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Last revised:
23 August 2000


Les Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers, the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916

Lettre de Laurier à Gustave Drolet annonçant le règlement Laurier-Greenway

[*Note de l'éditeur : Au moment où Drolet est à Rome pour faire des représentations favorables sur libéraux, les ecclésiastiques canadiens suivants sont passés par le même chemin pour défendre la cause des évêques : Mgr. Langevin, Archevêque de Saint-Boniface, Mgr. Bégin, Archevêque de Québec, Mgr Gravel, évêque de Nicolet, et Mgr Labrecque, évêque de Chicoutimi. Selon Drolet, à Rome on accusait Laurier d'avoir des mœurs inavouables, de n'être pas un chrétien en principe, d'être libéral de l'école condamnée par le pape Pie IX et, pire puisqu'il s'agissait de l'accusation suprême à l'époque, d'être franc-maçon.]

« Personnelle.

Ottawa, 15 décembre 1896.

Mon cher Drolet.

J'ai reçu tes deux dernières lettres. - Merci.

[…] Le règlement que nous avons obtenu du gouvernement du Manitoba satisfait tous les hommes sensés du Canada, mais le clergé de la, province de Québec ne nous pardonne pas ce qu'il appelle son échec de l'été dernier. Il veut à tout prix prendre sa revanche et à moins que le Saint-Siège n'intervienne à temps, nous sommes menacés d'une guerre religieuse dont les conséquences m'effraient moi-même. Nous ne pouvons cependant pas reculer; certains membres du clergé sont aveugles, car si leur manière de voir devait prévaloir, nous n'aurions pas seulement une guerre religieuse parmi nous, mais des milliers et des milliers d'excellents catholiques seraient portés à tenir la religion responsable des excès et des fautes de ses ministres. Il faut à tout prix éviter cela. X... me disait hier : « Si Drolet pouvait arriver jusqu'au Pape et crier à Léon XIII, comme le cardinal Lavigerie lui cria un jour : Saint-Père, on vous trompe », et ayant ainsi capté l'attention du Souverain Pontife, si Drolet pouvait lui exposer la situation politique du Canada, nous savons que Léon XIII ne serait pas lent à la comprendre et nous croyons aussi qu'il y aurait bien vite mis ordre » .

J'ai lu avec chagrin les propos que Mgr N... tient sur mon compte*, jusque dans le palais du Vatican. J'en reste étonné, bien que je m'attende à toute espèce d'attaques. Cependant, je n'aurais jamais cru qu'il y avait tant de fiel dans le coeur d'un certain monde. Mon cher Drolet, tu me connais depuis bientôt quarante ans; tu sais que je n'ai jamais fait parade de mes convictions religieuses, mais qu'elles existent; je me rends compte aujourd'hui combien elles ont d'empire sur moi, quand je constate qu'elles ne sont pas ébranlées par les attaques de ceux qui ont pourtant la mission de prêcher la charité chrétienne.

Quoi qu'il en soit, « il faut marcher droit son chemin » . C'est ta devise d'ancien zouave pontifical, c'est la mienne aujourd'hui. Il faut marcher droit son chemin. Je vois clairement et nettement le but à atteindre. Je ne sais pas cependant si nous pourrons atteindre ce but, mais je suis toutefois plein de courage et d'espérance.

Chose singulière, ces violences, cette ignorance des choses de notre pays, cette guerre à laquelle nous allons être exposés, loin de m'éloigner de l'Eglise, m'en rapprochent.

Je sens combien la religion est supérieure à tout ce qui se fait souvent au nom de la religion […].

Bien à toi,

WILFRID LAURIER ».

Arthur Savaète, Voix canadiennes. Vers l'abîme. Tome VII, Les écoles du Nord-Ouest canadien, Paris, Arthur Savaète Éditeur, [s.d.], 516p., pp. 446-447.

 

© 2000 Claude Bélanger, Marianopolis College