Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2013

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Dollier de Casson

 

DOLLIER DE CASSON (François) (1636­-1701), capitaine de cavalerie, prêtre du Séminaire de Saint-Sulpice, missionnaire au Ca­nada, auteur d'une Histoire de Montréal. — Casson, bourg de 1.200 habitants de la Loire-Inférieure.

Selon M. Grandet, Sulpicien et Supérieur du séminaire d'Angers au début du XVIIIe siècle, François Dollier naquit en Basse-Bretagne, en 1636, d'une famille illustre et distinguée par la noblesse et les belles actions de ses ancêtres. Il avait reçu de grands biens de la fortune et de la nature, un bon esprit, d'excellents talents, une taille avantageuse et une force si extraordinaire qu'il portait deux hommes assis sur ses deux mains. Il quitta ses études pour servir le parti des armes. Il fut fait capitaine de cavalerie. Il servit sous le maréchal de Turenne et acquit son estime par sa bravoure. Dieu lui ouvrit les yeux sur l'aveuglement qui porte les gens de guerre à s'élever aux plus hautes charges militaires, toujours aux dépens de leur vie et souvent de leur salut. Il quitta les armes, reprit ses études, embrassa l'état ecclésiastique et entra au Séminaire de Saint-Sulpice a Paris (V. Le Can. fr.. oct. 1924).

 

Envoyé au Canada en 1666, M. Dollier écrit de lui-même : « M. de Tracy, allant (14 sep­tembre-5 novembre 1666) en guerre contre les Iroquois, eut 110 habitants de Montréal. Un prêtre de Saint-Sulpice, lequel était arrivé de France cette année-là, cinq ou six jours de­vant cette expédition, y assista selon son mi­nistère... Ce prêtre fit un bon noviciat d'abstinence sous un certain capitaine, qui peut être appelé le grand-maître du jeûne. M. l'abbé Dubois des Griselles, qui était de cette confrérie, y pensa mourir absolument pour le même sujet. Pour l'ecclésiastique de Saint-Sulpice, il était d'une complexion plus forte. Mais ce qui l'affaiblissait beaucoup, c'étaient les confessions de nuit, travaux spi­rituels qu'il faisait pendant que les autres dormaient. Ce qui fit qu'il ne put sauver un homme qui se noyait devant lui : ce qu'il eût fait aisément sans cette grande faiblesse et qu'un affronteur de cordonnier l'avait mis nu-pieds pour une méchante paire de sou­liers qui n'avait plus que le dessus; ce qui était bien rude surtout en ce lieu-là, à cause des pierres aiguës, dont l'eau et le rivage sont pavés. Ces choses l'ayant rendu paresseux, quand ce fut à l'extrémité et qu'il se fut déshabillé pour se jeter à la nage, il n'en était plus temps. Ce qui n'empêcha que sa tentative n'en eut une bonne récompense, parce que cet homme était en quelque façon aux Jésuites : l'un d'eux — le P. Aubanel ou le P. Raffeix, tous deux aumôniers — l'ayant remercié de ce qu'il avait voulu faire, il lui répondit que la faiblesse de la faim l'avait empêché de faire davantage, ce bon Père le tira à part et lui donna un morceau de pain, assaisonné de deux sucres tout différents, l'un de Madère et l'autre de l'appétit.»

 

M. de Tracy, qui avait laissé une garnison au fort Sainte-Anne du lac Champlain, sol­licita un aumônier de M. Souart; le Supé­rieur des Sulpiciens «nomma l'ecclésiastique qu'il jugea à propos d'y aller. Il était resté à ce prêtre, des suites de la campagne d'au­tomne, une grosse enflure en forme de loupe sur les genoux. Il se fit saigner; mais le chirurgien mal à propos lui ayant tiré une furieuse quantité de sang, il s'évanouit entre ses bras... Après un délai, il partit avec MM. Le Ber, Le Moyne et Migeon qui voulu­rent l'accompagner à Saint-Louis de Cham­bly... Là, on refusa de l'escorter, 24 heures durant; mais comme on le vit résolut de par­tir nonobstant, on lui donna dix hommes, dont un enseigne qui commandait... Arrivés à Sainte-Anne, il se trouva, de 60 soldats 40 at­taqués du mal de terre (scorbut) et presque point ravitaillés... M. de La Motte envoya à Montréal pour le sauver, un de ses cadets avec des porteurs, qui apportèrent des vivres à l'ecclésiastique de la part de M. Souart et Mlle Mance : on les servit aux malades... Le chirurgien Forestier se dépensa nuit et jour, malgré le danger et la puanteur suffocante. Tous ceux qu'on ne put pas évacuer sur Ville-Marie moururent ». Ces événements se passèrent durant l'hiver de 1666-1667.

