Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juillet 2013

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Dollard des Ormeaux

 

DOLLARD ou Daulac (Adam), sieur Des Ormeaux (1635-60), soldat ou sous-officier des armées du roi, commandant de la garni­son, héros du Long-Saut. - Ormeaux, bourg actuel d'environ 250 âmes, en Seine-et-Marne.

Parmi les colons que recruta, en 1657, M. de Maisonneuve, se trouva Adam Dollard, « retiré du service actif à la suite de diffi­cultés survenues dans son régiment ». Il était âgé de 22 ans. Le 18 novembre 1657, il si­gnait à Ville-Marie un acte notarié. En 1658, il est qualifié de « volontaire »; puis « com­mandant » et parfois de « simple officier». Son état de fortune était quoté à 85 livres et 20 sous. Le 4 octobre 1658, il est parrain de la fille de Lambert Closse. Ayant reçu un ter­rain situé à l'est de l'île, Dollard se mit en société avec M. Picoté de Belestre, en 1659, en vue d'en assurer plus vite le défrichement et la culture : à son décès, son associé, qui lui avait fait quelques avances, entra en pos­session de sa part.

Au printemps de 1660, l'on connut le des­sein des Cantons Iroquois, décidés à extermi­ner les colons par une attaque générale et simultanée. De son côté, le jeune Des Or­meaux forme le hardi projet de marcher au-devant des assaillants avec une troupe de braves volontaires : M. de Maisonneuve l'ap­prouve et lui promet les armes nécessaires, ainsi qu'à ses compagnons. Munis des sacre­ments, tous formulent ce serment : « Je jure de combattre jusqu'à la mort et de ne jamais reculer devant l'ennemi.» Ensuite, devant le notaire Bénigne Basset, ils signent leur tes­tament respectif : « Désirant aller en parti de guerre avec le sieur Dollard Des Ormeaux..., j'institue — en cas que je vienne à mourir dans cette expédition — un tel     héritier de tous mes biens, à la charge de faire célébrer, à Ville-Marie, quatre grand'messes pour le repos de mon âme. »

 

Le lendemain, 19 avril, la troupe monte en canots. A la hauteur de l'île Saint-Paul (Ile-des-Soeurs), elle rencontre un parti d'Iro­quois. On leur fait la chasse; mais ils ga­gnent la rive et les bois, après avoir essuyé une décharge :Nicolas Duval est tué; leur canot ayant chaviré, Mathurin Soulard et Blaise Tuillé se noyent. On ramène leurs corps à Ville-Marie pour la sépulture. Trois autres les remplacent sur-le-champ. Ayant franchi le lac Saint-Louis, les glaces les arrêtent, huit jours, aux rapides de Sainte-Anne; puis, ils traversent le lac des Deux-Montagnes et, le 1er  mai, atteignent le pied du Long-Saut : sur la colline, à deux cents pas, se dresse un fortin entouré de pieux que l'on s'empressa de fortifier par des abatis d'arbres. Un chef algonquin, Mitiwenney, avec trois des siens et un chef huron, Anahotaha, avec 36 guerriers venant des Trois-Rivières, vinrent se joindre aux Français. Après quelques jours, paraissent des éclaireurs iroquois, dont trois échappent à la fusillade et vont avertir une armée de 300 Onnontagués. Ceux-ci se pré­sentent à l'attaque, le lendemain, surprenant leurs ennemis sur le bord de la rivière et les forcent à rentrer au fort sans leurs ustensiles de cuisine. Aussitôt Dollard ordonne de prier « en français, en Algonquin, en Huron ». Les Iroquois perdent plusieurs des leurs, les as­siégés, pas un seul homme; même résultat à la deuxième attaque; à la troisième, Dollard a garni les pieux des têtes de chefs tombés dans les assauts. Voyant leurs efforts inuti­les, les assiégeants envoyèrent des messagers avertir 300 des leurs, qui les attendaient sur le Richelieu; puis, ils empêchèrent les Fran­çais d'aller chercher de l'eau à la rivière et ils supplièrent les Hurons de sauver leur vie en désertant le fort : ces fuyards donnèrent avis du petit nombre des défenseurs : 22 seulement.

A l'arrivée des combattants de Richelieu, les cris de guerre et de mort retentissent : ce furent trois jours de carnage. Dollard char­gea un gros mousquet, l'arma d'une fusée, mais une branche le relança des pieux dans le fort, où il éclata en tuant plusieurs Fran­çais : l'ennemi envahit l'enceinte et acheva le massacre des braves du Long-Saut. Puis il renonça à l'attaque contre Ville-Marie et les autres places de la colonie. Le 3 juin, trois Hurons échappés des mains des Iroquois et s'étant parjurés firent le récit de tout ce qui précède. Le registre de Ville-Marie .a con­signé le nom des victimes de ce fait d'armes héroïque :

 

Le 3 juin 1660. Nous avons reçu nouvel­les par un Huron, qui s'était sauvé des Iro­quois, qui l'avaient fait prisonnier dans un combat, huit jours auparavant, contre 800 Iroquois, et dix-sept Français de cette habi­tation et 4 Algonquins et environ 40 Hurons, que 13 de nos Français avaient été tués sur place et 4 emmenés prisonniers, lesquels nous avons depuis appris, par 4 Hurons qui se sont sauvés, avoir été cruellement brûlés par les Iroquois en leur pays. Or les noms des dits Français morts étaient :

Adam Daulac, commandant, âgé de 29 ans;

Jacques Brassier, 29 ans.

Jean Tavernier dit Lalochetière, armurier, 28 ans;

Nicolas Tillement, serrurier, 25 ans;

Laurent Hébert dit Larivière, 27 ans;

Alonice de Lestre, chaufournier, 31 ans;

Nicolas Josselin, 29 ans;

Robert Jurie, 24 ans. Nous avons appris qu'il s'est sauvé par les Hollandais et re­tourné en France;

Jacques Boisseau, 23 ans;

Louis Martin, 21 ans;

 

Christophe Auger dit Desjardins, 26 ans;

Etienne Robin dit Desforges, 27 ans;

Jean Valets, 27 ans;

René Doucin, 30 ans;

Jean Lecompte, 26 ans;

Simon Grevet, 25 ans;

François Crusson dit Pilote, 24 ans.»

 

L'inventaire et la vente des biens d'Adam Dollard se firent à Ville-Marie, le 13 octobre 1661.

Bibl. — P. Rousseau, P. S. S., Hist. de la vie de Paul de Chomedey, Montréal, 1886; R. G. Thwaites, The Jes. Rel., tabl. gén.; E. Z. Massicotte, Can. Antiq. et Mém. S. R. C., 1912 et 1913; Bull. des Rech. hist., tabl. gén., 1925; J.-D. Tourigny, Fêtes patriot., Montréal, 1920.

 

 

[Autour de la personne de Dollard, il y eut, pendant longtemps, de longues controverses. Personnage mythique, ayant longtemps servi la cause nationaliste par sa résistance aux forces assiégeant la nation – donc un héros pour la génération des nationalistes ultramontains – Dollard fut aussi récupéré par les autorités fédérales qui voulaient stimuler l’ardeur guerrière des Canadiens français lors des deux grandes guerres mondiales du XXe siècle... Pour en savoir plus, cliquer sur Études et commentaires sur Dollard des Ormeaux]

 

Source: Louis LEJEUNE, Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 517-518. 

Le lecteur est invité à lire le texte d’introduction et la mise-en-garde de l’éditeur de l’encyclopédie de l’histoire du Québec.

 

 

 

 
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