Les
Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers,
the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916
Réactions
cléricales aux attaques libérales contre le sermon de Mgr. Laflèche [Note
de l'éditeur : Les attaques féroces de la presse libérale, spécialement l'article
de Pacaud publié dans L'Électeur du 6 juin, provoquèrent un ralliement
d'une forte partie du clergé du côté de Mgr. Laflèche. L'attitude de l'Électeur
allait, éventuellement, provoquer la condamnation du journal par une partie
de l'épiscopat et, en conséquence, sa disparition. Mgr.
Moreau, qui écrivit le deuxième texte présenté ci-dessous, avait longtemps été
un adversaire de Mgr. Laflèche. L'Électeur inséra la lettre de Mgr. Bégin
dans son édition du 11 juin. Isolé dans l'épiscopat québécois, Mgr. Émard publia
la Lettre Pastorale reproduite ailleurs dans cette collection de document.]
- I - Lettre
du père Paul Benoit Notre-Dame
de Lourdes, Manitoba, 10 juin 1896, Monseigneur, Oserai-je
me permettre de féliciter Votre Grandeur de l'admirable sermon qu'Elle a prêché
dans sa cathédrale, sur la question scolaire et contre les catholiques libéraux
? C'est là un langage vraiment épiscopal, écrasant l'erreur avec toute l'autorité
de la pleine vérité catholique ; c'est une note vibrante de la force même du Saint-Esprit,
résonnant au loin pour consoler et fortifier la foi des simples. Votre
Grandeur n'ignore pas la fureur que votre parole a suscitée parmi les ennemis
et les faux frères. On a imprimé des diatribes et des invectives contre votre
sermon. J'ai rencontré un jour en chemin de fer une longue pancarte où je ne sais
quel "protestant" protestait contre cette ingérence des évêques catholiques
dans les choses de ce aronde. Dieu soit béni! Ces colères montrent que vous avez
frappé juste. Le reptile cherche, mais en vain, à mordre le talon qui le presse. Je
me recommande avec ma communauté de vingt religieux et nos paroissiens de Notre-Dame
de Lourdes et de Saint-Claude aux bénédictions et aux prières de Votre Grandeur.
Que le grand évêque, dont la parole est un glaive si puissant, daigne nous bénir,
dans ce pays d'avenir qu'il a évangélisé si longtemps et où nous chantons les
louanges de Notre Dieu et Seigneur. P:
S. - J'ai lu au prône du dimanche le sermon de Votre Grandeur ; qui a jamais mieux
parlé ?
- II - Lettre
de Mgr. Moreau, évêque de St. Hyacinthe Saint-Hyacinthe,
10 juin 1886. Monseigneur, En
présence des grossières injures dont Votre Grandeur est l'objet de la part des
journaux impies, L'ELECTEUR en tête, pour les enseignements si clairs, si précis
et si opportuns qu'Elle vient de donner du haut de la chaire de vérité, relativement
à la loi rémédiatrice pour les écoles du Manitoba, je me fais un devoir de lui
exprimer ma respectueuse sympathie, tout en La félicitant de son zèle pour le
soutien de la saine doctrine, et en La remerciant de tout coeur du puissant appui
qu'Elle apporte à la solution de cette mesure si impérieusement réclamée par la
justice divine comme humaine. Comme doyen
de l'épiscopat des trois provinces, vous aviez bien le droit, Monseigneur, d'élever
la voix dans une circonstance aussi solennelle, pour faire comprendre comme elle
doit l'être la lettre pastorale collective des évêques sur la question, pour démasquer
les insignes fourberies des ennemis de la cause sacrée de l'éducation, et pour
mettre les fidèles en garde contre les mensonges éhontés de la presse vendue aux
pires adversaires de notre sainte religion et de ses sanctifiantes doctrines.
Je suis pour ma part très édifié de la vigueur toute apostolique avec laquelle
vous avez réclamé les droits de la conscience et de la justice, et je bénis le
Ciel du zèle ardent et éclairé qu'il vous a mis au coeur pour tracer aux hommes,
de quelque parti qu'ils soient, la conduite qu'ils ont à tenir à l'heure présente,
où une question religieuse des plus graves s'impose à leur considération. Votre
éloquente, solide et persuasive prédication, a retenti dans tous les coins et
recoins du pays. Aussi heureux que vos ouailles, tous les vrais catholiques des
trois provinces ont pu la recueillir précieusement et en bénéficier pour l'acquit
de leur devoir de circonstance. Votre Grandeur a donc opéré un immense bien, ce
que constatent visiblement les clameurs et les vociférations de la presse irréligieuse.
Que le ciel l'en bénisse surabondamment et que tout le pays lui en soit bien reconnaissant
! Monseigneur Decelles me prie de vous
assurer qu'il est de coeur et d'âme avec Votre Grandeur dans son énergique croisade
contre les ennemis et les oppresseurs de nos malheureux compatriotes de Manitoba. Veuillez
bien me croire, de Votre Grandeur, le tout dévoué et humble serviteur.
- III - Lettre
de Mgr Labrecque, évêque de Chicoutimi La
Malbaie, 11 juin 1886, Monseigneur, Je
viens de lire durant ma visite, les articles subversifs de L'ÉLECTEUR au sujet
du sermon si juste, si plein de doctrine et si nécessaire que Votre Grandeur a
fait dans sa cathédrale il y a quelques semaines. Les insultes de ce journal,
dont la mission est d'étouffer la vérité sur les lèvres épiscopales, font l'éloge
du doyen de l'épiscopat, et en conséquence je n'ai que des félicitations à vous
adresser, et non dès condoléances [...] Prions
pour le succès de la bonne cause, et la défaite des ennemie de l'Eglise [...]
- IV - Lettre
de Mgr. Bégin, Archevêque de Québec, à L'Électeur [9
juin, 1896] e constate
avec regret que, mettant de côté tout respect pour les lois de la discipline chrétienne
et ecclésiastique, vous vous arrogez le droit de critiquer, de censurer publiquement
l'enseignement donné, du haut de la chaire sacrée, par un évêque, dans l'accomplissement
de sa charge pastorale. Cette conduite
à l'égard d'un vétéran de l'épiscopat est propre à détruire ou à amoindrir le
respect dû aux pasteurs légitimes, et produit des effets déplorables au milieu
de nos religieuses populations. N'oubliez
pas, Monsieur, que l'Église catholique, dans son enseignement et dans ses actes,
ne relève ni du tribunal tout à fait incompétent du journalisme politique, ni
de celui de l'opinion publique. Aussi,
comme administrateur de l'archidiocèse, je ne puis m'empêcher de protester énergiquement
contre l'attitude actuelle de votre journal à l'égard de Mgr l'évêque des Trois-Rivières,
et de condamner sévèrement les articles qui y ont été publiés contre lui. Je
vous engage à rentrer dans les voies du respect qu'un journaliste catholique devrait
toujours observer vis-à-vis de ses supérieurs ecclésiastiques ; à défaut de quoi,
je me verrai dans la pénible nécessité de censurer de nouveau votre journal et
de prendre les moyens efficates pour protéger les fidèles qui me sont confiés. Vous
voudrez bien publier la présente dans votre journal, pour qu'elle puisse atteindre
tous les lecteurs des articles qui y sont blâmés. Source
: Robert Rumilly, Monseigneur Laflèche et son temps, Montréal, éditions
B. D. Simpson, 1945, 461p., pp. 409-412. ©
2000 Claude Bélanger, Marianopolis College |