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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
James Murray
MURRAY (James) (1719-94), lieutenant en second, capitaine, major, lieutenant-colonel; brigadier-général, gouverneur de Québec, colonel et commandant, major et lieutenant-général, gouverneur de Minorque, général et gouverneur de Hull.
Il naquit vers 1719. Il était le cinquième fils de Murray, quatrième lord d'Elibank, et de dame Elizabeth, fille de George Sterling, représentant d'Edimbourg au Parlement. Enrôlé dans l'armée, il fut fait lieutenant en second le 2 février 1740, dans les troupes. de la Marine de Winward. Attaché au 15e régiment d'infanterie, il le suivit aux Indes occidentales et prit part à l'expédition contre Carthagène (1741). Quatre ans après, on le trouve sur les champs de bataille en Flandre et assistant au siège d'Ostende. En qualité de capitaine des grenadiers du 15e régiment, il était dans l'expédition organisée contre les Français en Basse-Bretagne et il se distingua à Lorient (1748). Promu au grade de major de son régiment en 1749, il devint lieutenant-colonel le 5 janvier 1751. Dans l'expédition contre Rochefort, en 1757, il fut mis à la tête de ses troupes.
Mais, la même année, son régiment fut désigné spécialement pour passer en Amérique. M. Murray se signala avec avantage au siège de Louisbourg, en 1758. Peu après son retour en Angleterre, le ministre W. Pitt, qui se connaissait en hommes, le choisit comme brigadier-général et lui donna le troisième rang dans l'armée de Wolfe, après Monckton et Townshend. Wolfe était son « ancien antagoniste »; mais il savait l'estimer et l'aimer quand même.
Le 26 juin, la flotte mouillait au sud de l'île d'Orléans. M. Wolfe, voulant cerner la ville par un camp retranché à Montmorency, en chargea deux brigadiers, M. Townshend et M. Murray. Durant deux mois, leurs tentatives échouaient devant la poignée d'hommes de Montcalm.
Après avoir pris l'avis de son état-major, il changea de tactique, décida une descente à l'Anse-au-Foulon, la nuit du 12 septembre. Le lendemain, aux Plaines d'Abraham, le brigadier Murray commandait les troupes du centre. Après la victoire, il leur adressa les plus chaleureuses félicitations. Au départ de Saunders et de Townshend, il fut chargé du commandement de la capitale, le 12 octobre 1759. Le colonel Burton devint son lieutenant-gouverneur. Il s'occupa aussitôt de préparer les quartiers d'hiver des troupes et de protéger les alentours de Québec par l'érection de plusieurs redoutes, en prévision de tout retour d'offensive. Son activité s'étendait aux moindres détails d'organisation civile et militaire. Au mois de novembre, il publia en français un manifeste qu'il adressait aux populations canadiennes : il les exhortait à déposer les armes, à se montrer loyaux sujets de la Couronne britannique et à mériter ainsi ses faveurs et sa protection. En même temps, il recevait des officiers et des soldats un emprunt de 8.000 liv. sterling afin de faire face aux achats de bois de chauffage, d'étoffes, de linges et de conserves alimentaires; il proposa une rémunération à quiconque lui ramènerait ses déserteurs et retira les licences autorisant le trafic des spiritueux. Le 23 novembre, nouvelle proclamation concernant le cours de la monnaie : le dollar égalant 6livres, la guinée 27, la pistole 21 sous, le louis d'or 24, l'écu 6. Le gouverneur se tenait en relation suivie avec le généralissime Amherst, qui lui envoya des fonds pour subsister. En décembre, les rumeurs annonçaient les préparatifs de M. de Lévis, d'accord avec M. de Vaudreuil : Murray appréhendait une campagne d'hiver; et il se fut trouvé dans une situation fort complexe et embarrassante. Il hésitait dans son dessein d'établir un camp fixe sur les Plaines d'Abraham : le scorbut décimait à Québec les rangs de ses soldats, dont un millier succomba du 24 décembre au 24 avril, et deux fois autant se trouvaient hors d'état de servir.
