Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Août 2013

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Antoine-Sébastien Falardeau

 

FALARDEAU (Antoine-Sébastien) (1822-90), dessinateur, peintre d'histoire, copiste de tableaux des grands maîtres italiens, hollandais, espagnols.

Le chef de la famille, Guillaume Fallardeau, né en 1656, était fils de Pierre Fallardeau et de Jeanne Boutanet, demeurant au bourg de Bignay, près de Saint-Jean-d'Angely en Sain­tonge : il était soldat dans la compagnie du sieur Saint-Jean. Venu au Canada vers 1692, il épousa à Beauport, le 25 janvier 1694, Ma­rie-Ambroise Bergevin, qui lui donna neuf enfants et se fixa à Saint-Ambroise, près de Québec. L'un de leurs descendants, Joseph Falardeau, né en 1800, combattit à Château­guay. A l'époque de son mariage avec Isa­belle Savard, il alla s'établir au Cap-Santé, où naquit Antoine-Sébastien le 13 août 1822.

Mis à l'école à l'âge de huit ans, il eut l'ins­tinct non d'apprendre, mais de crayonner et de tracer des silhouettes, qu'il aimait ensuite à colorier de toutes façons. Bientôt employé à la culture, l'enfant témoigna une invincible aversion pour les travaux manuels : il se plaisait au dessin des animaux et des objets, malgré les réprimandes paternelles. A quatorze ans, il s'enfuit du foyer et se rendit à Québec, où il s'engagea au service du juge Sewell, du juge Panet, de Mme Bouchette; enfin comme commis chez M. J.-B. Vézina et d'autres mar­chands. Toujours il continua à dessiner et à peindre. Les deux années suivantes, M. Todd, peintre d'enseignes, l'initia aux secrets de son art. Le retour d'Europe du peintre Théophile Hamel lui inspira le projet de franchir l'Océan : il vendit sa collection d'es­quisses pour la somme de 32 liv. sterl., quel­ques fourrures et une partie de son trousseau. M. Archibald Campbell et sa tante Drolet lui firent chacun une aumône.

Dans l'été de 1846, muni d'une lettre de recommandation pour M. R.-E. Caron, prési­dent du Conseil législatif, il partit pour Mont­réaI avec un viatique de 104 liv. sterling. Présenté à lord Cathcart, le gouverneur lui remit un passeport. Rendu à New-York, il dut y séjourner trois semaines et prit le vais­seau à destination de Marseille. Lorsqu'il y débarqua, il se sentit épuisé après avoir subi les affres d'une tempête de trois jours. Ayant perçu une traite de 2.018 francs qu'il avait tirée sur Paris, il prit le vapeur pour Gênes et Livourne : un riche Marseillais à bord lui offrit une forte somme que le Canadien re­fusa d'accepter. Voulant passer à Florence, il loua un coche, et le conducteur déroba les clefs de sa malle et l'on défonça sa valise à la douane. L'hôtel où il descendit était un bouge à ne pas y dormir. Puis il alla visiter l'un des amis de M. Hamel : on lui apprit son décès depuis deux mois.

Après bien des démarches, M. Falardeau obtint son admission à l'Académie des Beaux-Arts par l'entremise de sir G. Hamilton, am­bassadeur britannique; le secrétaire, M. Archibald Scarlett, se fit aussi son protecteur : plus tard, il le présenta au grand-duc de Tos­cane. Ses deux professeurs Calendi et Gaz­zarini le prirent en amitié, à cause de ses réels talents et de son ardeur au travail : du­rant trois ans, il vécut de ses 2.018 francs. Ayant refusé d'entrer, en 1848, dans la garde civique des Beaux-Arts, il fut expulsé des cours et fut battu par une bande de révolu­tionnaires qui l'avait pris pour un Autrichien. Ensuite réintégré à l'Académie, il avait reçu gratis les leçons de ses deux maîtres. M. Char­les Lefebvre, peintre paysagiste de Paris, lui enseigna son art; on l'admit dans la gale­rie des Uffizzi, où il rencontra M. Guillaume Lamothe de Montréal, qui lui commanda son portrait et celui de son épouse, une jeune Florentine. A Livourne, on lui vola pastels et pinceaux. En se baignant en mer, il fut sauvé par un batelier inconnu; après sept mois, il retourna à Florence, avec 140 dol­lars en poche. En 1850, un Américain lui acheta pour 150 dollars de tableaux; ce qui lui permit de faire son tour d'Italie, muni de recommandations.

