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Last
revised: 23 August 2000 | Tentative
de créer un Ministère de l'Instruction publique / Attempt to create a Ministry
of Education, 1897-1898
Discours
de Thomas Chapais au Conseil législatif [10 janvier 1898] [
] C'est
dans la suppression du Surintendant, dit-il, et dans son remplacement par un ministre
que se trouve le coup fatal porté aux pouvoirs, à la dignité, à l'importance du
Conseil de l'Instruction publique. Et pourquoi cela ? Pour la raison bien simple
que l'article 1886 de la loi actuelle déclare que « dans l'exercice de ses attributions,
le Surintendant doit se conformer aux instructions qui lui sont données par le
Conseil de l'Instruction publique ou les comités catholique et protestant suivant
le cas » et que les articles 32 et 33 du nouveau bill, qui substituent un ministre
au Surintendant, ne reproduisent pas, naturellement, cette disposition. C'est-à-dire
que, sous la loi telle qu'elle existe maintenant, c'est bien le Surintendant qui
est le pouvoir exécutif et administratif en matière d'éducation, c'est bien lui
qui est le chef du département, mais sous le contrôle et la direction du Conseil.
Actuellement, dans une large mesure, c'est donc le Conseil qui est le corps souverain.
Supprimez cette clause 1886, mettez à la place du Surintendant un ministre qui,
naturellement, je le répète, n'est pas et ne peut pas être soumis à la direction
d'un corps quelconque, et la situation du Conseil de prépondérante devient secondaire,
son influence d'indiscutable devient problématique, son autorité au lieu d'être
une autorité légale devient un simulacre et une chimère [...] Qu'on
ne vienne plus nous dire après cela : le Conseil conserve ses attributions; il
garde tel privilège, il reste avec tel pouvoir, il a le droit de faire tel règlement;
nous ne lui enlevons rien. Non, vous ne lui enlevez presque rien, vraiment ! Vous
ne lui enlevez que sa suprématie et sa juridiction, générale. Bagatelle ! sans
doute. Il était un pouvoir, vous en faites un rouage; il était le principal, vous
en faites l'accessoire. Il était le supérieur, vous en faites l'inférieur. Il
était un corps presque souverain, vous en faites un petit bureau de discipline
! ... Du moment que vous mettez un ministre à la tête du département de l'instruction
publique, ce ministre sera le maître. Et le Conseil tombera au rang de subalterne. [Note
de l'éditeur : Chapais s'en prend ensuite à la loi puisqu'elle tranferre les
questions du choix des inspecteurs d'écoles et des manuels de classe du Conseil
au Ministre.] Ne faisons
pas cette injure au Conseil de l'instruction publique qui ne l'a pas méritée.
Ne bouleversons pas un système qui a donné des résultats absolument satisfaisants
depuis vingt ans. Ne transformons pas les évêques membres ex officio de ce Conseil,
en subalternes d'un politicien; n'amoindrissons pas leur prestige et leur autorité.
Et par-dessus tout, fermons à la politique la porte du temple de l'éducation. Ah
! la politique, cette politique de parti qui est inhérente à notre système de
gouvernement parlementaire, mais qui nous a fait tant de mal, qui a sali tant
de choses augustes et compromis tant de choses saintes, ne lui laissons pas mettre
la main sur cette arche sacrée qui porte dans ses flancs les destinées de notre
peuple et l'avenir de notre race. Non, non, l'éducation populaire et la politique
ne doivent pas vivre sous le même toit. La politique, c'est la discorde, l'éducation,
c'est l'harmonie; la politique, c'est l'ambition, l'éducation, c'est le dévouement;
la politique, c'est trop souvent la haine, l'éducation, c'est la fraternité et
l'amour; la politique habite un zône fertile en tourmentes et en naufrages, l'éducation
doit planer toujours dans les sphères plus pures et plus sereines [...] Nous
avons une responsabilité constitutionelle comme chambre modératrice et pondératrice.
Et nous avons aussi une responsabilité plus haute que celle qui est consignée
sur les feuillets d'un statut. Nous sommes responsables, envers Dieu et notre
pays, de l'exercice du pouvoir de révision parlementaire dont nous sommes investis.
Ce pouvoir, Messieurs, je vous demande, je vous conjure, encore une fois, de l'exercer
en donnant le coup de mort à ce bill néfaste, dont l'inspiration est mauvaise
et dont les effets seraient désastreux. Et pour atteindre ce résultat, j'ai l'honneur
de proposer que ce bill ne soit pas lu une deuxième fois maintenant, mais dans
six mois. [Note de
l'éditeur : Personnage important, à plusieurs
titres, de l'histoire québécoise, Thomas Chapais [1858-1946] était le meneur de
la phalange conservatrice du Conseil législatif du Québec. Chapais est l'auteur
de plusieurs ouvrages d'histoire dont un énorme Cours d'histoire du Canada
: 1760-1867 [8 volumes, 1919-1933] marqué par le conservatisme social, le
loyalisme à la Couronne britannique et la dévotion à l'Eglise catholique. A l'époque,
on aimait le comparer à l'abbé Groulx, historien, disait-on, émotif et manquant
d'objectivité, alors que Chapais était plein de sérénité et près de ses sources.
Chapais fut un leader ultramontain et un rédacteur au Courrier du Canada entre
1884 et 1901. De 1892 jusqu'à sa mort, il siégea au Conseil législatif du Québec.
De plus, il fut nommé au Sénat du Canada en 1919. Peu se souviennent qu'il fut
ministre dans le premier gouvernement de Duplessis de 1936 à 1939.] Source:
Louis-Philippe Audet, « Le projet de ministère de l'instruction publique en 1897
», dans Mémoires de la société royale du Canada, Vol. 1, quatrième série,
juin 1963, pp. 133-161, pp. 158-159. ©
2000 Claude Bélanger, Marianopolis College |