Au printemps de 1760, le chevalier de Lévis avait organisé un corps de près de 7,000 combattants, parmi lesquels environ 3,200 miliciens incorporés dans les troupes régulières. Le gouverneur Murray s'empressa de faire sortir de la ville les bouches inutiles. Le 21 avril, il fit afficher un ordre du jour en ce sens : couper les ponts du Cap-Rouge, surveiller les mouvements des ennemis à Sainte-Foy. Puis il se détermina à l'offensive à la tête de 3.000 hommes qu'il appuya de 22 canons et obusiers. N'apercevant encore que l'avant-garde de I'armée française, il l'attaqua aussitôt sans lui laisser le temps de se ranger en ordre de bataille. « II disposa ses troupes, dit M. Garneau, en avant des Buttes-à-Neveu, sa droite appuyée au coteau Sainte-Geneviève, sa gauche à la falaise qui horde le Saint-Laurent : sa ligne principale était développée sur un quart de lieue. Le mauvais temps entravait les marches et les opérations des deux adversaires. A partir du 26 avril, la lutte se porta sur la maison et le moulin du sieur Dumont : les attaques se succédaient, violentes et acharnées. Le mouvement offensif de Murray avait échoué et les grenadiers français eurent souvent recours à la baïonnette : la déroute des Anglais était complète. Ils s'enfuirent en toute hâte vers les remparts de la ville, laissant toute leur artillerie, leurs munitions, les outils servant aux retranchements, leurs morts et une partie de leurs blessés, au nombre de 1,124 hommes. Lévis comptait 833 tués ou blessés. Les Sauvages se ruèrent alors sur le champ de bataille, quand le général vint les arrêter dans leur massacre. »
La victoire de Sainte-Foy venait couronner les armes françaises en dépit de l'absence de l'artillerie. L'action avait duré environ deux heures. M. de Lévis entreprit aussitôt les travaux du siège. Mais M. Murray était résolu de lui opposer la plus vigoureuse résistance jusqu'à l'arrivée de la flotte anglaise. Il adressa à ses troupes cette proclamation : « La journée du 28 avril a été malheureuse pour nos armes; mais les affaires ne sont pas si désespérées qu'elles ne se puissent réparer encore. Je connais par expérience la bravoure des soldats que je commande; ils sauront faire tous leurs efforts pour regagner ce qu'ils ont perdu. Une flotte est attendue, des renforts nous arrivent. J'invite les officiers et les soldats à supporter leurs fatigues avec patience. Je les prie de s'exposer de bon coeur à tous les périls. Ils se rappelleront qu'ils se doivent à leur pays et à leur roi » (V. Knox's Journ., t. 2). Il fit donc travailler sans relâche aux fortifications en campagne, pratiquer de nouvelles embrasures dans les remparts, disposer un remblai de fascines et de terre autour des parapets, qu'il garnit de 140 canons.
Le 9 mai, une frégate anglaise entrait en rade; explosion d'enthousiasme de la part des assiégés. Le 15, deux autres abordaient : il fallut alors lever le siège de peur d'être cerné. Le 18, arriva la flotte de l'amiral Colville, six vaisseaux de ligne, cinq frégates ou sloops de guerre. Les renforts parurent après la mi-juillet sous les ordres de lord Rollo, qui amenait 1,300 hommes. M. Murray ne les attendit point. Le 14 de ce mois, il s'embarqua avec une partie de ses troupes, au nombre de 2,450 combattants, sur une flottille de 32 voiles, 2 à 300 embarcations et 9 batteries flottantes. Il laissa derrière lui le fort Jacques-Cartier, que le marquis d'Albergatti défendait avec 150 soldats et miliciens et qui ne se rendit qu'en septembre an colonel Fraser, mis à la tête de 6 à 700 hommes. Lévis fortifia les Trois-Rivières. Mais M. Murray passa outre sans l'attaquer. Il fut rejoint à Sorel par lord Rollo) et deux régiments de Louisbourg. Aux derniers jours d'août, il n'était encore qu'à Varennes, à 18 milles de Montréal, et il y attendit le général Amherst et le colonel Haviland. Lévis le suivait pas à pas sur la rive nord, prêt à empêcher tout débarquement. Néanmoins, sur la rive sud, M. Murray avait reçu la soumission de plusieurs paroisses, en avait incendié d'autres, comme celle de Sorel, où M. de Bourlamaque avait établi avec M. Desandrouins un camp retranché. A Varennes, il menaça de brûler tout, si l'on ne rendait pas les armes : 400 hommes de Boucherville vinrent prêter serment de neutralité. Les trois armées étaient réunies sous les pauvres remparts de Montréal, le 6 septembre. Le lendemain, on parlementa de part et d'autre et, le 8, on signa les articles de la capitulation (V. Shortt and Doughty, Docum. of Const. Hist .). L'armée britannique comprenait 17,000 hommes, qui entrèrent, le même jour, dans la ville.
Le 16 septembre, le généralissime Amherst nommait le colonel Burton gouverneur des Trois-Rivières et du district; le 22, le général Gage gouverneur de Montréal; et il continuait à confier à Murray le mandat dont il était investi à Québec, depuis une année. Le ministre Pitt inaugurait ce qu'on appelle le Régime militaire (1760-63), « appellation, dit M. Chapais, qui fut fatale aux regards des Canadiens ».
