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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Forces hydrauliques
[Cet article a été écrit dans les années vingt du dernier siècle. Pour des considérations plus récentes, voir les études suggérées à la fin du texte.]
FORCES HYDRAULIQUES, néologisme qui sert à désigner le pouvoir moteur de turbines, installées sur des chutes d'eau naturelles ou des barrages artificiels. — On les appelle aussi houille blanche.
Ces forces comptent parmi les principales ressources du Canada. L'on estime que la superficie des lacs est de 142.923 milles carrés — plus que l'étendue de la Grande-Bretagne — : aucun autre pays n'ayant d'aussi grandes nappes d'eau douce. Comme plusieurs de ces lacs sont à une altitude assez élevée, les cours d'eau développent des forces hydrauliques considérables dans leur descente vers la mer. Dans l'ensemble, le Canada a 18 millions et quart de chevaux-vapeur anglais — et non métriques — aux eaux basses; mais durant six mois, il en a au moins 32 millions; et des réservoirs artificiels, régularisant l'écoulement, portent cette capacité à 41 millions. La moitié de cette captation s'est réalisée dans les dernières années (1914-27); bien que, depuis longtemps, les petits cours d'eau aient partout fourni la force motrice nécessaire aux minoteries, aux moulins à foulon, de tissage, etc., indispensables à l'existence des pionniers.
L'immense importance économique de la houille blanche comme source de force motrice s'impose plus urgente, quand on sait que les principaux dépôts carbonifères sont aux deux extrémités du pays : ni Québec, ni l'Ontario n'ont aucune houillère, bien que comptant 60 % de la population et 80 % des manufactures de tout le Canada. L'industrie du papier et de la pulpe, qui exige un énorme pouvoir moteur, s'est développée dans ces deux Provinces [sic]. En 1925, les usines centrales électriques ont engendré plus de dix billions de kilowatt-heures : soit l'équivalent de 20 millions de tonnes de charbon ou deux fois l'importation annuelle.
Les grandes exploitations hydroélectriques ont été en fonction des améliorations apportées à la transmission de l'électricité à longue distance vers 1900 : alors le Canada ne développait que 170.000 ch.-v.; en 1900, il possédait 450.000 ch.-v.; en 1910, 975.000 et en 1915, 2.100.000; en 1926, 4.556.000 ch.-v. Le capital engagé dans les usines électriques en 1925, était de 726 millions, près du double de celui de 1917.
On a consigné la géographie suivante des exploitations : Prince-Edouard : 7 rivières exploitées; N.-E., 15 et un lac; N.-B., 11; dans ces Provinces les chutes grandioses sont rares.
Québec : 49 rivières : sur le Saint-Laurent, à Saint-Timothée : 76.000 ch.-v.; aux Cèdres, 200.000; à Soulanges : 30.000; à Lachine 130.000; sur le Richelieu, à Chambly : 30.000; sur la Gatineau : Chelsea : 110.000; Paugan 100.000; sur l'Ottawa, à Calumet : 67.000; aux Chaudières : 50.000; à Carillon, 250.000; sur le Saint-Maurice, à Shawinigan : 300.000; à Grand-Mère : 180.000; à la Gabelle : 120.000; à Les Grés : 100.000; sur le Saguenay, à Grande-Décharge : 320.000.
Ontario : la variété égale celle de Québec : plus de cinquante rivières exploitées, et les installations ne surpassent guère celles de Québec. Deux sont gigantesques : Niagara et Queenstown atteignent chacune 600.000 ch.-v.
Manitoba : la rivière Minnedosa fournit 1.000 ch.-v.; celle de Winnipeg, à Pointe-du-Bois : 82.000; à Pinawa : 38.000; aux Grandes-Chutes : 168.000 ch.-v.
Alberta : seule la rivière Bow a été exploitée; à Kananaskis : 11.600 ch.-v.; au Fer-à-Cheval : 20.000; à Banff, 1.000 ch.-v.