A Parme eut lieu un concours pour la copie de Saint-Jérôme, oeuvre du Corrège, ta­bleau de la Madone avec l'Enfant-Jésus, sainte Madeleine et saint Jérôme (1524). Plu­sieurs concurrents se mirent au travail de reproduction : M. Falardeau remporta le prix et fut admis à l'Académie, à l'unanimité. Il reçut des lettres de félicitations. Le duc de Parme, Charles III de Bourbon, la duchesse, don Carlos d'Espagne, le visitèrent aussitôt. Son Altesse proposa d'acheter le chef-d'oeu­vre; le lauréat canadien refusa, le voulant apporter à Québec : insistance du duc..« J'ose vous prier, dit le copiste, de vouloir bien l'ac­cepter en cadeau. » Quelques heures après, M. Falardeau était assis à la table ducale et, à la fin du repas, le prince, détachant de son cou une épingle en brillants, lui dit en la lui offrant : — « Chevalier, voilà votre cadeau! Veuillez passer chez mon chancelier! » Celui-ci lui remit les lettres patentes qui le créaient chevalier de l'Ordre de Saint-Louis. Aussitôt, d'illustres personnages lui vinrent serrer la main. La fortune arriva sur les pas de la gloire. Il reçut d'une seule commande un montant de 800 piastres. La grande-duchesse de Mecklembourg-Schwerin et l'impératrice douairière des Russies lui demandèrent plusieurs tableaux. Quand soudain la fièvre jaune, compliquée de rhumatisme et d'une pleurésie, vinrent le jeter presque dans les bras de la mort, après trente-deux jours d'agonie. Sa convalescence fut très longue. En 1853, s'étant traîné avec peine à la ga­lerie des Uffizzi, il y rencontra M. Napoléon Bourassa. Ensuite il se rendit à l'île d'Elbe, d'où il revint à son ouvrage. Un soir, la vieille servante de la pension lui apprend que le chat qu'il aime tant va mou­rir. Le peintre prend l'animal, qui le mord au doigt, c'était la rage inoculée; mais sai­gnée et cautérisation eurent raison du mal. En voie de rétablissement, il fit une rechute : le bras, l'épaule, le côté gauche n'étaient qu'une plaie; il fallut y appliquer le fer et le feu et il perdit une phalange d'un doigt de la main gauche. En 1855 seulement sa guéri­son devint complète. L'année suivante, fuyant le choléra qui ravageait le pays, il se retira dans les Apennins avec Federigo Piccini, son fidèle serviteur, à qui il devait la vie.

En 1861, il épousa à Florence Catherine, fille du marquis Manucci-Benincasa, capitaine d'état-major de Napoléon 1er  : elle avait très jeune perdu ses parents et fut élevée par son oncle. Le 23 avril 1862, les deux époux met­taient à la voile pour le Canada, où ils recevaient le plus enthousiaste accueil.

D'après le Panthéon canadien de M. M. Bibaud, M. Falardeau avait affecté une salle aux copies de chaque école :

Première salle. — Une assez nombreuse collection de portraits des premiers maîtres : Léonard de Vinci, Raphaël, André del Sarte, le Guide, Rubens, Van Dyck, le Titien, Paul Véronèse, sir Reynolds.

Deuxième salle. — Plusieurs petits tableaux flamands et hollandais, remarquables par le fini et l'expression propre à chaque copie de maîtres différents, au point que l'artiste canadien oubliait ce qu'il savait par lui-même pour s'identifier avec son modèle.

Troisième et quatrième salle — Réunion des tableaux de plus grande valeur des diverses écoles d'Italie, où dominait celle de Florence et celle de Rome représentée par la Madone à la Chaise de Raphaël; une flore de Titien; le Christ en croix du Guide; la Mort de saint Joseph d'après Franceschini; une Judith de Christophe Allori; une Tête de Mé­duse et des Paysages de Salvator Rosa et de Claude Lorrain.

Cinquième et sixième salle. — Le Martyre de saint Barthélemi de Ribeira (Spagnoletto), Apollon et Marsias de Pierre de Cortone, Saint Jean-Baptiste baptisant Jésus-Christ de Baroccio, un Paysage du Poussin, Fruits et Fleurs de Lopez.

 

Le chevalier Falardeau est mort à Florence en 1889.

[Sur cet artiste québécois, on pourra consulter les sources suivantes :

CASGRAIN, Henri-Raymond (sous le pseudonyme de Eugène de Rives), Le Chevalier Falardeau, Québec, Léger Brousseau, 1862, 96p.

 

FALARDEAU, Émile, Un maître de la peinture – Antoine-Sébastien Falardeau, Montréal, Albert Lévesque, 1936.

FALARDEAU, Georges, « Antoine Sébastien Falardeau », dans Bulletin mensuel de l’Amicale généalogique Falardeau, Vol. 1, No 7, août 2008, pp. 1-4.

FALARDEAU, Mario, «Fin tragique du peintre Antoine-Sébastien Falardeau, chevalier (1822 Cap-Santé, Canada – 1889 Florence, Italie) », dans Bulletin mensuel de l’Amicale généalogique Falardeau, Vol. 3, No 5, Novembre 2010, pp. 1-4.

GAMACHE, Marie-Claude, « Antoine-Sébastien Falardeau (1822-1889) », dans Gravures dans l’Histoire des Canadiens-Français de Benjamin Sulte.

NIXON, Virginia, Antoine-Sébastien Falardeau (1822-1889) and the Old Master Copy in the Nineteenth Century, these de Maîtrise (histoire de l’Art), Concordia University, 1988, 304p.

VÉZINA, Raymond, « Antoine-Sébastien Falardeau », dans Dictionnaire biographique du Canada (en français) (in English)]

Bibl. — H.-R. Casgrain, Biogr. can., t. II, Montréal, 1897; M. Bibaud, Le Panthéon can., Montréal, 1891; Bull. des Rech. hist., tabl. gén., Beauceville, 1925; Can. and Prov., index, Toronto, 1917.

Source: Louis LEJEUNE, Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 611-613. 

Le lecteur est invité à lire le texte d’introduction et la mise-en-garde de l’éditeur de l’encyclopédie de l’histoire du Québec.

 

 

 

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College