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Last
revised: 23 August 2000 | Tentative
de créer un Ministère de l'Instruction publique / Attempt to create a Ministry
of Education, 1897-1898
Lettre
des archevêques de la Province de Québec à Félix-Gabriel Marchand Montréal,
le 5 janvier 1898 L'HONORABLE
M. MARCHAND, Premier ministre de la province de Québec, MONSIEUR
LE PREMIER MINISTRE, II
vous souvient, sans doute, que, lors de la réunion du Conseil de l'Instruction
Publique en septembre dernier, nous nous sommes entretenus, à l'archevêché du
Québec, avec vous et deux de vos honorables collègues, d'un projet de loi que
vous méditiez relativement à l'éducation dans notre province. Vous nous avez demandé
alors quelles améliorations pourraient, selon nous, être faites à notre système
scolaire, et nous vous avons signalé celles que nous croyions être les plus opportunes
et les plus désirables; chacune d'elles exigeaient [sic], pour être mises à exécution,
des ressources pécunières que le gouvernement seul pouvait octroyer au Conseil. Depuis
cet entretien, le projet de loi qui n'avait alors absolument rien de défini, est
devenu une réalité. Nous avions manifesté le désir qu'il nous fût communiqué un
peu à l'avance afin de pouvoir l'étudier avec l'attention que réclame une question
aussi importante; malheureusement, nous ne l'avons connu que tout récemment et
en même temps que le public. Et voilà qu'il a déjà subi sa deuxième lecture devant
l'Assemblée Législative. Nous
ne pouvons vous dissimuler que, si ce projet de loi est définitivement adopté,
nous en serons profondément chagrins. Notre système scolaire, avec son Comité
catholique, composé des évêques et d'un égal nombre de laïques et indépendant
des fluctuations et des passions politiques, était considéré à Rome presque comme
l'idéal de la perfection dans un pays mixte comme le nôtre. La minorité protestante,
avec son Comité particulier, ne pouvait que se féliciter de voir ses droits respectés,
et elle n'a jamais cessé de se déclarer satisfaite.
Le projet de loi, actuellement devant les Chambres
porte, quoiqu'on en dise, une atteinte très grave à toute notre organisation scolaire.
Les questions si délicates et si difficiles
de l'éducation vont être jetées de nouveau dans l'ornière de la politique, d'où
l'on avait réussi à les retirer, il y a plus de vingt ans. Qui
oserait dire qu'un ministre de l'Instruction Publique ne sera pas, à chaque instant,
entravé dans l'exercice de ses fonctions par les mille liens que créent les partis
? A qui fera-t-on croire qu'il sera plus indépendant et plus éclairé que le Conseil
actuel dans tout ce qui sera désormais de son ressort ? Qui pourraient soutenir
que les intérêts religieux seront, dans l'avenir, plus efficacement protégés par
un homme politique que par une réunion d'hommes désintéressés et sincèrement dévoués
à l'Eglise et à la patrie ? Ne sera-t-il pas appelé souvent à se prononcer sur
des questions litigieuses, concernant le parti dont il est l'un des plus ardents
défenseurs, ou même le comté qu'il représente? Et qui ne voit de suite les graves
inconvénients qui peuvent résulter de cet état de choses ? Ce
projet de loi jette un voile sombre sur notre avenir; il ouvre la porte à une
foule d'abus, de misères, de conflits regrettables et pernicieux pour notre pays
et pour l'instruction de la jeunesse. Nous vous signalons un grave danger; nous
glissons sur une pente fatale. II
est de toute évidence que la cause sacrée de l'éducation ne retirera d'une pareille
loi aucun bénéfice quelconque. Ce n'est pas le ministre qui réussira plus que
le conseil, à faire apprendre à tous les enfants des villes et des campagnes la
lecture, l'écriture, le calcul, le catéchisme, la grammaire, l'histoire et la
géographie, ni aucune autre des matières de l'enseignement. Ce n'est pas lui qui
fera assister les enfants plus régulièrement et plus longtemps à l'école. Ce n'est
pas lui qui donnera la formation pédagogique nécessaire à nos instituteurs et
à nos institutrices. Que sera-t-il en état de faire que le Conseil ne puisse faire
lui-même ? On demande
des réformes et du progrès, et nous allons certainement rétrograder. Telle
est notre manière de voir sur cette importante question : c'est à nos législateurs,
et surtout à nos ministres, qu'il appartient d'éloigner le danger qui nous menace. Veuillez
agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de nos sentiments les plus
dévoués. J. THOMAS, Archev.
d'Ottawa. [Mgr Duhamel] L.N.
Arch. de Cyrène, adm. de Québec [Mgr Bégin] PAUL,
Arch. de Montréal. [Mgr Bruchési] [Note
de l'éditeur : Bien qu'il était archevêque
d'Ottawa, et donc hors de la Province de Québec, Mgr Duhamel a signé cette lettre
parce qu'une partie de sa province ecclésiastique incorporait la partie québécoise
de la Vallée de l'Outaouais. Il était donc considéré comme un archevêque « québécois
».] Source: Louis-Philippe
Audet, « Le projet de ministère de l'instruction publique en 1897 », dans Mémoires
de la société royale du Canada, Vo. 1, quatrième série, juin 1963, pp. 133-161,
pp. 155-156. © 2000 Claude
Bélanger, Marianopolis College |