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Documents in Quebec History

 

Last revised:
19 February 2001


Documents sur l’affaire Yves Michaud / Documents on the Yves Michaud Affair

Le salissage

L'affaire Michaud a ouvert de nouveau les valves d'une machine à dénigrement du nationalisme et du souverainisme québécois, une machine qui ne cherche que les occasions de salir ceux qui pensent qu'existe ici une nation politique distincte, capable d'assumer son destin. Il ne faut pas laisser ces dénigreurs devenir les seuls interprètes de ces mouvements qui ont contribué à faire le Québec moderne.

Quelques jours avant Noël, l'affaire Michaud a donné lieu aux amalgames habituels et au dénigrement systématique du nationalisme québécois qui est, bien sûr, aux yeux des grands prêtres torontois et de leurs suiveurs montréalais, un nationalisme «ethnique» indécrottable, malsain et, en plus, s'inscrivant dans un courant de droite, voire d'extrême droite. Allons donc!

Les nationalistes du Québec, a écrit un chroniqueur du Winnipeg Sun, forment «un troupeau de francophones fous» qui «aiment les bruits de bottes». Il y a «du racisme à la base de l'engagement des militants du Parti québécois», ajoute-t-il. Pour The Globe and Mail, lorsque les Québécois disent «nous», ils ne parlent que des «pure-laine francophones». Et quoi que fassent les séparatistes pour prendre leurs distances de ce «nationalisme ethnique», «l'essence du mouvement demeure la même», ajoute l'éditorialiste.

En d'autres termes, les propos de Jacques Parizeau sur les votes ethniques ont beau avoir été dénoncés par tous, ceux de M. Michaud ont beau lui avoir valu d'être mis au ban par l'Assemblée nationale, le PQ peut bien ne pas vouloir renforcer la loi 101 et ce dans le but de protéger les droits des Anglo-Québécois (les propositions du même Michaud en faveur d'un renforcement de la loi 101 ayant été battues deux fois lors des deux derniers congrès pléniers du parti), le gouvernement québécois peut bien subventionner des écoles juives aussi bien que la construction de mosquées, bref peu importe, tout cela serait de la frime.

Les Québécois qui défendent leur nation ou qui prônent la création d'un État souverain pour cette nation, ne peuvent pas se définir eux-mêmes. Quoi qu'ils disent, les traducteurs de Toronto vont toujours les dépeindre comme des racistes finis.

Non seulement ils sont des racistes finis qui carburent à «l'appel du sang», mais les souverainistes seraient «vieillissants», ce qui veut dire qu'ils ne comprennent pas le monde moderne. Ils sont d'ailleurs «terrorisés par la mondialisation», écrit un éditorialiste de Montréal, même si Parizeau dit le contraire et que Bernard Landry fut l'un des premiers apôtres du libre-échange continental.

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En cette page, la semaine dernière, nous avons encouragé les péquistes à crever cet abcès des votes ethniques. Nous ne reviendrons jamais sur cette opinion. On ne peut pas insinuer dans une démocratie que les votes des uns sont moins démocratiques ou plus malsains que ceux des autres.

L'amalgame idéologique qui s'étale dans les pages éditoriales des gazettes qui défendent le fédéralisme canadien, n'en est pas moins imbuvable. En fait, tout ce que ces éditorialistes et chroniqueurs ont reproché à Yves Michaud lorsque ce dernier a parlé des Juifs, ils le pratiquent à leur tour en prêtant à l'ensemble des nationalistes et des souverainistes québécois, ce qui commence à faire beaucoup de monde, des sentiments xénophobes, rétrogrades, racistes et malsains.

Bien sûr que le nationalisme et le souverainisme québécois ont des racines culturelles. Pour ceux qui ne l'auraient pas encore remarqué, il existe au Québec une population très majoritairement de langue française qui forme cependant une minorité de moins de 2 % de la population nord-américaine. Est-il permis à ce groupe-là de vouloir se perpétuer, protéger sa langue et, surtout, se gouverner lui-même? Bien sûr que cela lui est permis, parce qu'il le fait dans le respect de la démocratie et des droits individuels.

Loin d'être un mouvement de repli sur soi, le nationalisme québécois a été l'un des moteurs de la Révolution tranquille et du passage du Québec dans la modernité. Le néonationalisme des années 1960 a au contraire conduit les Québécois francophones à prendre le contrôle (dans la mesure du possible) de l'économie du Québec et à l'inscrire dans celle du monde.

* * *

Le mouvement souverainiste est lui aussi le contraire du repli sur une communauté ethnique sécurisante. D'ailleurs, comme l'a relevé le sociologue Maurice Pinard (qui oeuvre au sein du Conseil pour l'unité canadienne), les griefs des francophones québécois à l'égard des Canadiens anglais n'ont pas augmenté et ont même légèrement diminué depuis 1960, tandis que l'appui à la souveraineté, lui, n'a cessé de croître.

Comme l'a écrit le philosophe Alain Finkielkraut, la montée du mouvement indépendantiste au Québec «coïncide avec la disparition du mode de vie patriarcal, rural et clérical» qui caractérisait le Québec. C'est «au moment où ils adhérèrent sans réticence aux valeurs modernes et libérales de leurs concitoyens anglophones» que les Québécois deviennent plus nombreux à vouloir un pays séparé.

C'est que les motivations des nouveaux souverainistes relèvent autant sinon plus d'une aspiration démocratique, celle de se gouverner soi-même chez soi (le soi-même incluant tous ceux, de toutes origines, qui vivent au Québec), dans un état de droit démocratique et pluraliste, que de la conscience de former un peuple distinct.

La difficulté des souverainistes est d'expliquer le passage entre l'origine culturelle de leur mouvement et le caractère éminemment civique du projet qui est le leur.

Parmi les lieux communs ressassés récemment, il y a celui voulant que Michaud représente un courant de contestation au sein du PQ, formé de militants impatients qui pressent M. Bouchard de tenir un référendum. Or, les plus impatients d'entre eux ont formé le Rassemblement pour l'indépendance du Québec (RIQ). Le premier article de leur manifeste se lit comme suit: «Les Québécois, de toutes origines, forment une nation politique. Ses assises sont: 1) une éthique politique basée sur le respect des droits humains, l'égalité de tous et la démocratie; 2) le français pour langue publique commune; et 3) un rapport à une histoire partagée. [...] Le RIQ entend promouvoir un État de droit fondé sur la primauté des droits individuels, la liberté d'opinion et d'association, la valorisation des droits sociaux et culturels, la tolérance et le respect des minorités, de la diversité et des engagements du Québec en ces domaines.»

Ne sommes-nous pas loin des appels du sang?

Source: Michel Venne, Le Devoir, 28 décembre 2000