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23 August 2000


Les Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers, the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916

« Les écoles du Manitoba. Résumé historique de la question »

[Note de l'éditeur : Le texte qui suit présente un résumé de l'histoire de la question scolaire manitobaine du point de vue catholique et fut rédigé à l'automne de 1896, immédiatement après le règlement Laurier-Greenway, auquel il fait une brève allusion. L'auteur ne cherche pas à convaincre le lecteur, il ne présente pas vraiment des arguments. Il prend pour acquis que le lecteur sympathise avec la minorité et cherche simplement à faire des rappels historiques sur le développement de la question : qui a dit quoi, quand, et pour quelles raisons. Son auteur est anonyme et divers éléments nous font penser qu'il doit s'agir d'un prêtre.

Nous avons fait plusieurs changements dans le texte original pour rendre le texte plus intelligible et moins laborieux, particulièrement en ce qui touche le formatage qui était très négligé dans le texte original. Le sens initial a été respecté ainsi que les multiples anglicismes que l'on trouve dans le texte. Quelques précisions : le gouverneur-général en conseil est le gouvernement ou cabinet fédéral; un «arrêté réparateur» est émis par le gouvernement fédéral, par simple décision du cabinet, tandis que l'«Acte réparateur» doit être voté par les deux chambres du Parlement du Canada, à la majorité de chaque chambre.

- I -

Les premières écoles, à la Rivière Rouge, ont été établies par les missionnaires venus de Québec, conformément à des instructions spéciales et très précises données, par Mgr Plessis, et datées du 20 avril 1816. Lord Selkirk, fondateur de la colonie à la Rivière Rouge, leur vint en aide accordant le terrain nécessaire, à l'érection d'une église, d'une maison et d'une école. Ce premier établissement était situé là où s'élève aujourd'hui la maison épiscopale de Saint Boniface.

Cette assistance matérielle accordée par Lord Selkirk fut continuée par la compagnie de la Baie d'Hudson qui, pour favoriser l'établissement des écoles confessionnelles, soit catholiques, soit protestantes, leur fit des dons en terrains, des subsides en argent, des concessions de privilèges pour faire venir, à moins de frais possible, les instituteurs et les institutrices nécessaires.

Sous ce régime initial, toutes les écoles catholiques dans le territoire de l'Assiniboia, furent construites sur des lopins de terre cédés à cet effet par la Compagnie; et le subside annuel de 50 livres sterling pour leur support fut résolu le 2 juillet 1825.

Vint ensuite le conseil de l'Assiniboia qui n'avait guère de ressources autres que les maigres revenus provenant des douanes; néanmoins, il accorde pour l'éducation des subventions directes ou indirectes et toujours basées sur le caractère confessionnel des écoles catholiques ou protestantes. Et il est à remarquer que, dans toute cette période d'un demi-siècle qui s'écoule depuis l'origine de la colonie jusqu'à la Confédération, les protestants étaient considérés, au point de vue des écoles et des secours à leur donner comme formant un tout, sous les dénominations diverses, par opposition aux catholiques constituant une communauté distincte.

- II -

En 1867 fut passé l'Acte de l'Amérique du Nord, mieux connu sous le nom de Confédération Canadienne.

On devait naturellement y pourvoir à la protection efficace des droits de la minorité dans chaque province et à cette fin, sous le titre Education, la clause 93 se lit comme suit :

« Dans chaque province, la législature pourra exclusivement décréter des lois relatives à l'éducation, sujettes et conformes aux dispositions suivantes :

(1) Rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège, conféré, lors de l'union, par la foi, à aucune classe particulière de personnes dans la province relativement aux écoles séparées (denominational).

(2) Tous les pouvoirs, privilèges et devoirs conférés et imposés par la loi dans le Haut-Canada, lors de l'union, aux écoles séparées et aux syndics d'écoles des sujets catholiques romains de Sa Majesté, seront et sont par le présent étendus aux écoles dissidentes des sujets protestants et catholiques romains de la Reine dans la province de Québec.

