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Last revised:
23 August 2000


Les Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers, the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916

Lettre de Laurier à l'abbé Proulx au sujet du Règlement Laurier-Greenway

[ Note de l'éditeur : Cette lettre, écrite le 23 novembre 1896, fut expédiée à Rome où l'abbé Jean-Baptiste Proulx et Gustave Drolet avaient été envoyés pour représenter les députés et sénateurs libéraux du Québec qui se plaignaient de l'ingérence du clergé québécois dans les affaires politiques du Canada et, spécialement, dans les élections fédérales de 1896 qui se firent autour de l'affaire des écoles du Manitoba.

À l'automne de 1896, non moins de trois différentes délégations furent envoyées par les libéraux fédéraux à Rome pour réclamer qu'on mettre fin aux condamnations épiscopales et cléricales contre le Parti libéral. Ces représentations furent faites par : l'abbé Jean-Baptiste Proulx [1846-1904], curé de St. Lin (le village natal de Laurier) et ancien professeur du Séminaire de Sainte-Thérèse, institution bien connue pour son libéralisme et son ouverture aux idées nouvelles, ancien vice-recteur de la succursale montréalaise de l'Université Laval, qui avait déjà intercédé par le passé pour le Parti libéral et qui était un intime de Laurier; Gustave Drolet, ancien zouave pontifical de la délégation québécoise envoyée pour protéger les États pontificaux en 1869-1870, et, à ce titre, chrétien intègre auréolé d'une gloire qu'on apprécierait particulièrement à Rome; finalement Charles Fitzpatrick, que nous avons discuté dans un autre document, et qui eut une audience privée avec le Pape Léon XIII.]

« Personnelle et confidentielle.

« Aujourd'hui je puis vous adresser le texte de l'amendement que le gouvernement de Manitoba va proposer à la législature de cette province, et faire adopter pour remédier aux griefs des catholiques. Je vous envoie en même temps deux numéros de L'Electeur de Québec, qui commentent ce règlement et qui le font comprendre. Je vous adresse de plus un mémoire qui a été préparé par M. Scott, mon collègue, et moi-même, pour expliquer notre position et les raisons qui nous ont fait adopter cette politique de conciliation.

Vous verrez par ce règlement que nous avons obtenu, que le principe de l'enseignement religieux est concédé complètement, de même que l'enseignement de la langue française. Voici deux points qui résument l'intention que je vous ai exprimée dans le mois de juin dernier, et que j'ai exprimée également à Monseigneur Fabre, et je crois avoir complètement tenu parole.

Naturellement, je m'attends bien que les extrémistes vont crier que la minorité catholique est sacrifiée. Cependant, prenons les choses telles qu'elles sont. Pendant six ans, le gouvernement conservateur a eu la question devant lui; pendant six ans, par des atermoiements répétés, il a évité de se prononcer. A la veille des élections générales, à la quatorzième heure, lorsqu'il avait laissé les esprits s'échauffer, les passions s'enflammer, il présente devant la Chambre, comme vous le savez, un bill qui, sur le papier, promettait beaucoup, mais qui, en réalité, n'accordait rien. Car si les catholiques n'avaient pas leur part des octrois publics pour les fins d'éducation, toutes les concessions qu'on pouvait leur faire n'étaient qu'une moquerie, et plus les concessions étaient apparemment libérales, plus la moquerie était évidente.

Vous vous rappelez la raison donnée par le gouvernement pour ne pas accorder aux catholiques leur part d'octroi des deniers publics, à laquelle ils s'attendaient. La raison donnée était que le gouvernement fédéral n'avait pas le droit de disposer des deniers de la législature locale. Du moment qu'il en était ainsi, il est évident que toute loi fédérale devenait un remède illusoire, purement illusoire.

Je compte sur vous et sur notre ami Drolet pour faire comprendre ces raisons aux autorités à Rome.

La population est avec nous. Nous avons un gouvernement fort. Un catholique est premier ministre. Si les extrémistes voulaient précipiter une lutte sur ce point et entraîner le clergé dans une attaque contre le gouvernement - et c'est justement ce qu'ils vont faire, j'en suis déjà informé - il n'est pas difficile de prévoir quelle perturbation il y aurait dans le pays. Les catholiques dans ce pays-ci sont en minorité. Avec du tact, de la fermeté ils peuvent toujours se faire respecter, mais du moment qu'ils useraient de violence, les conséquences de leur acte ne sauraient être que désastreuses...

Je compte que vous resterez à Rome aussi longtemps qu'il le faudra... »

Source : Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec. Vol. 8, Laurier, 2ième édition, Montréal, Fides, 233p., pp. 139-140.

 

© 2000 Claude Bélanger, Marianopolis College