Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Février 2011

Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec

 

Le féminisme au Québec

Feminism in Québec

 

La femme et le travail de bureau

[1935]

Qu’il me soit permis de commencer ce travail par la lecture de la lettre suivante :

« Votre article ‘Le retour de la mère au foyer’, devrait être lu par nombre d’industriels et d’agences, afin de ne plus embaucher des femmes mariées dans les bureaux.

« Moi-même, j’en suis une victime; et parce que j’ai eu le malheur de prendre  une femme qui avait une ‘bonne place’, je m’en mords aujourd’hui les doigts. Elle ne sait pas faire grand’chose dans le ménage et le rêve de ma vie étant de me constituer un intérieur avec l’espoir d’élever une petite famille, je me heurte à son opposition et j’en souffre.

« Ma femme ne veut être que dactylo, parce que cela rapporte (elle gagne 900 francs); non seulement elle y perdra la santé, mais elle sera obligée de prendre une domestique, qui lui coûtera la moitié de ce qu’elle gagne : le coulage, ensuite, absorbera l’autre moitié.

« Quant aux enfants, elle ne veut pas en entendre parler, car elle ne pourrait plus jouir de la vie : le cinéma, les toilettes, l’apéritif. Bref, c’est une véritable impasse, et je trouve que, pour remédier à tout cela, l’accès des femmes mariées dans les bureaux devrait être interdit. Il s’ensuivrait une diminution certaine du chômage; beaucoup d’hommes pourraient trouver un emploi, avec l’espoir de pouvoir se marier et la perspective d’avoir des enfants; car voilà les seules choses qui comptent pour le bonheur du foyer conjugal.

« J’ai le courage de me plaindre, et j’approuve pleinement vos lignes; mais combien d’autres se trouvent dans le même cas que moi et souffrent en silence, puisqu’ils n’y peuvent rien!

« Je m’excuse, Monsieur, de vous importuner peut-être, mais j’éprouve un réel soulagement à exhaler mes plaintes qui ne sont que par trop justifiées.  (La Croix de Paris)

Il est clair que tout le monde ne pense pas de cette façon; d’autant plus qu’il y a de nombreux cas où le travail de la femme, dans un bureau, a sauvé la famille de la misère et, dans certains cas, éloigné la menace du ‘birth control’ que la pauvreté rendait presque inévitable. Tout cela prouve quoi? Que les arbres de la lisière ne doivent pas cacher la forêt; que le salaire des hommes devrait être réajusté en fonction du rôle de père de famille; qu’un abus n’est pas une raison suffisante pour qu’un autre abus cesse d’être tel; qu’il faut toujours faire attention à ce que ‘le remède ne soit pas pire que le mal’.

Pour le moment, plaçons-nous en face du FAIT : les femmes travaillent dans nombres de bureaux, alors qu’une foule de jeunes gens instruits chôment ou doivent se contenter de vivre d’expédients indignes d’eux; quelle doit être leur attitude?

D‘abord, nous disons qu’il y a deux sortes de bureaux : les propres et les sales.

Il est clair que, jamais, sous aucun prétexte, la femme ne doit accepter une position dans un bureau où elle ne rencontrerait pas toutes les garanties d’une moralité absolue, tant sous le rapport des personnes que des affaires qu’on y traite. Il n’y a pas seulement des gens louches; il y a des commerces, des transactions douteuses ou malhonnête auxquels une femme respectable ne peut coopérer.

Les bureaux propres peuvent aussi se diviser en deux classes; ceux où la femme passe à peu près tout son temps SEULE avec un ou plusieurs hommes; et ceux où plusieurs filles ou femmes travaillent ensemble. Il est évident que ces derniers offrent moins de danger. Quoi qu’il en soit, la femme catholique se fera un devoir de se souvenir des enseignements de l’Église. Il y a un juste milieu entre une pruderie qui s’effarouche de tout, et une effronterie qui ignore la pudeur. Elle sera polie sans coquetterie, obligeante sans provocation. S’il y a une place où le cœur doit marcher au ralenti c’est bien dans le bureau. Jamais, une employée ne doit se permettre ces regards tendres, ces conversations où il est question d’amour : ce n’est pas la place ! Dieu seul sait tous les drames qui ont eu pour premier acte l’idylle d’un bureau et qui se sont terminées dans le sang ou la boue ! Ce n’est pas pour rien que le Souverain Pontife pie XI appelle ‘abus néfaste’ l’obligation qui contraint la mère de famille à « chercher au dehors de la maison, une occupation rémunératrice ». (Quadragesimo Anno)

Pourquoi ne pas souligner ici la naïveté de certaines femmes ou jeunes filles honnêtes qui, par l’indécence de leurs vêtements, la légèreté de leurs paroles, la mollesse de leur maintien, sont une provocation constante pour leurs compagnons de travail? Et ensuite, elles se plaindront qu’on leur manque de respect… S’il y a un endroit où la tenue doit être irréprochable, c’est le bureau !

Ce serait ici la place d’indiquer les moyens d’être à la hauteur; d’être apôtre du beau et du bien au lieu de se transformer en putois malfaisant : vie intérieure intense, prières nombreuses, communion fréquente, prudence surnaturelle… Aux directeurs d’âmes d’entrer dans les détails.

Si la femme de bureau passe de longues heures hors de chez elle, avec quel bonheur elle doit y rentrer pour y jouir de cette atmosphère faite pour elle, où son cœur bat à l’aise et où ses nerfs trouvent une détente nécessaire. Est-ce à dire qu’elle doit s’évader du bureau pour aller de nouveau s’enfermer dans sa cuisine ou son boudoir? Évidemment, le grand air est fait pour elle comme pour tout le monde; elle a droit à d’honnêtes récréations qu’elle sait trouver si elle a de la tête et du cœur. Mais, ce qui est curieux, c’est qu’on trouve INHUMAIN de s’enfermer, le soir, au foyer; et si HUMAIN d’aller s’enfermer dans l’obscurité si souvent malsaine d’une salle de cinéma…

En tout cas, il faut se souvenir d’une chose : le fait de gagner un salaire ne dispense pas la jeune fille du quatrième commandement, pas plus qu’il ne soustrait la femme mariée de la tutelle de son époux. Si le fait de gagner de l’argent permet d’aider matériellement, ce ne doit jamais être au détriment de l’ordre moral qu’il faut sauvegarder avant tout.

Dans le Paradis terrestre, l’ancienne Eve tombe parce qu’elle croit à la parole du démon qui lui promet : « Tu seras comme Dieu ! »

Dans le monde d’aujourd’hui (le Paradis terrestre n’a pas été reconstitué) la moderne Eve tombe parce qu’elle croit à cette autre promesse, un peu modifiée, du même démon jaloux : « Tu seras comme l’homme ! »

Dans le Paradis terrestre de l’Église, l’Eve catholique entend la voix qui ne trompe pas : « Tu seras heureuse seulement quand tu auras le courage d’être pleinement TOI-MÊME. »

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Source : Émile DUSSAULT (ptre), « Causerie de la semaine : La femme et le travail de bureau », dans Semaine religieuse de Québec, Vol. 47, 20 juin, No 42, (1934-35) : 660-663.

 
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