Colombie : la force est empruntée à quatre lacs et à 17 rivières : à Powell : 24.000; à Buntzen; 84.000; à Stave : 75.000; à Jordan : 35.000 ch.-v.
Yukon : toute l'énergie utilisée vient de la rivière Klondyke à 26 milles de Dawson.
Quant à la quantité exploitée, la répartition par Province est établie approximativement comme il suit : Ontario : 1.445.480 ch.-v.; Québec, 1.116.398; Colombie 355.517; Manitoba : 162.025; N.-E. 54.950; N.-B. : 44.539; Alberta: 33.067; Yukon : 13.199; Prince-Edouard : 2.234.
Les principaux usages des forces hydrauliques sont : l'éclairage, le pouvoir moteur, l'industrie chimique et mécanique, l'industrie du papier.
a) L'industrie de la pulpe et du papier emploie 726.375 ch.-v. dont 288.755 achetés à d'autres Compagnies, le reste produit immédiatement pour cette industrie. C'est la force hydraulique à bon marché qui a permis l'extension, car il faut environ 100 ch.-v. par tonne de papier par jour. Des 726.375 ch.-v., il en provient 287.667 de machines directement rattachées à des turbines; pour le reste, il y a transformation en électricité. Par ordre d'importance, les Provinces qui utilisent sont les suivantes : Québec : 56 moulins à 368.352 ch.-v.; Ontario : 46 moulins à 271.174; Colombie : 5 moulins à 55.140; N.-E.: 10 moulins à 17.331 ; N.-B. : 4 moulins à 14.378 ch.-v.
b) Le pouvoir mécanique ou moteur prend une énorme quantité d'énergie : dans la plupart des villes, les tramways sont mus par l'électricité, et aussi les machines des mines et des usines.
c) La métallurgie fait de plus en plus usage de l'électricité provenant des forces hydrauliques : à lui seul, l'aluminium prend 150.000 ch.-v.; il en est ainsi des fours pour acier, des raffineries de nickel, de cuivre, de plomb, de zinc.
d) L'industrie chimique, ses produits et d'autres qui s'en rapprochent, exigent un total d'environ 100.000 ch.-v.
La législation concernant les forces hydrauliques règle leur captation et leurs usages : elle est fort compliquée dans les détails, car les forces relèvent soit du fédéral, soit du provincial.
Dans l'ensemble, elle se réduit à quelques principes : surveiller spécialement la captation des générateurs importants; s'assurer de l'honnêteté, de la compétence, du dessein de l'acquéreur; connaître exactement la valeur des forces convoitées; urger l'exécution d'un permis une fois concédé; veiller au paiement de la taxe au gouvernement. Dans l'exploitation : ne pas nuire à la navigation, ni au passage des billots, ni à une irrigation nécessaire, ni aux installations situées en amont ou en aval; perfectionner les moyens d'utilisation. Pour la plupart des cas, la force n'est octroyée que pour un temps déterminé : le terme expiré, la force revient au gouvernement, qui reste libre d'en renouveler le bail.
Bibl. - Can, and Prov., Index, Toronto, 1917; Jubilé de la Confédér., Ottawa, 1927; P. Fontanel, S. J. _ Ecol. Soc. Pop., Les Forces hydrauliques, N. 128, Montréal, 1926; Olivier Lefebvre, Les Forces hydr., Revue trim., ib., juin 1926; Annuaire du Can., Ottawa, 1929.
[Pour poursuivre les recherches sur l’hydroélectricité, particulièrement sur les ressources hydroélectriques du Québec, on consultera les sources suivantes :
Aménagements hydroélectriques par régions et versants hydrauliques au Québec
ARMSTRONG, Christopher and H. V. NELLES, « Contrasting Development of the Hydro-Electric Industry in the Montreal and Toronto Regions, 1900-1930 », dans Journal of Canadian Studies, Vol. 18, No 1, 1983, pp. 5-27.
