport au catholicisme est une  nécessité pour un prêtre catholique et nationaliste, il reste qu’il s’agit d’un argument mineur aux yeux d’un non-catholique, d’un agnostique ou d’un athée. Groulx ne pourrait s’y limiter et il ne s’y limite pas. À ce premier axe de sa démonstration de la légitimité du nationalisme, Groulx ajoute l’argument du droit naturel.

Le droit naturel, que le dictionnaire définit simplement comme «l’ensemble des règles considérées comme existant en dehors de toute formulation (42)» a ceci d’intéressant qu’il est issu de la confiance de l’homme en sa capacité de découvrir par les seules lumières de la raison (lire en dehors de toute Révélation) les lois fondamentales devant gouverner sa conduite et celle des hommes. Les valeurs et les règles tirées du droit naturel (notions d’équité, de bonté, d’honnêteté, de justice, par exemple) n’ont pas à être justifiées par aucune philosophie ni théologie puisqu’elles se présentent en toute limpidité à la conscience droite. En conséquence, et en principe, le droit naturel devrait présider à l’élaboration des lois, que l’on appelle droit positif. On notera par exemple que c’est le droit naturel qui est au fondement de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En effet, cette déclaration n’énonçait-elle pas les «droits naturels et imprescriptibles» de l’homme? Un intellectuel de tendance libérale comme Jean-Charles Harvey ne pouvait certainement pas a priori refuser l’argument. Mais cet argument justement, comment Groulx l’énonce? Encore une fois, précisons que Groulx n’a pas particulièrement développé son argumentation à ce sujet au cours des années 1935-1939. Néanmoins, comme on le verra, il s’agit d’une idée qu’il exprimait déjà au moins au milieu des années dix et que l’on retrouve encore dans ses écrits cinquante ans plus tard.

Dans la dernière des cinq conférences qui formaient le premier cours d’histoire du Canada de Groulx à l’Université de Montréal en 1915, il affirmait :

Avec Mgr Paquet (43) j’ajoute “[que] le droit à la langue est fondé sur la constitution de l’homme. C’est donc un droit naturel”. Et voilà pourquoi, ajoute-t-il, battu devant tous les tribunaux et tous les parlements, notre devoir serait encore de nous réfugier sur les sommets de ce droit imprescriptible, déterminés à maintenir jusqu’au bout la somme totale de nos revendications (44).  

   

 

Dans un exemplaire d’un ouvrage de Louis Le Fur paru en 1922, Groulx rédige une note qui souligne encore la prédominance du droit naturel sur le droit positif dans son esprit : «Chez les Canadiens français, il n’y a aucune prétention à la supériorité de races – autrement dit leur droit de vivre, ils ne le fondent aucunement sur une base ethnique. Ils l’ont fondé d’abord sur le droit naturel, sur leur droit historique, en partie aussi sur le droit positif (45).» Plus près de la période qui nous occupe, en 1933, il écrivait : «Droit réel, en effet, que le droit, pour une nationalité, de survivre et de se développer, droit fondé sur la conformité de la nation à la nature de l’homme et sur sa “fonction culturelle”à l’égard des nationaux (46).» Nous avons vu brièvement dans le chapitre II («Conceptions de la nation», p. 30) l’idée selon laquelle la nation constitue un milieu d’une importance capitale pour le plein développement de la personne humaine. Ici, Groulx en tire une conclusion, à savoir que la valeur du milieu national justifie sa défense. Il dit la même chose en 1936 : «N’oublions jamais que ce qui fonde en droit le national, c’est son aptitude spéciale à nous pourvoir du bien humain et, par suite, du bien surhumain (47).» On notera que cet argument ne manque pas d’intérêt. Ce qui le rend si intéressant, c’est qu’il attribue un droit collectif à la nation dont le fondement est, en fait, un droit individuel. Cela a son importance si l’on considère que les critiques du nationalisme sont souvent les penseurs libéraux pour qui, comme on l’a vu avec Harvey, le droit de l’individu, ou de la personne, constitue une valeur fondamentale. Cependant, formulé ainsi, le droit à l’existence nationale (qui, rappelons-le, constitue de facto chez Groulx un droit au nationalisme) peut difficilement être refusé par un adversaire libéral (48).

Ce droit à la nation, soulignons une fois de plus que Groulx prend bien soin de le situer au-dessus de toute autre considération d’ordre juridique. Dans la prochaine section, nous verrons que Groulx s’est surtout attardé au cours des années 1935-39 à préciser les étapes du développement du droit positif s’appliquant au nationalisme. Mais une évidence suggère que si le droit positif offre des garanties écrites, les lois sont néanmoins toujours changeables, ou sujettes à être violées (49). D’ailleurs, si le droit positif tel que Groulx l’entend est valable dans un contexte canadien, qu’en est-il de sa valeur en dehors des frontières? Sur quoi se fonde le droit des communautés franco-américaines (que Groulx, rappelons-le, considère toujours membres à part entière de la nation «canadienne-française») à garder leur identité nationale (langue française et foi catholique)? Un voyage aux États-Unis lui offre à Groulx l’occasion  de réfléchir à la question :

Avons-nous le droit de vivre, se demande-t-il? Dispersés en divers États politiques qui font à chacun de nos groupes une situation juridique et constitutionnelle distinctes, je voudrais poser notre droit à la vie en dehors de toute loi positive, sur le plan humain : le droit de nos cinq millions de français à la culture nationale [...]. Notre héritage, répond-t-il plus loin, nous avons le droit de le garder. Un droit sacré qui se fonde sur quelque chose d’inviolable, la personne humaine. [...] Prétendre à son plein développement, utiliser, à cette fin, toutes ses ressources spirituelles, voilà donc, pour la personne humaine, un droit bien net, bien défini. Et s’il arrive par conséquent que le milieu national nous transmette un avoir culturel de grand prix, une avance héréditaire souvent irremplaçable, nulle puissance au monde n’a le droit de venir nous prendre ces biens ni de nous commander d’y renoncer (50).

 

 

Cette citation démontre bien la force morale de l’argument (51). Nous avons retrouvé d’autres évocations explicites du droit naturel à la conservation (défense) de la nation dans un sondage effectué dans les centaines de manuscrits non traités du fonds Lionel-Groulx. Dans un manuscrit qui constitue en fait le plan d’une conférence donnée en 1937 et intitulée «L’éducation nationale. Le rôle des femmes (52) », il apparaît que la première partie de la conférence devait porter sur le «droit». Cette section est divisée en deux : «Notre droit politique et national (53)» et «Droit naturel». La sous-section «Droit naturel» contient ces notes : «Droit au milieu culturel. Droit reconnu par tous, philosophes, juristes. Pourquoi : action éducatrice prédisposition physique et psychique. On est le fils de son pays. On est le fils de sa nation. On est fils de sa culture (54).»

