Histoire de la civilisation occidentaleMarianopolis College
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Dernière mise à jour :
2009-08-25

 

Le rôle de la géographie dans le processus historique

 

Claude Bélanger,
Département des Sciences humaines,
Marianopolis College.

 

Qu’est ce qui explique le grand succès de certains groupes historiquement, leur expansion démographique et leur prospérité plus grande que celle d’autres groupes, leur domination sur des grands ensembles? Sans vouloir nier l’apport des individus et des facteurs organisationnels (politiques, économiques et sociaux) à l’explication du succès historique, force nous est de reconnaître que l'élément principal expliquant le succès de certains groupes historiquement réside dans des facteurs géographiques favorables. Cela est particulièrement le cas dans la période qui précède la Révolution industrielle qui débute à la fin du XVIIIième. Comme nous le verrons, c’est la géographie, c’est-à-dire les caractéristiques physiques et climatiques d’un territoire, qui déterminait largement le succès qu’un groupe pouvait avoir dans la période préindustrielle. En particulier, les facteurs physiques assuraient la subsistance et la sécurité des groupes humains. Plus les facteurs physiques étaient favorables et plus un groupe pouvait se développer et, ainsi, assurer sa domination. Depuis la Révolution industrielle, c’est la technologie qui a remplacé les facteurs géographiques comme explication de la domination. Plus un groupe utilise des technologies sophistiquées, plus il peut assurer son prestige, son enrichissement et sa domination.

Géographie et subsistance:

On comprendra facilement l’importance des facteurs géographiques dans presque toute l’histoire de l’humanité quand on se rappelle que depuis le Néolithique c’est principalement, et presque uniquement, l’agriculture qui assure la subsistance des individus. Bien qu’il y ait eu des différences parfois notables dans les techniques agricoles utilisées, celles-ci n’étaient pas de telle nature à expliquer le grand succès, l'enrichissement et la prolifération de certains groupes, alors que d’autres avaient beaucoup de difficultés à assurer un minimum pour leur subsistance. C’est que l’explication se trouvait dans la «nature».

Même s’ils utilisaient des techniques agricoles similaires, les groupes humains n’avaient pas tous la même chance de se développer s’ils ne jouissaient pas des mêmes avantages géographiques et climatiques :

 

  • Certains groupes possédaient des territoires beaucoup plus vastes que les autres. Plus l’aire agricole était considérable et plus cette société pouvait subvenir aux besoins d’une grande population. Le grand nombre pouvait constituer un facteur de force en permettant aux états de lever de plus grandes armées. Quand on avait plus de terres, non seulement le nombre d’habitants pouvait être plus grand qu’ailleurs mais ils pouvaient bénéficier d’un niveau de vie plus élevé. Cela aussi donnait de la force et permettait d’établir sa domination sur les autres, d’avoir plus de succès.

  • Certains groupes, sans avoir plus de terres que les autres, contrôlaient de meilleurs territoires sur le plan agricole. Les sols ne sont pas tous les mêmes. Certains sont beaucoup plus riches, donc productifs. Cela donnait les mêmes avantages que ceux notés plus haut.

  • Les facteurs physiques contribuaient aussi un autre élément vital pour l’agriculture : le climat. Or des conditions climatiques favorables sont essentielles au bon développement de l’agriculture. Pour réussir en agriculture, il faut des précipitations suffisantes, et un climat assez chaud, au type de produit et au sol que l’on cultive. Certains climats permettent deux récoltes annuellement ou une variété plus considérable de produits. Il ne faut pas s’étonner que ces sociétés eussent plus de succès que d’autres.

Donc, plus les facteurs physiques dont disposait un groupe étaient favorables, plus son agriculture était forte, plus ce groupe pouvait avoir du succès, pouvait assurer sa domination sur d’autres groupes, pouvait durer longtemps et rester dominant.

 

Parfois, un site particulier, au confluent de divers cours d’eaux ou de routes naturelles, donnait un avantage économique ou militaire au groupe qui le contrôlait. Quand les Grecs fondèrent la ville de Byzance, sur le détroit du Bosphore, à quelques six cent mètres de l’Asie Mineure (la Turquie d’aujourd’hui), et de surcroît sur une voie maritime qui reliait la Mer Égée à la Mer Noire — laquelle permet de pénétrer très profondément dans le continent asiatique et d’avoir accès à la route des caravanes reliée à l’Extrême Orient — ils savaient pertinemment qu’ils se donnaient des avantages sur leurs voisins. Encore ici, ce sont les conditions géographiques qui primaient. Nos ancêtres étaient très conscients de ces impératifs géographiques; leur survivance en dépendait. Ils n’auraient jamais construit des maisons, en climat nordique, sans fenêtres du côté sud …

 

Géographie et sécurité:

Les facteurs physiques assuraient aussi largement la sécurité. Dans l’échelle des besoins humains, la sécurité vient juste derrière la subsistance. Bien sûr, le but des armées étaient d’assurer la sécurité des populations. Cependant, dans une large mesure, c’était la géographie qui assurait cette sécurité. Les Amérindiens n’ont eu rien à craindre des Européens pendant des millénaires parce que l’Océan atlantique les séparait. La distance séparant les groupes assurait partiellement cette sécurité; plus la distance était considérable, plus on assurait sa tranquilité. Les « accidents » de géographie jouaient le même rôle. Pourquoi Champlain a-t-il bâti sa citadelle sur le promontoire du Cap Diamant ? Près de bonnes terres cultivables, il avait trouvé un élément naturel pour assurer la protection de son « habitation ». C’est que la sécurité était plus grande quand les facteurs géographiques étaient favorables.

Trois types d’accidents de géographie servaient à augmenter la sécurité : les montagnes, l’eau et les déserts. Les montagnes sont semblables à des fortifications naturelles. Derrière elles, une société pouvait se sentir en sécurité. Un bon exemple serait celui de la Suisse. Même une modeste colline pouvait être utile. Quand on le pouvait, on établissait ses fortifications sur un promontoire. Cela permettait de voir et de dominer un territoire. Lorsque attaquée, une forteresse sur une colline était plus facile à défendre parce que plus difficile d’accès. Le principe physique de la gravité jouait en faveur des défenseurs d’une forteresse perchée sur une colline. L’eau et les déserts jouaient des rôles semblables. Plus difficile à traverser à cause de ces obstacles, un territoire était mieux protégé. Encore aujourd’hui, combien de frontières entre des cultures et des pays sont délimitées par des cours d’eau ? (Pensons ici à la frontière entre le Québec et l’Ontario...). Lorsque la nature ne donnait pas un cours d’eau pour protéger un groupe, on en créait un artificiellement. C’est ainsi qu’au Moyen-Âge on aimait entourer les châteaux d’un fossé qu’on remplissait d’eau.

Conclusion : Les groupes les plus favorisés, ceux qui auront le plus de succès, étaient évidemment ceux dont les sites réunissaient les caractéristiques physiques les plus favorables à assurer leur protection et leur subsistance. C’est la nature qui créait ces sites. Il ne restait aux humains qu’à les reconnaître et à les organiser politiquement, économiquement et socialement de manière efficace, ce qui n’était évidemment pas toujours le cas.

Exercice à faire :

Examiner attentivement les caractéristiques des territoires de l’Égypte (Vallée du Nil) et de la Mésopotamie pour expliquer leur succès sur une longue période dans la phase du Proche-Orient. Plus près de nous, quels avantages physiques ont amené les premiers colons à fonder et demeurer à Montréal?

© 2001 Claude Bélanger, Marianopolis College