(3) Dans toute province où un système d'écoles séparées ou dissidentes existera par la loi, lors de l'union, ou sera subséquemment établi par la législature de la province, il pourra être interjeté appel au gouverneur général en conseil de tout acte ou décision d'aucune autorité provinciale affectant aucun des droits, ou privilèges de la minorité protestante ou catholique romaine des sujets de Sa Majesté relativement à l'éducation.

(4) Dans le cas où il ne serait pas décrété telle loi provinciale que, de temps à autre, le gouverneur général en conseil jugera nécessaire pour donner suite et exécution aux dispositions de la présente section, ou dans le cas où quelque décision du gouverneur général en conseil, sur appel interjeté en vertu de cette section, ne serait pas mise à exécution par l'autorité provinciale compétente; alors et en tout tel cas, et en tant seulement que les circonstances de chaque cas l'exigeraient, le parlement du Canada pourra décréter des lois propres à y remédier pour donner suite et exécution aux dispositions par le gouverneur général en conseil sous l'autorité de cette même section. »

Article 146 : La confédération canadienne ne contenait d'abord que quatre provinces : Ontario, Québec, Nouvelle-Ecosse et Nouveau-Brunswick.

La clause 146 du même Acte prévoit l'admission de la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest dans d'union « aux termes et conditions, dans chaque cas, qui seront exprimés dans les adresses et que la Reine jugera convenable, d'approuver, conformément au présent. »

Après des difficultés sérieuses heureusement aplanies, grâce surtout à l'intervention de Mgr Taché, la liste des droits, (Bill of rights) présentée par les délégués de la Terre de Rupert et du Nord-Ouest ayant été longuement discutée à Ottawa, le Parlement du Canada passa l'Acte du Manitoba, sanctionné le 12 mai 1870 et qui faisait entrer cette province dans la confédération, lequel acte contient ce qui suit :

« 22. Dans la province, la législature pourra exclusivement décréter des lois relatives à l'éducation, sujettes et conformes aux dispositions suivantes :

(1) Rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège conféré, lors de l'Union par la loi ou par la coutume à aucune classe particulière de personnes dans la province, relativement aux écoles séparées (denomination schools).

(2) Il pourra être interjeté appel au gouverneur général en conseil de tout acte ou décision de la législature de la province ou de toute autorité provinciale affectant quelqu'un des droits ou privilèges de la minorité protestante ou catholique romaine des sujets de Sa Majesté relativement à l'éducation.

(3) Dans le cas où il ne serait pas décrété telle loi provinciale que, de temps à autre le gouverneur général en conseil jugera nécessaire pour donner suite et exécution aux dispositions de la présente action, ou dans le cas où quelque décision du gouverneur général en conseil, sur appel interjeté en vertu de cette section ne serait pas dûment mise à exécution par l'autorité provinciale compétente, alors et en tout tel cas, et en tant seulement que les circonstances de chaque cas l'exigeront, le Parlement du Canada pourra décréter des lois propres à y remédier pour donner suite et exécution aux dispositions de la ;présente section, ainsi qu'à toute décision rendue par le gouverneur général en conseil sous l'autorité de la même section.

Le lecteur aura remarqué, au paragraphe (1) l'addition des mots : « ou par la coutume ».

Le 15 juillet suivant, un décret impérial confirmait le même acte et déclarait que la Province de Manitoba faisait désormais partie d e la Puissance du Canada.

- III -

La première session du premier parlement provincial à Winnipeg s'ouvrit le 15 mars 1871, et le 27 avril était voté à l'unanimité l'Acte pour établir un système d'éducation dans cette province; lequel fut sanctionné le 3 mai.

