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Last
revised: 23 August 2000 | Les
Québécois, le clergé catholique et l'affaire des écoles du Manitoba / Quebecers,
the Catholic Clergy and the Manitoba School Question, 1890-1916
Pétition
de Mgr. Louis-François Laflèche à J.-Adolphe Chapleau [23
mai 1890] [Note de l'éditeur :
Mgr. Laflèche [1818-1898] était le meneur de l'école ultramontaine parmi les
évêques du Québec après la mort de Mgr. Bourget. Laflèche était évêque à Trois-Rivières
depuis déjà près de 25 ans quand il écrivit la requête reproduite ci-dessous.] Évêché
des Trois-Rivières, Le 12 mai 1890. L'hon.
J.-A. Chapleau, Secrétaire d'État. Monsieur, La
loi injuste que le gouvernement du Manitoba a fait passer contre la population
catholique et francologue de cette province, pour abolir les écoles séparées et
abolir l'usage officiel de la langue française, est entrée en force le ler mai
courant. Les réclamations de la minorité si indignement traitée par cette loi
inique ont été portées devant le gouvernement fédéral pour en obtenir le désaveu
et la protection garantie par la constitution. J'ai confiance que le gouvernement
dont vous êtes un des chefs accueillera favorablement ce recours à son autorité,
et fera respecter les droits de la minorité en désavouant cette loi qualifiée
de persécution, de l'aveu même des protestants. Le courage avec lequel vous avez
repoussé une tentative analogue dans les Territoires du Nord-Ouest m'est une garantie
de la ferme attitude que vous ne manquerez pas de tenir en cette circonstance.
C'est au nom du pacte fédéral que l'abolition des écoles séparées a été maintenue
dans le Nouveau-Brunswick il y a quelques années, et cependant les ministres catholiques
qui faisaient alors partie du gouvernement fédéral ont déclaré aux évêques qu'ils
étaient prêts à résigner sur cette question et ce n'est que par respect pour l'autonomie
des provinces que cette loi injuste a été alors tolérée. Aujourd'hui
c'est au nom du pacte fédéral que la minorité du Manitoba vient demander protection
contre une loi injuste qui viole ce pacte fédéral, car ce pacte leur garantit
l'usage officiel de la langue française sur le même pied que la langue anglaise,
et le maintien des écoles séparées, conditions sans lesquelles la population catholique
et francologue du Manitoba n'aurait jamais consenti à entrer dans la Confédération.
Or, c'est cette garantie que la loi de l'hon. J. Martin vient de fouler aux pieds,
pour dépouiller injustement sans même l'ombre d'un prétexte, cette minorité du
droit auquel un peuple tient le plus, le droit de conserver la langue et la foi
de ses pères. J'ai donc confiance que
les ministres chargés de nos intérêts religieux et nationaux dans le gouvernement
fédéral montreront aujourd'hui la même fermeté que leurs prédécesseurs, et qu'ils
réussiront à convaincre leurs honorables collègues de la nécessité qu'il y a pour
eux, s'ils veulent maintenir la bonne entente entre les citoyens d'origine différente
et assurer la paix et le maintien de la Confédération, de rendre justice à la
minorité du Manitoba, et de la protéger contre la persécution inique que lui fait
subir une majorité poussée par quelques fanatiques. Dans
mon humble opinion, cette question est autrement grave que celle de Riel, parce
qu'elle attaque plus directement les deux sentiments qui tiennent le plus au coeur
de l'homme : la langue et la foi. Dans
l'espoir qu'aucun membre catholique canadien et français du gouvernement ne voudra
assumer en face du pays la responsabilité du maintien d'une loi aussi évidemment
injuste et hostile à notre nationalité, je demeure, avec la plus haute considération, Honorable
Monsieur, Votre dévoué serviteur, L.-
F. Ev. des Trois-Rivières. Source : Robert
Rumilly, Monseigneur Laflèche et son temps, Montréal, éditions B. D. Simpson,
1945, 461p., pp. 338-339. ©
2000 Claude Bélanger, Marianopolis College |