 

Au retour, M. Dollier fut chargé de la cure des Trois-Rivières, l'espace d'un an. Durant l'hiver de 1668, il alla chez un capitaine des Nipissiriniens, en vue d'apprendre l'algonquin. Ce chef détenait un esclave des ré­gions du sud, lequel se rendit à Montréal pour proposer à M. de Queylus d'y conduire les missionnaires. Le Supérieur rappela M. Dollier qu'il envoya à Québec acheter les cho­ses nécessaires à l'entreprise. Au mois de juin 1669, les préparatifs étaient terminés; à savoir 4 canots de M. de La Salle et 3 de M. Dollier et de M. de Galinée, lesquels contenaient 22 Français, sous la conduite de deux

canots de Tsonnontouans.» M. Dollier avoue « qu'il a écrit ce voyage tout du long de son style et que, étant de beaucoup inférieur au récit de M. de Galinée, il n'a pas jugé à propos de l'insérer ». Le 8 août, M. Dollier fut malade d'une fièvre continue qui faillit l'emporter en peu de temps : « Je suis très content et j'ai même de la joie de me voir dans l'abandon de tout secours spirituel — M. de Galinée n'était que diacre — et temporel. Oui, j'aimerais mieux mourir au milieu de ce bois, dans l'ordre de la volonté de Dieu, qu'au milieu de tous mes frères du Séminaire. » Ailleurs il ne pouvait contenir la joie de se voir bientôt parmi les peuples auxquels il voulait consacrer le reste de ses jours... Le 30 septembre, il dit la messe, et il la disait trois fois la semaine, en plus de deux cents endroits, avant d'entrer dans le lac Erié, le 13 octobre. Il disait souvent que cet hiver devait valoir pour l'éter­nité plus que les dix meilleures années de sa vie. Après plusieurs jours de navigation, la nuit, une tempête emporta vivres, effets, chapelle. Le même mois, on fit la prise de possession de toutes ces régions (V. Galinée).

 

Le 18 juin 1670, les voyageurs revenaient à Ville-Marie par l'Ottawa. Les Sulpiciens décidèrent la construction d'une église pa­roissiale, dont M. Dollier traça le plan et, le 30 juin 1672, M. de Courcelle en posa la première pierre : Notre-Dame suffit au ser­vice, de 1678 à 1829. M. Dollier, promu supé­rieur, en fut le curé durant trente ans, puis grand vicaire de l'évêque. Tombé malade en 1674, il écrivit son Histoire du Montréal, récit sans apprêt, où voisinent la simplicité et le sublime. Les médecins recommandèrent l'air du pays natal. Il séjourna quatre ans au châ­teau de Casson, sur l'Erdre, à dix lieues de Nantes, et s'y fit le précepteur de son neveu de Bossac.

Mais au printemps de 1678, M. Dollier sol­licita de M. Tronson à Paris la faveur de repartir et il arriva à Ville-Marie au mois d'août. En 1672, assisté de M. Bénigne Bas­set, écuyer, arpenteur et greffier de la jus­tice, il commença à tracer les premières rues. En 1680, il songe à créer un canal entre le petit lac et Lachine et, en 1689, le travail était en bonne voie. En 1685, il se mit à éri­ger le vieux séminaire de la rue Notre-Dame. Il mourut le 27 septembre 1701.

Bibl. — O. Maurault, Revue Trim., Montréal, 1919; Soc. d'Hist. de Montréal, 1859; S. Marion, Relat des Voy fr., Paris, 1923; Le Canad. fr., Québec, 1924; Bull. des Rech. hist.. tabl. gén., Beauceville, 1925.

 

[Sur Dollier de Casson, on pourra consulter les sources suivantes pour compléter les informations du père Le Jeune :

DOLLIER DE CASSON, François, Histoire du Montréal, 1640-1672, Montréal, Senécal, 1871, 128p. Il s’agit de l’édition numérique disponible au site de la Bibliothèque nationale de France. On peut aussi consulter l’édition numérique fait à partir de la publication de la Literary and Historical Society of Quebec, Série 3, Vol. 1, 1871.

MARMIER, Jean, « Le Récit de M. de Courcelles au lac Ontario, et Dollier de Casson », dans Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 32, No 2, 1978, pp. 239-250.

MATHIEU, Jacques, Biographie de Dollier de Casson au Dictionnaire biographique du Canada (en français) (in English).

MAURAULT, Olivier, « Étude sur Dollier de Casson », dans Revue trimestrielle canadienne, Vol IV, 1919, pp. 361-370.

ROQUEBRUNE, Robert de, « Deux historiens de Montréal au XVIIe siècle », dans Le Canada français, octobre 1933, pp. 19-30.

 

TRUDEL, Marcel et Marie BABOYANT, François Dollier de Casson, Histoire de Montréal, nouvelle édition critique, Montréal, Hurtubise HMH, 1992. Voir le compte rendu de Lucien CAMPEAU dans Études d’histoire religieuse, Vol. 60, #994, pp. 133-134 et celui de Lorraine GADOURY dans la Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 47, No 1, 1993, pp. 147-148.

VACHON, André, « Dollier de Casson ou l’écriture à l’état naissant », dans Études françaises, Vol. 28, No 2-3, 1992, pp. 169-177.

UZUREAU, F., «L'abbé Dollier de Casson, Supérieur du Séminaire de Montréal», dans Le Canada français, 1925,  pp. 134-139.]

Source: Louis LEJEUNE, Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 518-520. 

Le lecteur est invité à lire le texte d’introduction et la mise-en-garde de l’éditeur de l’encyclopédie de l’histoire du Québec.

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College