Même s’il est difficile de pousser l’analyse plus loin avec ce maigre matériel, il reste que cela semble confirmer qu’il s’agit d’une idée relativement importante pour Groulx. Le droit naturel à la conservation de la nation existe pour Groulx, cela apparaît incontestable, mais il ne s’y limite pas. On a dit que le droit positif n’est pas à l’abri du changement et que le droit naturel intervient en quelque sorte pour en rappeler les fondements moraux. Mais il est aussi vrai par ailleurs que tout juste qu’il soit, le droit naturel a peu de valeur pratique s’il est contredit par le droit positif. Il faut donc que le droit positif soit clair, et il l’est pour Groulx. C’est ce que nous analyserons maintenant.

3. LÉGITIMITÉ DU NATIONALISME : LE DROIT POSITIF

Si l’on cherche le véritable argument de Groulx concernant la légitimité du nationalisme, et surtout du nationalisme canadien-français – ce qui est encore plus important –, c’est du côté du droit positif qu’il faut regarder. Pour Groulx, le nationalisme est légitime en fonction de deux types de droit: le droit constitutionnel canadien (britannique) et le droit international. Le droit international, il ne l’évoque que très rarement, et ne l’invoque jamais au premier chef. Au cours des années 1935-1939, c’est surtout l’argument du droit constitutionnel qui l’intéresse, et il l’a invoqué dans au moins huit de ses textes, le présentant de façon plus ou moins complète selon l’occasion.

Ses travaux d’histoire lui ont permis de retracer dans l’histoire constitutionnelle canadienne depuis la Conquête différentes étapes où le droit naturel des Canadiens français à l’existence nationale aurait été confirmé par le droit positif. On retrouve cette idée dès ses premières conférences à l’Université de Montréal; on la retrouve plus détaillée encore dans la série de ses premiers vrais ouvrages d’histoire (La Confédération canadienne, ses origines,1918, La naissance d’une race, 1919, Lendemains de Conquête 1920, Vers l’émancipation, 1921, et davantage encore à travers les quatre volumes de son opus magnum, l’Histoire du Canada français depuis la découverte,1950-1952). C’est donc dire qu’il ne s’agit  pas chez Groulx d’une idée marginale, mais bel et bien fondamentale, qu’il a conservée jusqu’à la fin de sa vie. Nous nous limiterons toutefois ici aux années 1935-39.

Il y eut d’abord les capitulations et le traité de 1763. Groulx n’y voit rien de particulièrement intéressant par rapport au droit de la nation canadienne-française et au nationalisme, sauf peut-être dans Nos positions où il concède que parmi les conditions de la cession de la colonie à l’Angleterre «il est loisible d’en discerner qui réservent les biens et les droits essentiels à la vie d’une nationalité (55)». Mais il s’agit d’un simple constat et il n’en tire aucun argument de droit.

Vint ensuite l’Acte de Québec en 1774. Au cours des années 1935 à 1939, Groulx lui accorde une importance capitale. On se rappellera que l’Acte de Québec, que Groulx considère comme la «première charte de nos droits (56)» et «l’une des législations les plus extraordinaires du parlement impérial (57)», reconnaissait essentiellement quatre choses : le droit d’exercer la religion catholique et la perception de la dîme, le remplacement du serment du Test par un serment de fidélité à la Couronne et la confirmation du régime seigneurial. En 1935, il affirme que le conquérant reconnaissait par cet acte «le droit de vivre et de se développer conformément aux inspirations de sa culture et de sa civilisation. Autant dire, ajoute-t-il, qu’il fondait, en droit positif, et en termes non équivoques cette fois, le nationalisme canadien-français (58). Bien qu’il semble le suggérer, Groulx ne dit pas que l’Acte de Québec a donné naissance au nationalisme, mais qu’il lui confère un statut juridique (59). Évidemment, malgré ce que semble affirmer Groulx, il n’y a rien dans l’Acte de Québec qui confirme explicitement un quelconque «droit au nationalisme». Mais rappelons que dans son esprit, reconnaître qu’il existe une nation canadienne-française et lui accorder des droits, c’est logiquement reconnaître son droit à les défendre. Il revient à d’autres occasions sur cette idée, notamment pour affirmer avec un plaisir évident qu’un historien canadien-anglais, Duncan McArthur, partage son opinion à ce sujet (60).

Groulx considère l’Acte constitutionnel de 1791 comme le «deuxième pas en avant de notre émancipation nationale (61) ». Sa portée, dit-il, est la «création d’une province française [...], création voulue, délibérée, d’un État français par le Parlement impérial (62).» S’il reconnaît ailleurs que l’érection de la province en «État français» est théorique (63), et que les cinquante années qui suivront 1791 seront marquées par la déception devant ce qu’il appelle la politique «assez oscillante et voire assez mesquine» de la métropole (64), il affirme néanmoins que le législateur entendait «laisser chaque peuple vivre et grandir selon ses coutumes, ses lois propres, son génie particulier (65)», autre preuve de la légitimité de la lutte nationaliste selon lui.

Groulx considère ni plus ni moins la poussée vers l’autonomie du Canada français comme une nécessité historique : «Pour nous du Canada, dit-il, une ligne, une seule, figure exactement notre histoire et c’est une ligne d’ascension constante vers l’autonomie politique et nationale [...]. Nous ne tolérerons [pas] que cette ligne s’abaisse ou soit brisée (66).» L’histoire du Canada français, dans cette perspective, prend le sens d’une lutte continuelle pour la survie, lutte qui se fait, entre autres, sur le plan constitutionnel (67). Dans cette aventure, un seul recul selon Groulx : l’Acte d’Union de 1840, qu’il qualifie de politique d’assimilation : «annexé selon la manière forte au Haut-Canada, dit-il, le Canada français perdait pour la première fois sa personnalité politique (68).» Mais Groulx ne se laisse pas démonter. Pour une fois, il minimise l’importance du droit impérial et conclut qu’on ne peut «l’invoquer comme une prescription de notre histoire et de notre droit (69)». D’ailleurs, il ajoute que l’attitude de Lafontaine en 1842, qui n’a accepté l’union des deux Canadas que sur une base fédérative, replaçait un an plus tard, en partie du moins, le Canada français dans la ligne de son histoire.

