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Last
revised: 23 August 2000 | Les
Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers,
the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916
Réponse
de Chapleau à la requête de Mgr. Laflèche [23
mai 1890] [Note de l'éditeur :
Joseph-Adolphe Chapleau [1840-1898] fut l'un des personnages les plus importants
de la politique québécoise dans le dernier tiers du XIXième siècle.
D'abord député conservateur dans la Législature provinciale dès 1867, il servit
dans quelques gouvernements conservateurs provinciaux dans les années 1870. Il
fut premier ministre de la province de 1879 à 1882. À cette date, il entra au
gouvernement fédéral et fut un ministre influent dans les cabinets conservateurs
fédéraux de 1882 à 1892. Il finit sa carrière politique comme Lieutenant-Gouverneur
du Québec de 1892 à 1898. L'un des grands orateurs de son époque, d'une belle
allure, doué d'un bon jugement et d'une grande intelligence, Chapleau défendit
une ligne modérée, opposant les ultramontains qui cherchaient à s'emparer de son
parti au Québec et les ultra-nationalistes qui visaient à trop isoler le Québec.
En ces matières, Chapleau était le digne successeur de L.-H. LaFontaine et de
G.-E. Cartier. Il est à noter, qu'en 1885, il refusa d'abandonner le gouvernement
Macdonald qui avait procédé à la pendaison de Louis Riel. Chapleau cherchera longtemps
à unir les libéraux et les conservateurs modérés et à les amener à se fondre dans
un grand parti politique.] PRIVÉE
ET CONFIDENTIELLE Je regrette de n'avoir
pu répondre plus tôt à la lettre de Votre Grandeur, datée du 12 du courant, au
sujet de la législation du Manitoba, concernant les écoles séparées et l'usage
de la langue française dans cette province. Plusieurs fois depuis que cette loi
a été votée, j'ai eu l'occasion d'appeler l'attention du premier ministre et de
mes collègues sur l'injustice d'une telle mesure, sur son iniquité et sur son
illégalité. Le pacte de la Confédération qui garantit les droits présents et futurs
des minorités, a reçu sa sanction dans l'acte incorporant le Manitoba au Dominion.
La question n'est pas de savoir si cette législation doit être tolérée : tout
le monde est, je crois, d'opinion qu'elle ne peut pas et ne doit pas l'être. Il
s'agit de savoir quel est le mode le plus efficace et le moins irritant à adopter
pour empêcher l'imposition de cette loi à nos compatriotes et coreligionnaires
de là-bas. Les cours de justice, si elle
rendaient un arrêt décrétant l'illégalité de cette mesure, mettraient fin à cette
question sans donner lieu à une agitation politique que l'acte officiel du gouvernement
fédéral ne manquerait pas de soulever. Supposons le veto du gouverneur général
en conseil publié contre la loi de M. Martin ; ce dernier ne manquerait pas de
soulever une agitation qui, même limitée à la province du Manitoba, conduirait
sûrement à une dissolution de la législature, et un appel électoral ne laisse
pas de doute sur son issue. La nouvelle législature passerait la même loi en l'accentuant
encore, appuyée qu'elle serait par un élément aussi puissant que violent dans
tout le pays. Un nouveau désaveu amènerait le résultat que l'histoire nous fait
connaître pour de meilleures causes pourtant plus faiblement défendues. Le voeu
populaire s'imposerait à la volonté impériale, et l'Acte de la Confédération serait
modifié dans le sens demandé par la majorité. Une
décision judiciaire ne saurait au contraire provoquer d'agitation populaire. Confirmée
par les autorités légales de l'Empire, elle s'imposerait même aux plus remuants,
la passion politique ne pouvant y trouver prise. J'exprime
à votre Grandeur mes impressions personnelles sur cette question. J'ignore quelle
ligne de conduite le cabinet fédéral adoptera, mais je n'ai pas l'ombre d'une
crainte que, dut-on avoir recours au désaveu, le gouvernement recule devant l'accomplissement
d'un devoir que la constitution et la justice lui commandent impérieusement. Veuillez
agréer, Monseigneur, l'assurance de mon entier dévouement, J.-
A. Chapleau. Source : Robert Rumilly,
Monseigneur Laflèche et son temps, Montréal, éditions B. D. Simpson, 1945,
461p., pp. 339-440. ©
2000 Claude Bélanger, Marianopolis College |