Cet acte créait les écoles publiques, soit protestantes soit catholiques, organisées par et pour chaque section catholique et protestante de la population, mises absolument sur le même pied pour les octrois proportionnels à recevoir sur les fonds publics, étant ni les unes ni les autres neutres, antichrétiennes ou athées, mais comme le dit Mgr Taché, « toutes publiques, libres, communes, nationales. »

Système un dans son ensemble et double dans son application, avec un conseil général divisé en deux sections, chacune ayant sous son contrôle l'administration des écoles établies, supportées et fréquentées par les membres de sa section.

Ce système on le voit, était conforme à ce qui avait été en pratique jusqu'à cette époque; il répondait à l'idée même de la constitution de la province, ainsi qu'aux voeux de la population, et chaque classe pouvait en profiter sans détriment de ses convictions religieuses.

Le Parlement Fédéral, dans la session de 1872, (35 Vict. ch. 23, s. 22) ,stipula comme suit :

« Et considérant qu'il est opportun d'aider au soutien de l'instruction publique dans le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest, à cette cause, les sections onze et vingt-neuf de tout et de chaque township arpenté, dans toute l'étendue de la Puissance, seront et sont par le présent réservées en dotation pour les besoins de l'instruction publique. »

Cet octroi, d'un dix-huitième des terres publiques, dans la circonstance, ne constitue-t-il pas la reconnaissance pas les autorités fédérales, du système d'éducation en faveur duquel il était voté ?

La loi scolaire de Manitoba fut modifiée, le 5 mars 1872, par l'acte pour amender l'acte des écoles.

Le 25 avril 1875, fut passé l'acte pour amender l'acte établissant le système d'éducation dans la province.

Ces divers Bills, conservant le caractère essentiel de la première loi, tendaient à l'accentuer davantage, à lui donner plus de vitalité, et d'extension.

En 1877 I'Université de Manitoba, fut créée par une loi spéciale, et organisée de manière à compléter le système d'éducation publique sans porter aucune atteinte aux droits ou privilèges de qui que ce soit.

En 1881, sous l'administration de M. Cauchon, qui avait absolument refusé de sanctionner un bill pour abolir l'usage de la langue française en certains cas d'administration publique, la législature de Manitoba passa l'Acte des Écoles du Manitoba qui était comme une refonte générale faite sous la dictée d'une expérience de dix ans, et qui loin d'être contraire au principe des écoles séparées, donnait au contraire à son application dans tous les détails administratifs plus de force, et de consistance.

Au mois de mai 1882, le lieutenant gouverneur sanctionnait l'Acte pour établir des Ecoles Normales en rapport avec les Écoles publiques lequel renfermait encore la consécration légale des mêmes principes.

- IV -

Nous devons rappeler ici un affidavit du Très Rév. Joachim Allard, 0. M. I., de Saint-Boniface, confirmé par celui de M. W. F. Alloway, banquier à Winnipeg, témoin, et relatif aux promesses formelles, faites en 1888, par l'Hon, M. Greenway, devenu chef du gouvernement Manitobain, et désirant avoir dans son ministère un collègue canadien français et catholique, de maintenir l'usage officiel de la langue française, et les écoles catholiques dans les conditions d'alors et avec les secours qu'elles recevaient.

Ces promesses sont conformes à celles faites en la même année 1888, par M. J. Martin, et rapportées dans un discours de M. Fisher.

En 1887, eut lieu à Québec une conférence inter--provinciale dans laquelle les représentants autorisés des diverses parties du Dominion firent comme une étude générale de l'Acte de l'Amérique du Nord, et signalèrent par des résolutions les points sur lesquels, dans leur opinion, et au point de vue des intérêts provinciaux, il y avait lieu de demander des amendements.

Or personne ne songea à soulever, pour aucune province, la question des écoles séparées; ce qui était reconnaître d'une manière implicite mais réelle, que l'on n'y voyait rien à changer dans l'intérêt commun; et, l'année suivante, le 7 mai 1888, l'Hon. M. Greenway faisait approuver par la chambre Manitobaine les résolutions de la conférence inter-provinciale.