Vint enfin 1867 et l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Dans l’esprit de l’abbé Groulx, les Canadiens français ont négocié leur participation à la nouvelle fédération en imposant des garanties à leurs droits, et la fondation du Canada sur la base de la dualité linguistique et nationale est le fruit d’un consentement unanime. S’il a semblé si près de se prononcer en faveur de la rupture de la Confédération au cours des années trente, ce n’est pas en réaction contre la Confédération elle-même, mais bien parce qu’à son avis,  le Canada anglais n’a pas respecté le pacte qui avait été établi (70). En fait, dans la perspective de la légitimité du nationalisme, Groulx considère favorablement l’entente parce que, en accord avec la «ligne historique» faut-il le souligner, elle «nous remettait chez nous, dit-il, maîtres de notre province et de sa politique (71).» À certaines occasions, c’est ni plus ni moins que la création d’un État français que Groulx observe. Pourtant cet État français, il le demande encore au cours des années 1935-1939. En fait, Groulx croit que les Canadiens français n’ont pas saisi l’occasion qui leur était offerte (de droit) depuis 1867 de véritablement devenir «maîtres chez eux». Lorsqu’il dit à ses compatriotes qu’il faut créer un État français, il veux les convaincre qu’il s’agit d’un droit qui leur est accordé par l’AANB, mais qu’ils ne l’ont pas appliqué dans les faits. Il dira par exemple: «L’État français, dans la province de Québec, est devenu, depuis 1867, de droit positif, constitutionnel (72)»; ou encore «faire de cette province un État français, dans le cadre fédéral si possible, c’est donc notre droit strict, un droit qu’on ne saurait nous contester (73)».

L’argument du droit positif tiré de l’histoire constitutionnelle du Canada est l’argument sur lequel Groulx s’appuie le plus fréquemment pour convaincre de la légitimité de son nationalisme (74). Cette démonstration est importante pour Groulx et il ne la prend pas à la légère. Dans sa conférence intitulée Nos positions, qui constitue certainement le texte de Groulx le plus posé, le mieux organisé et le plus «doctrinal» dirions-nous, voici comment il termine sa démonstration :

Voilà, Messieurs, le solide, l’inébranlable fondement du nationalisme canadien-français. L’une après l’autre, vous venez de le voir, nos constitutions politiques n’ont cessé de sanctionner ni de fortifier le droit à l’existence politique et nationale de notre peuple. Et il ne faut donc pas craindre de nous en expliquer : nul nationalisme au monde n’est plus légitime, plus orthodoxe que le nationalisme canadien-français (75).

 

 

On ne saurait être plus clair : le droit positif constitue pour Groulx l’argument le plus solide  concernant la légitimité du nationalisme canadien-français. Nous venons de voir l’aspect rationnel du discours de Groulx des années 1935-1939. Que l’on considère justes ou non ses positions n’est pas ici réellement important. Ce que nous voulions démontrer, c’est que Groulx ne fait pas qu’exprimer un nationalisme essentiellement fondé sur le sentiment, qu’il n’exprime pas ce nationalisme seulement d’une façon sentimentale et que bien qu’il sache toujours pincer les cordes sensibles de ses auditoires, il tente aussi de faire appel à leur raison. Il semble que cela n’a pas suffi à Jean-Charles Harvey, et c’est ce que nous verrons maintenant.

4. GROULX ET HARVEY : CE QUI LES DIVISE

Lionel Groulx et  Jean-Charles Harvey nous ont jusqu’à présent servi d’exemples pour illustrer la pensée nationaliste et antinationaliste. Bien entendu, leurs discours ne représentent ni tout le discours nationaliste, ni tout le discours antinationaliste. De plus, il est évident qu’Harvey n’est pas le seul adversaire de Groulx, et vice versa. Ainsi, ce qu’Harvey dit des nationalistes ne s’applique pas nécessairement à Groulx, et Groulx ne mentionne jamais Harvey, bien qu’on sente à l’occasion que les flèches de Groulx lui conviendraient à merveille. Chacun a ses préoccupations et son ordre du jour, et c’est pourquoi nous avons d’abord voulu présenter les deux intellectuels séparément, c’est-à-dire pour que les préoccupations de l’un ne contaminent pas notre approche de l’autre.

Il est plus aisé de découvrir ce qu’Harvey pense de Groulx que l’inverse car Groulx n’en parle seulement que dans ses Mémoires. Un de ses premiers jugement est le suivant : «un journaliste qui apparemment me veut beaucoup de mal (76) ». En effet, on doit admettre qu’Harvey est souvent très dur à l’endroit de Groulx, et il est vrai, comme le souligne Groulx lui-même, qu’il en deviendra «la cible habituelle, sinon favorite (77)» : au cours des années 1935-1939, Harvey mentionne Groulx dans vingt-neuf articles, ce qui nous apparaît assez considérable. Le ton de ces articles va généralement du négatif au très négatif, mais nous verrons néanmoins que Groulx trouve grâce aux yeux du journaliste à quelques occasions, ce qui nous éclaire sur les raisons qui le font s’opposer à Groulx. D’ailleurs, nous pensons que malgré tout ce qu’Harvey a pu dire de Groulx, il y avait néanmoins un fond de respect, ou plutôt une admiration du journaliste pour l’homme. D’ailleurs, dans un articles que nous citerons souvent dans les pages qui suivent («Les “directives” de l’abbé Groulx»), Harvey prend soin de préciser la part de respect qu’il voue à Groulx : «M. l’abbé Groulx est l’un des Canadiens français qui font le plus honneur à leur nationalité. On ne saurait s’empêcher de lui reconnaître du talent, de la sincérité, de la personnalité et du magnétisme. Il est, avec Marie-Victorin, un de ces travailleurs consciencieux et persévérants, dont on ne saurait dire trop de bien.» Mais Harvey se plaint d’avoir à toujours établir ces faits avant de pouvoir discuter des opinions de l’abbé. Il poursuit ainsi : «me faudra-t-il répéter, sans cesse, avant de disserter sur l’abbé Groulx : “Nous éprouvons de la sympathie pour l’homme et le prêtre; nous ne saurions partager tout son nationalisme, que nous trouvons étroit et dangereux (78).”»

