Histoire de la civilisation occidentaleMarianopolis College
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Dernière mise à jour :
2009-08-25

Le concept de civilisation

 

Claude Bélanger,
Département des Sciences humaines,
Marianopolis College

 

Ordinairement, le concept de civilisation s’entend dans deux sens principaux, lesquels seront utilisés dans notre cours. On les reconnaîtra facilement selon le contexte de la discussion.

 

Dans son sens le plus commun, le mot civilisation est utilisé de façon interchangeable avec le mot culture. La culture est la manière de vivre, de penser, d’agir qui caractérise un groupe spécifique ou, plus largement, un ensemble plus grand, telle une famille culturelle. Une culture a des aspects politiques, économiques, sociaux, artistiques et autres. Toutes ces composantes forment, ensemble, la culture d’un groupe. Comme tous les groupes ont une manière de vie spécifique, tous ont une culture ou une civilisation. Dans ce sens, on peut donc parler de la civilisation québécoise, ou de la civilisation amériendienne. Quand on étudie l’histoire de la civilisation occidentale, on s'engage donc à étudier l’apparition, le développement et l’évolution des divers aspects culturels qui caractérisent l’Occident.

 

Le concept de civilisation est aussi utilisé dans un deuxième sens, plus restreint. Il s’agit d’un stage de l’histoire, de celui qui suit immédiatement la préhistoire. On peut donc parler d’une culture ayant atteint le stage de la civilisation. Plusieurs auteurs le décrivent comme étant un stage «avancé» de l’évolution de l’humanité, comme s’il existait, objectivement, des stages supérieurs et inférieurs. Il faut éviter de tels jugements même s’ils sont communs. Le relativisme culturel se borne à constater qu’il existe plusieurs cultures différentes qu’on ne cherche pas à hiérarchiser. Le stage de civilisation est atteint par un groupe lorsqu’il réunit les cinq caractéristiques suivantes :

1. Un niveau de population suffisant dans un ensemble territorial déterminé. Cette population doit être en expansion, et être suffisante pour exploiter intensivement un territoire et pour gérer la complexité des situations politiques, sociales et économiques.

2. Une agriculture en expansion, de façon à ce que des surplus soient produits et qu’ainsi une proportion modeste de la population puisse vivre sans être des producteurs agricoles. Cela n’était pas le cas au cours du Néolithique. L’expansion agricole permet éventuellement l’accroissement de la population.

3. L’existence de villes. Les encyclopédistes* du XVIIIième siècle, qui sont les premiers à avoir utilisé le mot civilisation, l’ont créé à partir du vocable latin civis qui signifie citoyen, d’où ville. La ville reflète l’existence d’une société complexe et productive puisque tous ces citadins ne pourraient exister si l’agriculture n’était elle-même productive. Quand les humains ont été libérés d’avoir, au jour le jour, à assurer leur subsistance, ils ont pu faire d’autres choses, se spécialiser davantage, créer, devenir plus productifs. Pendant longtemps, la ville a été perçue comme la plus grande création de l’humanité et elle avait conscience de sa supériorité sur le monde rural, donc « inférieur ». Il fallait une forme de gouvernement efficace pour organiser la vie dans une société urbaine. Néanmoins, il faut toujours se rappeler que, jusqu’à la Révolution industrielle des XVIII et XIXième siècles, sauf de très rares exceptions, la grande majorité de la population (souvent 80-90 %) continuera à vivre en milieu rural, d’agriculture.

4. Le commerce (trade) sur une plus grande échelle qu’à l’époque du Néolithique. Les surplus produits devaient être vendus. Au stage de la civilisation, une forme de « grand » commerce commence à se manifester, parfois sur d’assez grandes distances. Avec le commerce, une classe de marchands fait donc son apparition. Les richesses produites sont souvent concentrées entre les mains de ces marchands. Les différences de classes deviennent encore plus prononcées qu'auparavant. Ce commerce est centré sur les villes bien qu’une bonne proportion des produits échangés soit constituée des produits de la terre, de la zone agricole. Les métaux, souvent sous forme d’outils ou d’armes, sont aussi échangés à ce stade.

5. La dernière caractéristique est un système d’écriture. Le développement de l’écriture est reliée à la complexité du style de vie qui apparaît au stage de la civilisation. Des sociétés à vaste population devaient se donner des lois, les faire connaître et leur donner un élément de permanence en les mettant par écrit. Par ailleurs, les marchands devaient tenir un système de comptabilité pour pouvoir suivre leurs affaires. Deux grands systèmes d’écriture firent leur apparition.

Malgré ses caractéristiques qui démontrent l’existence d’une société évoluée, il faut se garder de confondre stage de civilisation et le mot civilisé qu’on utilise aujourd’hui par opposition à ce qui existe «de nature», qui est dans son état naturel, c’est-à-dire inorganisé, sans amélioration, ou encore « barbare ». Telle a longtemps été la dichotomie qui existait entre les êtres qu'on disait « civilisés » - par nature évolués et supérieurs - et les « arriérés », les « frustres », les « barbares », donc des non-civilisés, qui cherchaient, inévitablement, à détruire ce qu’ils ne comprenaient et ne possédaient pas. Doit-on rappeler que ce sont des êtres dits « civilisés » qui ont commis les plus grands actes de barbarisme de l’histoire de l’humanité, tels l’Holocauste contre les Juifs ou la pollution massive de notre planète... Quand on examine les cultures, il faut le faire avec les yeux du relativisme culturel.

 

© 2001 Claude Bélanger, Marianopolis College