Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2011

Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec

 

Le féminisme au Québec

Feminism in Québec

 

La femme et l’action extérieure

[1935]

La conclusion du premier travail est claire et certaine : c’est S. S. Pie XI qui la formule. Malgré toutes les difficultés d’application, elle n’en reste pas moins impérieuse. Parlant de la femme mariée – et l’immense majorité des jeunes filles s’acheminent vers cette situation – Léon Merklen dit dans le même sens :

« Un principe doit cependant être maintenu au-dessus de toute discussion : en vertu d’un contrat sacré, la femme est tenue, de droit divin, à se dévouer au bonheur de son mari et à l’éducation de ses enfants; si un second contrat l’empêche de tenir les obligations du premier, si son travail à l’usine l’empêche de réaliser ses devoirs d’épouse et d’éducatrice, aucune hésitation n’est possible, elle ne peut s’engager dans les liens d’un second contrat. »

Ne l’oublions pas : si de dures nécessités matérielles obligent la femme à s’évader de son foyer, elle fera tout son possible pour que ne dure pas indéfiniment cette situation anormale. C’est à la maison qu’est sa mission, son utilité, son bonheur. La grandeur d’un pays se mesure sur la valeur des hommes qui le composent; et le foyer reste, sous l’action de la mère qui en est l’âme, le creuset où s’élaborent les caractères.

Quand on parle de l’action extérieure de la femme, il n’est pas question de son emploi, soit au bureau, au magasin ou à l’usine; il s’agit d’une activité qui, normalement doit rayonner au dehors, car la femme, tout comme l’homme, est un être social, par conséquent, un être de lumière et d’influence.

Nous disons donc que l’action de la femme doit prendre trois formes différentes qui, en raison de leur importance, doivent se ranger dans l’ordre suivant : a) action familiale, b) action sociale, c) action catholique.

L’action de la femme à l’intérieur du foyer doit tenir, avons-nous dit, la première place dans son jugement et son affection. Pour remplir dignement sa tâche, elle devra observer, étudier, prendre contact avec les compagnes et, parfois, le grand public : cercles d’études, enseignement ménager, puériculture, etc. Elle le fera toujours avec ouverture de cœur et l’intelligence largement ouverte.

Le devoir familial rempli, la femme devra trouver le temps de faire de l’action sociale : ce qui veut dire en langage ordinaire, « faire des bonnes œuvres ». Qu’elle soit Enfant de Marie ou Dame de Sainte Anne … elle aura à cœur d’être une unité sur laquelle on peut compter, non une susceptibilité à ménager. Et pour les différentes occasions où lee doit aller de son dévouement, elle saura ne pas se dérober. C’est curieux de le constater : ce sont les femmes les plus occupées qui ont toujours le temps de voler au secours des infortunes !... Elle sera aussi en garde contre la vanité des bonnes œuvres. Le pharisien fait son aumône au coin des rues et sonne la cloche… Les catholiques parfois aussi sonnent … le téléphone ou tiennent à ce que leur nom soit imprimé dans le journal. Notre-Seigneur tient à ce que « la main gauche ignore ce que donne la droite » … La lumière ne peut toujours rester « sous le boisseau »; mais que ce ne soit jamais l’allumeur des phares qui se mette à la place de la flamme ! Autant que possible, que l’on ait la pudeur du bien, tout comme nos si chères mamans qui savaient tant le tour d’arriver chez les indigents en passant par la porte de la cour avec un lourd panier caché sous leur tablier…

Reste l’action catholique, action entièrement différente des deux premières. L’action catholique a un sens unique qu’il ne faut pas confondre avec aucun autre. Écoutons ici S. E. le Cardinal Villeneuve :

« L’action propre du clergé c’est l’action paroissiale, non pas l’Action Catholique au sens actuel du mot; l’action des communautés, c’est l’action religieuse;  l’action des chrétiens travaillant sur eux-mêmes, ce n’est point, non plus de l’Action Catholique, mais l’œuvre de la sanctification personnelle; l’action des fidèles, faisant à leur gré de bonnes œuvres au profit des autres, c’est de l’action individuelle, non point de l’Action Catholique qui doit être la participation des laïcs à l’apostolat de l’Église, mais en des cadres organisés et sous la direction de la Hiérarchie, c’est-à-dire, des pasteurs. Il appartient à l’action pastorale du clergé de diriger l’Action Catholique; à l’action religieuse des communautés de la favoriser. D’autre part, par sa sanctification personnelle, chacun doit se préparer et se rendre apte à l’Action Catholique; enfin, en soumettant ses initiatives individuelles à l'autorité pastorale, on peu [sic] les faire entrer dans les cadres organisés et ainsi les transformer en œuvres d’Action Catholique. » (p. 92)