Ce gouvernement instituait à Québec un Conseil composé de sept officiers de l'armée, investi de la juridiction de connaître et de décider des affaires importantes au civil et au criminel, deux fois la semaine. Le 10 octobre 1760, M. Murray publia une ordonnance en dix articles, entre autres : suppression de l'ancienne Cour de Prévôté; attribution au gouverneur du rôle et des fonctions de l'intendant français; substitution du présent Conseil au Conseil supérieur, ayant juridiction de Cour d'appel; abandon des litiges ordinaires aux mains des capitaines de côte, secondés par deux procureurs canadiens, les sieurs Belcour de La Fontaine et Cugnet, le premier pour la rive droite et l'autre pour la rive gauche. Le 12 décembre 1761, lord Egremont approuva officiellement l'institution du Régime provisoire. Le 6 juin 1762, Murray envoie au ministre un long rapport, concernant le personnel des officiers, l'état des fortifications et du district sous l'administration française, le budget, l'Eglise, les Sauvages, la nature du sol et ses produits, le chiffre de la population, le commerce, le caractère des Canadiens, la hautaine jalousie d'une poignée de négociants et de bretteurs anglais (V. Doc. Const., Ottawa, 1907).
Le 10 février 1763, traité de Paris, dont le 4e article seul concerne le Canada : les articles de la capitulation de Montréal devenaient caducs comme clauses temporaires et transitoires. (V. T. Chapais, Cours d'Hist., t. I.) Le 7 octobre, une Proclamation du roi délimitait la Province en restreignant ses frontières d'une façon malencontreuse et annonçant l'introduction des lois anglaises au Canada. Le 21 novembre, le général Murray était promu capitaine-général et gouverneur en chef de la Province de Québec; et sa commission était signée du roi. C'était l'institution du Gouvernement civil, avec un Conseil composé de 12 membres, qui devaient prêter le serment du Test, ainsi que les officiers judiciaires : on en excluait ainsi tout sujet catholique. Toutefois ce ne fut que le 10 août 1764 que Murray publia sa commission et inaugura le nouveau régime; le 13, il nomma les conseillers. Dès le mois de septembre, il les réunit et leur fit adopter des ordonnances : la principale avait pour objet d'établir une Cour du Banc du roi, une Cour de Plaidoyers communs, des tribunaux de juges de paix et de baillis. Le 21 août, le gouverneur affirmait, dans une lettre à lord Halifax, que le chiffre de l'émigration ne dépasserait guère le nombre de 279 âmes, y compris les femmes et les enfants. Les gouverneurs Murray, Burton, Haldimand donnèrent avis aux Canadiens porteurs de papier-monnaie de le produire, afin qu'il en fut donné des bordereaux qui furent transmis aux ambassadeurs de France à Londres. Au mois d'octobre, des instructions royales intimaient à Murray « qu'il ne pouvait admettre aucune juridiction émanant du siège de Rome, dans sa Province ». Le Sulpicien de Montgolfier fut donc écarté et Murray entra en relations intimes avec le vicaire général, Jean-Olivier Briand. Si sa candidature devait aboutir à son sacre en 1766, ce fut grâce au crédit du gouverneur. Le 23 octobre 1763, celui-ci communiqua ses vues sur l'état de mentalité du clergé et des fidèles (V. Chapais, t. I).
Dans une ordonnance, le gouverneur proclama le droit des avocats canadiens à exercer leur profession et à devenir jurés dans les cours criminelles. Cette concession, accordée à titre de sujets anglais, loyaux à la Couronne, irrita la minorité de langue anglaise, qui s'empressa de porter plainte à Londres. M. Murray envoya au ministre le plus bel éloge de « ses plus fidèles sujets ». L'affaire du juge de paix à Montréal, Thomas Walker, vint aggraver les difficultés pour le gouverneur (déc. 1764). Celui-ci fut convoqué à Londres afin de s'expliquer et il prit la mer au printemps de 1766, laissant sa charge à Emilius Irving jusqu'à l'arrivée du lieutenant-gouverneur, Guy Carleton. Devant le Conseil, Murray se défendit avec force, clarté et franchise (V. Chapais, ib.).
Le gouverneur conserva son titre à Londres jusqu'au 12 avril 1768. Promu major-général le 10 juillet 1762, il fut fait lieutenant-général le 25 mai 1772. Deux ans après, on le nomma gouverneur de l'île Minorque. Assiégé au fort Saint-Philippe, en 1781, par le duc de Crillon qui commandait les troupes franco-espagnoles, il reçut de lui une proposition d'accepter la somme d'un million et d'une décoration s'il rendait la place; au bout de cinq mois de siège, sa garnison décimée par le scorbut et réduite à quelques centaines d'hommes valides, il dut capituler, le 5 février 1782. A son retour, on le traduisit en cour martiale, qui l'acquitta avec honneur. Le roi avait approuvé sa belle conduite. Le 19 février 1783, il fut créé général en chef et nommé gouverneur de Hull. II mourut à sa résidence de Beaufort Hall, près de Battle, le 18 juin 1794. Source: Louis LE JEUNE, "James Murray", dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 326-329. |
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Claude Bélanger, Marianopolis College |