Le 12 juillet 1889, demande fut faite au nom du gouvernement par le secrétaire d'Etat, de la remise pour fins d'administration du fonds de réserve réserve économisé légalement par la -section catholique du bureau de l'éducation; le surintendant, M. T. A. Bernier, remit en conséquence la somme de $ 13,879,47, dûment acquise aux écoles catholiques, et qui en dépit de toutes les protestations, fut ajoutée au fonds consolidé de la province.

Cette injustice flagrante, dans les circonstances où elle se consommait, et d'après les termes employés, préludait à la guerre qui allait bientôt commencer contre les écoles catholiques du Manitoba.

- V -

Nous voici arrivés à la date néfaste, de 1890.

Durant la troisième session du septième parlement du Manitoba, deux lois furent adoptées par la législature provinciale relativement à l'éducation.

Cette double législation abolissait de fait et brutalement le système qui avait jusque-là prévalu; elle enlevait à la minorité catholique les droits et privilèges suivants dont elle avait joui antérieurement et jusqu'à cette époque, savoir :

(a) Le droit de construire, entretenir, garnir de mobilier, gérer, conduire et soutenir des écoles catholiques romaines de la manière prévue aux actes que ces deux lois abrogeaient.

(b) Le droit à une quote part de toute subvention faite sur les fonds publics pour les besoins de d'instruction publique.

(c) Le droit, pour les catholiques romains qui contribuaient à soutenir les écoles catholiques romaines, d'être exempts de tous paiements des contributions destinées au maintien d'autres écoles.

La loi fut sanctionnée le 31 mars et mise en vigueur le premier mai 1890.

Des pétitions régulières, l'une émanant de tout l'Episcopat Canadien, furent alors adressées aux Autorités Fédérales, demandant le désaveu.

Une motion de l'Hon. E. Blake, adoptée à l'unanimité, et relative aux Cours suprême, et de l'Echiquier, eut pour résultat direct de rendre le désaveu pratiquement impossible et de faire ressortir cette cause des cours de justice : en vertu de cette motion,

« Les questions importantes de droit ou de fait touchant la législation provinciale, sur la juridiction d'appel relativement aux questions d'éducation conférée au gouverneur général en conseil par l'Acte de l'Amérique du Nord, 1867, ou par tout autre acte ou toute autre loi, ou touchant à la constitutionalité de toute législation du Parlement du Canada, ou touchant toute autre question au sujet de laquelle il pourra juger à propos d'exercer ce droit, pourront être soumises par le gouvernement en conseil à la cour supérieure, pour audition ou examen, et sur ce, la cour les entendra et examinera. »

Sur la recommandation du ministre de la justice, Sir John Thompson, un procès commença à Winnipeg, où les catholiques n'eurent aucun succès. Il fut continué à la cour suprême qui unanimement conclut au désaveu. (Note de l'éditeur : l'auteur du texte commet ici une erreur. La Cour suprême n'a jamais statué sur le désaveu. Plutôt, elle a déclaré la législation manitobaine ultra vires, inconstitutionnelle. L'erreur commise ici démontre jusqu'à quel point on se perdait facilement dans cette question complexe) On interjeta appel au comité judiciaire du Conseil Privé; lequel déclara (1892) intra vires la loi scolaire Manitobaine.

- VI -

Il y avait encore pour la minorité catholique la ressource ménagée par l'acte de Manitoba, sous section 3 de la section 22, et qui consiste dans un appel au gouverneur général en conseil de tout acte provincial affectant les droits de la minorité.

De nouvelles pétitions, (20 septembre 1892, 22 novembre 1892), fortement motivées , et signées par l'archevêque de Saint-Boniface et les principaux personnages catholiques du Manitoba, réclamèrent l'exercice de ce droit d'appel, et la première question à décider était de savoir si, dans le cas actuel, ce droit existait.