Le premier contact entre les deux hommes s’établit en 1922. Harvey vient de publier son premier roman, Marcel Faure. À sa demande, Groulx lui en donne son opinion (79). La correspondance ne reprendra qu’en 1935. Encore une fois, c’est Harvey qui en est l’initiateur. Cette fois, il sollicite l’appui de Groulx pour entrer à la Société royale du Canada et il lui écrit entre autres ceci : «J’ai toujours eu beaucoup d’estime non seulement pour votre oeuvre d’historien et votre pur nationalisme, mais aussi pour votre caractère (80).» «Pur nationalisme»? Difficile de savoir quelle est la part de vérité et la part d’opportunisme dans cette flatterie. Mais il est vrai, comme nous l’avons constaté plus tôt, qu’à ce moment Harvey n’est peut-être pas encore totalement détaché du nationalisme. Le bref échange épistolaire qui a suivi nous montre par ailleurs un Jean-Charles Harvey très respectueux et qui semble sincère. Sincérité qui va, il est important de le souligner, jusqu’à avouer à Groulx que ce qui les sépare, ce sont «les trois lettres du mot Foi (81).» Un des rares textes d’Harvey en 1935 nous le montre commentant un aspect de la conférence de Groulx Nos positions, à laquelle il est possible qu’il ait assisté d’ailleurs. Si nous tenons pour acquis qu’il livre bien le fond de sa pensée, son appréciation positive ne fait pas de doute. Voici ce qu’il en dit:

La conférence prononcée récemment par l’abbé Groulx, devant le jeune Barreau de Québec, a vivement impressionné nos concitoyens. Ce nationaliste convaincu, dont le talent et l’idéal ont droit à nos hommages et à notre respect, s’est montré d’une franchise et d’un courage peu communs. Que nous soyons un peuple bâtard, sans caractère, mélange hybride d’anglo-saxon, d’américains et de français, porté aux admirations béates et aux imitations serviles, M. Groulx l’a démontré avec éloquence (82).

 

 

Dans ses Mémoires, Groulx se demande s’il n’aurait pas dû poursuivre la «discussion», mais souligne que c’est Harvey lui-même qui se chargera de la rompre en fondant son journal... (83) Que s’est-il donc passé chez Harvey au cours des années 1935 à 1937? Impossible de le dire à partir des matériaux que nous possédons. Concernant Groulx toutefois, il faut reconnaître qu’Harvey n’en est pas à une contradiction près et interpréter sa pensée au sujet de Groulx n’est pas particulièrement facile. Essayons tout de même d’en dégager les grandes lignes.

D’abord, on constate que ce sont principalement les mêmes problèmes de la société qui préoccupent les deux  hommes, problèmes économiques et surtout lacunes de l’éducation en tête. Harvey admet qu’il s’accorde avec Groulx sur la définition des principaux problèmes, mais il ajoute que «sur les causes et les remèdes commence le désaccord (84).» Pour Harvey, nous l’avons vu, la principale solution est une réforme de l’éducation, dont la première étape pourrait être la création d’un lycée français, projet qui se concrétisera en 1939 et pour lequel Groulx s’est d’ailleurs montré favorable, au grand plaisir d’Harvey (85). Si la réforme de l’éducation est la solution pour Harvey, elle l’est aussi pour Groulx. Mais Harvey demandait surtout une éducation plus pratique et l’enseignement plus intensif de l’anglais, alors que Groulx demandait le plus souvent – mais pas exclusivement (86) – une éducation plus fortement nationaliste et catholique. Harvey se moque d’ailleurs de Groulx «qui semble croire que le sentiment nationaliste – il faudrait dire racique – n’a pas été assez fort, assez éclairé, assez complet (87)» alors que lui pense justement le contraire (voir p. 62). Dans le même texte, Harvey déclare que Groulx se fourvoie en pensant que davantage de «métaphysique et de sentiment» régleront les problèmes économiques. La «métaphysique», le «sentiment», la «sensibilité», les «passions», voilà d’ailleurs peut-être ce qui agace le plus Harvey chez l’abbé Groulx.

Harvey reconnaît parfois à Groulx une certaine logique : «Aussi longtemps qu’il s’en tient à l’aspect purement racique et spirituel, l’apôtre du séparatisme est convenablement logique, bien que ses raisonnements soient, pour la plupart, basés sur [de] spécieux syllogismes (88) », mais il croit qu’il sème la confusion dès qu’il y mêle l’économique. Ailleurs, ses attaques sont plus dures. Par exemple, dès le premier numéro du Jour, il déclare au sujet de Groulx : «Ce chef des racistes [...] s’est imposé, non pas [à] la raison, mais à la sensiblerie des jeunes (89).» Il dit aussi : «Nous avons remarqué bien souvent, chez [Lionel Groulx], l’absence de sens philosophique, le manque d’équilibre du raisonnement, l’interprétation fantaisiste des faits (90).» Cinq mois plus tôt, en janvier 1938, il écrivait aussi :

Comment subirions-nous le charme de quelques rhéteurs séparatistes ou prédicants de prétendue mystique nationale, au point de lâcher la réalité pour de ridicules chimères? Comment pourrions-nous, par exemple, nous soumettre un instant aux directives de l’abbé Groulx, quand on sait que ces directives ne s’appuient aucunement sur les faits et la raison et n’ont d’autre effet que d’exaspérer le sentiment de jeunes incapables de discernement (91)?

 

 

L’importance qu’avait pour Harvey cette question de la raison et du sentiment est indéniable, et il est clair qu’il s’agit d’un des principaux motifs de sa sévérité à l’endroit de Groulx.

À notre avis, l’autre thème qui éloigne clairement Harvey de Groulx, c’est la crainte que celui-ci soit séparatiste. Nous disons «crainte» parce qu’Harvey n’en semble pas toujours convaincu. Le 25 septembre 1937, il affirme que Groulx est séparatiste : «la jeunesse, dit-il,[...] qui se laisse guider plutôt par la sensibilité que par la raison, s’éprit, en plus d’un endroit, des chaudes paroles de l’apôtre du séparatisme (92)». Deux semaines plus tard toutefois, il concède que Groulx a «déclenché, sans le savoir admettons-le, un mouvement séparatiste chez quelques jeunes gens chauffés à blanc par son éloquence [...] (93)». Harvey reconnaît donc qu’il existe une différence entre Groulx et ceux qui se réclament de lui, mais il lui attribue néanmoins dans cet article la responsabilité de leurs opinions. Il semble d’ailleurs toujours penser de la même manière un an plus tard, alors qu’il déclare avec une certaine ironie que Groulx est «l’animateur-sans-le-savoir du mouvement séparatiste de Québec (94).» En août 1938 pourtant, Harvey excusait l’abbé Groulx pour les exagérations de ses «disciples» : «L’excuse de ce grand nationaliste, dit-il en rapportant les propos d’un religieux, c’est peut-être de n’avoir pas été compris de ses élèves.» Puis il ajoutait : «la plupart de nos extrémistes se réclament de notre führer nationalisant. J’admets qu’ils ont interprété le maître avec fantaisie, qu’ils ont beaucoup dépassé le sens et la portée des ses leçons, que, d’une doctrine de fierté nationale, ils ont fait un ragoût de lieux communs racistes et démagogiques (95).»

Mais malgré ces inconstances, il reste que la question du séparatisme est, avec la question de la raison et du sentiment, au coeur de l’attitude d’Harvey face à Groulx. Nous en avons d’ailleurs une preuve par son changement d’attitude assez brusque à l’endroit de Groulx au début de l’année 1939.

