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Last
revised: 23 August 2000 | Les
Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers,
the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916
Lettre
du cardinal Ledochowski, préfet de la Sacré Congrégation, Rome, au cardinal Taschereau
au sujet des écoles du Manitoba [14
mars, 1895] [ Note de l'éditeur
: Ce document illustre la position romaine au sujet des écoles du Manitoba,
et de l'intervention de l'épiscopat dans cette question, avant la publication
de l'encyclique Affari vos en 1897] Cette
Sacrée Congrégation de la Propagande a appris combien les catholiques du Manitoba
ont été gravement affectés par certaines lois récemment votées par le gouvernement
de cette province au sujet de l'administration des écoles. Le fait est d'autant
plus regrettable qu'il viole l'ordre de choses autrefois établi, grâce aux catholiques,
dans cette région, par les pactes les plus solennels, et qu'il met en péril les
écoles qui y fleurissent. C'est donc à juste titre que tous les Evêques du Canada,
pour écarter un si grave danger, ont, dans une lettre très digne, entrepris la
défense de ces mêmes catholiques auprès du gouvernement fédéral. Effectivement,
le dit gouvernement fédéral a appuyé de sa considération et de son autorité tant
les droits lésés des catholiques que la démarche de l'Épiscopat. Mais jusqu'ici
des obstacles assez considérables ont empêché le succès de cette entreprise. Maintenant
que, en vertu de la décision récente du Conseil Privé de la Reine en Angleterre,
le gouvernement fédéral est certainement pourvu de l'autorité requise pour traiter
cette très grave question, il y a lieu d'espérer qu'elle trouvera enfin cette
heureuse solution que réclament et les droits les mieux établis et le bien de
la religion et de l'Etat. Il faut, néanmoins, profiter sans retard de l'opportunité,
et ne pas abandonner la cause de ces catholiques. C'est pourquoi cette Sacrée
Congrégation, dans une affaire si importante, ne peut garder le silence. Au contraire,
elle confirme et encourage de plus en plus les démarches déjà faites en faveur
de la cause par les catholiques et surtout par les Evêques du Canada, et tout
en louant hautement le zèle déjà déployé par eux dans ce sens, elle les exhorte
en même temps à mettre tout en oeuvre pour mener à bonne fin une si noble entreprise. C'est
donc à tort que certains esprits se laissent persuader qu'il n'y a aucun péril
à craindre des écoles appelées neutres, et qu'elles peuvent être fréquentées impunément
par les enfants catholiques. En effet, pour ne pas citer d'autres preuves, ces
écoles soi-disant neutres, par le fait même qu'elles excluent de leur enceinte,
entre autres choses, la vraie religion, lui font gravement injure, enlevant la
place d'honneur qui lui revient dans toutes les conditions de la vie humaine et
surtout dans l'éducation de la jeunesse. On n'a pas, non plus, le droit d'affirmer
que la sollicitude personnelle des parents peut suppléer à ce défaut. Ce n'est
là qu'un remède partiel au mal, qui est loin d'excuser le vice déplorable de cette
éducation sans Dieu donnée dans les écoles. A cela il faut ajouter que la dignité
de la religion devra diminuer dans l'estime des enfants, s'ils la voient privée
de considération publique et reléguée dans l'enceinte du foyer domestique. Que
sera-ce donc, si les parents, empêchés, comme c'est presque toujours le cas, par
leur indolence ou l'excès de leurs occupations, se relâchent, et si, en sus de
l'enseignement, que leurs enfants reçoivent à l'école, ils ne soignent, ni personnellement
ni par d'autres, leur instruction religieuse ? C'est
pourquoi on ne peut rien faire de plus opportun pour promouvoir la foi chez les
peuples, surtout dans ces temps où Nous la voyons assaillie par une véritable
tempête d'erreurs, que d'implanter, de cultiver et de fortifier la religion et
la piété dans les tendres âmes des enfants au moyen des écoles catholiques, en
sorte que, avec les rudiments des lettres et l'enseignement classique, ils soient
profondément pénétrés des règles de la vie chrétienne, pour les observer fidèlement
ensuite dans tout le cours de leur existence. Celui qui aura consacré à cette
fin son zèle et ses efforts, aura justement et excellemment mérité de la religion. Or,
ces inébranlables principes sur lesquels se sont toujours appuyés les Evêques
canadiens avec tant de constance, engagent aujourd'hui cette Sacrée Congrégation
à fortement recommander à leur zèle manifeste la défense des droits catholiques
de la province de Manitoba concernant l'éducation religieuse de leurs enfants,
afin que ces droits, comme la justice de la cause le fait espérer, soient sauvegardés,
et que l'Eglise soit préservée d'une grave injustice. En
attendant, je vous baise très humblement les mains. De
Votre Eminence, le très humble et très dévoué serviteur, (Signé)
: M. Card. LEDOCHOWSKI, Préfet. (Soussigné)
: A. Arch. de LARISSE, Secrétaire. Source
: Arthur Savaète, Voix canadiennes. Vers l'abîme. Tome VII, Les écoles
du Nord-Ouest canadien, Paris, Arthur Savaète éditeur, [s.d.], 516p., pp.
352-354. ©
2000 Claude Bélanger, Marianopolis College |