La question fut soumise, par un ordre en conseil, à la cour Suprême laquelle, les débats terminés, (1892) décida, sur division de trois contre deux, dans le sens négatif, et déclara que, dans son opinion le droit n'existait pas sous les circonstances.

Cette décision fut heureusement renversée par le comité judiciaire du Conseil Privé Impérial, 29 janvier 1895, qui jugea qu'il y avait droit d'appel au gouverneur général en conseil, parce que les actes de 1890 avaient porté atteinte aux droits de la minorité catholique du Manitoba, tels que reconnus par l'Acte de 1871, et ses divers amendements.

Nous citons du préambule le passage suivant :

« La seule question à décider est de savoir si les lois de 1890 ont porté atteinte à un droit ou privilège dont la minorité catholique jouissait auparavant.

Leurs Seigneuries ne peuvent pas voir comment il peut être répondu autrement qu'affirmativement sur cette question. Mettons en contraste la position qu'occupaient les catholiques romains avant et après les actes dont ils appellent. Avant que ces actes ne devinssent loi il existait, dans la province, des écoles confessionnelles dont le contrôle et la direction étaient entre les mains des catholiques qui pouvaient choisir leurs livres de classes et déterminer la matière de l'enseignement religieux. Ces écoles recevaient leur quote-quart des sommes affectées aux fins scolaires sur le produit des taxes générales de la province et les deniers levés pour ces fins par une cotisation locale, étaient en tant que cette cotisation frappait les catholiques, uniquement affectés au soutien des écoles catholiques. Or quelle est la situation faite à la minorité catholique romaine par les actes de 1890 ? L'aide que donnait la province aux écoles confessionnelles de la minorité, conduites suivant ces vues a cessé. Ces écoles en sont réduites à ne pouvoir plus se soutenir que par la contribution de la population catholique romaine, alors que les taxes que la province emploie à subventionner les écoles, aux besoins desquelles pourvoit le statut, portent également sur les catholiques et les protestants.

En outre, non seulement les habitants catholiques restent sujets à la cotisation locale pour les fins scolaires, mais aucune partie des recettes de cette cotisation ne doit plus être affectée au maintien des écoles catholiques; ces recettes serviront désormais à soutenir des écoles qu'ils regardent comme n'étant pas plus propres à l'éducation de leurs enfants que si ces écoles étaient franchement protestantes dans leur caractère. »

Cependant la condition des catholiques Manitobains, loin de s'améliorer était aggravée encore par une nouvelle loi (1894) stipulant qu'aucune municipalité, même exclusivement catholique, n'avait le droit de prélever de taxe pour les écoles catholiques, établies sur son territoire; bien plus, cette même loi décrétait la confiscation de toutes les propriétés scolaires dans les districts non soumis à la nouvelle législation.

Dans le Territoire du Nord-Ouest, on avait en 1892, fait des ordonnances inspirées par le même esprit sectaire, et qui, tout en laissant subsister le nom d'écoles catholiques, les privait de leur liberté d'action et de leur caractère distinctif.

- VII -

En conséquence du jugement, l'appel fut plaidé devant le conseil privé de Sa Majesté pour la Puissance du Canada, la première séance ayant eu lieu le 26 février 1895.

Le rapport au gouverneur général en conseil portant la date du 19e jour de mars 1895 se conclut par des recommandations, qui ont reçu leur effet dans l'arrêté réparateur du conseil donné le 21 du même mois, lequel interprète le jugement du conseil privé impérial, et se termine comme suit :

Et attendu que la date du vingt-sixième jour de février mil huit cent quaitre-vingt-quinze ayant été fixée pour l'audition de l'appel et cet appel étant devenu en audition le même jour et les cinquième, sixième et septième jours de mars mil huit cent quatre-vingt-quinze, en présence du conseil des pétitionnaires (la minorité catholique romaine des sujets de Sa Majesté dans la Province du Manitoba) et aussi du conseil de cette Province, il a plu à Son Excellence le Gouverneur-Général en Conseil, après lecture faite de la dite pétition et des statuts qui y sont mentionnés et après avoir entendu les raisons alléguées par les conseils de part et d'autre, d'ordonner et décider, et il est par les présentes ordonné et décidé, que le dit appel soit admis, et le dit appel est par les présentes admis, en tant qu'il s'agit de droits acquis à la dite minorité catholique romaine, en vertu de lois de la Province du Manitoba adoptées depuis l'union da cette Province avec le Dominion du Canada.