Pour des raisons obscures, Harvey considère à la fin de 1938 que le «séparatisme est mort» et se félicite que son journal y ait contribué (dans la proportion de 90%, ajoute-t-il!). Il répète qu’il n’avait pas aimé ni Orientations, ni Directives, et qu’il voyait sincèrement en Groulx un adversaire de l’unité canadienne. Mais voilà que Groulx a prononcé un discours qui permet à Harvey de lui dire «Bravo!». Que s’est-il donc passé? Tout simplement, Harvey considère que Groulx s’est montré «patriote dans le sens le plus large» en se déclarant partisan de l’autonomie canadienne conférée par le Statut de Westminster (1931) et en proclamant la nécessité de l’unité canadienne. Harvey en conclut que «l’ère du provincialisme et du sectarisme» est terminée (96). Il apparaît assez clairement qu’Harvey a interprété très largement les paroles de Groulx en faisant de son discours presque un discours contre l’autonomie provinciale, alors qu’il ne faisait que parler, comme à bien d’autres occasions, de l’indépendance du Canada par rapport à l’Empire britannique.  Harvey déclare par exemple : «il ne sera plus question de provincialisme ou de séparatisme quand nous aurons tous notre titre de Canadiens (Harvey souligne) et que nous tiendrons à ce titre plus qu’à notre prunelle. M. Groulx l’a bien laissé pressentir quand il a dit: “Le Canada ne sera une patrie unie que si l’intérêt canadien prime, au Canada, avant tout autre”». À notre avis, Groulx a probablement prononcé encore une fois ces paroles en songeant à l’intérêt du Canada par opposition aux intérêts lointains de l’Empire. Mais peu importe qu’Harvey ait mal interprété ses paroles (intentionnellement ou non). L’important, c’est que ces passages confirment l’importance qu’avait pour Harvey la question du séparatisme dans son appréciation de Groulx.  

C’est Harvey lui-même qui nous en donne la meilleure preuve le 1er juillet 1939, une semaine après la conférence de Groulx intitulée «Notre mystique nationale». Reconnaissant maintenant que Groulx se déclarait en faveur de «l’union de toutes les provinces de la fédération canadienne, pourvu que cette union [...] ne se réalise pas au détriment de la langue et des traditions des Canadiens de langue française et que l’on laisse à cette province la plus large somme d’autonomie», il déclare :

Nous avons été parfois durs pour lui. Ce qui nous incitait à des attaques virulentes contre certaines de ses expressions d’opinion, c’est que toutes les petites organisations séparateuses, maintenant tombées en désuétude, se réclamaient de lui et allaient jusqu’à distribuer, dans leur propagande, des statuettes de l’historien dit national. Mais nous savons reconnaître, en M. l’abbé Groulx, une grande honnêteté intellectuelle et un courage digne d’estime (97).

 

 

Mais Harvey se méprend encore en affirmant plus loin : «nous savons à la suite de quels combats intérieurs il a dû faire son dernier discours», alors que Groulx ne fait qu’exprimer dans cette conférence ce qu’il a toujours dit (voir pp. 29-30). Il loue aussi le ton et l’inspiration de son discours qui diffère à son avis de celui qu’il avait prononcé au Deuxième Congrès de la langue française en 1937 et dans lequel il déclarait : «Notre État français, nous l’aurons!». En effet, le ton de Notre mystique nationale est peut-être plus posé que celui de «L’histoire, gardienne de nos traditions vivantes». D’un autre côté, il ressemble aux autres conférences des années 1935-1939 à part peut-être, il est vrai, le fait que Groulx insiste plus longuement qu’à l’accoutumée sur l’unité canadienne. Mais cela s’explique assez facilement, puisque cette conférence a été faite à l’été 1939, au moment où la menace d’une guerre en Europe se fait fortement sentir. La question de l’autonomie canadienne, dans ce contexte, prenait nécessairement une nouvelle dimension et il n’est pas étonnant que Groulx s’en préoccupe davantage qu’à l’habitude.

Ce serait donc principalement la question de la raison/déraison et celle du séparatisme qui auraient réellement éloigné Harvey de Groulx au cours des années 1935-1939. Bien sûr, comme nous avons eu l’occasion de le remarquer dans le chapitre II («Jean-Charles Harvey, antinationaliste»), il ne s’agit pas des seuls points de friction entre les deux hommes – on pense notamment à la question de l’importance à donner au passé – mais il nous semble que la question de la raison/déraison est nettement plus déterminante dans l’attitude agressive d’Harvey. Au fond, ces questions sont étroitement liées, car prôner le séparatisme pour Harvey, n’est-ce pas le résultat d’une pensée irrationnelle, d’un nationalisme exagéré qui ne tient pas compte des faits (notamment qu’une «grande puissance» vaut mieux qu’une petite nation «faible»)? Cela nous apparaît assez évident. Malgré tous les efforts déployés par Groulx pour justifier son nationalisme aux yeux de la raison, Harvey ne considère pas cela suffisant. Par exemple, on le verra dire que «l’exploitation des préjugés, les appels aux passions chauvines, les exposés de doctrines groulxistes, sont de nature à troubler les esprits (98)». Mais qu’en est-il de la question du racisme, qui constitue chez Harvey la deuxième attaque la plus fréquente? En fait, malgré toutes les déclarations de Groulx à ce sujet, Harvey considère néanmoins qu’il prêche la haine entre les nationalités au Canada : «Le fanatisme national, dit-il en 1937, guide cette plume vigoureuse sans qu’elle ne s’en aperçoive (99).» S’il révise momentanément son jugement à ce sujet à la fin de 1938 et en 1939 en même temps que son attitude générale à l’endroit de Groulx, comme nous venons de le voir, il reprend son ton habituel dans l’un des derniers articles de la période qui nous intéresse, ce qui nous suggère qu’il n’est pas réellement réconcilié (100).

* * *

Dans le prochain chapitre, nous analyserons la pensée de Louis Lachance. Nous y verrons entre autres que la pensée de Lachance et celle de Groulx sont similaires, et que s’il y a une différence à établir entre eux concernant le caractère rationnel ou sentimental de leur pensée, c’est surtout à cause du type même des sources dont on dispose plutôt qu’à cause d’une réelle différence de fond. Un jugement extrêmement positif et assez étaillé d’Harvey au sujet du livre de Lachance confirmera d’ailleurs nos conclusions à savoir que ce qui l’éloigne de Groulx, avec la crainte du séparatisme et la haine du racisme, c’est principalement le caractère sentimental qu’il observe dans son discours.

 

(1) Lionel MONTAL [pseud.], «Le parler canadien», L’Album universel, vol. 23, no. 1157, 30 juin 1906.

(2) L. GROULX, Mes Mémoires, tome 2 (1920-1928), Montréal, Fides, 1952, p. 227.