« Pour nous, écrit S. E. Mgr Brunault, l’Action Catholique sera donc l’action des laïcs, organisée, disciplinée, soumis à l’autorité hiérarchique et s’exerçant dans l’ordre religieux. Le mot qui résume ici la pensée du Pape est le suivant : Nihil sine episcopo. »

« Très noble est donc la fin de l’Action Catholique, puisqu’elle coïncide avec la finalité même de l’Église, suivant la devise : La paix du Christ dans le règne du Christ. » (Pie XI)

« D’autre part, S. E. le Cardinal Villeneuve assigne comme champs de l’Action Catholique les multiples activités religieuses, intellectuelles, familiales, scolaires, charitables, morales, économico-sociales, politiques, en déterminant dans quel sens il faut entendre l’activité catholique dans chacune de ces sphères. » (p. 93)

Trouverez-vous une organisation d’Action Catholique dans le milieu où chacune d’entre vous sera appelée à vivre ? Peu importe pour le moment. L’important, c’est d’être prête  à en faire partie; en attendant, de se préparer à remplir dignement son rôle.

Et c’est consolant de constater comme cette préparation n’est autre que celle vers laquelle doit s’orienter toute vie humaine, la sainteté. Écoutons encore ici la voix autorisée d’un Évêque, Mgr Brunault :

« Après cela, on comprend que les associations qui, dans nos paroisses, ont pour but de donner une formation ascétique, de promouvoir la piété et la formation religieuse ainsi que la charité et la bienveillance, comme les congrégations des Enfants de Marie, des Dames de Sainte-Anne, soient appelées par le Pape ‘les valeurs auxiliaires de l’Action Catholique’, puisqu’elles procurent d’abord la sanctification personnelle, fondement nécessaire à tout apostolat. »

« Exercer l’apostolat, s’occuper des œuvres et ne pas communiquer à chaque instant avec le Cœur de Jésus par la charité, c’est pratiquer ce que l’on a justement appelé l’Hérésie des Œuvres. Par cette expression, il faut entendre l’aberration d’un apôtre qui ne vivrait pas en état de grâce, ou qui, oubliant son rôle secondaire et subordonné, n’attendrait de son activité personnelle et de ses talents, les succès de son apostolat. Celui-là évidemment méconnaîtrait ces paroles du Sauveur : Sans moi vous ne pouvez rien faire. Nous savons, en effet, qu’une loi universelle s’applique ici comme dans d’autres ordres de choses, et que le surnaturel seul peut engendrer le surnaturel. Or c’est le surnaturel qui manque aux âmes de notre siècle et que l’apôtre laïc est appelé à leur communiquer en offrant sa coopération aux Pasteurs établis par Dieu : il doit donc le posséder lui-même. »

……

« Œuvres de ce temps, multiples et pourtant si souvent stériles, pourquoi n’avez-vous pas régénéré la société ? » se demande Dom Chautard, et il répond : « Parce que vous n’êtes pas suffisamment entées sur la vie intérieure, sur la vie eucharistique, sur la vie liturgique », sur le Christ lui-même. Jésus-Christ ne bénit point les œuvres où l’homme n’a confiance qu’en ses moyens, ou qui sont entretenues uniquement par l’activité naturelle. »

« Nous ne cesserons de le répéter, il faut que tout chrétien soit apôtre, mais il faut aussi que tout apôtre soit saint, qu’il vive d’une vie intérieure sans cesse grandissante, de manière qu’il puisse réaliser en lui la parole de saint Paul : C’est Jésus qui vit en moi. »

*****

 

La civilisation moderne a trouvé une foule de ce qu’on appelle improprement des « substituts » : bois artificiel, soie artificielle, beurre et lait artificiels, même œil artificiel… Elle s’efforce de mettre sur le marché, quoi ?... le bonheur artificiel ! Et l’incorrigible humanité s’anémie, empoisonnée par cette contre-façon !...

On peut démolir les pyramides d’Égypte; on ne peut défaire le cœur de la femme. Fait pour le dévouement et l’amour, il ne sera satisfait que s’il parvient à rythmer la « mulierem fortem », la femme forte dont parlent les Saintes-Écritures.

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Source : Émile DUSSAULT (ptre), « Causerie de la semaine : La femme et l’action extérieure », dans Semaine religieuse de Québec, Vol. 47, 23 mai, No 38, (1934-35) : 598-601.

 

 
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