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revised: 23 August 2000 | Les
Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers,
the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916
Laurier
répond à une objection au règlement Laurier-Greenway [Note
de l'éditeur : Inspirateur du mouvement Equal Rights' Association,
Dalton McCarthy fut l'un des principaux instigateurs de l'agitation anti-catholique
et anti-française de la fin du XIXeme siècle au Canada. D'abord conservateur,
McCarthy s'était progressivement détaché de son parti pour diriger une coalition
d'éléments anti-catholiques dans la Chambre des Communes, tels les « Noble Thirteen
» qui réclamèrent que le gouvernement fédéral désavoue la Loi sur les Biens des
Jésuites passées par le gouvernement Mercier. Depuis la période de cette loi,
il n'avait cessé de prêcher son « one language, one country, one flag », et de
réclamer l'abolition des « privilèges » catholiques et français au Canada. Le
gouvernement du Manitoba s'était inspiré à la même source que McCarthy pour passer
sa législation de 1890. Pour McCarthy, le plus vite le Canada résoudrait le problème
de l'existence de francophones au pays, le mieux serait la postérité du pays.
Que McCarthy ait appuyé le compromis Laurier-Greenway constituait une situation
embarrassante pour le Parti libéral. Il y a lieu de réfléchir aux raisons qui
ont pu amener McCarthy à appuyer le règlement Laurier-Greenway.] Ottawa,
le 24 novembre 1896. La presse bleue
exploite de son mieux contre nous les déclarations de McCarthy et de ses partisans,
approuvant le règlement de la question scolaire. Il y a une excellente réponse
à faire à ces gens-là, et je t'en envoie les grandes lignes ; je n'ai pas le temps
de faire moi-même l'article. Au lieu
de chercher à expliquer l'attitude de McCarthy et de l'excuser, il faudrait simplement
prendre la chose au point de vue le plus large ; il faudrait démontrer qu'au lieu
de m'accuser, on devrait voir dans cette attitude de McCarthy un triomphe pour
le parti libéral, qui a pu amener cet ancien sectaire à des idées de tolérance
comme celles-là. Il y a à peine six ans, sur le parquet de la Chambre des Communes,
McCarthy déclarait à la langue française une guerre sans merci. Cette langue,
disait-il, devait disparaître de l'Amérique britannique. Aujourd'hui, le même
homme approuve une loi dont une des principales clauses est l'enseignement de
cette même langue dans les écoles ; il consent donc à affermir ce qu'il voulait
faire disparaître jadis. Est-ce que ce n'est pas, après tout, un triomphe considérable
d'avoir amené un état de choses semblable et d'avoir réussi à transformer en amis
ces hommes précédemment hostiles à notre langue et à notre religion ? Il y aurait
ceci également à faire remarquer : au cours de sa carrière politique, le
plus beau triomphe de Cartier fut peut-être son alliance avec Brown, alliance
qui eut de si heureux résultats. Brown
avait été l'adversaire déclaré non seulement des écoles catholiques, mais de toutes
les institutions catholiques. Le résultat de son alliance avec Cartier fut de
changer complètement le personnage. Pour obtenir l'établissement de la Confédération,
qu'il avait à coeur, il fut obligé de modifier ses méthodes; au lieu d'être l'ennemi
des catholiques, il en devint le plus zélé défenseur. Au lendemain de la Confédération,
il déclarait que, les catholiques étant en minorité, il fallait les traiter non
seulement avec justice, mais même avec générosité. Depuis
ce temps, le parti libéral a été l'allié de nos coreligionnaires dans la province
d'Ontario. Sir Oliver Mowat, le principal disciple de Brown, a poursuivi l'oeuvre
de cet homme, et c'est lui peut-être qui a le plus contribué à obtenir du gouvernement
du Manitoba les concessions qui sont en notre faveur. Je puis me rendre ce témoignage
qu'il n'y a pas un homme dans le pays qui aurait pu obtenir ce que j'ai obtenu
pour le Manitoba ; toute intervention du gouvernement fédéral aurait été pour
les catholiques plus qu'une déception. J'écrirais moi-même l'article que je te
propose, mais j'aurais l'air, comme dit l'Anglais, "of blowing my own trumpet".
Je vais tâcher de t'envoyer le discours de Brown en même temps que cette lettre
que je t'écris. Il faut faire ressortir cette question avec vigueur dans la presse.
Le ton de ton dernier article est excellent, et tout ce que tu as dis hier est
très bien. Il faut continuer sur ce ton. Bien
à toi, WILFRID LAURIER. Source
: Lucien Pacaud, Sir Wilfrid Laurier. Lettres à mon père et à ma mère. 1867-1919,
s.l., s.d., 349p., pp. 226-228. ©
2000 Claude Bélanger, Marianopolis College |