(3) Ibid. Notons qu’on ne peut être assuré de l’authenticité de ces paroles rapportées trente ans plus tard. Soulignons aussi qu’il y a, évoqués dans cette citation, les trois principaux problèmes que nous abordons dans ce chapitre: la conviction de Groulx que le nationalisme canadien-français est légitime aux yeux de l’Église, qu’il est légitime en tant que droit naturel à la défense de la nation et qu’il est même garanti par le droit positif.

(4) L. GROULX, «Notre avenir en Amérique», dans Orientations, 1935, p. 285. Discours prononcé le 30 juin 1935 à Manchester, États-Unis.

(5) L. GROULX, «L’éducation nationale», dans Directives, 1937, p. 141. Conférence prononcée le 5 décembre 1936 au Congrès des instituteurs catholiques de Montréal.

(6) L. GROULX, «Notre destin français», dans Directives, 1937, p. 140.

(7) L. GROULX, «L’économique et le national», dans Directives, 1937 (1936), p. 61.

(8) J.-P. GABOURY, op. cit., p. 51.

(9) L. GROULX, Nos positions, Québec, L’Action catholique, 1935. Causerie donnée devant le jeune Barreau de Québec. Nous soulignons.

(10) L. GROULX, «L’université et l’éducation nationale», dans Orientations, 1935, p. 184. Article paru dans L’Action universitaire en janvier 1935. On consultera aussi avec intérêt le texte suivant : L. GROULX, Notre mystique nationale,  [s.l.], [s.é.], 1939, 18 pages. Discours prononcé à Montréal le 23 juin 1939.

(11) L. GROULX, «L’inquiétude de la jeunesse et l’éducation nationale», dans Orientations, 1935, pp. 93-116.  Discours prononcé à Québec au Palais Montcalm le 6 juin 1933.

(12) «Messieurs, si vous parcourez une carte du monde, vous m’accorderez que peu de peuples, si même il s’en trouve, vivent à l’heure actuelle, au point de vue national, une vie plus tragique que la notre : 3 millions d’âmes coincées, en un bout du continent, par une masse énorme de 150 millions. Ces seuls chiffres évoquent le drame terrible de notre vie», L. GROULX, «L’éducation nationale», dans Directives, 1937, p. 144. Conférence prononcée en décembre 1936 devant le Congrès des instituteurs catholiques de Montréal.

(13) Cette préoccupation apparaît évidente à la lecture de ses Mémoires : «Le directeur de L’Action française est-il resté prêtre? Il ne m’appartient pas d’en décider. Mes amis ont bien voulu m’en donner parfois l’assurance. Il ne m’ont pas enlevé la nostalgie que j’ai gardée d’un état de vie où j’aurais vécu davantage dans le sacré», L. GROULX, Mes Mémoires, tome 2, p. 344.

(14) L. GROULX, Nos positions, 1935, pp. 9-10.

(15) On notera avec intérêt que Groulx a posé à Pâquet en 1920 essentiellement la même question qu’il posera vingt ans plus tard  à Lachance. En effet, Groulx demande à Pâquet : «Croyez-vous que je puisse écrire, en toute sûreté de doctrine, que nous de Québec, nous devons être plus préoccupés de notre survivance française que d’unité canadienne?» Lettre de L. GROULX à L.-A. PÂQUET, Montréal, 28 septembre 1920, ACRLG, FLG, P1/A, 2856. Voir la note 24 du présent chapitre.

(16) R. HAMEL, J. HARE et P. WYCZYNCKI, Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord, Montréal, Fides, 1989, p. 1058.

(17) «Un grave problème de doctrine agitait-il l’opinion, on se tournait avidement vers l’oracle québécois. Qu’en pense Mgr Paquet? Son autorité faisait loi», L. GROULX, Mes Mémoires, tome 2, p. 173. Groulx écrit Paquet sans accent circonflexe, mais Pâquet lui-même signait avec un accent.

(18) On remarquera ici qu’à son tour, Groulx considère que ses adversaires font preuve de déraison en s’opposant au nationalisme.

(19) L. GROULX, Mes Mémoires, tome 2, p. 344.

(20) Ibid., p. 177.

(21) Voici ce qu’Harvey dira quelques mois plus tard de ce discours : «C’est par la poésie d’un tel language [sic] que l’abbé Groulx s’est imposé, non pas à la raison, mais à la sensiblerie des jeunes. C’est par là aussi qu’il a fini par détacher nombre de nos compatriotes de la vraie nation canadienne, celle qui va de l’Atlantique au Pacifique et qui, en abandonnant les stériles luttes de “races”, peut devenir l’une des grandes civilisations du monde. C’est dommage.», J.-C. HARVEY, «M. Lionel Groulx, premier ministre», Le Jour, 16 septembre 1937, p. 8.

(22) À supposer, bien sûr, qu’elle soit réellement fixé, ce qui n’est pas certain.

(23) L.-A. PÂQUET, «Trois obstacles à la paix mondiale», Le Canada français , vol. XXIV, no. 10 ( juin 1937), p. 931. Nous soulignons.

(24) Lettre de L. GROULX à L. LACHANCE, Outremont, 16 septembre 1941, 1 p. dactylographiée, ACRLG, FLG, P1/A, 1939. Il s’agit vraisemblablement de «Paroles à des étudiants» et plus particulièrement des pages 49 à 55 de la brochure, qui traitent de la question des devoirs de patriotisme que les Canadiens français doivent entretenir à l’égard de la Confédération canadienne d’une part et de la nation canadienne-française d’autre part. Prononcée en mars et en avril 1941 à Montréal, cette conférence fut mise en brochure : L. GROULX, Paroles à des étudiants, Montréal, Éditions de L’Action nationale, 1941, 80 pages.

(25) Lettre de L. LACHANCE à L. GROULX, [en-tête du Séminaire des Saints Apôtres, Sherbrooke, P.Q], [s.d],  ACRLG, FLG, P1/A, 1939.

(26) Lachance a offert son ouvrage à Groulx et l’a dédicacé ainsi : «En hommage très cordial à M. l’abbé Lionel Groulx. fr. Louis Lachance, O.P.» Copie de Groulx conservée au Centre de recherche Lionel-Groulx.

(27) Marque faite dans la marge de gauche à la page 16.

(28) L. GROULX, «Labeurs de demain», dans Directives, 1937, p. 128. Le passage est le suivant : «Tant qu’il n’est pas avéré qu’un ordre politique est devenu injuste, et surtout tant qu’il n’est pas manifeste qu’il puisse être remplacé par un autre plus propre à pourvoir une nation du bien humain, un ordre politique vaut et est objet de justice sociale.»

