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Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec
Le féminisme au QuébecFeminism in QuébecLa femme et le travail de l’usine[1935]
Ce qui complique la question qui nous occupe présentement, c’est l’importance dans la vie moderne du facteur argent. L’argent est tellement devenu le moyen de n’importe quoi et de n’importe qui qu’on en est arrivé à ne raisonner et à n’agir qu’en fonction de lui. Elle est caractéristique cette réflexion d’une élève de nos écoles paroissiales transplantée, sans plus, dans une école publique : « Tu apprends encore le catéchisme à l’école des Religieuses, ma chère? Qu’est-ce que ça peut bien rapporter dans la vie? »
L’usine rapporte; le bureau rapporte…
Si la tenue d’une maison rapportait dans le sens ci-haut employé; si l’éducation de l’enfant rapportait; si chaque acte de vertu rapportait; si chaque personne qui assiste pieusement à la messe recevait $10…!!
« La pauvreté n’est pas un vice; mais c’est bien malcommode!! » disait quelqu’un. Certes ! Mais, par contre, l’argent peut-il donner tout? Plusieurs le croient qui en font le but de leur vie; mais souvent ils ne tardent pas à vérifier la parole de S. E. Mgr Courchesne : « Il y a un malheur plus grand que d’être pauvre : c’est d’être riche ! » Remarquons bien qu’il ne s’agit pas de mendicité. Être pauvre au sens chrétien, c’est posséder l’utile et le nécessaire, sans ce superflu qui empoisonne si souvent et fausse le goût du bonheur.
Entrons de plein pied dans le sujet. Pourquoi la femme va-t-elle à l’usine? Est-ce toujours pour le seul besoin de trouver le moyen d’une subsistance qui, autrement, lui manquerait? Écoutons d’abord Mlle Decouvelaere :
C’est ça : bien des fois, la femme va manufacturer au dehors ce qu’elle achètera ensuite … au lieu de le faire, à son goût chez elle…
Peu importe pour le moment; forcé ou non, son exode de la maison a des conséquences qui sont à noter. Écoutons encore une autorité en la matière :
Quelle vérité dans cette phrase de la Chesnais : « La permanence et la solidité d’un foyer dépendent de l’éternelle présence de la mère qui en incarne le bienfait. »
Ici se présente encore l’objection : que faire de nos filles si on ne les emploie pas dans les bureaux ou les usines? Il y a à peine, disons 40 ans, on regardait comme déclassée la jeune fille qui, au sortir du couvent, se soustrayait à la tutelle de ses parents pour aller gagner sa vie, comme les hommes ? En admettant que des filles existent depuis… assez longtemps, est-ce depuis 40 ans seulement que l’humanité a commencé à avoir du bon sens; ou doit-on conclure à une régression dont les conséquences sont par trop évidentes? Quoi qu’il en soit, les exceptions nombreuses mises à part, la femme devra trouver au foyer à exercer une activité qu’elle dépense ailleurs. Regardez : qu’il y en a des besognes à faire au foyer !! Quand la mère et ses filles font ces choses que d’autres vont payer ailleurs, regardez le budget et comparez : vous verrez en faveur de qui est la balance. À quoi sert d’accumuler les salaires si le tout coule au hasard des fantaisies, des caprices de chacun? On gémit sur tous les tons en présence de ce qu’on appelle ‘la crise économique’. Quand la femme ne sait plus coudre un bouton, faire cuire la soupe ou se priver du cinéma … il ne faudra pas une grosse catastrophe pour rencontrer le nom de sa famille sur la liste des pauvres de la ville… L’économie reste une vertu sociale nécessaire; et les milliards de M. Roosevelt n’emploiront [sic] jamais des tonneaux sans fonds…! Oui, oui, que faire? Mon Dieu, coudre, tricoter, cuisiner, nettoyer, broder, étudier, lire, aimer, former les chers petits, plaire au papa ou au mari, être charitable, rayonner … on pourrait multiplier les verbes et en faire un ruban long, long, comme le courage d’une femme de cœur.
Quels sont les remèdes à la présente situation? Laissons les économistes les trouver. Mais ce serait mal connaître les conditions économiques présentes que de penser que « le retour de la femme au foyer » devrait avoir pour effet d’obliger de nombreuses usines à fermer leurs portes. La situation n’est pas sans issue : le Souverain Pontife ne peut demander des choses impossibles.
Ne faisons que mentionner la conduite que doit tenir la femme à l’usine. On a déjà compris, qu’avec quelques nuances, tout ce qui a été dit au sujet des bureaux doit avoir ici son application.
Comme conclusion à ces quelques pensées qui n’ont pas la prétention d’être une révélation tout au plus ont-elles le désir d’être l’humble écho de l’enseignement de notre bien-aimé Pontife, on entendra avec plaisir ces paroles d’espoir que nous voulons faire nôtres. Elles sont la conclusion d’un article paru dans la Croix de Paris (30 janvier 1935) sous la signature de Luc Estang. L’article a pour titre La Vocation humaine.
« Cette jeunesse, elle monte au sein des admirables groupements d’Action catholique. Ainsi, ne se contentera-t-elle point de s’inscrire en faux contre les erreurs de ses aînés, mais elle évitera elle-même l’erreur, s’engagera dans le droit chemin, entraînant à sa suite les masses qui, enfin, n’auront plus à revenir sur leurs pas. »
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Source : Émile DUSSAULT (ptre), « Causerie de la semaine : La femme et le travail de l’usine », dans Semaine religieuse de Québec, Vol. 47, 27 juin, No 43, (1934-35) : 676-680. |
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Claude Bélanger, Marianopolis College |