BELLAVANCE, Claude, « L'État, la « houle blanche » et le grand capital. L'aliénation des ressources hydrauliques du domaine public québécois au début du XXe siècle », dans Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 51, No 4, 1998, pp. 487-520.
BELLAVANCE, Claude, Roger LEVASSEUR et Yvon ROUSSEAU, « De la lutte antimonopoliste à la promotion de la grande entreprise. L'essor de deux institutions : Hydro-Québec et Desjardins, 1920-1965 », dans Recherches sociographiques, Vol. 40, No 3, 1999, pp. 551-578.
BELLAVANCE, Claude, Shawinigan Water and Power, 1898-1963 : formation et déclin d’un groupe industriel au Québec, Montréal, Boréal, 1994, 446p. On trouvera une recension de cet ouvrage par Christopher ARMSTRONG, dans la Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 49, No 1, 1995, pp. 87-89.
BELLAVANCE, Claude, «Un long mouvement d'appropriation: de la première à la seconde nationalisation», dans Yves Bélanger et Robert Comeau, dir., Hydro-Québec, autres temps, autres défis, Québec, Presses de l'Université du Québec, 1995, pp. 71-78;
Carte des ressources hydro-électriques du Canada
DALES, John, Hydro-Electricity and lndustrial Development, Québec 1898-1940, Harvard University Press, Cambridge, 1957, 269p. [le classique sur l’histoire du développement hydroélectrique au Québec]
DUPRÉ, Ruth, Patrick JOLY et Michel PATRY, « The Politics and Regulation of Hydroelectricity : The Case of Quebec in the Thirties », dans Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organizations (CIRANO), Montréal, 1996, 37p.
EVENDEN, Matthew, « La mobilisation des rivières et du fleuve pendant la Seconde Guerre mondiale : Québec et l'hydroélectricité, 1939-1945 », dans Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 60, No 1-2, 2006, pp. 125-162.
FAUCHER, Albert, « La question de l’électricité au Québec dans les années trente », dans Actualité économique, Vol. 68, No 3, 1992, pp. 415-432.
HOGUE, Clarence, André BOLDUC et Daniel LAROUCHE, Québec, un siècle d’électricité, Montréal, éditions Libre Expression, 1979, 415p. On trouvera une recension de cet ouvrage par Pierre LANTHIER dans la Revue d’histoire de l’Amérique française, Vol. 34, No 3, 1980, pp. 454-457.
La nationalisation de l’électricité au Québec. Article de Wikipedia qui est particulièrement bien informé. Il en est de même pour l’histoire de l’électricité au Québec dans la même encyclopédie. Ce dernier texte est aussi disponible en anglais sous le titre de History of Hydro-Quebec. L’encyclopédie Wikipedia a aussi quelques textes sur les différentes compagnies privées avant leur nationalisation : Montreal Light, Heat and Power, Shawinigan Water and Power Company, Compagnie de pouvoir du Bas-Saint-Laurent, Beauharnois Light and Power.
L’histoire de l’électricité au Québec – site de l’Hydro-Québec : cette histoire est divisée en différentes périodes :
PELLETIER, Jean-Marie, Ghislain MICHAUD et Jacques LAVOIE, « La petite histoire de l’électricité dans le Bas-Saint-Laurent. Le résultat d’une volonté sans concession », dans Revue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, Vol. 3, No 2, novembre 1976, pp. 3-10.
TREMBLAY, Yves, « Le monde rural et l’électricité », dans Revue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, Vol. 17, No 1, janvier 1994, pp. 25-29.]
Source: Louis LEJEUNE, Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 635-636.
Le lecteur est invité à lire le texte d’introduction et la mise-en-garde de l’éditeur de l’encyclopédie de l’histoire du Québec.
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© 2004
Claude Bélanger, Marianopolis College |