(29) Il ne les cite pas toujours d’ailleurs... Nous avons retrouvé au moins un passage de Groulx clairement «emprunté» à J. T. DELOS. Il s’agit d’un passage de «Notre avenir en Amérique» (cité à la p. 25 du présent mémoire) vraisemblablement paraphrasé par Groulx.. Voir J. T. DELOS, «Le catholicisme et l’ordre international», dans Union catholique d’études internationales, Les grands problèmes de l’heure présente, Paris, Spes, 1930, p. 199.

(30) J.-C. HARVEY, «Les yeux dans le dos», Le Jour, 18 mars 1939, p. 1. Harvey s’en prenait aussi parfois spécifiquement à Groulx : «Après de telles paroles de menace, je dirais provocatrices, l’abbé Groulx se défend de faire appel à la violence et à la lutte des races, mais le fait est là : ce passage est nettement un appel à la violence. Le maître a l’art de lancer, dans les foules, des mots qui allument des incendies qu’il ne saurait éteindre», J.-C. HARVEY, «Les “directives” de l’abbé Groulx», Le Jour, 11 décembre 1937, p. 2. Voici une partie du passage incriminé : «Moi je vous dis que la prochaine génération n’acceptera pas davantage, en 1937, le régime qui prétendrait se servir de l’économique pour dominer la politique et, par elle, toute notre vie nationale et spirituelle». Groulx fait évidement référence à la domination économique anglo-protestante.

(31) L. GROULX, «Labeurs de demain», dans Directives, 1937 (1936), pp. 133-134.

(32) L. GROULX, Mes Mémoires, tome 2, p. 226.

(33) L. GROULX, «Notre avenir en Amérique», dans Orientations, 1935, p. 289.

(34) Ibid, p. 290.

(35) Voir entre autres Damien-Claude BÉLANGER, Lionel Groulx et la Franco-Américanie, mémoire de maîtrise (Histoire) présenté à l’Université de Montréal, 2000, 172 pages.

(36) Idem.

(37) Ibid. , p. 292.

(38) L. GROULX, L’économique et le national, Montréal, L’Imprimerie populaire Ltée, 1936, p. 11. Conférence prononcée en février 1936 à Montréal devant la Chambre cadette de commerce et à Québec devant le Jeune-Barreau.

(39) «Posons d’abord ce principe absolu que Dieu ne s’intéresse à rien qu’en fonction de Lui-même, du Christ, de l’Église, des fins supra-terrestres de l’homme», L. GROULX, «Pour qu’on vive», dans Orientations, p. 221. Causerie faite le 30 octobre 1934 à Montréal devant l’Association Catholique des Voyageurs de commerce.

(40) Ibid, p. 223.

(41) L. GROULX, «Catholicisme et action nationale», dans Pour Bâtir, Montréal, L’Action nationale, 1953, p. 150.  Causerie prononcée en novembre 1953 à Montréal au Congrès de l’Association de la jeunesse canadienne.

(42) Dictionnaire Le Petit Robert, p. 581.

(43) On remarquera ici la volonté déjà présente d’apporter une caution à ses propos en faisant appel à Mgr Pâquet.

(44) L. GROULX, Nos luttes constitutionnelles (Ve conférence), Montréal, Le Devoir, 1915, p. 5. Nous soulignons.

(45) Notes de Groulx au bas de la table des matières de l’ouvrage de Louis LE FUR, Races, nationalités et États, Paris, Librairie Félix Alcan, 1922, p. 156. Ouvrage conservé dans la bibliothèque personnelle de Groulx. Nous verrons bientôt que le droit positif semble avoir acquis une importance plus grande au cours des années 1935-39. Il est d’ailleurs impossible de déterminer à quel moment Groulx a rédigé ce commentaire.

(46) L. GROULX, L’enseignement français au Canada, tome II, Montréal, Granger Frères, 1933, p. 244. On notera que ce passage est une paraphrase d’un passage du livre de Delos. Voir note 29 du présent chapitre.

(47) L. GROULX, «Labeurs de demain», dans Directives, 1937, p. 104. Causerie faite au Congrès des Jeunesses patriotes à Montréal, le 13 septembre 1936.

(48) C’est d’ailleurs le pont qu’établissait F. BLAIS entre nationalisme et libéralisme dans son article «Peut-on être libéral et nationaliste? Sur des conséquences normatives de l’individualisme moral dans le débat opposant libéralisme à nationalisme», dans F. BLAIS, G. LAFOREST, D. LAMOUREUX, Libéralismes et nationalismes. Philosophie et politique, Sainte-Foy, P.U.L., 1995, p. 26. Selon Blais, une certaine pensée libérale ne s’opposerait pas à la reconnaissance de droits collectifs si ceux-ci «dérivent de droits individuels» et s’ils ne «s’opposent pas à un droit fondamental et sont au service du bien-être général des individus».

(49) «Les textes constitutionnels importent grandement, sans doute. Mais l’on sait aussi que les attitudes et les moeurs des hommes peuvent faire fléchir tout texte de loi», Jacques BRASSIER [pseudonyme], «Pour qu’on vive...», L’Action nationale, vol. IV, no. 4 (décembre 1934), p. 244.

(50) L. GROULX, «Notre avenir en Amérique», dans Orientations, 1935, pp. 276-281. Nous soulignons.

(51) Le terme «droit naturel» n’apparaît pas dans la citation mais on le retrouve plus loin, lorsque Groulx en appelle au jugement d’un philosophe et théologien catholique, le Père Lucien Brun, pour confirmer que le droit aux particularités culturelles est un droit naturel.

(52) «L’éducation nationale. Le rôle des femmes» [titre rayé : L’Action nationale féminine»], 1937, 24 pages mss. ACRLG, FLG. Ma-241.

(53) Ibid., p. 1.

(54) Ibid., p. 2.

(55) L. GROULX, Nos positions, 1935, p. 10

(56) L. GROULX, «L’éducation nationale», dans Directives, 1937 (1936), p. 140.

(57) L. GROULX, Notre mystique nationale, 1939, p. 5.

(58) Ibid. Nous soulignons.

(59) Il établira d’ailleurs clairement cette distinction en 1952 : l’Acte de Québec, dit-il, «n’a pas fondé le nationalisme canadien-français [...]. Ne lui aurait-il pas donné sa base juridique? Jusqu’ici le fait français au Canada ne pouvait se prévaloir que des capitulations, reconnaissance qui dépassait à peine les vagues garanties du droit naturel», L. GROULX, Histoire du Canada français depuis la découverte, tome III, Montréal, Fides, 1952, p. 75.