Et il a plu à Son Excellence le Gouverneur-Général en Conseil de décider et déclarer, et il est par les présentes décidé et déclaré que les deux statuts adoptés par la législature de la Province du Manitoba le premier jour de mai mil huit cent quatre-vingt-dix et intitulés respectivement : « Acte concernant le département de l'éducation » et « Acte concernant les écoles publiques » ont porté atteinte aux droits et privilèges acquis à la minorité catholique romaine de la dite Province, relativement à l'instruction publique, avant le premier mai mil huit cent quatre-vingt-dix, en lui retirant les droits et privilèges suivants dont elle avait joui antérieurement et jusque à cette époque, à savoir :

(a) Le droit de construire, entretenir, garnir de mobilier, gérer, conduire et soutenir des écoles catholiques romaines de la manière prévue aux Actes que les deux Statuts susmentionnés de 1890 ont abrogés;

(b) Le droit à une quote-part de toute subvention faite sur les fonds publics pour les besoins de l'instruction publique;

(c) Le droit, pour les catholiques romains qui contribueront à soutenir les écoles catholiques romaines, d'être exemptés de tous paiements ou contributions destinés au maintien d'autres écoles.

Il a plu à son Excellence le Gouverneur-Général en Conseil de déclarer et décider en outre, et il est par les présentes déclaré qu'il paraît nécessaire que le système d'instruction publique contenu dans les deux statuts susmentionnés de 1890 reçoive un complément par un ou plusieurs Actes provinciaux qui restituent à la minorité catholique romaine les droits et privilèges dont elle a été privée, comme il a été dit ci-dessus, et qui modifient les dits Actes de 1890 dans la mesure nécessaire, mais non au delà, pour donner effet aux dispositions rétablissant les droits et privilèges énoncés dans les paragraphes (a), (b) et (c) sus-mentionnés.

Ce dont le Lieutenant-Gouverneur de la Province du Manitoba en exercise, la législature de la dite Province et toutes personnes en ce qui peut les concerner doivent prendre connaissance pour leur gouverne.

Le 19 juin, la législature manitobaine répondit à cet ordre Réparateur en refusant « d'accepter la responsabilité d'en mettre les termes à exécution. » Le parlement fédéral, alors en pleine session, fut prorogé un mois plus tard, pour se réunir de nouveau le 2 janvier 1896.

Le mardi, 11 février était reçu et lu la première fois, le Bill intitulé Acte Réparateur (Manitoba) que tout le monde connaît et dont la seconde lecture fut votée sur division. Les travaux du comité général ne furent pas complétés avant la prorogation du Parlement arrivée le 23 avril, et le Bill est resté à l'état de projet.

Pendant que les débats se poursuivaient en comité, une députation composée de MM. Hon. D. Smith, Dickey et A. Desjardins, se rendit à Winnipeg d'où elle revint après avoir fait d'inutiles efforts pour amener les ministres du Manitoba à donner par eux-mêmes satisfaction à leurs compatriotes catholiques.

Les élections du 23 juin changèrent, avec le personnel du gouvernement, la direction générale de la politique canadienne. La première Session du nouveau parlement fut consacrée tout entière à des votes de subsides et à quelques mesures d'ordre secondaire. Depuis sa prorogation, les deux cabinets d'Ottawa et de Winnipeg ont conclu sur le sujet des écoles du Manitoba une sorte de compromis, auquel on a donné le nom de « Règlement de la Question scolaire », mais qui, en présence des droits de l'Église et de ceux de l'autorité paternelle, de nos statuts et des termes du jugement du Conseil Privé Impérial, et de ses considérants, ne saurait être accepté. La question est donc toujours debout, et elle y restera jusqu'à ce qu'on l'ait résolue d'une manière équitable, conforme à l'intérêt des âmes, à l'honneur des consciences et à la loyauté britannique.

Les écoles catholiques, antérieures au Nord-Ouest à toute autre institution, ont été reconnues pratiquement depuis les premières origines de la colonie de la Rivière Rouge, par toutes les autorités civiles qui se sont succédé dans, ce pays, et ont tour à tour accordé des subventions gracieuses et proportionnelles, aux écoles de chaque croyance catholique et protestante. Ces écoles qui existaient de fait et de droit, en vertu de la coutume, à l'époque de la Confédération, ont été mises implicitement sous la protection des autorités fédérales par l'acte de l'Amérique du Nord; elles ont été ensuite l'objet d'une mention spécifique dans celui du Manitoba; sur cette base de la distinction confessionnelle, connue et acceptée de tous, la législature Provinciale éleva son édifice scolaire, complété d'après le même principe, par la création de l'Université et des Écoles Normales; et les promesses les plus solennelles paraissaient garantir cet état de choses contre toute malveillance et contre toute éventualité.

Les cours de justice à leurs divers degrés de juridiction, jusqu'à celui du Conseil Privé Impérial, ont reconnu par des jugements formels, les droits de la minorité catholique, lésés par les lois de 1890 et 1894. Interprète et exécuteur autorisé et obligé de ces jugements, le gouverneur en conseil accentue l'existence et détermine la nature et l'étendue due de ces droits; le Parlement Fédéral divisé sur les mesures à prendre et la procédure à suivre est presque unanime sur le fait même de l'injustice à réparer; les ministres Manitobains en faisant aux délégués d'Ottawa, en réponse à leurs propositions conciliatrices, des offres incomplètes et illusoires, ne laissaient pas que de confesser du moins par là le méfait dont on était responsable envers les catholiques.

En même temps l'Episcopat canadien, soutenu, encouragé, approuvé par le Saint-Siège, suivant en tous points la direction pontificale, maintenait ses revendications audessus de toutes Ses préoccupations humaines, et cela avec l'unanimité complète, manifestée dans plusieurs actes collectifs, dont les insinuations perfides venues de sources opposées ne sauraient amoindrir la valeur, et que l'on chercherait en vain à entamer puisqu'elle a pour base et pour centre le même amour de l'Eglise, le même dévouement pour les âmes. Plusieurs fois, nos premiers Pasteurs étroitement unis, ont fait en termes émus et énergiques, appel à la piété et au sentiment filial des fidèles, à la loyauté de tous les sujets britanniques, à l'esprit de justice de nos gouvernements, à la protection des autorités.

Les pétitions de 1891 et de 1894 et le mandement collectif de 1896 résument en cette matière l'action commune de l'Épiscopat canadien.

Ajoutons que les catholiques du Manitoba, les fidèles de tout le dominion, et même un bon nombre de nos frères séparés ont fait écho à la voix épiscopale, dans des pétitions réitérées, où l'on expose les motifs les plus puissants pour obtenir la réparation de l'injustice, commise ouvertement dans une de nos provinces.

Puisse la Providence nous ménager à brève échéance l'unique solution dont l'Église par son épiscopat pourra se déclarer satisfaite, celle qui reintègrera ses enfants dans la possession totale et l'usage complet de leurs droits garantis désormais contre toute agression.

Source: Œuvres pastorales de Mgr J.-M. Émard, 1er évêque de Valleyfield. Tome premier, (1892-1900), Paris, Pierre Téqui, 1921, 348p., pp. 299-312.

 

© 2000 Claude Bélanger, Marianopolis College