(60) Voir L. GROULX, «Labeurs de demain», dans Directives, 1937 (1936), p. 116 et «L’éducation nationale», dans  Directives, 1937 (1936), p. 140 : «Je ne trouve donc pas à m’étonner qu’un historien anglo-ontarien, M. Duncan McArthur, hier professeur à l’université Queens, aujourd’hui ministre de l’Éducation dans le cabinet Hepburn, ait aperçu dans L’Acte de Québec, l’acte de naissance du nationalisme canadien-français.»

(61) L. GROULX, Nos positions, 1935, p. 243

(62) Ibid.

(63) L. GROULX, «L’histoire, gardienne de nos traditions vivantes», dans Directives, 1937, p. 215.

(64) L. GROULX, Nos positions, 1935, p. 244.

(65) Ibid.

(66) L. GROULX, «Notre avenir en Amérique», dans Orientations, 1935, p. 280.

(67) Il est assez révélateur par ailleurs que ses premiers cours d’histoire du Canada portaient le titre Nos luttes constitutionnelles, c’est-à-dire qu’il a donc commencé sa carrière d’historien sur cette note.

(68) L. GROULX, Nos positions, 1935, p. 11

(69) Ibid.

(70) Notons qu’il ne fait pas que rejeter la faute de «l’échec» de la Confédération sur le Canada anglais. À son avis, les Canadiens français eux-mêmes sont responsables de cet échec parce qu’ils n’ont pas défendu leurs droits avec assez de vigueur, quand il les ont défendus.

(71) L. GROULX, «Labeurs de demain», dans Directives, 1937 (1936), p. 118.

(72) Ibid., p. 117.

(73) L. GROULX, L’économique et le national (1937), p. 7.

(74) On se rappellera que Groulx refuse le principe du droit à l’autodétermination des peuples. Voir la note 30 du chapitre premier.

(75) L. GROULX, Nos positions, 1935, p. 246. Remarquons une fois de plus le lien que fait Groulx entre le droit à l’existence des Canadiens français et la légitimité du nationalisme. Dans ses Mémoires, Groulx explique pourquoi ce texte est particulièrement bien échafaudé : c’est qu’il se retrouverait, dit-il, devant «un auditoire de juges et d’avocats, donc de gens pratiques, qui ne se paient point de mots, habitués à serrer les textes de près, exigeants en fait d’argumentation et de preuve. Depuis longtemps un sujet m’obsède : fouiller, ramasser, grouper en faisceau nos prétentions, nos droits à la survivance, établir, en somme, les fondements du nationalisme canadien-français», L. GROULX, Mes Mémoires, tome 3, p. 240.

(76) L. GROULX, Mes Mémoires, tome 3, p. 348.

(77) En fait, disons qu’il le sera au moins à l’égal de Georges Pelletier du Devoir.

(78) J.-C. HARVEY, «Les “directives” de l’abbé Groulx», Le Jour, 11 décembre 1937, p. 2. Nous voyons dans cette utilisation du «tout» une indication qu’il accepte une partie du nationalisme de Groulx.

(79) En fait, il serait plus juste de dire que Groulx transmet à Harvey les commentaires de l’abbé Valmore LaVergne. Groulx, trop occupé pour répondre à la demande d’Harvey, a demandé à son ami de lire le livre à sa place. Voir: Lettre de L. GROULX à J.-C. HARVEY, Québec, 21 novembre 1922, BAUS, FJCH, P11, 9.

(80) Lettre de J.-C. HARVEY à L. GROULX, Québec, 25 novembre 1935, ACRLG, FLG, P1/A, 1730.

(81) Lettre de J.-C. HARVEY à L. GROULX, Québec, 29 novembre 1935, ACRLG, FLG, P1/A, 1730.

(82) J.-C. HARVEY, «Sommes-nous des Français?», Le Canada, 26 février 1935, p. 2.

(83) L. GROULX, Mes Mémoires, tome 3, p. 350.

(84) J.-C. HARVEY, «Les “directives” de l’abbé Groulx», Le Jour, 11 décembre 1937, p. 2.

(85) J.-C. HARVEY, «M. L’abbé Groulx favorable à un lycée», Le Jour, 30 octobre 1937, p. 8. Groulx dit qu’il ne tient pas à ce que ce lycée soit dirigé par des membres du clergé. Il dit seulement espérer qu’il ne devienne pas une école d’anticléricalisme.

(86) Deux ans plus tard, en 1939, Harvey le remarque aussi, et commente favorablement un article de Groulx paru dans L’Action nationale dans lequel celui-ci a dénoncé la faillite du système d’éducation.

(87) J.-C. HARVEY, «Les “directives” de l’abbé Groulx», Le Jour, 11 décembre 1937, p. 2.

(88) J.-C. HARVEY, «Semence de révolution. En marge des Directives de l’abbé Groulx», Le Jour, 18 décembre 1937, p. 2.

(89) J.-C. HARVEY, «Un peu de franchise et de courage», Le Jour, 16 septembre 1937, p. 1.

(90) J.-C. HARVEY, «Le R.P. Simard contre l’abbé Groulx», Le Jour, 18 juin 1938, p. 2.

(91) J.-C. HARVEY, «Réponse à un jeune groulxiste», Le Jour, 22 janvier 1938, p. 2.

(92) J.-C. HARVEY, «Séparatisme!», Le Jour, 25 septembre 1937, p. 8. Mentionnons qu’il dit dans le même paragraphe : «Cet apôtre, dont nous respectons le talent et les intentions [...] a malheureusement fait école».

(93) [Attribué à Harvey], «Avec le sourire», Le Jour, 9 octobre 1937, p. 1.

(94) J.-C. HARVEY, «Imbéciles ou malfaiteurs?», Le Jour, 15 octobre 1938, p. 1. Dans cet article, Harvey s’en prend à Groulx pour le peu de cas qu’il fait de l’apprentissage de l’anglais.

(95) J.-C. HARVEY, «Patriotisme d’aliénés», Le Jour, 13 août 1938, p. 1.

(96) J.-C. HARVEY, «M. l’abbé Groulx élargit son patriotisme», Le Jour, 17 décembre 1938, p. 8.

(97) [Attribué à Harvey], «Avec le sourire», Le Jour, 1er juillet 1939, p. 1. Nous soulignons.

(98) J.-C. HARVEY, «Nos séparateux comprennent-ils?», Le Jour, 26 mars 1938, p. 1.

(99) J.-C. HARVEY, «Semence de Révolution. En marge des Directives, dernier livre de l’abbé Groulx», Le Jour, 18 décembre 1937, p. 2.

(100) J.-C. HARVEY, «Notre maître, la bêtise», Le Jour, 25 décembre 1939, p. 1 : «Je ne saurais concevoir, dira-t-il, qu’un ministre de la religion n’ait d’autre idéal à proposer que la haine et la défiance entre les nationalités.»

 

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© 2007 Claude Bélanger, Marianopolis College